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6.avril.20126.4.2012
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La charge des intérêts de la dette américaine

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Après l’analyse de l’historique du budget américain, nous poursuivons notre analyse de la dette américaine, en nous intéressant aujourd’hui à un aspect fondamental : le taux d’intérêt.

Observons tout d’abord l’évolution du taux d’intérêt moyen de la dette américaine :

Taux d’intérêt moyen de la dette américaine

L’évolution du taux est frappante : après une augmentation régulière ayant duré 30 ans, jusqu’au taux de 11 % par an (qui a fini par tuer l’inflation), le taux a connu une baisse permanente durant les 30 années suivantes, pour arriver aux 3 % actuels.

Cette évolution a permis l’envolée de la dette, puisque s’endetter coûtait de moins en moins cher. L’impact sur la charge annuelle des intérêts a été immédiat :

Taux d’intérêt moyen de la dette américaine

On observe bien que, en dollars constants, la charge a augmenté en même temps que le taux d’intérêt (c’est évident), mais qu’elle a aussi continué d’augmenter durant les années 1980 – la forte hausse de la dette sous Reagan faisant plus que compenser la baisse du taux d’intérêt.

La dette s’étant stabilisée quelques années dans les années 1990, la baisse des taux a fini par faire baisser la charge, et donc a facilité l’endettement.

Comparons tous ces éléments :

Taux d’intérêt moyen de la dette américaine

La situation des années 2000 est éclairante : on comprend bien que la baisse des taux a permis à l’État d’augmenter son fol endettement facilement : la charge est même restée stable !

C’est tout le danger de ce phénomène d’anesthésie par les taux, car si les taux augmentent (et ils vont augmenter !), l’État se retrouvera sans défense : son stock de dette étant non remboursable, sa charge va exploser très rapidement (la durée moyenne de la dette est de 5 ans, donc en 5 ans, le taux moyen de la dette est celui du marché), conduisant l’État tout droit au défaut de paiement quand ses créanciers vont s’en rendre compte et fermer le robinet du crédit – ce qui n’est évidemment en rien anticipé dans les hypothèses plus qu’optimistes du gouvernement américain dans son budget pour 2012…

Pour bien nous en convaincre, il suffit d’analyser les émissions de dette américaine, qui représentent des flux énormes. Car tous les mois, l’État américain rembourse une partie de sa dette ancienne qui arrive à échéance – comme tout débiteur.

MAIS sa particularité est que, pour ce faire, il contracte en fait de nouveaux emprunts – bref, il emprunte pour rembourser ses anciens emprunts, cavalerie classique (et funeste).

Ainsi, l’État doit émettre en permanence des nouveaux bons du trésor pour, d’abord financer son nouveau déficit, mais également pour rembourser une partie de son ancienne dette. Observons les flux :

Taux d’intérêt moyen de la dette américaine

Ainsi, chaque trimestre, l’État américain émet plus de 2 000 Md$ de dette publique fédérale – soit la bagatelle de presque 40 Md$ par jour ouvré !

On constate bien que l’endettement net (en rouge, qui correspond au déficit), n’est qu’une petite partie des émissions…

Taux d’intérêt moyen de la dette américaine

On observe ainsi que le gouvernement américain a ainsi émis plus de 7 000 Md$ de dette en 2011, afin de financer son déficit mais surtout de rembourser de la dette ancienne…

Le fléchissement observé est dû au psychodrame du plafond de la dette publique.

Ainsi, si les marchés cessaient brutalement de prêter à l’État américain, celui-ci serait dans l’impossibilité de faire face à ces engagements, puisque tous les ans :

  • il touche 2 200 Md$ d’impôts ;
  • il doit financer 3 800 Md$ de dépenses courantes ;
  • il doit rembourser environ 6 500 Md$ d’emprunts arrivant à échéance.

Autant dire qu’un tel État est évidemment totalement insolvable. Il ne tient que par l’emprunt.

Si vous prêtez de l’argent à 5 ans, vous ne serez remboursé que si, et seulement si, dans 5 ans, quelqu’un d’autre lui prête la même somme majorée des intérêts – bref, un vrai mistigri…

Prêteriez-vous à quelqu’un dans ces conditions ?

