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24.mai.201224.5.2012
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Impacts des refinancements sur le bilan de la BCE

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Suite du billet sur le refinancement bancaire par la BCE et les VLTRO

J’imagine que vous avez lu depuis 3 mois les commentaires s’étonnant de l’augmentation des dépôts des banques à la BCE, en particulier sur la facilité de dépôt (dépôts à 24 heures) :

facilité de dépôt bce

Et de lire des commentaires sur l’air du « mais c’est ignoble les banques ne re-prêtent pas cet argent de la BCE » ou « les banques ne jouent pas le jeu ». Quand vous lirez de tels propos, changez rapidement de source d’information :

« Si vous ne lisez pas les journaux vous n’êtes pas informé, et si vous les lisez vous êtes mal informé… » [Mark Twain]

Nous avons expliqué dans ce billet pourquoi ces remarques étaient la démonstration de l’ignorance du fonctionnement de la monnaie centrale – cette monnaie circulant normalement en circuit fermé, elle ne peut guère être re-prêté aux particuliers ou entreprises pour des raisons physiques. De plus, il n’y a pratiquement jamais de limite externe à la création monétaire par les banques commerciales, la seule est le niveau de la demande jugée solvable… Bref, les banques ne « manquent jamais d’argent » si elles ont envie de prêter.

Observons l’évolution de quelques postes de l’actif du bilan de la BCE (= créances), ou plus exactement de l’EuroSystème :

actif eurosysteme

On note la forte hausse du poste des prêts aux banques (et pour cause…), mais aussi des titres (en particulier les obligations des pays GIPSI rachetées sur le marché secondaire), et une variabilité des postes en devises.

Faisons de même pour quelques postes du passif du bilan de l’EuroSystème (= dettes) :

passif eurosysteme

On note une croissance continue des billets (nous y reviendrons), des dépôts en devises et des gouvernements (rappelons que la Banque centrale gère le compte courant des États), des effets des swaps en dollars et, bien entendu, l’explosion des dépôts des banques.

Si nous additionnons ces seuls éléments de l’actif et du passif, on obtient le graphique suivant :

approximation bilan bce

On retrouve donc une formule comptable, qui n’est pas une égalité absolue, mais une très bonne approximation : prêts aux banques + titres + devises ≈ dépôts (banques + États + devises) + billets

On l’observe bien pour les VLTRO :

approximation bilan bce

De là, on comprend bien que l’injection massive liées aux nouveaux prêts n’est pas prête de se dissiper ! Cette nouvelle monnaie disparaîtra essentiellement lors du remboursement des prêts, mais pourrait aussi diminuer éventuellement si la BCE vendait une partie de ses titres ou faisait face à de fortes demandes en devises. Comme l’impact de ces 2 éventuels faits est en pratique limité à moyen terme, on peut dès lors poser une seconde approximation de court terme, moins précise, mais plus simple :

approximation bilan bce

À court terme, on peut poser que : prêts aux banques ≈ dépôts (banques + États), ce qui illustre de nouveau le fameux adage bancaire (et de cours d e1ère année d’économie, les banques créant la monnaie), « les crédits font les dépôts ».

Comme nous l’avons déjà analysé, je rappelle qu’il ne faut pas se demander où la BCE a trouvé la monnaie. Elle l’a créée d’un trait de plume, en modifiant simplement les montants des comptes des banques qu’elle gère, en échange de leur promesse de la rembourser dans 3 ans (où elle fera l’opération exactement inverse – rien ne se perd, rien ne se crée à terme…). Comptablement, elle a augmenté la taille de son bilan, en augmentant ses dettes (le compte des banques commerciales est bien une dette de la BCE) et ses créances (la promesse de rembourser) en même temps du même montant. La BCE a créé la monnaie centrale en la prêtant aux banques, les banques l’ont re-déposé à la BCE, car elles ne peuvent le mettre ailleurs (c’est d’ailleurs comme pour la monnaie secondaire, celle de nos comptes en banques…).

Bref, dans leur majorité, les montants injectés vont simplement circuler entre les banques, et éventuellement alimenter les comptes des États, nous y reviendrons.

Cela sera l’objet du prochain billet sur les dépôts des banques à la BCE

P.S. Rappelons que nous avons analysé en détail le bilan complet de la BCE dans ce billet.

31 réactions et commentaires

  • Cimballi // 24.05.2012 à 02h08

    Olivier, il y a un point qui m’échappe dans tes explications. D’après ce que je comprends, la BCE prête aux banques commerciales de l’argent que les banques commerciales ensuite déposent à la BCE. J’aurais donc envie de dire que cet argent ne sert donc à rien, et que le prêt est donc inutile. Mais j’imagine que si les banques font ça c’est que ça correspond bien à un besoin, non ? Pourrais-tu expliquer à quoi sert l’opération étant donné que l’argent en lui-même ne sert à rien (ou du moins, il ne sert ni à acheter qqc ni à être prété). Merci !

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  • Patrick Luder // 24.05.2012 à 04h44

       
    Le pessimiste : 2008 n’est rien à comparé de 2012. 2012 ne sera rien à comparé aux futures grandes crises …
      
    L’optimiste : On ne va pas s’inquiétéer, ce n’est que de la monnaie banque centrale, elle circule sans limite et sans toucher ni à l’économie ni à l’Etat ni au privé … 
        

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  • Vénus-Etoile du Berger // 24.05.2012 à 05h02

    Eh on va tous finir super balaise en compta à ce train-là…
    Les créances poste à l’actif
    « Quelques postes du passif » une dette  histoire de simplifier un peu

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  • BA // 24.05.2012 à 06h44

    Vu la récession qui s’installe en Europe, les banques commerciales européennes ne pourront pas rembourser les 1000 milliards d’euros en décembre 2014.

    Donc la BCE va preter aux banques commerciales des centaines de milliards d’euros supplémentaires à 3 ans en décembre 2014.

    Et ça permettra de gagner encore un peu de temps.

    En décembre 2014, on rajoutera des montagnes de dettes au-dessus des montagnes de dettes déjà existantes.

    Sauf si tout cet empilement de montagnes de dettes s’effondre avant.

    Les montagnes de dettes ne peuvent pas monter jusqu’au ciel. 
     
     

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    • Aston Lockheed // 24.05.2012 à 10h07

      Gagner du temps pour quoi??? Cette expansion du bilan de la BCE paraît inutile. Si c’est ça le bazooka…

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  • yoananda // 24.05.2012 à 10h07

    N’est-ce pas un peu réducteur de dire que la BCE crée de la monnaie d’un simple trait de plume ???
    Certes, elle le fait. Mais peut-on évacuer la question des collatéraux de la sorte ?
     
    Le problème de la BCE ce n’est pas combien de monnaie elle crée, mais la qualité des collatéraux qu’elle prends en garantie. Notamment, elle avait pris des bons aux trésors grecs contrainte et forcée a une époque, non ? (je confond peut être mais elle avais du augmenter son seuil de tolérance).
     
    Du coup, c’est « la » que commencent les problèmes. Créer de la monnaie, certes … mais il faut qu’il y ai une vraie valeur en face, sinon c’est le création monétaire « pure et dure », probablement inflationniste a terme (a moins d’aller temporairement se parquer dans une trappe a liquidité, mais un jour ou l’autre … la réalité rattrapera) même si c’est temporaire (et du temporaire qui dure en plus ! lol)
     
    Donc je m’étonne que vous simplifiez ainsi, sans le mentionner en plus.

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    • Mat // 24.05.2012 à 11h56

      J’appuie le commentaire de yoananda. Vous donnez l’impression que cette action est inutile. Pourquoi donc la BCE effectuerait une telle opération alors ? Personnellement j’y vois une opération de sauvetage préventive.
      Vous dites que cette monnaie centrale ne sert qu’aux échanges inter-bancaires, c’est faux. Elle sert principalement à ça, certes, mais c’est aussi en cette monnaie centrale que les états financent leur dette. Les fameux bonds de dettes souveraines sont libellés en monnaie centrale. Ils sont achetés par les primary dealer en monnaie centrale et vont créditer le compte en monnaie centrale du dit état à la BCE. Et les états sont les seuls acteurs du système monétaire à pouvoir transformer directement la monnaie centrale en monnaie secondaire en décaissant le compte du Trésor. Ainsi, en cas de crash bancaire, les banques pourront prêter (à quel taux ?) cette monnaie centrale aux états pour qu’ils puissent sauver le système bancaire. Qu’en pensez-vous ?
      Par ailleurs, j’ai lu avec intérêt votre explication du système monétaire que je trouve très pédagogique et du coup très abordable. Mais vous n’abordez pas la question des intérêts, petit détail qui est la source de la difficile résolution d’un problème qui, selon moi, est mal posé. En tout cas, je serais intéressé de lire ce que vous pourrez en dire (ou avez dit dans le cas où j’aurais manqué un billet…). 
      Cordialement

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  • FX // 24.05.2012 à 12h02

    cette monnaie de la BCE, pour les banques, je vois à quoi cela sert, c’est à dire à ce que les banques commerciales se prêtent entre elles de l’argent pour faire tourner les relations entre agents économiques (ménages + entreprises), et un tout petit peu à autoriser des emprunts supplémentaires à leurs clients, voire à acheter des bons du trésor (mais ça c’est pas bien ! car ça les exposent à  un risque)
    mais ce que je ne vois pas du tout, c’est par exemple si les banques ne remboursent pas la BCE, alors qui y perd ? cela ne ferait aucun tord à la BCE dans votre processus, ou alors j’ai mal compris. En un mot, à qui appartient cet argent de crée la BCE ? même pas à elle ? Il me semble qu’il manque qqchose dans votre processus non ?

