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19.octobre.201619.10.2016 // Les Crises

Poutine suspend un accord de recyclage de plutonium avec Washington, par RFI

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Adieu le désarmement nucléaire…

Ce que les médias disent que les Russes ont dit…

Russie : Poutine suspend un accord de recyclage de plutonium avec Washington

plutonium

Le Kremlin a décidé de suspendre ce lundi 3 octobre un accord avec les États-Unis sur le recyclage de plutonium. Cet accord signé en 2010 devait entrer en vigueur en 2018. Ils concernaient le plutonium issu des ogives nucléaires.

Avec notre correspondante à Moscou, Muriel Pomponne

C’est Vladimir Poutine lui-même qui avait signé l’accord avec Bill Clinton en l’an 2000. Il s’agissait de recycler le plutonium des immenses stocks d’ogives nucléaires hérités de la guerre froide.

Cet accord, complété par un protocole signé en 2010, prévoyait que chaque camp recycle 34 tonnes de plutonium, pour en faire du combustible à oxydes mixtes, autrement dit du Mox, utilisable dans les centrales nucléaires. L’accord devait entrer en application en 2018. D’ici là, les deux pays devaient construire des centrales capables d’utiliser le MOX.

Aujourd’hui, les Russes estiment que les États-Unis n’ont pas rempli leurs obligations, alors que Moscou, selon le porte-parole du Kremlin, a mis en fonction un réacteur en mesure de brûler le MOX.

Vladimir Poutine a justifié cette décision par « les actions inamicales des États-Unis à l’égard de la Russie et leur incapacité à respecter leurs obligations ». Les analystes relativisent la portée de la décision russe, car cet accord n’a jamais été mis en application. Mais il témoigne de la dégradation des relations entre Moscou et Washington.

Source : RFI, 03/10/2016


Ce que les Russes ont exactement dit… :

Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov commente la publication du décret présidentiel de suspension de l’accord russo-américain de gestion et de traitement du plutonium

03/10/2016

Le président de la Fédération de Russie a émis l’ordre de suspendre l’exécution de l’accord russo-américain de gestion et de traitement du plutonium, signé en l’an 2000 par la Fédération de Russie.

Je voudrais souligner que ceci est une mesure de dernier recours. Nous avons considéré que l’accord était une étape importante vers un désarmement nucléaire. Malheureusement, les États-Unis ont récemment pris plusieurs mesures hostiles à l’égard de la Russie. Plus précisément, Washington a introduit des sanctions, entre autres économiques, à grande échelle contre la Russie, basées sur des accusations non fondées. L’infrastructure militaire de l’OTAN est en pleine expansion, avec un nombre croissant de troupes américaines stationnées à proximité des frontières russes. Les États-Unis et leurs alliés discutent ouvertement et franchement de la transition vers une politique de restriction des relations avec la Russie. Ils menacent même des villes russes d’attaques terroristes.

Toutes ces mesures prises par Washington conduisent à un changement majeur dans la stabilité stratégique, et restreignent de plus en plus les perspectives de coopération en matière de réduction bilatérale de l’arsenal nucléaire.

Notre décision est un signal pour dire à Washington qu’il ne peut pas utiliser le langage de la force, des sanctions et des ultimatums avec la Russie, tout en continuant à coopérer avec notre pays uniquement quand c’est profitable aux États-Unis.

Du point de vue du droit international, cette étape est le résultat d’un changement fondamental des conditions par rapport à celles qui prévalaient quand l’accord, en vertu de la Convention de Vienne de 1969 sur le Droit des Traités, a été signé.

Un autre facteur s’ajoute à la situation de l’accord d’élimination du plutonium. Les États-Unis ont, unilatéralement, commencé à modifier la stratégie de traitement convenue pour son plutonium, en invoquant la nécessité de gagner du temps et des ressources. La stratégie choisie par les États-Unis ne garantit pas l’élimination irréversible, ce qui permet à Washington de préserver sa capacité à se rétracter. Les États-Unis ont fait ce changement quand, de notre côté, la construction des équipements plutôt onéreux d’élimination du plutonium était presque terminée.

