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Covid-19 : Le devoir d’irrespect …Par Guillaume Berlat

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Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 23-03- 2020

« La critique est aisée mais l’art est difficile » (Philippe Néricault, de son nom de scène Destouches, 1732).

S’il convient de savoir raison garder afin de porter un jugement pondéré sur la gestion de la crise sanitaire d’une ampleur inconnue depuis bien longtemps, il ne saurait être question de rester coi2. En effet, le moins que l’on puisse dire est qu’entre l’imprévisible et l’impossible, il existe une marge. Ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir ? Aujourd’hui, ce serait plutôt gouverner, c’est subir. Souvenons-nous que l’épidémie de coronavirus a débuté à la fin de l’année 2019 en Chine de manière paroxystique et nous sommes aujourd’hui, trois mois après. Il serait malhonnête de prétendre qu’elle nous a pris par surprise en ce début de printemps 2020 tant en France qu’en Europe.

Nos dirigeants n’ont, semble-t-il, pas prise la mesure d’un tel tsunami sanitaire lorsqu’ils nous prodiguaient de bonnes paroles semblables à celles que leurs prédécesseurs nous assenaient après la crise de Tchernobyl (le nuage radioactif s’était arrêté à la frontière française !). L’État comme puissance d’anticipation, comme levier et ressourcerie pour les défis à venir n’existe plus3. Mais, s’il y a faute lourde indéniable de la « Grande nation », pour ne pas dire naufrage collectif de la France donneuse de leçons, il y également faillite collective qu’il s’agisse de l’Union européenne ou de la Chine.

Les mécanismes de régulation tels que la mondialisation et le multilatéralisme n’ont malheureusement pas rempli leurs fonctions. Il est vrai qu’ils sont en crise depuis belle lurette et que nos dirigeants détournent pudiquement le regard depuis longtemps déjà.

LA FRANCE : LE GRAND N’IMPORTE QUOI

Nos crânes d’œuf de Bercy (Jupiter rétif à l’autocritique qui décide de tout seul4 et le secrétaire général de l’Élysée) et du Conseil d’État (le premier sinistre et son directeur de cabinet), pour ne parler que d’eux5, se sont surpassés au cours des derniers jours. Discours à répétition traduisant un manque total d’anticipation6 et un état catastrophique d’impréparation face à une crise longue7. Avec la crise sanitaire du coronavirus, ils ont dépassé les bornes. Ils mériteraient amplement de figurer sur le célèbre « mur des cons », cher au syndicat de la magistrature. Pour filer la métaphore à la manière de Michel Audiard : « les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait ». Outre frôler le pathétique et le ridicule, nous sommes dans l’amateurisme le plus primaire8. Nous ne le répéterons jamais assez, la gestion de cette crise par la République en masque (mais les masques sont tombés9), c’est avant tout « l’histoire désolante d’un fiasco politique » (on demande aux personnes âgées de rester chez elles tout en leur ordonnant d’aller voter pour le premier tour des élections municipales)10, sans parler d’un fiasco sanitaire (dans quel état se trouve l’hôpital public ? Où sont les masques ?11) …. À l’instar d’autres domaines de l’action gouvernementale sous le règne de Jupiter, le président flou, la France apparaît comme le plus mauvais élève de la classe mondiale12. Pitoyable pour une Caste qui donne des leçons de morale et de savoir-faire à la terre entière13. Mais, heureusement, nous sommes en possession du rapport Thiriez sur la réforme de l’école nationale de l’arrogance (ENA).

