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23.mai.201823.5.2018 // Les Crises

Régis Debray : « Désormais, gouverner, c’est suivre et gérer les émotions collectives »

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Très intéressante interview, que je vous recommande de lire en entier

Source : L’Express, Anne Rosencher et Alexis Lacroix, 29/04/2018

Propos recueillis par Anne Rosencher et Alexis Lacroix

Le philosophe et écrivain Régis Debray proclame avec malice, dans son nouveau livre, sa banqueroute intellectuelle et politique. Explications.

 

[…]

 

Cela veut-il dire que vous avez renoncé à votre projet d’influence ?

Complètement. Le lien entre la pensée et l’action politique s’est rompu, et je m’en veux d’avoir passé tant de temps à le nier. Aujourd’hui les hommes d’influence, c’est Monsieur Bern ou Monsieur Bourdin. Le perçu tient lieu de conçu. Voyez la Libye en 2011, l’ambassadeur à Tripoli, un arabisant expert, n’a même pas été consulté. Il y avait, à l’École des hautes études en sciences sociales, deux ou trois spécialistes de la région, de son histoire, de ses tribus. Inconnus au bataillon. Les leaders d’opinion d’abord. En ce moment, on parle beaucoup de 68, c’est inévitable, il faut endurer [il rit de nouveau]. Mais en 68 la révolte respirait la littérature et la philosophie Sartre, Deleuze, André Breton, Althusser. Ils étaient sur les murs, dans les slogans et les discours. Je peux me tromper mais je ne sache pas qu’à Tolbiac on cite Edgar Morin, ou Arthur Rimbaud chez les zadistes. C’est peut-être mieux, le romantisme ne paye pas. Et le temps de lecture moyen a été divisé par trois en trente ans.

 

[…]

Vous dites : pas de jugement de valeur. Vous ne faites pas partie, donc, des pessimistes revendiqués, qui pensent que certaines brisures de l’époque nous conduisent droit vers des temps inquiétants…

Non. Des temps autres, qui finiront bien par trouver leur régulation. Un changement de portage, en l’occurrence, de l’hémisphère gauche à l’hémisphère droit du cerveau, ou de la pensée rationnelle au siège des émotions, n’est pas nécessairement une catastrophe. Le système nerveux collectif trouvera le moyen de se rééquilibrer. Pour l’heure, c’est vrai que l’atmosphère est à l’émotionnel et à l’impulsif. Dans la chose publique, c’est flagrant. Ce n’est pas seulement la vérité, c’est la pensée qui ne fait plus critère. Le règne de l’image, le haché menu de l’info et le tempo précipité donnent toute autorité à la posture, et donc à l’imposture, si besoin est. C’est troublant de voir à quel point l’action politique s’est décrochée de l’histoire. Avec l’invasion de l’instant, il y a une perte de perspectives, on ne déclare plus la guerre, on la tweete. La profondeur de temps disparaît. Clio n’est plus la muse de nos hommes politiques – je parle de l’après-Mitterrand, avant l’âge économique où nous sommes.

 

[…]

Questionner l’émotion, l’image, c’est un blasphème. On se souvient de la volée de bois vert que s’était attirée Michel Onfray pour avoir commenté avec distanciation l’effet politique né de la photo du petit Aylan, justement. Il s’était quasiment fait traiter de nazi…

Il y a certainement une brutalisation des rapports humains, qui va de pair avec l’immédiateté et l’ubiquité des communications. Le smartphone ne favorise pas le discours en trois points… et les noms d’oiseaux arrivent tout de suite. En ce sens, on peut dire qu’il y a une sorte de régression. Ce qui m’ennuie le plus, c’est le rétrécissement du vocabulaire. Il y a un tel racornissement de la langue… Mais chaque révolution médiologique a toujours été une tempête sous les crânes. Platon a décrit la naissance de l’écriture alphabétique comme un traumatisme, la fin de l’autorité des anciens, la disparition de la mémoire vive puisque tout serait désormais déposé sur des supports inertes. Chaque fois qu’il y a cassure, hiatus, saut technologique, il y a de la panique ou du déboussolement. Restons calme. La fin d’un monde, le mien en l’occurrence, n’est pas la fin du monde.

