Les Crises Les Crises
29.juillet.201629.7.2016 // Les Crises

La guerre de l’information russe : pour une réponse globale, par Nicolas Tenzer

Merci 20
J'envoie

Je sais que ça devient lassant, mais enfin, n’oublions pas que pendant les vacances, la propagande continue…

Mention spéciale à ce bijou de Nicolas Tenzer : il a fait ses études à l’École Normale Supérieure (1980-1982), à Sciences-Po (1980-1982) et à l’École Nationale d’Administration (1984-1986). Il est aussi titulaire d’une maîtrise d’histoire obtenue à l’Université de Nanterre. Il a été maître de conférences en philosophie politique à Sciences-Po (1986-2004) et y enseigne à nouveau depuis 2014, au sein de la Paris School of International Affairs. Il a été entre 2010 et 2015 membre du directoire de l’Institut Aspen France, dont il a assuré successivement les fonctions de trésorier et de président (il siégeait donc dans ce think-tank aux côtés de Madeleine Albright et Condoleezza Rice…)

Source : Sauvons l’Europe, Nicolas Tenzer, 25/07/2016

La guerre de l’information est l’une des composantes de la guerre tout court. Elle combine ce qu’on appelle soft power et hard power et n’est pas limitée à la Russie. Moscou l’a toutefois développée avec une ampleur inégalée en termes de moyens financiers et humains et d’extension géographique. Cette guerre a une dimension à la fois interne et externe : elle vise, d’un côté, à laver le cerveau de ses citoyens en leur faisant perdre tout repère tout en instillant la crainte et, de l’autre, à gagner à ses thèses une partie des dirigeants et de l’opinion publique à l’étranger.

Elle comporte des dimensions multiples, certaines évidentes et vite repérables par des personnes vigilantes, d’autres plus subtiles et pernicieuses. Une réponse qui ne se limiterait qu’aux premières n’éradiquera pas le virus, et si elle n’est que réplique et non affirmation, elle sera vouée à l’échec.

Une guerre multidimensionnelle

La pratique de la désinformation ne se limite pas au mensonge, mais elle combine fausseté et vérité partielle. Elle entend chambouler le monde et priver les citoyens de toute référence et de toute évidence. Elle dérobe le sol où nous nous tenons, déforme l’histoire, subvertit le sens des mots et annihile la distance entre le jour et la nuit, la réalité et le cauchemar, la guerre et la paix. En cela, 1984 de George Orwell reste la référence indispensable. Cette mécanique a été bien décrite pour la face interne de la désinformation par Peter Pomenrantzev. Elle la conduit à reproduire l’argument de cour de récréation : « C’est celui qui dit qui est. » Elle dénoncera avec d’autant plus d’aplomb la guerre de l’information de l’Occident ou la menace de l’OTAN qu’elle lance la première et envahit ses voisins.

Représentation du ministère de la Vérité, l’un des lieux du roman de George Orwell : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. ». Wikimédia Commons, CC BY

Représentation du ministère de la Vérité, l’un des lieux du roman de George Orwell : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. ».
Wikimédia Commons, CC BY

OB : Oser citer Orwell dans ce contexte, c’est… orwellien !

À l’extérieur, cette stratégie emprunte plusieurs voies. L’une des plus connues est la mise en service de la propagande d’une armée de trolls, très présente sur Twitter, qui vise à la fois à harceler l’adversaire, à lui répondre par des contre-vérités, à essayer de le faire douter si ses certitudes ne sont pas suffisamment assises et à saper son moral, y compris par des remarques agressives, parfois racistes et antisémites. Les trolls sont des taons dont l’impact est fort chez les personnes vulnérables.

Cette propagande est aussi développée par les canaux officiels du Kremlin, comme Russia Today et Sputnik, qui diffusent et tweetent dans plusieurs langues. Ces canaux répètent les thèses de Moscou : pas d’armée russe en Ukraine jusqu’au demi-démenti officiel, guerre contre Daech en Syrie alors que les forces russes attaquent principalement les rebelles qui s’opposent au régime d’Assad, « nazis » de Kiev, etc. Mais ils font aussi appel à tous ceux qui, à l’étranger, soutiennent la politique de Poutine. Selon une tactique classique, ils visent aussi à saper le moral de l’adversaire, en propageant prioritairement les nouvelles qui peuvent l’affaiblir – ainsi en montrant à l’envi l’irrésolution de certains responsables européens en matière de sanctions.

Lire la suite sur : Sauvons l’Europe, Nicolas Tenzer, 25/07/2016

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie nullement que nous "soutenons" Bachar al-Assad. Par principe, nous ne "soutenons" aucun gouvernement nulle part sur la planète. Nous sommes au contraire vigilants, tout gouvernement devant, pour nous, justifier en permanence qu'il ne franchit aucune ligne jaune. Mais nous sommes évidemment également attachés à lutter contre le deux poids 2 mesures, et à présenter tous les faits. Au final, notre vision est que le peuple syrien puisse choisir librement et démocratiquement son avenir, sans ingérences extérieures, et nous condamnons toutes les atteintes aux Droits de l'Homme des deux camps...

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications