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26.mars.201226.3.2012 // Les Crises

[Article] Climat : la fonte de la banquise arctique favorise les hivers froids

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Nous avons analysé dans la grande série sur le réchauffement climatique la fonte de la banquise polaire dans ce billet.

Comme nous l’avons vu ici, la vague de froid en Europe de début février 2012 a correspondu à une vague « de chaleur » au Canada.

Cet article traduit par Contre Info est donc particulièrement d’actualité…

Climat Températures Monde Planète

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En Europe centrale, la probabilité d’hivers froids et d’épisodes de fort enneigement augmente lorsque la superficie de la banquise Arctique est moindre durant l’été. Les scientifiques de l’Unité de recherche de Potsdam de l’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et océanologique ont étudié le mécanisme par lequel une banquise estivale réduite modifie la pression atmosphérique au dessus de l’Arctique, entrainant des répercussions sur le climat hivernal européen.

Alfred Wenger Institute, Université de Postdam, 26 janvier 2012

Lorsque survient une fonte massive de la banquise arctique en été, comme on l’a observé ces dernières années, deux effets importants sont intensifiés. Tout d’abord, le retrait de la glace, découvrant la surface de l’océan, lui permet de se réchauffer durant l’été sous l’effet du rayonnement solaire. Deuxièmement, cette banquise réduite ne peut plus empêcher la chaleur stockée par l’océan d’être restituée dans l’atmosphère (effet de couvercle). Pour cette raison, l’air subit un réchauffement plus fort que la normale, particulièrement en automne et en hiver, car durant cette période l’océan est plus chaud que l’atmosphère. « Cette élévation de température est confirmée par les mesures actuelles effectuées dans la région Arctique », indique Ralf Jaiser, auteur principal de cette publication.

Ce réchauffement de l’air en surface produit des mouvements ascendants, et l’atmosphère devient alors moins stable. « Nous avons analysé les processus complexes, non linéaires, à l’oeuvre derrière cette déstabilisation et avons montré comment ces nouvelles conditions régnant dans l’Arctique influencent les régimes de circulation et de pression atmosphérique », explique M. Jaiser.

L’un de ces effets concerne la différence de pression atmosphérique régnant entre l’Arctique et les latitudes moyennes, que l’on appelle l’Oscillation Arctique, avec une zone de haute pression sur les Açores et une dépression située sur l’Islande, qui sont souvent cités dans les bulletins météorologiques

Lorsque cette différence est élevée, cela se traduit par un fort vent d’ouest, qui entraine durant l’hiver les masses d’air chaudes et humides de l’Atlantique jusque sur l’Europe. En l’absence de ces vents, l’air froid de l’Arctique peut pénétrer à travers l’Europe, comme ce fut le cas durant les deux derniers hivers.

Les modélisations montrent que la réduction de la banquise durant l’été réduit la différence de pression pendant l’hiver qui suit, permettant ainsi au froid arctique de descendre vers les latitudes moyennes.

Malgré la faible étendue de la banquise à l’été 2011, le début de l’hiver a été doux, mais M. Jaiser précise que « beaucoup d’autres facteurs jouent naturellement un rôle dans le système climatique complexe de notre Terre, et se superposent en partie. Nos résultats expliquent les mécanismes par lesquels les changements régionaux dans la banquise arctique peuvent avoir un impact global, et quels sont leurs effets entre de fin de l’été et la période hivernale. D’autres mécanismes sont liés, comme par exemple la couverture neigeuse en Sibérie ou les influences tropicales. Les interactions entre ces facteurs feront l’objet de futurs travaux de recherche et représentent donc un facteur d’incertitude dans les prévisions ».