Je voudrais souligner que la Russie ne remet pas en question ses obligations de désarmement nucléaire, y compris la réduction de la quantité de matières nucléaires utilisées dans les programmes d’armement. Le plutonium russe, qui n’est plus nécessaire à des fins de défense, restera en dehors de l’industrie de l’armement.

La suspension de notre coopération avec les États-Unis ne concerne que ce domaine. Si Washington ajuste son orientation politique et élimine les circonstances qui ont modifié négativement l’équilibre politique, militaire et économique du monde, nous serons prêts à reprendre les termes de l’accord.

Source: MAE Russe, le 03/10/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Commentaire recommandé

Raoul // 19.10.2016 à 01h26

Il faut préciser que les russes ont presque terminé la construction de l’usine de retraitement du plutonium. Cette usine est l’élément clé de l’accord et, non seulement les États-Unis n’ont pas commencé la construction de leur usine, mais ils ont changé la stratégie retenue en remplaçant le retraitement par un enfouissement. Mais, bien entendu, ce qu’on a enterré peut être déterré et l’accord devient, de ce fait, un marché de dupes.

Affirmer comme les prétendus analystes que l’accord n’a jamais été mis en application est faux puisque cet accord prévoyait des travaux préparatoires importants (principalement l’usine de retraitement) qui ont été réalisés par les russes. Mais cela n’intéresse pas nos analystes puisque les États-Unis, eux, n’ont rien fait.

Et considérer que l’abandon n’est pas grave est tout simplement irresponsable car c’est évidemment de l’abandon de la stratégie du désarmement nucléaire dont il s’agit. Dans l’absolu, c’est une catastrophe, mais on ne peut rien reprocher aux russes qui ont simplement agi avec franchise (ils auraient pu se contenter, comme les États-Unis, de ne pas respecter les engagements).

10 réactions et commentaires

  • Caliban // 19.10.2016 à 00h33

    Sur l’emploi des guillemets, on ne peut que recommander cette leçon de journalisme de M. Desproges: https://www.youtube.com/watch?v=DwhI36FVSc0

      +6

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    • silk // 19.10.2016 à 01h10

      Le MAE de la Russie dit ça :
      « les États-Unis ont récemment pris plusieurs mesures hostiles à l’égard de la Russie »

      Donc ça reste assez proche de la réalité.

      Ce qui n’est pas dit c’est tout l’argumentaire de cette décision :
      que les USA n’ont pas fait ce qui aurait dû être fait pour que ce traité soit appliqué en 2018,
      que les USA ont changé unilatéralement la « stratégie de traitement convenue pour son plutonium, en invoquant la nécessité de gagner du temps et des ressources. »
      Que « La stratégie choisie par les États-Unis ne garantit pas l’élimination irréversible, ce qui permet à Washington de préserver sa capacité à se rétracter ».
      Par exemple.
      Bref toutes la justification de cette decisions

      La version RFI est tellement incomplète qu’elle laisse penser que Poutine, à la manière du méchant dictateur qu’il est, a décidé d’annuler des accords sous des prétextes bidons (actions inamicales, non respects de leurs engagements) sans expliquer que les USA n’ont rien mis en place pour appliquer cette accord.
      Et perfidement, RFI souligne que c’est Poutine qui a signé, sous entendu qu’il trahit sa parole …

        +24

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      • silk // 19.10.2016 à 01h24

        Bref, sous l’apparence d’un court texte qui ne prendrait pas partie présentant la version russe de manière déformée, cela permet de faire une vrai propagande pour conditionner les cerveaux.

          +16

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  • Raoul // 19.10.2016 à 01h26

    Il faut préciser que les russes ont presque terminé la construction de l’usine de retraitement du plutonium. Cette usine est l’élément clé de l’accord et, non seulement les États-Unis n’ont pas commencé la construction de leur usine, mais ils ont changé la stratégie retenue en remplaçant le retraitement par un enfouissement. Mais, bien entendu, ce qu’on a enterré peut être déterré et l’accord devient, de ce fait, un marché de dupes.

