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Le véritable but du rapport américain sur le prétendu piratage de la Russie – par Chris Hedges

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Source : Truthdig, le 08/01/2017

Publié le 8 janvier 2017

Par Chris Hedges

Détail d’une page du rapport déclassifié (Job Elswick / AP)

Quelques réflexions sur « La campagne d’influence de la Russie visant l’élection présentielle US en 2016 », le rapport récemment déclassifié par le bureau du directeur du renseignement national.

1. L’objectif principal du rapport déclassifié, qui n’apporte aucune preuve pour appuyer ses affirmations selon lesquelles la Russie aurait piraté la campagne présidentielle U.S., est de discréditer Donald Trump. Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu de piratage russe des emails de John Podesta. Je dis que nous attendons encore les preuves appuyant cette accusation. Celle-ci — le Sénateur John McCain a assimilé les actions supposées de la Russie à un acte de guerre — est la première salve de ce que sera la campagne infatigable de l’Establishment Républicain et Démocrate, avec leurs alliés des grandes entreprises et les médias de masse, pour détruire la crédibilité du président-élu et ouvrir la voie à une procédure de destitution.

Les allégations contenues dans le rapport, amplifiées dans des déclarations à couper le souffle par les medias soumis aux grandes entreprises qui travaillent dans un monde non basé sur des faits et en tout point aussi pernicieux que celui de Trump, ont pour dessein de faire croire que Trump est un « idiot utile » de Poutine. Une campagne orchestrée et soutenue d’insinuations et de dénigrement systématique sera dirigée contre Trump. Quand « l’impeachment » sera finalement proposé, Trump aura bien peu de soutien du public et bien peu d’alliés, et deviendra une figure ouvertement ridicule dans les medias soumis aux grandes entreprises.

2. La seconde tâche de ce rapport est d’appuyer la campagne de dénigrement maccarthyste contre les medias indépendants, y compris Truthdig, présentés comme des agents conscients ou inconscients du gouvernement russe. La disparition de la programmation anglaise d’Al-Jazeera et de TeleSur, avec l’effondrement des diffusions publiques nationales destinées à donner une voix à ceux qui ne doivent rien aux entreprises ni aux partis, laisse RT America et Democracy Now! de Amy Goodman comme les seuls medias électroniques de portée nationale acceptant de donner un espace à ceux qui critiquent le pouvoir du monde des affaires et de l’impérialisme comme Julian Assange, Edward Snowden, Chelsea Manning, Ralph Nader, Medea Benjamin, Cornel West, Kshama Sawant, moi-même et d’autres.

Sept pages du rapport sont consacrées à RT America, où j’ai un show appelé « On Contact ». Le rapport gonfle énormément la portée et l’influence de cette chaîne câblée. Il comprend aussi quelques erreurs flagrantes, y compris l’affirmation que « RT a introduit deux nouveaux shows (« Breaking the set » le 4 septembre, et « Truthseeker » le 2 novembre) les deux massivement concentrés sur la critique des USA et des gouvernements occidentaux, et aussi sur la promotion d’un mécontentement radical. « Breaking the set », avec Abby Martin, a été retiré de la diffusion il y a deux ans. On ne peut vraiment pas l’incriminer dans la défaite d’Hillary Clinton. [Truthseeker a aussi été retiré des ondes en 2014, NdT]

La rage à peine contenue du directeur du renseignement national James Clapper au Comité du Sénat sur les Services Armés était évidente durant la séance sur les cyber-menaces étrangères, quand il éructa que RT « promouvait un point de vue particulier, éreintant notre système, notre soi-disant hypocrisie sur les Droits de l’Homme et cetera. » Sa colère donnait un aperçu sur la façon dont l’Establishment bouillonne de haine contre les dissidents. Clapper a menti dans le passé. Il s’est parjuré en mars 2013, trois mois avant les révélations sur la surveillance d’état massive fuitées par Snowden, quand il a assuré au Congrès que la NSA ne collectait « aucun type de données » sur le public américain. Quand le « corporate state » (l’état associé aux grandes entreprises) aura fermé RT, il attaquera Democracy Now! et la poignée de sites progressistes (y compris celui-ci) qui donnent un espace aux dissidents. Le but, c’est la censure.