Les chercheurs de Potsdam espèrent analyser plus finement ces mécanismes, ainsi que d’autres phénomènes, afin de pouvoir représenter correctement le système climatique de la Terre en incorporant ces résultats dans les modèles. « Notre travail contribue à réduire les incertitudes existantes dans le modèle du climat mondial et à développer des scénarios climatiques régionaux plus crédibles – un élément important pour permettre aux gens de s’adapter aux nouvelles conditions », explique le professeur Klaus Dethloff, Directeur de la Section de la circulation atmosphérique à l’Unité de recherche de Potsdam de l’Institut Alfred Wegener.

banquise

Illustration : Ecart de température de l’air au dessus de l’Arctique entre 2000-2009 (période de réduction de la banquise) et 1989-1999. L’axe des y représente l’élévation, exprimée en pression atmosphérique (Hecto-Pascal).

 

Sur le web :

Impact of sea ice cover changes on the Northern Hemisphere atmospheric winter circulation R. Jaiser, K. Dethloff, D. Handorf, A. Rinke, J. Cohen

The response of the Arctic atmosphere to low and high sea ice concentration phases based on European Center for Medium-Range Weather Forecast (ECMWF) Re-Analysis Interim (ERA-Interim) atmospheric data and Hadley Centre’s sea ice dataset (HadISST1) from 1989 until 2010 has been studied.

Time slices of winter atmospheric circulation with high (1990-2000) and low (2001-2010) sea ice concentration in the preceding August/September have been analysed with respect to tropospheric interactions between planetary and baroclinic waves.

It is shown that a changed sea ice concentration over the Arctic Ocean impacts differently the development of synoptic and planetary atmospheric circulation systems. During the low ice phase, stronger heat release to the atmosphere over the Arctic Ocean reduces the atmospheric vertical static stability.

This leads to an earlier onset of baroclinic instability that further modulates the non-linear interactions between baroclinic wave energy fluxes on time scales of 2.5-6 d and planetary scales of 10-90 d.

Our analysis suggests that Arctic sea ice concentration changes exert a remote impact on the large-scale atmospheric circulation during winter, exhibiting a barotropic structure with similar patterns of pressure anomalies at the surface and in the mid-troposphere. These are connected to pronounced planetary wave train changes notably over the North Pacific.

Source Alfred Wenger Institute, traduction Contre Info

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14 réactions et commentaires

  • Marcus // 26.03.2012 à 02h12

    Toujours aussi passionnants ces articles sur le climat.
    Merci !

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  • Elsassman // 26.03.2012 à 10h58

    Merci Olivier pour cet article qui explique les divers épisodes de froid intenses qu’on a connu ces dernières années, et montre qu’en aucun cas cela ne remet en cause la théorie du changement climatique (puisqu’il ne faut plus dire réchauffement), bien au contraire.
     
    Une petite précision technique toutefois, si je peux me permettre : vous mentionnez l’Oscillation arctique, mais la définition que vous donnez correspond en fait à l’Oscillation Nord-Atlantique (différence de pression entre le Sud de l’Islande et Gibraltar). Ces deux indices décrivent toutefois le même phénomène donc cette petite imprécision lexicale n’a aucune incidence sur les conclusions de l’article. Pour ceux que ça intéresse : http://www.appinsys.com/globalwarming/AO_NAO.htm
     

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  • Patrick Luder // 26.03.2012 à 11h43

    Très complexe tout ceci, merci pour ces recherches et ses graphiques. J’aimerais vous apporter deux visions imagées et simple à comprendre, quoiqu’un peu différentes.
     
    Si l’on met un gros glaçon dans une bassine d’eau au soleil en plein été, on comprend aisément que la fonte de la glace va refroidir la bassine d’eau dans un premier temps. La bassine d’eau ne pourra se réchauffera que lorsque toute la glace aura fondu.
     
    Fort de cette expérience et en ayant conscience que l’élévation du niveau des océans est principalement dû à l’expansion de l’eau sous l’effet de la chaleur, on comprend mieux que la grosse élévation du niveau des mers ne parviendra que quand les pôles auront complètement fondu (pas pour tout de suite) … au temps géologique, les différences de niveau des océans est de plusieurs centaines de mètres !!!
     