Comment mieux résumer cette nouvelle « étrange défaite » que par l’adage Errare humanum est, perseverare diabolicum ! Que nous disait la délicieuse Agnès Buzyn, alors ministre des Solidarités et de la Santé, au début de l’année 2020 ? Elle estimait le risque d’importation « pratiquement nul » et « très faible » le risque de propagation. Bravo pour le médecin de formation qu’elle est … surtout lorsqu’elle avoue le 17 mars qu’elle aurait informé le président de la République et le Premier ministre de la gravité de la crise dès la fin du mois de janvier sans en tirer les conséquences qui s’imposaient14. À tout le moins, sa confession fait polémique15 et alimente le poison du soupçon16. Combien de responsables politiques, médiatiques et parfois médicaux nous avaient assuré qu’il ne fallait pas s’effrayer d’une « supergrippe », que jamais des mesures de confinement « à la chinoise » ne seraient envisagées chez nous, ou comme la stupide porte-parole du gouvernement que l’Italie était tout sauf un modèle dont il faudrait un jour s’inspirer ! 17 Jupiter allait au théâtre le 6 mars, le 12 mars, il changeait de pied, sans parler de ses autres causeries suivantes. Le 14 mars, nous avons droit aux pitreries d’Edouard Philippe. Lors de son intervention télévisée du 16 mars 202018, Emmanuel Macron parle d’une « guerre »19 et demande un « confinement » des Français en même temps qu’il annonce le report du second tour des élections municipales20. D’autres évoquent une « guérilla »21, le terme de guerre n’étant pas adapté22. Que d’aveugles et de sourds au plus haut sommet de l’État23. Ensuite, nous avons droit à « l’état d’urgence sanitaire ». Une sorte de concours Lépine des mauvaises idées entre dignitaires enfermés dans leurs obsessions narcissiques, dans leur irrésolution. Une grandiloquence qui tombe à plat quand le tragique déboule. La question est de savoir di le président est capable de protéger les Français24. On parle aujourd’hui d’un combat de longue haleine25 alors que les simulations sur la progression du virus sont inquiétantes pour la France. Quelle (r)évolution en moins de quelques jours !26 Toutes ces balivernes mériteraient d’être inscrites en lettres d’or dans le grand sottisier jupitérien27 et d’être rappelées, à chaque occasion, à ces arrogants doublés de perversité28. Certains ont déjà mis au point « Le petit Diconavirus »29. En France, l’amnésie a quelque chose de fascinant30. Il y aurait de quoi écrire un roman, à pleurer de rire, avec toutes les âneries qui nous sont servies à jet continu et que notre clergé médiatique s’abstient de relever face à de tels imbéciles de haut vol31. La crise du Covid-19, c’est le symptôme des graves insuffisances françaises32. La confusion du pouvoir révèle ses manquements33 ainsi que sur le mal français34. À tel point qu’un collectif de médecins porte plainte contre Edouard Philippe et Agnès Buzyn devant la Cour de justice de la République pour s’être s’abstenus de prendre des mesures à temps pour lutter contre l’épidémie de Covid 19.

Soulignons que tous nos présidents s’évertuent, avec une constance qui mérite louange, à transférer à Bruxelles de nouvelles compétences nationales !

L’EUROPE : LE GRAND ABSENT

En dépit de ce que nous ont asséné nos bons apôtres les fédérastes durant toute la campagne pour les élections européennes du printemps 2019, l’Union européenne est de plus en plus le problème et de moins en moins la solution aux immenses défis du XXIe siècle35. Avec la plus grande bienveillance, essayons un instant de trouver une problématique sur laquelle l’Europe des cabris a pris l’ascendant, a fait œuvre de créativité pour apporter des solutions concrètes à des problèmes concrets qui se posent aux citoyens européens ! Nous n’en trouvons aucune même en se creusant les méninges. Crise migratoire, on renvoie la patate chaude aux États36. Crise sanitaire, on renvoie la patate chaude aux États37. Crise économique et financière38, on renvoie la patate chaude aux États, exception faite d’une intervention massive de la BCE39. Crise dans la relation transatlantique, on renvoie la patate chaude aux États. Crise de la mondialisation, on joue les Ponce Pilate. Crise de la gouvernance, on accuse les souverainistes… Crise de Schengen, on la découvre40. La nouvelle présidente de la BCE, la française, la « Sarkogirl » de Nicolas Sarkozy, Christine Lagarde n’est pas à la hauteur de la situation41. « Christine Lagaffe a encore frappé »42. Finalement, la BCE adopte un plan d’urgence (rachat de titres pour 750 milliards d’euros). La liste des renoncements et des échecs de l’Union européenne au cours des derniers mois est impressionnante. Que de beaux discours, que de beaux communiqués de presse, que de belles photos de famille… Rien de plus. L’Europe privilégie le faire-savoir au savoir-faire. « Le confinement forcé met nos économies dans une situation semblable à celle d’une guerre », juge Mario Centeno, président de l’Eurogroupe, juste avant une vidéoconférence des Vingt-Sept ministres des Finances de l’Union européenne consacrée au coronavirus. Pour leur part, les ministres des Finances de l’Union européenne promettent, le 16 mars 2020, de « faire tout le nécessaire » pour répondre aux difficultés économiques engendrées par le coronavirus, sans recourir pour le moment au fonds de sauvetage de la zone euro (MES)43. Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent44.