Nous verrons dans un prochain billet qui détient cette dette américaine


Dessin Cartoon dette américaine

Dessin Cartoon dette américaine

Dessin Cartoon dette américaine

Dessin Cartoon dette américaine

28 réactions et commentaires

  • majorowe // 06.07.2011 à 09h14

    « C’est tout le danger de ce phénomène d’anesthésie par les taux, car si les taux augmentent (et ils vont augmenter !) »

    Comment peux-tu être si sûr que les taux augmenteront? Je cite le Japon comme antithèse…

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  • Dimetrodon // 06.07.2011 à 09h37

    Ce qui craint c’est que vous consultez officielement les chiffres et vos conclusions sont sans appel 😯
    Qu’es ce que ça va être le jour où on va voir que le gouvernement US manipule Wall Street et que la situation des USA est intenable depuis de trés nombreuses années 👿
    De quoi avoir un infartus :mrgreen:

    Bien à vous. 😉

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  • Michel // 29.11.2011 à 06h40

    majorowe
    les obligs US ne sont pas surs (comme les autres d’ailleurs), simplement c’est un marché très liquide avec la BC au bid, donc pour un instit qui veut vendre ou acheter 50 Milliards rapidement sans faire décaller le marché, il choisira les bonds  ou tresuries.
    Pour l’instant cela fonctionne, mais ça ne va pas durer comme le dit Olivier, ce jeu de dupe à une fin, on ne peut pas imprimer du papier en permanence sans en payer le prix.

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  • Marcus // 29.11.2011 à 07h19

    Les américains, comme d’autres, ont choisi la « solution de facilité », à savoir l’endettement pour faire tourner le manège économique.
    Jusqu’au jour où le manège s’arrêtera de tourner …
     
    Bonne journée !
    Marc

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  • Marcel // 29.11.2011 à 07h35

    Je vois pas ce qui empêcherait les US de continuer à imprimer du papier ?
    Ils tiennent par les c…. le reste de planète. Tout le monde a une quantité surréaliste de bons du trésor US. A tel point que si demain, les investisseurs n’en achètent plus, ils coulent leur propre boite, car comme le disait Olivier, ils ne sont pas obligés d’acheter si ils sentent que les US risquent de faire défaut. Or, l’astuce est précisément là. Il faudrait que les investisseurs se suicident financièrement en refusant d’acheter des bons du trésor. Ce qui mettrait les US en défaut de paiement, ce qui ferait couler tous les détenteurs dont les fonds souverains et autres boutiques d’investisseurs.
    CQFD.
    Donc les US n’ont rien à craindre 😉

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    • Marcus // 29.11.2011 à 07h38

      A noter que c’est principalement la FED qui achète désormais les T bunds.

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    • Michel // 29.11.2011 à 08h06

      C’est le raisonnement de tout le monde,  l’imprimerie eternelle est née, vous etes dans le monde merveilleux des beniouioui, quand un gros va siffler la fin de la partie, ça va faire tout drole (pas vraiment :hyperinflation).

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  • RonRon // 29.11.2011 à 08h37

    @Marcel
    Si ça fonctionnait comme tu le dis, personne ne ferait jamais défaut.
    Les prêteurs sont multiples, lorsqu’un prêteur sent qu’il y a un risque potentiel,  il se retire fissa et les autres se retrouvent à supporter une charge supérieure, d’autres se retirent en y laissant des plumes, et ceux restant ne peuvent plus à eux seul faire rouler la dette et c’est le GAME OVER.
    Autre hypothèse : dans le cas des USA, outre le fait que la FED est là pour palier  aux investisseurs qui s’enfuit, ceux restant ne sont pas inquiets car ils pensent que les dirigeants USA sont prêts au pire pour que la fête continue. Et même s’il faut faire la guerre et même si des dizaines de milliers d’américains doivent mourir, ça ne leur fera pas peur, « le mode de vie américain n’est pas négociable »

    http://elblogo-fr.blogspot.com/2011/11/iran-la-propagande-tourne-plein-regime.html 

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    • Marcel // 30.11.2011 à 08h01

      @ronron,
      tout le monde n’imprime pas du papier qui sert d’étalon pour les transactions internationales. Pour faire un parallèle que je reconnais comme un peu scabreux, l’ensemble des monnaies vis à vis du dollar sont un peu comme les Francs CFA vis à vis du Franc français. Par ailleurs ton approche est rationnelle, c’est  l’erreur de ta première hypothèse. On est plus dans un monde financier rationnel. Les acteurs savent que si ils agissent pour le redevenir, ils vont droit dans le mur . La deuxième me semble beaucoup plus cohérente.
      Les US ont démontré via l’intervention de G.Bush fils à quel point ils se moquent de l’avis du reste du monde. Devant un parterre de dirigeants des pays de la planète présents à l’ONU au mois de décembre 2002, il a dit :  » Les U.S. n’ont rien à faire de l’avis de l’ONU »
      C’est quand même gonflé, de dire cela face aux Russes, Chinois et des alliés de l’OTAN.
      9 ans plus tard, on constate  :
      1) les puits de pétroles appartiennent aux compagnies US et sont bien protégés via de la corruption locale
      2) la population irakienne se massacre tous les jours
      3) l’américain moyen continue de rouler, polluer et de consommer au delà des moyens du reste de la population planétaire.
      Donc ton hypothèse n° 2 est pour moi la bonne 😉

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  • Benjamin Franklin // 29.11.2011 à 09h31

    Concernant le graphique des taux d’intérêts, ça vaudrait le coup de préciser que c’est justement l’inflation élevée qui expliquait les taux d’intérêts élevés, les taux « réels » n’ont sans doute pas subi une telle envolée.

    En pratique, le Japon monétise très peu sa dette (pas plus de 8% de la dette publique possédée par la Banque du Japon). Mais les Japonais achètent massivement des titres de dette, déjà parce qu’ils en ont les moyens (salaires relativement élevés par rapport à la valeur ajoutée, faible pression fiscale), ensuite par nationalisme, enfin parce que le système bancaire japonais est lourdement contrôlé par l’Etat, qui incite donc fortement les particuliers à le financer. Et enfin, la déflation accroît les taux d’intérêts réels. Ces facteurs expliquent les faibles taux d’intérêts de la dette publique au Japon.

    L’arrivée à l’âge de la retraite des baby-boomers devrait modifier fortement cette situation…

    Pour les USA, à mon avis ils peuvent maintenir des taux d’intérêts du crédit public bas pendant encore plusieurs mois voire années. Tant que les ménages et les entreprises ne souhaitent pas recommencer à investir ou consommer massivement, la création monétaire reste stockée dans les coffres des banques. Et tant que le dollar reste monnaie d’échange international, l’inflation s’exporte.
    Il est probable qu’on observe néanmoins un « effet d’éviction », à savoir la grimpée rapide des taux d’intérêts du crédit privé, au fur et à mesure de la captation de la richesse réelle par le public. Si un blocage complet de l’économie américaine est quasi certain de cette manière, il prendra encore du temps.

    Les événements susceptibles d’accélérer l’effondrement du système seraient une dégradation conséquente de la note, qui obligerait les investisseurs institutionnels à fuir les T-bills (scénario peu probable), ou bien le passage des pays en développement à l’or comme monnaie d’échange (scénario nettement plus probable, surtout vu la constitution frénétique de stocks d’or nationaux ces dernières années).

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  • yak // 29.11.2011 à 13h35

    on raisonne toujours comme si la dette devait etre remboursée.alors qu’on sait qu’elle ne pourra l’etre.les perdants?tous ceux qui possedent des bonds et du dollar.idem en europe.l’exemple grec aurait du nous eclairer sur ce qui va se passer.seule question,des pays sains comme le danemark ou l’australie pourront ils rembourser leur dette si les autres s’ecroulent?

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  • Juan // 29.11.2011 à 20h10

    Bonjour,

    Je voudrais avoir un éclaircissement concernant le graphique des Intérêts annuels de la dette US. En effet ne s’agirait-il pas plutôt du remboursement des intérêts et du principal car 1600 milliards d’intérêt qui représentent 5% de la dette totale nous mène à une dette totale de 32000 milliards!