3. La troisième tâche du rapport est de justifier l’expansion de l’Organisation du Traité Atlantique-Nord au-delà de l’Allemagne, en violation avec la promesse que Ronald Reagan avait faite à Mikhaïl Gorbatchev de l’Union soviétique après la chute du mur de Berlin. L’expansion de l’OTAN en Europe de l’Est a ouvert un marché des armes pour l’industrie de guerre. Ce business a généré des milliards de dollars. Les nouveaux membres de l’OTAN doivent acheter des armes occidentales qui peuvent être intégrées à l’arsenal de l’OTAN. Ces ventes, qui saignent à mort les budgets serrés de pays comme la Pologne, sont dédiées à de potentielles hostilités avec la Russie. Si la Russie n’est pas une menace, la vente des armes s’effondre. La guerre est un racket.

4. La dernière tâche du rapport est de donner au Parti Démocrate une explication plausible à la défaite catastrophique dont il a souffert aux élections. Clinton a initialement blâmé le directeur du FBI James Comey pour sa défaite avant de changer pour Poutine, plus facile à diaboliser. L’accusation d’interférence russe se résume essentiellement à l’absurde présomption que, peut-être, des centaines de milliers de supporters de Clinton décidèrent subitement de reporter leurs votes sur Trump quand ils ont lu les emails fuités de Podesta. Soit ça, soit ils ont regardé RT America et décidé de voter pour le parti écologiste.

La direction du Parti Démocrate ne peut pas reconnaitre, et certainement ne peut pas admettre publiquement, que sa trahison impitoyable de la classe moyenne et de la classe ouvrière a déclenché une révolte nationale qui a provoqué l’élection de Trump. Ce parti a été battu de façon répétée depuis que le Président Obama a pris ses fonctions, perdant 68 sièges à l’Assemblée, 12 sièges au Sénat et 10 postes de gouverneur. Il a perdu plus de 1000 élus entre 2008 et 2012 au niveau national. Depuis 2010, les Républicains ont remplacé 900 législateurs Démocrates. Si cela était un vrai parti, le directoire en entier aurait été viré. Mais ce n’est pas un vrai parti, c’est une coquille vide soutenue par l’argent du business et par des medias surexcités.

Le parti Démocrate doit maintenir la fiction du libéralisme exactement comme le parti Républicain doit maintenir la fiction du conservatisme. Ces deux partis, cependant, appartiennent à un seul parti : le parti des grandes entreprises. Ils travailleront de concert, comme on le voit déjà avec l’alliance entre des leaders républicains comme McCain et des leaders Démocrates comme le sénateur Chuck Shumer, pour se débarrasser de Trump, pour faire taire toute dissidence, pour enrichir l’industrie de guerre et promouvoir la farce qu’ils appellent démocratie.

Bienvenue dans notre « annus horribilis » [année horrible, citant la reine Elizabeth II, NdT].

Source : Truthdig, le 08/01/2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Eric10 // 05.03.2017 à 07h12

« quand il éructa que RT “promouvait un point de vue particulier, éreintant notre système, notre soi-disant hypocrisie sur les Droits de l’Homme et cetera.” Sa colère donnait un aperçu sur la façon dont l’Establishment bouillonne de haine contre les dissidents. »
y a que la vérité qui fâche !!!
votre hypocrisie concernant les droits de l’homme n’est pas « soi-disant », elle est constatée par tout le monde, vous êtes allés tués par milliers contre le droit international que vous ne respectez jamais, vos actes d’agression ressemblent à s’y méprendre à du terrorisme.

15 réactions et commentaires

  • Eric10 // 05.03.2017 à 07h12

    « quand il éructa que RT “promouvait un point de vue particulier, éreintant notre système, notre soi-disant hypocrisie sur les Droits de l’Homme et cetera.” Sa colère donnait un aperçu sur la façon dont l’Establishment bouillonne de haine contre les dissidents. »
    y a que la vérité qui fâche !!!
    votre hypocrisie concernant les droits de l’homme n’est pas « soi-disant », elle est constatée par tout le monde, vous êtes allés tués par milliers contre le droit international que vous ne respectez jamais, vos actes d’agression ressemblent à s’y méprendre à du terrorisme.

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    • Louis Robert // 05.03.2017 à 12h06

      C’en est. Terrorisme d’état, terrorisme impérialiste. Millions de victimes.

      Lisez « L’Occident terroriste » de Chomsky et Vltchek.