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    • Mat // 24.05.2012 à 12h31

      Il y a un collatéral en face d’un emprunt, typiquement des obligations d’états pour la BCE, réputées pour être sûr… hum, le monde a changé… Et si une banque ne rembourse pas son emprunt à la BCE, la BCE conserve les titres de la même manière qu’une banque commerciale devient propriétaire de la maison qu’on a achetée à crédit si on ne le rembourse pas.

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  • guillaume // 24.05.2012 à 16h47

    Bonsoir Olivier,
    Je lis chaque jour avec grand intérêts vos études, mais comme je l’ai déjà écrit je ne comprends pas très bien votre lecture du fonctionnement bancaire. Je résume donc sommairement ma lecture personnelle (qui est partagé à ma connaissance par plusieurs banquiers) je me permets de l’offrir à la critique de vos commentateurs.
    PS: SVP, pas de remarque du type « première années de cours d’éco », j’y suis passé, et j’ai entendu un paquet de c*nneries qui ne correspondent en rien à la pratique du métier 😉
     

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  • Tycer // 24.05.2012 à 17h45

    Je n’ai lu qu’en diagonal mais j’ai cru comprendre qu’un point vous a échappé.

    Les banques prêtent de l’argent en créant cette argent (contre une promesse de remboursement).
    Il y a création, et non le prêt d’argent des autres déposants.

    Les dépôts sont une autre fonction des banques: permettre a des clients de déposer leurs argents sur des « comptes à vu », et leur permettre de l’investir.

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  • guillaume // 25.05.2012 à 12h13

    Bonjour Olivier,
    Quel paramètre m’échappe pour comprendre pourquoi votre dernier graphique laisse envisager que l’augmentation des dépôts (banque et Etats) précède dans le temps celle des prêts de la BCE?
    Je comprends que l’augmentation des prêts de BCE permette aux banques des dépôts au jours le jours plus importants, mais comment ce fait-il que l’on n’observe pas au contraire d’abord une forte augmentation de ces prêts, puis une augmentation des dépôts?
     
     
     

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  • Chris // 25.05.2012 à 12h26

    Bonjour Olivier,
    Je suis un fan assidu du blog, sur lequel j’apprends plein de choses, notamment sur le fonctionnement des banques et de la Banque centrale. Je suis par ailleurs un lecteur assidu de Lordon et de ses critiques du capitalisme financiarisé, dont je partage très souvent le point de vue, et vous aussi je pense, car je constate que vous signalez souvent ses articles.
    Or il me semble percevoir un désaccord entre vous sur la BCE, la risque lié à la dégradation de son bilan, les risques d’hyper inflation en cas de création monétaire et de prêt direct à des Etats, notamment.
    Dans son dernier billet (http://blog.mondediplo.net/2012-05-24-Euro-terminus), il est notamment assez virulent envers ceux qui dramatisent les risques liés au bilan de la BCE et à la création monétaire, spécialement en période de récession.
    Qu’en pensez vous ? Est ce un réel point de désaccord de fond ou n’ai-je pas assez bien compris vos deux points de vue ? Si il y a divergence réelle, je trouve qu’il serait intéressant que vous en parliez dans un article, parce que pour imaginer des alternatives construites et solides au modèle actuel, il faudra forcément qu’il y ait aussi des débats, des réflexions entre ceux qui aujourd’hui sont plutôt dans le même camp des opposants ou critiques du modèle actuel.
    Et on sait jamais, Lordon répondrait peut être dans son prochain billet.

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    • Patrick Luder // 25.05.2012 à 14h14

      Il en va des techniciens financiers comme des météorologues :
       
      Les outils financiers sont tellement nombreux et tellement compliqués,
      Les bras de leviers sont tellement gros et les effets trop aléatoires,
      que même les spécialistes sont un peu perdus …
       
      Les économistes croient diriger la finance,
      La finance croit diriger l’économie,
      et la politique reste hébétée …
       
      Les ressources continuent à s’épuiser,
      et les dettes restent à rembourser !!!
      Que toute la terre hurle sa peine,
      la sourde rumeur s’intensifie !
      Peut-être sera-t-elle entendue ?
      ***

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