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8.mars.20128.3.2012 // par Olivier Berruyer

Le jour J pour la Grèce…

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Comme je fais la Une d’Atlantico avec cet article qui risque d’être un peu périmé demain, je vous le signale… Il est bâti sur les données analysées en détail dans ce billet

Pourquoi certains créanciers de la Grèce pourraient préférer une faillite du pays au plan de sauvetage européen

Les créanciers de la dette grecque doivent décider ce jeudi s’ils acceptent de renoncer à leur mise de départ en échange de créances garanties par l’Union Européenne. Un arrangement moins alléchant qu’un défaut de paiement du pays.

C’est le jour J pour la Grèce… Son avenir financier est désormais entre les mains des créanciers privés détenteurs de sa dette. Ils devront au plus tard ce soir à 21 heures se prononcer sur un élément clé pour le sauvetage du pays : l’effacement de 105 milliards d’euros de dette sur un montant total de 355 milliards d’euros.

Concrètement, les gouvernements européens ont demandé au secteur privé de renoncer à 53,5 % de ses créances grecques en échange de nouvelles obligations à très long terme et d’obligations du FESF (Fonds européen de stabilité financière) pour les 46,5 % restants, avec une part de garantie européenne.

Quels sont les détenteurs de la dette grecque ?

Rappelons quels sont à ce jour les possesseurs des 355 milliards d’euros de la dette grecque :
  • environ 155 milliards d’euros sont détenus par le “secteur public international”, et ne seront pas décotés ;
  • environ 200 milliards d’euros sont détenus par des investisseurs privés, à qui on propose une décote.
Ces 200 milliards d’euros détenus par des privés se décomposent ainsi :
  • 50 milliards d’euros pour des banques et des assureurs internationaux ;
  • 80 milliards d’euros pour les banques et fonds de pensions grecs ;
  • 70 milliards d’euros pour des fonds d’investissements internationaux.

Quels sont les impacts de la restructuration de la dette ?

En réalité, ces nouvelles obligations proposées aux créanciers privés ont un taux si faible que cela revient pour eux à une perte finale d’environ 70 % (et non 50% comme tout le monde semble le laisser entendre).

La vérité est que le ballon d’oxygène pour la Grèce est fort limité. En effet, dans un premier temps, la participation est censée être « volontaire ». On peut donc estimer que 100 % des banques grecques et 90 % des banques internationales participeront – car les gouvernements ont « tordu le bras » de leurs banques.

Certains détenteurs privés de la dette grecque n’ont aucun intérêt à accepter le plan de sauvetage européen

La question porte donc sur les 70 milliards d’euros détenus par des fonds d’investissements. Les fonds d’investissement ont en fait racheté ces derniers mois cette dette sur le marché secondaire à des banques bien heureuses de s’en débarrasser, même avec des pertes. Beaucoup de ces fonds font le pari suivant : ils ne se porteront pas volontaires, et du coup, la Grèce, utilisant les fonds européens, les remboursera à 100 %. En fait, la plupart possèdent des CDS (contrats d’assurance) grecs, qui les protègeront en cas de défaut.

Ces derniers investisseurs n’ont donc aucun intérêt à être volontaires – ils ont même un fort intérêt au défaut grec… 40 % de participation serait donc un bon résultat, ce qui ferait autour de 77% de participation totale, soit une réduction colossale de 105 milliards d’euros.

L’objectif de la Grèce…

Le but de la Grèce est d’atteindre au moins 66 % de participation totale. En dessous, elle a déclaré qu’elle ne lancerait pas l’opération d’échange – on rentrerait alors dans un défaut brutal.
Au delà de 75 % de participation, elle a déclaré qu’elle pourrait appliquer des clauses d’actions collectives, ce qui revient à dire qu’elle forcera les non-volontaires à appliquer, et décottera donc 100 % de sa dette.
Nous avons vu que le taux de 75 % semble atteignable sous les hypothèses retenues. Toutefois, des rumeurs font état d’une participation à ce jour de 40 à 50 % de créanciers privés favorables à un effacement volontaire partiel de la dette.