      Précisons. L’Occident terroriste, c’est NOUS…

        +22

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  • LBSSO // 05.03.2017 à 07h13

    C Hedges écrit:
    « ….la campagne infatigable de l’Establishment Républicain et Démocrate, avec leurs alliés des grandes entreprises et les médias de masse, pour détruire la crédibilité du président-élu… »
    Illustration:
    E Chevrillon sur BFM Business reçoit le startuper L Le Meur qui a réussit dans la Net Economie.
    Le début de l’émission concerne D Trump.

    La journaliste: « et ce sont les stars de la Silicon Valley qui financent les avocats qui essaient de contrecarrer notamment le décret anti immigration etc. »

    L L M: « Oui,à chaque fois que..ben sur l’immigration il a été bloqué immédiatement. Ce sont…Ce sont les mêmes ,qui beaucoup sont milliardaires qui financent des armées d’avocats contre ça »

    http://bfmbusiness.bfmtv.com/mediaplayer/video/loic-le-meur-leade-rs-1602-22-915075.html
    à 2mn35

    Au début , vous pourrez également apprendre qu’ils ont eu la tentation de bloquer le compte Tweeter de D Trump .
    ( interview intéressante quant aux relations Etats / Géants de la Net Economie)

      +12

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  • Reality // 05.03.2017 à 08h19

    Sans faux cynisme, j’attends la première tentative de destitution de Trump.
    Surarmés comme le sont les « ricains », il ne sera pas bon d’arpenter les rues des grandes villes US …

      +16

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  • FLANDRE // 05.03.2017 à 09h27

    On ne cite jamais les véritables initiateurs de cette ignominie … les dirigeants des banques « américaines » par exemple !!!

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  • christian gedeon // 05.03.2017 à 10h25

    Oui…et donc? comme d’hab,Hedges accumule les récits et les faits..bien. Mais ne conclut rien,reste dans le flou,et déteste Trump, quoi qu’il en soit.Il remue la merde,mais avec une très très longue cuiller,des fois que les effluves l’atteindraient. Mais faut prendre position,mon gars…et être clair . En gros,faire un choix…difficile çà hein?

      +2

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    • Michel Ickx // 06.03.2017 à 19h25

      Chris Hedges montre la lune. Il faut arrêter de regarder son doigt même s’il l’agite avec une longue cuillière.

      Les journalistes courageux sont une espèce en voie d’extinction, traitons-les avec le maximum de respect car après les juifs, les syndicalistes, les tsiganes etc…… il n’y aura plus personne pour dénoncer les réseaux de l’état profond.

        +4

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  • RGT // 05.03.2017 à 10h42

    Cette attaque systématique contre toute opinion qui pourrait aller à l’encontre des intérêts des plus grosses entreprises n’est malheureusement pas limitée aux seuls USA.

    Partout dans le « monde libre » la censure et la diffamation sont devenues des armes à l’encontre de toutes les opinions « déviantes » (même celles qui sont peu ragoûtantes, ce qui n’était pas le cas avant).

    Quelques épouvantails utiles (Poutine, Assad, Kim Jong-Hun) sont bien utiles pour ramener les brebis dans le droit chemin et pour compromettre un dirigeant qui ne naviguerait pas tout à fait dans le bon sens.

    Si d’aventure le président élu par les prochaines élections françaises ne convenait pas à la ploutocratie (très peu probable, il ne faut pas rêver) il serait lui aussi « compromis » dans des affaires « sordides » visant à le discréditer auprès du peuple bêlant.

    Bienvenue dans notre “annus horribilis”…

    À mon avis, il y a une faute d’orthographe : Je vois un « n » de trop 😉

      +9

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  • Fritz // 05.03.2017 à 11h35

    L’offensive contre le président Trump, caricaturé en « agent de Poutine », contre les médias et sites indépendants (PropOrNot, Décodex), et aussi l’offensive contre Fillon, « candidat de Poutine » selon les maîtres du jeu, tout cela est lié : c’est la mobilisation générale du bloc occidental dans une perspective de guerre.

    Merci à Chris Hedges (et aux traducteurs) pour cet éclairage, avec une petite correction : ce n’est pas Reagan qui a promis à Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est « après la chute du Mur de Berlin », puisque cet événement s’est passé le 9 novembre 1989 : Reagan avait quitté la Maison Blanche le 20 janvier précédent.