    Si l’arctique (Nord) est une source précieuse d’informations et d’études, car proche de nos civilisations, les conséquences de l’antarctique (Sud) sont d’autant plus importantes que ce continent est beaucoup plus grand et plus épais que son frère du Nord …

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    • Elsassman // 26.03.2012 à 11h59

      … et surtout que c’est un continent et non une banquise (flottante), et que donc tout ce qui fond en Antarctique fait monter le niveau de la mer (contrairement à la banquise, loi d’Archimède oblige) ! C’est la même chose pour le Groenland, à une plus petite échelle toutefois. La hausse du niveau des mers consécutive à une fonte totale de l’Antarctique serait de 60 m, et 7 m pour le Groenland (http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dospoles/alternative13.html). Il vaudrait mieux pour tout le monde qu’on n’en arrive pas là…

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      • Patrick Luder // 26.03.2012 à 12h44

         … et nous n’avons encore aucune idée de la vitesse réelle que prendra ces fontes de glaces … les mesures par satellite ne donne qu’une idée de surface au début du processus, ce qui se trame dessous est encore invisible, fleuves sous-terrains, lacs intérieurs etc.

        Ce qui est sûr est que les glaciers de nos Alpes, fondent plus vite que tout ce qui à été immaginé jusqu’à présent, dépassant de loin les prévisions les plus pessimistes 🙁

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    • Wilmotte Karim // 26.03.2012 à 17h05

      Il me semble que vous confondez le phénomène (glaçon).
      Si cette hypthose fonctionnait, c’est durant l’été (période de la fonte) que le climat devrait être plus froid que de coutume.

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      • Patrick Luder // 30.03.2012 à 09h32

        Le problème n’est pas le phénomène glaçon qui refroidit ponctuellement et localement … mais bien une modification de la quantité d’eau de fonte, qui va boulverser durablement l’équilibre des mers : modification de la salinité et de l’acidité, modification de la température de surface mais aussi surtout de la température profonde de la masse, modifiction des courants marins etc.

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    • Dan // 03.05.2013 à 11h20

      Oui M. Luder, merci, mais il est incohérent de penser qu’une eau froide à l’époque où la glace s’est formée, en devenant plus chaude (puisqu’elle est responsable de la fonte de cette glace) devienne froide par la fonte de ladite glace, il est impossible, globalement, qu’elle puisse devenir plus froide (sinon la glace se formerait à nouveau !) ni même aussi froide.

      Secondo, un point qui n’est pas mentionné c’est que la fonte de l’Arctique, qui est une banquise, ne peut en aucun cas participer à la montée des eaux (c’est l’histoire du glaçon dans un verre d’eau)

      Donc si je résume, on affirme dans le même temps que les océans montent (parce que l’eau se réchauffe, la preuve à l’augmentation du niveau) donc l’Arctique fond – jusque-là ça reste logique – et il faudrait maintenant que ça explique qu’il fait plus froid en Europe ?! Impossible puisqu’on vient de poser comme hypothèse que l’eau se réchauffe (et l’air aussi, rappelez-vous qu’il est plein de CO2, tous les jours un peu plus…)

      On reste dans le déni basique, « il fait froid, c’est bien la preuve que tout se réchauffe ! »

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  • Féfé // 26.03.2012 à 19h40

    J’ai portant passé un hivers particulièrement chaud Novembre, Décembre, Janvier entre 10C° et 20C°, il n’y a eu que 2 petite semaine de froid en Février.
    Et l’an passé a partir de début Mars très curieusement entre 25C° et 30C° de Mars a fin Septembre.
    Je me situe dans la partie Sud de la France, mais quant même, c’est plutôt la chaleur que je trouve inquiétante.
    Par contre pour entièrement d’accord sur les précipitations, même avec une cuve de 800 litres je suis resté 2mois sans eaux de pluie, difficile pour mon potager.
    Merci pour l’article bonne soirée a bientot.
     