[…]

l’utopie, en l’occurrence, c’est l’Europe, cela fera des réveils difficiles.

En quoi ?

On peut toujours créer un Conseil ou un Parlement par un traité mais on ne crée pas un peuple européen par décret. Mettre le parlement avant le peuple, c’était mettre la charrue devant les boeufs. L’Europe unie comme acteur politique est morte de sa belle mort, comme Valéry l’avait pressenti en son temps, avec sa fulgurante lucidité. L’Europe comme entité stratégique n’a jamais pris naissance faute de se donner une frontière, une doctrine, une armée autonome et une chaîne de commandement qui n’aboutirait pas, comme l’OTAN, au bureau Ovale. Les manoeuvres militaires en France se font en anglais, dans les normes opérationnelles du Pentagone. Reste à sauver une singularité culturelle incomparable, ce mélange contradictoire, je reprends les termes de Valéry, de quatre vertus, l’imagination, la confiance, l’esprit critique et le scepticisme, mais cela aussi expire sous nos yeux, emporté et laminé par le mainstreamd’outre-Atlantique.

Dans un texte paru dans Le Monde et consacré aux obsèques de Johnny Hallyday, vous notiez – en le déplorant – que le showbiz semblait être devenu « un nouveau corps d’Etat »… Qu’entendez-vous par là ?

J’ai toujours aimé et apprécié l’État-spectacle, qui exige une symbolique, une langue et de la distance entre la scène et la salle. C’est la grandeur et la force du théâtre. L’État séducteur, lui, veut du brouhaha et du tactile, du live. C’est par là que le show bizz s’est intégré dans l’officialité par sa capacité à produire de l’immersion en masse et en direct. Trois présidents de la République en rang pour dire adieu à Johnny Hallyday, ni un parolier ni un compositeur, mais un clone du King, et les Hells Angels sur les Champs-Élysées, escortés par la garde républicaine. Personne pour dire adieu à Pierre Boulez qui a animé et dirigé la musique contemporaine, en France, pendant un demi-siècle. Cela dit tout. On ne peut plus rien attendre de notre classe dirigeante, l’énarchie au pouvoir, que du suivisme et de l’aliénation. Désormais, gouverner, c’est suivre et gérer les émotions collectives, autrement dit : se mettre en scène au petit écran et négocier les « couv » de Paris Match.

Lire la suite sur : L’Express, Anne Rosencher et Alexis Lacroix, 29/04/2018

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Commentaire recommandé

WASTERLAIN // 23.05.2018 à 08h07

Votre raisonnement pourrait se tenir si on admettait que BHL est un penseur, ce qui n’est pas le cas à mon humble avis. Ce personnage fait partie du show bizz au même titre que certains journalistes/présentateurs vedettes !

43 réactions et commentaires

  • René Fabri // 23.05.2018 à 06h31

    Propos intéressants. Selon Régis Debray, les hommes politiques ne sont plus guidés par des penseurs, mais par des journalistes superficiels :
    « Voyez la Libye en 2011, l’ambassadeur à Tripoli, un arabisant expert, n’a même pas été consulté. Il y avait, à l’École des hautes études en sciences sociales, deux ou trois spécialistes de la région, de son histoire, de ses tribus. Inconnus au bataillon. »
    Certes, mais le Quai d’Orsay s’est tout de même appuyé sur des avis supposés éminents, tels ceux de Bernard-Henri Lévy et d’autres moins connus. Le problème n’est pas que nous manquons de penseurs, mais que les hommes politiques actuels sont guidés par de mauvais penseurs.

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    • WASTERLAIN // 23.05.2018 à 08h07

      Votre raisonnement pourrait se tenir si on admettait que BHL est un penseur, ce qui n’est pas le cas à mon humble avis. Ce personnage fait partie du show bizz au même titre que certains journalistes/présentateurs vedettes !