    Ce qui est très très loin de la dette officielle de 15000 milliards !!!!!!

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  • Jftam // 30.11.2011 à 00h10

    « La situation des années 2000 est éclairante : on comprend bien que la baisse des taux a permis à l’État d’augmenter son fol endettement facilement : la charge est même restée stable ! »

    On oublierait presque en lisant cela que le poids de la dette a explosé en raison de la charge des interets de cette dette, avec effet boule de neige et emprunts uniquement destinés à rembourser les interets…

    Le problème réside dans les taux détournés par les banques privées… Phénomène bien plus évident en Europe, mais les USA nous ont largement montré la voie…

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  • vg // 03.01.2012 à 23h49

    Qui a dit qu’il fallait tout payé, ils ne faut que rembourser le taux d’intéret pour ne pas etre en défault de paiement. Sinon ils peuvent réemprunter ou convertir des valeur en monnaie. De plus le fait d’avoir un taux très bas encourage l’endettement, si le taux directeur augmenterai ils (usa) serait en impossibilité de payé, ce qui n’est pas le cas puisque le taux directeur est inchangé pour jusqu’en 2013. Et ou il augmentera a peine de 0.25% des mois plus tard. Si les USA n’aurait pas une grosse dette par rapport aux autres nations, le taux directeur serait augmenter de toute évidence, c’est mon avis. Et au rhytme actuel si il n’y a pas de changements aux habitudes des dépenses, cela prendra 500 ans avant de payé la totalité de la dette américaine.

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  • UnPion // 06.04.2012 à 03h17

    Il est interessant de noter que lorsque les US ont perdu leur AAA, les investisseurs ont achete des T bonds et les taux ont baisses.
    J’ai toujours du mal a comprendre pourquoi

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  • Patrick Luder // 06.04.2012 à 06h48

    Exposé très clair, merci encore une fois !
     
    Petite histoire de cavalerie (dont il est souvent fait mention).
    Nous avions l’habitude de faire de bonnes virées,
    Mais le soir les chevaux étaient nourris, soignés,
    Nous aimons beaucoup nos chevaux, ce sont nos amis.
    Mais aujourd’hui la ballade à été trop longue, nos chevaux sont épuisés,
    Et le but n’est pas encore atteint, nous décidons de poursuivre encore un peu.
    Oups, nous nous sommes perdus, on change de cap mais on continue,
    On pousse les chevaux à bout, là au loin apparaît une lueur.
    Misère, la lueur n’est pas ce que l’on croyait, ce sont nos ennemis, il faut fuir.
    Fuir encore, toujours plus loin, toujours à grande vitesse.
    On galope sur nos montures épuisées, j’ai mal au cœur pour elles.
    Les chevaux n’en peuvent plus, ils suent, ils halètent, ils essaient de s’arrêter.
    Du renfort arrive, on se retourne et on fonce tous ensemble sur nos ennemis.
    Les chevaux de nos renforts sont dans le même état que les notres, épuisés, à bout.
    Mais la route est encore longue, il faut encore titrer sur les chevaux, ils ne s’en remettront pas.
    Un cheval (et son cavalier donc) c’est écoulé mort,
    Mais on continue encore et toujours sur la même lancée.
    Nous devrions nous approcher de nos ennemis, il faut tenir, on accélère,
    Certains ont ouvert les flancs de leurs monture, ça saigne, les chevaux seront sacrifiés.
    Purée mais ils sont ou ces ennemis, on c’est encore gourés de chemin ?
    C’est insensé, mais on continue quand même, perdu pour perdu …
    De temps en temps un cavalier et sa monture s’écroulent, mais on va tous y passer ?
    La cavalerie folle continue … jusqu’à la mort, elle continue …
    Nos sacrifice auront été inutiles, nos ennemis ont attaqués,
    Derrière nous, nos villages avec nos femmes et nos enfants !
    Bonne nouvelle tout de même aujourd’hui,
    Quelqu’un d’autre s’est sacrifié utilement pour nous !

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