Quand va-t-ton cesser de laisser ces incompétents jouer avec notre santé, notre économie, nos finances, notre avenir ?45 Quand demandera-t-on un audit indépendant et impartial sur le fonctionnement de ce machin dont les résultats risquent d’être plaisants à lire ? Ce n’est pas pour demain tant on préfère se voiler la face pour se masquer la réalité, la vérité surtout lorsqu’elle est désagréable à entendre. Quand va-t-on remettre en question la philosophie néo-libérale et libre-échangiste que les Britanniques nous ont laissée en souvenir de leur passage dans les rangs de la mauvaise troupe européenne ? Quand va-t-on mettre sur la table une grande période de « remue méninges » pour penser sans tabou l’Europe du XXIe siècle en respectant notre histoire, notre géographie, notre culture, nos traditions, nos États46, nos nations, nos peuples… (Cf. la conférence sur l’avenir de l’Europe) ? Il faudra attendre le 17 mars 2020 pour que l’Union européenne décide de fermer ses frontières extérieures alors qu’un à un et dans le plus grand désordre, chacun ferme ses frontières47. En Allemagne, en Espagne48 on appelle l’armée en renforts. Constatons qu’il s’agit de mesures nationales prises dans la plus grande précipitation et sans la moindre concertation préalable, l’inverse de la solidarité européenne dont on nous vantait encore il y a peu les immenses mérites49.

Une sorte de Berezina européenne50 qui tranche avec ce que fait la Chine autoritaire, manipulatrice et, aujourd’hui, donneuse de leçons après avoir courbé l’échine pendant quelques semaines dramatiques.

LA CHINE : LE GRAND MENSONGE

De la Chine et de sa responsabilité écrasante, il n’en est guère question dans les débats anxiogènes et incessants sur les chaînes d’abrutissement en continu sur la pandémie. Il est regrettable que nos bons samaritains ne prennent pas un malin plaisir à rappeler au jeune Xi Jinping la responsabilité lourde qu’il porte dans la diffusion incontrôlée du virus aux quatre coins de la planète et dans la sous-estimation de la gravité de la situation auprès de l’OMS à la fin de l’année 2019 et au début de l’année 2020. S’il avait pris les mesures qui s’imposaient dès le mois de novembre 2019 et n’avait pas sanctionné les médecins qui avaient donné l’alerte, il y a fort à parier qu’il n’y aurait pas aujourd’hui de pandémie. Pourquoi une telle prudence de gazelle alors que le principe devrait être celui du pollueur payeur ? L’Occident a-t-il déjà perdu la mémoire et a-t-il déjà absout l’Empire du Milieu pour ses nombreuses turpitudes alors qu’aujourd’hui l’on passe sous silence les « nouvelles routes de la soie » qui se sont transformées en « nouvelles routes du coronavirus ». De l’incohérence et de l’inconséquence de nos dirigeants qui ont la mémoire fluctuante et de certains de nos sinisants émérites qui s’interrogeaient, il y a deux ans encore, pour savoir si la Chine était une démocratie ou une dictature ?51 Avec la crise du coronavirus, nous avons une réponse claire à la question.

Et, les Chinois se paient aujourd’hui le luxe de nous administrer quelques sublimes leçons de gestion sanitaire alors qu’ils font payer à la terre entière leurs mensonges éhontés d’hier52. La diplomatie chinoise se convertit aux méthodes de Donald Trump. Elle attaque l’adversaire via des tweets agressifs, à grands renforts de points d’exclamation et en colportant des rumeurs pour faire diversion53. Le coronavirus aurait été colporté à Wuhan par des soldats américains ayant participé aux jeux militaires mondiaux. La meilleure défense est l’attaque54. Les Chinois poussent la plaisanterie jusqu’à réécrire l’histoire de l’épidémie à leur avantage55 sans que Jupiter ne hurle à la « fake news ». Et tout cela pour faire oublier la censure et la répression associée à la crise sanitaire56. Pourquoi nos droits de l’hommistes ne suggèrent-ils pas de traduire les dirigeants chinois devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crime contre l’humanité afin de leur rabattre le caquet et les rappeler à un minimum de décence dans ces moments difficiles ? Que nous proposent nos plus fins experts sur la Chine ? De ne pas suivre le modèle de gouvernance chinois face à l’épidémie de coronavirus !57 Or, justement, ils ont adopté une démarche organisée et coercitive qui semble porter ses fruits en termes purement sanitaires. Preuve en est que la Chine (deux organisations caritatives chinoises, ce qui ne manque pas de sel) va envoyer plus de 2 millions de masques de protection à l’Union européenne, alors que l’Europe est devenue l’épicentre de la pandémie de coronavirus, a annoncé le 18 mars 2020 la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Quelle bonté d’âme !

Le principal complice de la Chine, qui n’a pas de visage et donc pas de masque, est parfaitement identifié.

LA MONDIALISATION : LE GRAND COUPABLE

Or, il y a un responsable et coupable qui n’est pas ou peu convoqué devant le tribunal médiatique comme co-responsable de la propagation rapide de la pandémie. Il a pour nom mondialisation, globalisation, libre-échange échevelé que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) située à Genève à quelques encablures de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un heureux hasard mais ces fonctionnaires internationaux ne se parlent pas ou peu. Cette crise sanitaire inédite signe la faillite de l’idéologie mondialiste qui a tenté de faire croire aux gogos que l’on ne pourrait se passer sans risques des vertus de la division internationale du travail (fabriquer au moindre coût et accepter d’aliéner sa souveraineté), n’obéissant qu’aux lois classiques du libéralisme le plus débridé. Faillite que nous avons eu de cesse de stigmatiser au fil des années et des mois. Cette crise devrait ouvrir la voie à une sérieuse remise en cause d’un modèle idéologique dominant, celui de l’image bienfaitrice d’un monde uniformisé par les marchés, apuré de tout obstacle à la communication, une confiance sans limites aux vertus du libre-échange sans frontières58. Un mondialisme brutal, déraciné, sans âme. Quand le moment sera-t-il venu de de se pencher sur la question d’un réel souverainisme économique européen alors qu’il y a urgence ?59 Il s’agit d’un travail de Titan, s’agissant de réécrire la nouvelle grammaire des relations internationales du XXIe siècle à l’aune du monde tel qu’il existe et non d’un monde idéalisé, sorte de monde des bisounours où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui nous a conduit à la pandémie de coronavirus.

Se multipliant au des derniers mois, les manifestations de rejet de la mondialisation (elles ne sont plus seulement le fait d’altermondialistes agités) prennent différentes formes qui la rendent moins attractives dans un monde où la perception compte autant que la réalité. Les damnés de la mondialisation, qui sont de plus en plus nombreux au Nord et au Sud de la planète, ne souhaitent pas en devenir les idiots utiles. Ils déclinent à l’envi les travers de cette « mondialisation de l’indifférence » (Pape François). Tour à tour, et d’une manière générale, ils dénoncent « la mondialisation de la criminalité » particulièrement documentés par un expert dans trois de ses dimensions : crise de 2008, dérives du capitalisme et guerre financière ; la mondialisation des ravages écologiques, essentiellement dans les pays du Sud ; plus grave encore pour leur sécurité, la mondialisation du terrorisme … toutes choses qui débouchent sur la mondialisation du chaos. En un mot, la mondialisation ne fait plus rêver. Elle donnerait plutôt des cauchemars à ceux qui la subissent de plein fouet qu’à de doux rêves d’enfant. Le libéralisme débridé s’attaque aujourd’hui aux classes moyennes qui n’en peuvent mais60… si ce n’est se retourner vers les partis dits populistes. La mondialisation s’est faite sur leur dos61. En France, la « crise des gilets jaunes » en est en partie l’illustration. Les discussions autour des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne avec le Canada et les pays du Mercosur en fournissent une nouvelle illustration62. S’étonner des dérives de la mondialisation comme le fait le président de la République le 16 mars 2020 (« Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause ») relève du plus grand comique, pour ne pas dire de la plus grande naïveté ! Une fois de plus, gouverner, c’est prévoir pour pouvoir anticiper, surtout lorsque signaux faibles et signaux forts convergeaient depuis des mois.