Nous connaîtrons dans la nuit le résultat final de l’opération.

out ça pour ça…

Malheureusement, l’opération ne soldera pas par un effacement final de 105 Md€.
En effet, la participation des banques grecques entraînera leur faillite. Au moment de la restructuration, l’Union européenne va donc re-prêter de l’argent pour recapitaliser ces banques : environ 40 milliards d’euros de dette nouvelle, plus 23 milliards d’euros de prêts nouveaux du FESF pour aider le pays.
On aboutirait ainsi à un effacement de 42 milliards d’euros (= – 105 + 40 + 23), auquel il faut rajouter les 20 milliards d’euros de déficit public 2012.
Le bilan de toute cette opération sera au final un allègement de la dette d’environ 20 milliards d’euros au 31 décembre 2012, ne faisant passer le ration Dette / PIB que de 161 % à 159 % – le pays étant en plus en récession… En revanche, la part des prêts publics internationaux (et donc du risque) passera en un an de 155 à 242 milliards d’euros…

Attention au véritable montant des contrats d’assurance !

Ainsi, si la participation atteint 75 %, la Grèce obligera les non-volontaires à participer.

Dès lors, il y aura un vrai défaut qui déclenchera les fameux CDS. On essaie de faire croire que les montants sont limités – on parle de 3 milliards d’euros en net – mais le souci est qu’il convient de ne pas perdre les montants bruts, qui semblent avoisiner les 50 milliards d’euros et qui ne se compenseront peut-être pas facilement entre banques mises en difficulté….

Comme souvent – marchés boursiers, produits dérivés, bilans bancaires, bilan BCE (Banque centrale européenne), engagements hors-bilan -, l’opacité règne en maître, ce qui n’est jamais la meilleure façon de sortir d’une situation dangereuse…

21 réactions et commentaires

  • Didier // 08.03.2012 à 15h40

    Bonjour Olivier,
    Peux-tu expliquer ce que tu entend par montant net (3 Mds) et montant brut (50 Mds) ?
    Merci. 

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  • Casquette // 08.03.2012 à 15h50

    Bonjour ,
    pour quelle raison la dette détenue par le secteur public international n’est pas décotée comme les autres ?

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  • fabrice // 08.03.2012 à 15h57

    je vais dire une bêtise voir plus, mais du fait du refus de participer ne sera-t-il pas considéré comme une clause de non validation du cds (au vu de la décision récente de l’organe sur les cds greques) comme un refus volontaire (le cds ne couvrant que les défauts auquel le créancier ne peut pas échapper) et le fait de participer au nouveau réechellonement ne fait il pas rendre caduque un cds qui a été placé sur un contrat ancien de prêt (je sais pas si je suis clair), alors que là c’est un nouveau contrat de prêt ?

    je sais c’est tordu et un peu confus.

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  • Patrick-Louis Vincent // 08.03.2012 à 15h58

    Ci-dessous l’avis de Nouriel Roubini qui pense que les détenteurs privés de la dette grcque ont tout intérêt à accepter la proposition de ce soir.
    http://leblogalupus.com/2012/03/08/les-creanciers-prives-de-la-grece-sont-de-petits-veinards-selon-nouriel-roubini/

    En effet, je ne vois pas pourquoi ils refuseraient. L’on nous fait croire que 50% seulement seraient d’accord pour payer. Je me demande si ce n’est pas pour entretenir le suspens, un peu comme les 500 signatures de MLP !!! 

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  • prb // 08.03.2012 à 16h34

    Merci Olivier c’est l’exposé le plus clair que j’aie lu sur la situation de le dette grecque. On voit bien qu’il ne s’agit pas de « sauver la Grèce » dont la dette est à peine allégée, mais de faire passer le plus gros de la « patate chaude » des créanciers privés (qui ont déjà provisionné) aux malheureux contribuables de la zone euro qui n’en peuvent mais.  

    Quant aux CDS effe ctivement cette façon de comptabiliser uniquement le net (CDS vendus moins CDS achetés) fait abstraction de tout risque de défaut des vendeurs de CDS, ce qui e’st une pure fiction juridique.  Le retour à la réalité pourrait être douloureux. 

    A ce sujet, je ne comprends pas que les autorités de supervision n’obligent pas les  banques à déclarer et comptabiliser (même hors bilan) la liste des CDS achetés & vendus. Quelqu’un a-t-il une explication?  

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    • Jack // 08.03.2012 à 18h01

      La peur de déplaire (à son seigneur et maître)?