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    • nulnestpropheteensonpays // 23.05.2018 à 08h25

      vous ne pouvez pas associer ,penser et bernard henri levy … c’est un oxymore. . Non c’est juste pour placer oxymore , c’est un trou noir , levy , où s’engouffre des étincelles qui se prennent pour des étoiles , sarkosy en est la plus belle

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    • SanKuKai // 23.05.2018 à 08h32

      Jacques Attali qui tourne autour de tous nos présidents depuis 1981 est un meilleur exemple de penseur influent, et grand prêtre du dieu “marché”.
      https://www.google.co.uk/amp/s/susauxbanques.wordpress.com/2017/06/08/la-mise-en-esclavage-des-francais-annoncee-par-attali-non-elu-de-letat-profond-francais/amp/?source=images

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    • Tichat // 23.05.2018 à 08h56

      Quand on constate aujourd’hui où on a conduit le peuple Lybien avec la chute de Khadafi, on est en droit de se demander si la pensée dite humanitaire de nos hommes politiques et de leurs inspirateurs comme BHL était très intelligente et opportune! J’ai connu la Lybie de Khadafi que j’ai sillonné sans entraves et en toute sécurité: je n’ai jamais vu de souffrance et entendu une plainte de son peuple. Quand est il aujourd’hui? Un état et une nation en déliquescence totale! Bravo à tous nos penseurs donneurs de leçons…..Tichat

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    • Touriste // 23.05.2018 à 10h10

      Bonjour,
      @René Fabri. Je ne sais pas si votre intervention est à prendre au second degré. Dans le doute, et sans agressivité à votre égard :
      La meilleure façon de découvrir la nature profonde du personnage BHL est de visionner son « entartage » qui avait été filmé par des journalistes. Au visionnage de cette video, Pierre Desproges l’avait qualifié de « cuistre ».
      J’estime le nom judicieusement choisi; il convient très bien à la vacuité (fatuité ?) de cet acronyme ambulant.
      L’extrait de l’émission où Desproges commente cet entartage se trouve facilement sur « VousTubez ».

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    • Emmanuel // 23.05.2018 à 11h52

      Non, pas du tout : pour Debray c’est le triomphe sur le texte des technologies de l’image (depuis la photographie, puis avec la télévision, etc.) qui conduit au vaste changement sociétal en cours. L’absence de penseurs n’a rien à voir dans cette affaire. Vous en appelez à un sceau d’eau pour contrer un raz-de-marée. L’émotion est désormais victorieuse, quand bien même elle est parfois idiote, c’est ainsi.

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      • calal // 23.05.2018 à 22h11

        et cette victoire de l’image sur les textes n’a pas ete prepare grace aux changements des methodes d’apprentissage de la lecture…Bravo l’Ed Nat, toujours plus de budget pour un resultat deplorable…

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    • egogos // 23.05.2018 à 13h41

      Il faut demander à l’entarteur ce qu’il pense de B H L comme penseur c’est probablement lui qui en a la meilleure opinion !!

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      • François Marquet // 23.05.2018 à 21h46

        Demandez plutôt à la tarte, c’est elle qui connait le mieux BHL

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    • Koui // 23.05.2018 à 14h04

      La pensée BHL ne s’appuie pas sur le raisonnement, mais sur l’analogie avec une histoire mythifiée de la seconde guerre mondiale. Si la guerre en Syrie est la nouvelle guerre d’Espagne, comme l’a affirmé le romanqueteur neo-philosophe, alors Hollande/Sarkotruc/Macaron ne doivent pas pratiquer la non-intervention, ni signer Munich avec le diable nazi russo-réincarné. Effectivement, il est très difficile de mener un débat argumenté face à de telles inepties. Comparaison n’est pas raison. BHL n’est pas un penseur, c’est un éditorialiste manipulateur.

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  • Toff de Aix // 23.05.2018 à 06h52

    Je pense que les politiques de nos jours ne sont pas forcément incultes (du moins l’actuel président n’en donne pas l’impression), mais qu’ils gèrent, effectivement, le côté émotionnel des choses. A une nuance près : ils savent exactement ce qu’ils font, ne sont que dans l’urgence médiatique, mais certainement pas dans l’urgence gouvernementale. La feuille de route est tracée, tout est déjà dans les cartons, prêt à être sorti et utilisé.

    Monsieur Debray devrait se souvenir que malgré leur culture, les politiques de l’ancien temps appliquaient quand même leur feuille de route-c’est à dire qu’ils se foutaient royalement du peuple quand même. Tout n’a toujours été qu’une question d’image : d’un De Gaulle couvrant les exactions en Algérie et allant sereinement mentir aux pieds-noirs (son fameux « je vous ai compris ») en passant par Giscard et ses diamants, sans oublier le meilleur d’entre eux, un Miterrand se faisant élire sur un programme de Gauche et trahissant sans vergogne au bout de deux ans… Je ne parle pas du reste.