Et cela est d’autant plus important que le système mis en place en 1945 démontre d’évidents signes de fatigue.

LE MULTILATÉRALISME : LE GRAND AMATEURISME

La conférence s’amuse. Le Congrès danse. Tout tournait jusqu’à présent dans les enceintes internationales autour de dérisoires débats tel le combat pour la cause des femmes, pour le genre et autres… alors que la Maison commune brûlait sérieusement. On comprend mieux pourquoi le système multilatéral est victime d’une nouvelle sidération, une surprise stratégique qu’il n’avait pas vu venir. À trop vouloir traiter de sujets du moment, on en oublie les sujets pérennes qui marquent la vie des relations internationales. Cela vaut aussi bien pour l’ONU que pour l’une des institutions spécialisées qu’est l’OMS.

ONU : la diplomatie du verbe haut

En tant que telle, l’ONU, qui n’en peut mais, pratique la diplomatie de la parole inutile pendant que la FED, la BCE et ses homologues du Japon d’Angleterre et du Canada et de Suisse multiplient les échanges de devises entre elles. Que fait le machin ? Nous apprenons que l’ONU vient de mettre en place un site dédié au coronavirus sur lequel on découvre que le système des Nations Unies est pleinement mobilisé face à la flambée actuelle de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) dans le monde, et ce, sur plusieurs fronts : notamment par le biais de rapports de situation, de directives techniques, de financements et de partenariats63. Que signifie très concrètement cette langue de bois épaisse ? Rien de très concret mais simplement des mots. Que nous dit son secrétaire général, Antonio Gutteres ? « Nous devons agir ensemble pour ralentir la propagation du virus et prendre soin les uns des autres ». Monsieur de la Palice n’aurait pas dit mieux. On mesure ainsi le gouffre existant entre la gravité des problèmes du moment et la vacuité des propos – puisqu’action concrète, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir – du plus haut personnage de l’organisation mondiale, une sorte de dépositaire de la conscience universelle. En un mot comme en cent, l’ONU est hors-circuit dans le traitement de cette crise sanitaire à dimension planétaire. Il n’y a que quelques Candide pour en faire aujourd’hui le constat alors que la communauté des nations représentée à New-York présente un électroencéphalogramme plat. Il faudra en tirer les leçons, le moment venu si l’on ne veut pas que le patient monde/multilatéralisme ne passe de vie à trépas. Que fait l’OMS depuis Genève ?

OMS : la diplomatie du chien crevé au fil de l’eau

Maintenant que la crise est mondiale et grave, les experts en clairvoyance rétrospective sont de sortie sur les plateaux de télévision. « Grippe plus forte qu’à l’accoutumé, épidémie, Europe centre de l’épidémie, pandémie, plus grande crise sanitaire au monde…. ». En quelques semaines, nous avons eu droit à un glissement sémantique qui peine à dissimuler le désarroi de l’OMS64. « Nul ne peut combattre un incendie les yeux bandés », a déclaré le 16 juin 2020 le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus. Face à la « crise sanitaire mondiale majeure de notre époque », l’Organisation appelle à effectuer « un test pour chaque cas suspect » de coronavirus. Il y a désormais « plus de cas et de décès dans le reste du monde qu’en Chine », a ajouté le directeur général de l’OMS lors d’une conférence de presse. Mais dans le même temps, les mêmes experts déclarent aux médias que la pandémie de Covid-19 est contrôlable. Tout ceci n’est-il pas contradictoire ? Tout ceci ne relève-t-il pas d’un amateurisme de mauvais aloi. Confieriez-vous votre santé à de tels plaisantins ? On comprend mieux que l’OMS n’est pas très sérieuse dans son approche de la crise sanitaire et qu’elle puisse faire l’objet de critiques justifiées. Telle est la réalité dans ce qu’elle a de plus triviale, de plus crue. Tout ceci est bien triste, en vérité et devrait être médité par tous ceux – surtout en France – qui n’ont qu’à la bouche le concept de « multilatéralisme fort et efficace ». On en mesure les limites, pour ne pas dire les ravages. On voit bien que, face à de telles situations, les citoyens se tournent vers l’État providence et non vers tous ces bidules passés de mode et issus d’un monde dépassé. Ces derniers ne sont que de vulgaires trompe-l’œil.