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  • tchoo // 28.03.2012 à 17h30

    Très complexe, parce que on lit tout et son contraire [Modéré]
    Nous avons des hivers froids, ah bon! et alors?
    et les printemps anormalement chaud, depouis trois ans, non?
    27° un 25 mars !
    un été plutôt frais et un automne chaud voire très chaud?
    Je crois qu’il faut se hater de ne pas tirer de conclusions
    Nous avons des constats sous les yeux, de là à savoir ce qu’il peut advenir de l’avenir, on peut toujours essayer, mais avec prudence et modestie.

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  • hwkf // 14.04.2012 à 19h01

    Cette hypothèse est en fait plus ancienne, et dans la littérature la première évocation d’un tel mécanisme remonte à 2004 sauf erreur de ma part. Bien que cela ne reste qu’une hypothèse, elle n’en est pas moins solide, et a notamment pu contribuer au froid de Janvier 2006, Décembre 2009 et Janvier 20010, Décembre 2010, Février 2012. La blogosphère française aborde assez peu le sujet, mais dans la blogosphère anglosaxonne, ce phénomène est bien plus abordé. La NOAA communique également à ce sujet :
    http://www.noaa.gov/features/02_monitoring/warmarctic.html
    Pour ceux qui supportent un peu de littérature scientifique in english, un papier de deux russes à propos de Janvier 2006 :
    http://eprints.ifm-geomar.de/8738/1/2009JD013568-pip.pdf
    C’est un champ de recherche relativement récent donc c’est encore un peu le « fouillis », et il n’est pas toujours simple de lier les hypothèses accumulées au fil des publications, mais quand on prend le temps de regarder dans le détail, cela se tient plutôt bien.

    Dans un sujet connexe, on notera aussi que l’amplification Arctique (ie. le réchauffement plus rapide de l’Arctique rapport au tropique, notamment du à des rétroactions positives telles que la perte de banquise), conduit à un ralentissement de la circulation atmosphérique hémisphérique avec des événements extrêmes plus fréquents (Summer in March le mois dernier aux USA, froidure des hivers sus mentionnés, canicule européenne de 2010, canicule américaine de 2011, … ) :
    http://www.skepticalscience.com/Linking_Weird_Weather_to_Rapid_Warming_of_the_Arctic.html
    L’idée derrière tout cela étant globalement la suivante. Sur la climato du 20ème siècle, la différence de température entre les tropiques et l’Arctique génère entre les deux -aux latitudes moyennes- un fort courant d’Ouest marquée par la présence d’un courant jet vers 8 km d’altitude. La baisse de cette différence de température crée des conditions favorables à un ralentissement du courant jet. Ce dernier, de rectiligne, tant à onduler et même à « méandrer », perturbant totalement la météo de l’Hémisphère Nord. Depuis 2010, l’impression est que le phénomène a atteint une telle intensité que la circulation en est profondément et durablement modifié par rapport aux conditions qui prévalaient au 20ème siècle.

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  • pluton92 // 10.06.2013 à 22h30

    Je suis surpris que personne ne parle de l’explication donnée par la NASA de l’extension anormalement réduite de la banquise à l’été 2012.
    La NASA explique le recul de la banquise par des cyclones violents qui ont disloqué la banquise. Une simulation est fournie sur le site de Reuters :

    http://www.reuters.com/video/2012/09/21/reuters-tv-nasa-says-arctic-cyclone-played-key-role?videoId=237916780&videoChannel=118065

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  • pluton92 // 10.06.2013 à 22h46

    Lors de l’été 2007, la banquise a été exceptionnellement réduite. Si ce phénomène avait une influence sur la rigueur de l’hiver, je ne lirais pas ces commentaires de Météo France sur l’hiver 2007-2008 :
    « La France a connu cette année un hiver exceptionnellement ensoleillé, particulièrement sec et relativement doux. »
    Comment expliquez-vous cette contradiction ?

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