    Où qu’on regarde, la politique au fond, ça n’a toujours été que cela : un enrobage, pour faire passer le goût vraiment pas terrible d’une pilule qu’on juge indispensable de faire prendre au peuple, de force s’il le faut, car on le sait bien, ce grand enfant ne sait jamais vraiment ce qui est bon pour lui. La forme a changé, pas vraiment le fond.

    Qu’on le fasse avec panache, avec culture comme avant, ou plus basiquement, à coup de tweets ou de manipulations plus sommaires comme aujourd’hui, on le fait hélas quand même.

    P.S.: quand à Tolbiac, ils ont quand même invité Lordon et Friot entre autres…

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    • Genuflex // 23.05.2018 à 20h03

      Et la pensée complexe d’Edgard Morin est un fondamental de la pensée ecologique. Il serait légitime qu’il soit lu a la ZAD.

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    • Bobby // 23.05.2018 à 23h35

      @Toff : il y a tout de même une différence, auparavant et en particulier sous la monarchie héréditaire, l’intérêt à long terme des dirigeants et du peuple se rejoignaient, tous deux nécessitaient un pays prospère. Aujourd’hui plus aucun dirigeant occidental ne connaît la signification de « long terme ». On se sert tout de suite autant qu’on peut et « après moi le déluge »…

        +6

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    • Victor // 27.05.2018 à 03h29

      Monsieur Debray n’est pas mesuré dans ses critiques, ni lucide. Comme tous les gauchistes, il reste au niveau des apparences sans aller au fond.

      Les mots sont superflus. Plus de 80% des échanges servent à évacuer des tensions et le reste sert à mentir. Comme le capitalisme en bout de course devenu prédateur, les mots portent plus de mensonges que de vérités, et donc plus de malheurs. Pas étonnant qu’ils ne soient plus en odeur de sainteté. L’image va suivre le même chemin. L’étiologie de cet état d’être repose sur un dégoût du faux.

      il y a d’autres façon de communiquer qui laissent peu de place aux faux. Il parait que les tribus germaniques ne parlaient pas au néolithique. Ils communiquaient autrement. Nous ne pouvons pas ne pas communiquer, et avec les mots, nous ne pouvons pas ne pas mentir.

      On s’en fout d’avoir plus de 100 000 000 mots de vocabulaire quand notre état d’être s’apparente à celui d’une bête en cage, bombardée d’injonctions contradictoires et d’humiliations quotidiennes. Les douleurs qui en résultent n’ont pas besoin de mots, seulement de violence pour se libérer d’un état d’urgence.

      C’est ça l’époque qui vient.

      Pas besoin d’être pédant. C’est une habitude chez Monsieur Debray … C’est pourtant un perdant. L’humilité devrait donc le caractériser avant tout. Un peu de radicalité dans les constats, en quoi cela nuirait-il ?

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  • Isidor Ducasse // 23.05.2018 à 07h38

    Mai 68 et tous ces leaders qui ont appelé a voter pour Macron, le prototype du président marketing conceptualisé par l’oligarchie Atlantiste et déjà vendu en Italie, Canada, en Gréce…..
    Cela montre les racines de ces leaders, libertariens, anti-français, mais pro-américains et pro-européen, toujours prêt à défendre les intérêts Euro-Altlantiste et à nous vendre la société ultra-libérale, ultra Américaines.
    Le temps est un bavard qui finit toujours par révéler la vérité.
    Il n’y a pas de clarté dans le texte de R.Debray, concernant la guerre en Libye, bien sur que cela a été pensé, voulu, planifié par l’empire Américain qui cherche à mettre la main sur le Moyen-Orient.
    Alors il faut le dire, la France est sous commandement américains, il n’y a plus de démocratie, se sont pas les médias qui décident, mais leurs investisseurs américains et qui agissent comme un réseau d’influence et nous vendent des marionnettes.