« J’avais toujours un extrême désir d’apprendre à distinguer le vrai d’avec le faux, pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance dans cette vie » (Le discours de la méthode, René Descartes). Nous apprécierions grandement que nos dirigeants inscrivent cette maxime en lettres d’or dans leur bureau afin d’éviter les multiples embardées dont nous sommes aujourd’hui les témoins mais, aussi et surtout, les victimes démunies. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent qui change de sens. La crise de confiance affaiblit la parole du pouvoir. Alors qu’il se replie sur sa garde rapprochée (Emmanuel Bone et Alice Rufo sur les questions internationales)65, Emmanuel Macron appelle à tirer les conclusions de la crise sur le plan économique, commercial et financier. Le fera-t-il ou s’agira-t-il d’un simple ravalement de façade traditionnel dans ces périodes de bouleversement ?66

Il ait des fantômes qui accompagnent les vivants et les marquent à jamais. Fantômes de tous ces morts qui auraient pu être sauvés si les précautions sanitaires élémentaires avaient été prises en Europe, de manière courageuse, concertée et collective, dès les premiers signes de l’épidémie en Chine, à la fin de l’année 2019 ! À l’époque, nos élites nous racontaient n’importe quoi, n’ayant pas pris la mesure exacte du phénomène. Elles pratiquaient leur exercice favori d’équilibrisme médiatique et de fausse transparence67.

Au passage, elles avaient oublié que l’imprévu est un concept prégnant dans l’Histoire, qu’il y aura toujours une place cruciale68. En dernière analyse, la crise sanitaire que nous traversons actuellement conduit tout naturellement à un exercice de persiflage salutaire.