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  • Un_passant // 08.03.2012 à 20h44

    Donc en gros vous pensez que les créanciers préféreront provoquer un défaut grec avec tous les risques de contagion mondiale sur le système bancaire que ça ne manquerait pas de provoquer?

    Il me semble, mais peut-être suis-je naïf- qu’un défaut contrôlé sera mieux perçu par les marchés qu’un défaut débandade dont les conséquences sont encore plus imprévisibles.

    Ce qui m’étonne, c’est que vous croyez que les banquiers ont encore confiance dans leurs CDS alors que tout porte à croire que du fait d’échanges croisés, les garanties sont caduques avant même d’avoir été utilisées.

    Dans tous les cas, je m’attends à des faillites.

    Et alors là, le Q3 américain… va être caduque aussi : chat échaudé craint l’eau froide (et les créanciers ont la réputation de pouvoir devenir terriblement frileux).

    Cela va être… drôle.

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  • FLANAGAN // 08.03.2012 à 20h48

    Bonsoir Olivier
    Suite à votre précédent article intitulé « pour 530 Mds d’€, t’as plus rien » que j’ai trouvé très pédagogique et instructif et aux propos tenus dans l’émission « les experts » par P Désertines (je crois) selon lesquels les crédits distribués aux banques par la BCE destinés à la fois à  financer l’économie et les dettes souveraines étaient partiellement dévoyés et en réalité venaient augmenter la force de frappe des fonds d’investissement,  fcdp, et hedge funds, et accroitre les risques d’une spéculation toujours plus incontrôlable, pourriez vous m’expliquer, au moins sommairement, comment ces liquidités dont on répète à l’envie qu’elles restent entre les mains des banquiers peuvent profiter à des fonds spéculatifs qui n’ont évidemment pas les mêmes objectifs que ceux assignés aux banques
    Merci par avance

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  • Marcus // 08.03.2012 à 21h04

    85 % des créanciers privés auraient dit oui (source BFM)
    Le Dow Jones est content il monte. Merci pour lui……
    A++

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    • Sovanna Sek // 08.03.2012 à 21h51

      Bonsoir,

      Je préfère rester prudent sur le cas grec. Pour les prochains mois, surveillons l’Espagne avec plus de 25 % de chômeurs puis la France après les élections présidentielles. Sur le long terme, les USA. 

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  • Sovanna Sek // 08.03.2012 à 21h48

    Bonsoir,

    Les marchés financiers sont optimistes sur le sort de la Grèce. Malheureusement, on ne fait que retarder l’échéance, ça sent la poudre !! Cependant, en tant qu’investisseur en actions, je préfère passer mon chemin sur le cas grec et me concentrer sur l’Espagne puis la France après les élections présidentielles. 

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    • Patrick-Louis Vincent // 09.03.2012 à 09h09

      Il faut aussi attendre les prochaines élections législatives en Grèce. Comment le peuple va-t-il réagir ? Va-t-il seulement réagir ou courber l’échine ? Je parie plutôt sur la seconde hypothèse.

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  • chris06 // 09.03.2012 à 06h37

    @olivier,

    pourquoi dites vous que « la plupart » des fonds d’investissements privés (qui détiennent pour 70  milliards de bons grecs) sont couverts par des CDS?

    Seulement 3 milliards sur les 200 milliards de dette grecque en possession des créanciers privés sont couverts:  1,5% 
    Les montants bruts de CDS grecs sont de 50 milliards mais cela ne signifie pas que « la plupart » des fonds d’investissements privés qui détiennent de la dette grecque sont couverts par des CDS grecs!
    Je suis d’accord que les montants bruts ne se compenseront pas tous dans le cas d’un défaut grec, mais cela n’explique pas pourquoi vous pensez que la plupart des fonds d’investissements sont couverts par des CDS grecs?

    Je veux bien aussi que cette proportion soit plus importante chez les hedge funds que chez les autres créanciers privés mais je ne vois pas quelles informations  vous amène à dire que la plupart sont couverts par des CDS?

    Les fonds d’investissements privés qui sont couverts par des CDS grecs ont effectivement intérêt à ce que la Grèce fasse défaut, mais cela ne concerne qu’une part infime de ces créanciers.

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