    C’est le Secrétaire d’État, James Baker, qui a fait cette promesse à Gorbatchev, le 9 février 1990 au Kremlin : « pas un pouce vers l’Est ». Le ministre des Affaires Étrangères de la RFA, Hans Dietrich Genscher, a confirmé cette promesse à son homologue soviétique Chevardnadzé, le 10 février 1990.
    http://www.spiegel.de/international/world/nato-s-eastward-expansion-did-the-west-break-its-promise-to-moscow-a-663315.html

      +24

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  • Le Rouméliote // 05.03.2017 à 11h39

    Cette manière de voir l’ignoble Russie capable de tous les coups tordus ne remonte pas à l’ère soviétique, mais est bien antérieure. La presse soupçonnait l’ambassadeur de Russie, Izvolski, ancien Ministre des Affaires Étrangères duTsar, d’avoir commandité et financé l’assassinat de Jean Jaurès le 31 juillet 1914. La « preuve » : Raoul Villain avait été arrêté avec une « grosse » somme d’argent sur lui !

      +8

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  • Louis Robert // 05.03.2017 à 12h40

    Hedges sauve l’honneur, comme il fut dit jadis d’un autre grand homme courageux.

    « … campagne de dénigrement maccarthyste contre les médias indépendants ».
    « Le but, c’est la censure ».
    « La guerre est un racket ».
    « (Les Démocrates)… ce n’est pas un vrai parti, c’est une coquille vide soutenue par l’argent du business et par des médias surexcités ».
    « Ces deux partis appartiennent à un seul parti : le parti des grandes entreprises ».
    « … se débarrasser de Trump ».
    « … faire taire toute dissidence ».
    « … enrichir l’industrie de guerre ».
    « … la farce qu’ils appellent démocratie ».

    À quand un journaliste français qui, méprisant la méprisable « post-vérité », s’exprimera sur la réalité politique française avec autant de lucidité, de clarté et de courage?

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  • Seraphim // 06.03.2017 à 02h51

    « Mais ce n’est pas un vrai parti, c’est une coquille vide soutenue par l’argent du business et par des medias surexcités ».
    Ah, ah ! Et en France, ça s’applique à qui?
    « Democrats » et « En marche », même combat ? Wikileaks n’a-t-il pas évoqué avoir sous le coude des emails Macron/Clinton? Qui se ressemble s’assemble…

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  • Nicolas D. // 06.03.2017 à 22h32

    J’ai lu le doc des autorités américaines. Hallucinant ! Il fait 25 pages. Une fois qu’on enlève l’introduction, l’executive summary, le sommaire et les annexes, il reste 5 pages. Sur ces 5 pages, il y a – écoutez bien ! – 1 page sur le hacking informatique. Le reste est constitué de considérations assez générales sur l’animosité entre Clinton et les Russes et sur le rôle des médias russes, notamment RT.

    A cet égard, je reste étonné que tous les médias acceptent aussi facilement le procédé américain qui consiste à mélanger ce qui relève de l’espionnage ou du piratage informatique – qu’on peut effectivement critiquer, faudrait juste des preuves – et ce qui relève de la presse d’opposition. Ce sont deux registres absolument différents mais qu’on mélange pour faire monter la sauce. Et tout le monde suit.

    Enfin, il y a une autre absurdité, c’est la reprise en boucle de cette notion mise en avant par les autorités américaines : les actions russes visent à miner la confiance du public dans les structures démocratiques. Elles ne peuvent pas prétendre que l’influence russe soit vraiment efficace ou ait un réel impact, du coup ils inventent cette thèse qui ne veut rien dire mais qui est désormais reprise dans tous les articles sur le sujet. Du grand art en matière de propagande, bravo !

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  • Haricophile // 07.03.2017 à 00h32

    C’est pas comme si a CIA, de manière vérifiée, n’avait pas piraté les ordinateurs de plusieurs présidents et piraté en général ses « alliés » comme dans l’affaire allemande qui a posé problème il n’y a pas si longtemps (chez nous quand on se fait pirater par les USA, aucune réaction sinon quelques bavardages le temps qu’on passe à autre chose).

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    • Interrogationum // 07.03.2017 à 17h32

      @Haricophile : « chez nous quand on se fait pirater par les USA, aucune réaction » => c’est que l’on a pas le nez très propre non plus…

        +2

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