Guillaume Berlat
23 mars 2020

1 Le Devoir d’irrespect est un livre de Claude Julien, alors directeur du Monde Diplomatique, paru en 1979.
2 Guillaume Berlat/Richard Labévière, Pande-mondialisation : Jean qui rit, Jean qui pleure, www.prochetmoyen-orient, 16 mars 2020.
3 Natacha Polony, Comme en 1940, une guerre de retard…, Marianne, 20-26 mars 2020, pp. 3-4-5.
4 François-Xavier Bourmaud, Comment, seul à l’Élysée, Macron administre le pays, Le Figaro, 18 mars 2020, p. 4.
5 Horia Mustafa Douine, Où sont formés les grands serviteurs de l’État, Le Figaro Magazine, 21 mars 2020, p. 28.
6 Nicolas Barotte, Quand les militaires envisageaient le risque de pandémie, Le Figaro, 20 mars 2020, pp. 20-21.
7 Christophe Gaudin, La façon dont l’épidémie a été gérée en Corée du Sud devra servir d’exemple, Le Monde, 19 mars 2020, p. 27.
8 Ellen Salvi, Municipales : crise sanitaire, amateurisme politique, www.mediapart.fr , 15 mars 2020.
9 Samuel Laurent, Le manque de masque, fléau récurrent, Le Monde, 17 mars 2020, p. 7.
10 Arthur Berdah/François-Xavier Bourmaud/Marion Mourgue/Sophie de Ravinel, L’histoire désolante d’un fiasco politique, Le Figaro, 16 mars 2020, p. 4.
11 Jérôme Canard, Pénuries de masques, quel festival !, Le Canard enchaîné, 18 mars 2020, p. 3.
12 Olivier Berruyer, Gestion du coronavirus : « La France est le pire élève de la Planète », www.les-crises.fr , 14 mars 2020.
13 Louis Boichot/Sophie de Ravinel/Emmanuel Galiero, L’exécutif interpellé sur sa gestion de la crise, Le Figaro, 20 mars 2020, p. 7.
14 Ariane Chemin, Le chemin de croix d’Agnès Buzyn. Les regrets d’Agnès Buzyn : « On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade », Le Monde, 18 mars 2020, p. 13.
15 Denis Cosnard/Olivier Faye/Sacha Nelken, La confusion de Buzyn provoque la polémique, Le Monde, 19 mars 2020, p. 8.
16 Guillaume Tabard, De l’amertume au poison du soupçon, Le Figaro, 18 mars 2020, p. 5.
17 Alexis Brézet, Urgence vitale, Le Figaro, 16 mars 2020, pp. 1 et 19.
18 « J’ai décidé de renforcer encore les mesures pour réduire nos déplacements et nos contacts au strict nécessaire, Le Monde, 18 mars 2020, p. 5.
19 Tristan Vey, « Il faut prendre conscience que nous sommes en état de guerre », Le Figaro, 16 mars 2020, p. 6.
20 La rédaction de mediapart, La France en confinement strict, annonce Macron, www.mediapart.fr , 16 mars 2020.
21 Marie Bourreau (propos recueillis par), Sylvie Briand : « Plutôt qu’une guerre, c’est une guérilla », Le Monde, 20 mars 2020, p. 3.
22 Isabelle Lasserre (propos recueillis par), Général Desportes : « Mobiliser, comme à la guerre », Le Figaro, 20 mars 2020, p. 20.
23 Raphaëlle Bacqué/Paul Benkimoun/Ariane Chemin/Solenn de Royer/ Olivier Faye/Chloé Hecketsweiler/Alexandre Lemarié/Cédric Pietralunga, Confinement : les vingt jours où tout a basculé au sommet de l’État, Le Monde, 21 mars 2020, pp. 6-7.
24 Françoise Fressoz, La leçon du peuple à ses dirigeants, Le Monde, 18 mars 2020, p. 22.
25 Jérôme Fenogglio, Un combat de longue haleine, Le Monde, 17 mars 2020, pp. 1 et 30.
26 Lénaïg Bredoux/Pauline Graulle, Macron instaure le confinement sans le dire, www.mediapart.fr , 16 mars 2020.
27 Confinés de canard, Le Canard enchaîné, 18 mars 2020, p. 1.
28 Erik Emptaz, Pour s’en sortir, il faut s’enfermer. Immobilisation générale, Le Canard enchaîné, 18 mars 2020, p. 1.
29 J.-L. P., Le petit Diconavirus, Le Canard enchaîné, 18 mars 2020, p. 8.
30 Alexandre Lemarié/Cédric Pietralunga, Macron sonne la « mobilisation générale », Le Monde, 18 mars 2020, p. 2.
31 Christophe de Voogd, Coronavirus : rhétorique abondante, politique impuissante ?, Le Figaro, 18 mars 2020, p. 26.
32 Franck Nouchi, Coronavirus : les graves insuffisances françaises, Le Monde, 20 mars 2020, p. 5.
33 Ellen Salvi, La confusion du pouvoir révèle ses manquements, www.mediapart.fr , 19 mars 2020.
34 Ivan Rioufol, Ce que le coronavirus révèle de la France, Le Figaro, 20 mars 2020, p. 25.