    Affirmer comme les prétendus analystes que l’accord n’a jamais été mis en application est faux puisque cet accord prévoyait des travaux préparatoires importants (principalement l’usine de retraitement) qui ont été réalisés par les russes. Mais cela n’intéresse pas nos analystes puisque les États-Unis, eux, n’ont rien fait.

    Et considérer que l’abandon n’est pas grave est tout simplement irresponsable car c’est évidemment de l’abandon de la stratégie du désarmement nucléaire dont il s’agit. Dans l’absolu, c’est une catastrophe, mais on ne peut rien reprocher aux russes qui ont simplement agi avec franchise (ils auraient pu se contenter, comme les États-Unis, de ne pas respecter les engagements).

      +35

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    • STAN // 19.10.2016 à 01h53

      En Avril, a déclaré M. Poutine aux Etats-Unis ne remplissait pas ses obligations de détruire le plutonium par la place permettant une méthode de retraitement du plutonium qui permet d’extraire et de nouveau utilisé dans les armes nucléaires.

      http://www.world-nuclear-news.org/NP-Russia-suspends-plutonium-agreement-with-USA-04101601.html

        +5

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    • Renaud 2 // 19.10.2016 à 08h45

      Bonjour Raoul,
      Ce n’est pas en deux ans qu’on construit une installation nucléaire, effectivement. Quand vous parlez d’usine de retraitement russe, vous parlez du réacteur à neutrons rapides BN-800 ? Les Etats-Unis ont des réacteurs expérimentaux de ce type, mais aucun commercial. Les surgénérateurs permettent d’utiliser le plutonium, le combustible usagé ou l’uranium naturel (pas besoin d’enrichissement) en tant que combustible de départ. Le refroidissement au sodium pose des problèmes de sûreté. En France, on a un bon retour d’expérience avec Phénix.

        +1

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      • Raoul // 19.10.2016 à 10h12

        Bonjour Renaud,

        Il s’agit effectivement d’un réacteur à neutrons rapides, mais je n’ai pas plus de précisions. Pour la Russie, il est possible que qu’il s’agisse effectivement du BN-800. Pour les États-Unis, il s’agissait d’une usine, à construire, sur le site de Savannah River, à Aiken, en Caroline du Sud, usine qui n’est restée qu’à l’état de projet.

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      • LS // 19.10.2016 à 13h30

        coté américain : http://www.cesim.fr/observatoire/fr/97/article/321
        coté russe : http://www.lecourrierderussie.com/international/etats-unis/2016/10/plutonium-militaire-moscou/

        Ce dernier article mentionne une usine de retraitement et un Réacteur à Neutron Rapide (BN-800) qui est de type superphénix pour le dire vite.
        Le RNR à besoin d’être alimenté en PU239 et U238 pour démarrer, puis il peut fonctionner simplement en l’alimentant en U238. Il peut accepter du PU de qualité militaire (haute teneur en PU239) comme du Pu (en fait un affreux mélange d’actinides) venant de centrales standard ou de RNR.
        L’usine de retraitement sépare le plutonium de tout le reste, l’introduit dans le MOX qui est fournit à une centrale standard. Le MOX accepte donc du PU venant de centrales standard ou RNR et du PU de qualité militaire.
        Les russes disent avoir décidé qu’ils n’utiliseront pas le PU militaire. L’usine et le RNR utiliseront du PU venant des centrales donc.

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  • David // 19.10.2016 à 02h58
  • Nanker // 19.10.2016 à 10h06

    Merci Olivier de mettre en lumière ce triste fait : RFI est en plein naufrage…
    Il y a 20 ans lorsqu’on écoutait cette radio on n’avait plus besoin d’ouvrir le « Monde diplomatique » tant l’information que distillait cette radio était riche dense pointue.

    Et puis son rédacteur en chef un certain Richard Labévière s’en est allé et tout s’est lentement dégradé. Aujourd’hui RFI est sur la ligne « Libé/Le Monde » alias la doctrine Marc Semo : USA bien, Russie empire du Mal.
    C’est un peu court pour embrasser la complexité du monde…

      +14

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