35 Guillaume Berlat, Les Européens ont la mémoire courte : la parabole du veau d’or, www.prochetmoyen-orient.ch , 16 mars 2020.
36 Philippe Bernard, Nous sommes tous des migrants contrariés, Le Monde, 19 mars 2020, p. 28.
37 Éditorial, Le coronavirus révèle les insuffisances de l’UE, Le Monde, 19 mars 2020, p. 28.
38 Stéphane Lauer, La Bourse à l’épreuve du coronavirus, Le Monde, 17 mars 2020, p. 30.
39 Florentin Collomp, La nuit où Christine Lagarde a déployé le grand jeu, Le Figaro, 20 mars 2020, pp. 27-28-29.
40 Isabelle Lasserre, La libre-circulation dans l’espace Schengen victime du Covid-19, Le Figaro, 18 mars 2020, p. 21.
41 Éric Albert, La faute professionnelle de Christine Lagarde, Le Monde, 18 mars 2020, p. 20.
42 H.M., « Christine Lagaffe » a encore frappé, Le Canard enchaîné, 18 mars 2020, p. 8.
43 Virginie Malingre/Jean-Pierre Stroobants, Les États tentent d’endiguer la crise économique, Le Monde, 18 mars 2020, p. 6.
44 Ludovic Lamant, UE : la Commission cherche à reprendre la main, après un gros retard à l’allumage, www.mediapart.fr , 18 mars 2020.
45 Éric Zemmour, L’Union européenne, première victime du coronavirus, Le Figaro Magazine, 20 mars 2020, p. 43.
46 Piotr Smolar, Le coronavirus et le retour des États, Le Monde, 18 mars 2020, p. 20.
47 Virginie Malingre/Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles apprend à gérer ses nouvelles frontières, Le Monde, 18 mars 2020, p. 7.
48 Mathieu de Taillac, 46 millions d’espagnols confinés à leur domicile, Le Figaro, 16 mars 2020, p. 10.
49 L’Europe multiplie les mesures exceptionnelles. Les États cherchent à endiguer la pandémie, souvent en ordre dispersé, mais avec des réponses proches, Le Monde, 17 mars 2020, p. 11.
50 Benjamin Masse-Stamberger, L’UE dépassée, l’UE blessée mais l’UE entêtée, Marianne, 20-26 mars 2020, pp. 21-22-23.
51 Jean-Pierre Cabestan, Demain la Chine, démocratie ou dictature ?, Gallimard, 2018.
52 Sébastien Falletti, La Chine actionne la diplomatie du masque, Le Figaro, 20 mars 2020, p. 6.
53 Frédéric Lemaître, Après savoir subi le virus et les critiques, la Chine à l’offensive, Le Monde 21 mars 2020, p. 5.
54 Renaud Girard, Coronavirus : la faillite de trois idéologies, Le Figaro, 17 mars 2020, p. 17.
55 Sebastien Falletti, Le régime chinois réécrit l’histoire de l’épidémie à son avantage, Le Figaro, 16 mars 2020, p. 11.
56 Patrick Saint-Paul (propos recueillis par), Alice Ekman, « En Chine, la crise du Covid-19 a renforcé l’emprise du parti sur la société, Le Figaro, 18 mars 2020, p. 20.
57 Antoine Bondaz, Face à l’épidémie, la modèle de gouvernance chinois n’est pas un modèle à suivre », Le Monde, 17 mars 2020, p. 28.
58 Marilza de Melo Foucher, Le coronavirus enlève le masque de l’idéologie néo-libérale, Le Blog de Marilza de Melo Foucher, www.mediapart.fr , 18 mars 2020.
59 Jean Daspry, Coronavirus et démondialisation, www.prochetmoyen-orient.ch , 2 mars 2020.
60 François Darras, Comment le néo-libéralisme détruit les classes moyennes, Marianne, 28 septembre – 4 octobre 2018, pp. 8 à 11.
61 Natacha Polony, La grande trahison, Marianne, 28 septembre – 4 octobre 2018, p. 3.
62 Guillaume Berlat, La mondialisation est morte. Vive la démondialisation !, www.prochetmoyen-orient.ch , 30 septembre 2019.
63 https://www.un.org/fr/coronavirus
64 Laurent Tello, 46° 13’ 58″ N 6° 08’ 03″ E, Le Magazine du Monde, 21 mars 2020, p. 22.
65 François-Xavier Bourmaud, Emmanuel Macron se replie sur sa garde rapprochée, Le Figaro, 19 mars 2020, p. 9.
66 Vincent Tremolet de Villers (propos recueillis par), Sylvain Tesson : « Que ferons-nous de cette épreuve ? », Le Figaro, 20 mars 2020, p. 24.
67 Bertrand Rouzies, Devoir de transparence et devoir d’inventaire, Le Blog de Bertrand Rouzies, www.mediapart.fr , 17 mars 2020.
68 Maxime Tandonnet, Le coronavirus, ou l’imprévu en histoire, Le Figaro, 14-15 mars 2020, p. 20.

Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 23-03- 2020

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