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    • geedorah // 23.05.2018 à 17h44

      la libye, c’est sarkozy
      ne lui enlevait pas ça svp :p

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      • Jérôme // 23.05.2018 à 22h40

        Sarkozy certes, et aussi Cameron. Mais surtout Obama et Clinton tirant les ficelles des 2 marionnettes précitées derrière le décor.

        Parce que sans la logistique US il n’y avait pas d’interv Franco-britannique.

        Par ailleurs, Wesley Clark, ancien commandant en chef des forces de l’OTAN en Europe avait vendu le morceau dans plusieurs conférences de presse et émissions télé dès le milieu des années 2000.

        La Libye figurait sur la « hit list » des 8 pays du Moyen-Orient que les neocons voulaient déglinguer.

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  • Jiojio // 23.05.2018 à 07h44

    C’est juste la manière dont les dominants forgent l’opinion publique qui change. L’ingénierie sociale, on crée le peuple dont on a besoin, l’éducation c’est pas bon, le goût pour le politique c’est pas très bon, les émotions au quart de tour et le manichéisme c’est bon, l’auto de considération c’est bon (pour expier à l’infini et accepter toutes les régressions), les valeurs ok mais seulement celles qu’on vous dira et on se réserve de les changer sans préavis.
    Les intellectuels ne sont pas meilleurs ils sont souvent un outil comme un autre pour imposer une direction.

      +16

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    • ZX // 23.05.2018 à 14h36

      Je le pense aussi. L’émotion gagne toujours plus de place sur la réflexion, ce n’est qu’une tendance. Mais l’important n’est pas là, ce n’est pas l’émotion qui gouverne mais celle que l’on choisit de créer ou de mettre en avant, et la manipulation touche aussi la pensée. Sinon comment expliquer la dérive vers l’autoritarisme au profit des plus riches et des plus puissants ?

        +8

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  • calal // 23.05.2018 à 08h31

    Nos hommes politiques?
    Des gestionnaires qui recoivent des ordres de plus haut et qui organisent le secteur france pour atteindre les objectifs qui leur ont ete fixe afin de toucher leur bonus d’apres mandat.

    Lors d’une emission de jeu tele,naguy lance une pique sur le dirigeant de la russie et la candidate en face de lui rajoute quasi immediatement « surtout en ce moment » pour signifier son assentiment. C’est pas demain la veille que les choses vont changer.

    Les gens ne changent que quand ils se prennent le mur de la realite en pleine face.On recolte ce que l’on seme.

      +24

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  • John // 23.05.2018 à 08h33

    Une autre interview récente fait par Aude LANCELIN :

    https://www.youtube.com/watch?v=xSqTlDaItyc

      +7

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  • lemoine001 // 23.05.2018 à 08h58

    Il est clair avec quelqu’un comme Macron en France que gouverner ce n’est nullement « suivre et gérer les émotions collectives » mais mettre en application, en se jouant des émotions collectives, un programme (en l’occurence celui élaboré par la commission Attali), ceci à quelque prix que ce soit. L’homme politique ne fait plus carrière, il mène sa charge et laisse la place à un autre qui prend le relais. On a affaire à des vagues d’assaut lancées contre les acquis sociaux (le programme du CNR) et menées au seul bénéfice du grand capital international.

      +47

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    • cali_mero // 23.05.2018 à 09h22

      […/… gouverner ce n’est nullement “suivre et gérer les émotions collectives” mais mettre en application, en se jouant des émotions collectives, un programme …\…]
      +???+
      -> C’est exactement mon sentiment.

        +7

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      • Mich // 23.05.2018 à 11h45

        Gouverner, c’est prévoir, avoir une vision, un projet à trente ans (au moins).
        De nos jours, les politicards gèrent d’une élection à la suivante, assistés de communicants et de jean-foutre à la solde de qui on voudra, sauf de l’intérêt général.

          +4

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    • Ben // 23.05.2018 à 09h45

      Bonne mise au point. Debray prêche pour sa paroisse de médiologue, fataliste en tout, détaché des péripéties de l’histoire immediate. Qu’est-ce que cette histoire stupide des obsèques de Johnny Hallyday suivies par trois Présidents de la République, sinon une « manipulation des émotions collectives » et non pas une quelconque « gestion » de celles ci. Gouverner en faisant ce genre de choix est encore faire de la politique. Rien n’oblige le Prince à désigner tel personnage ou tel événement comme objet référent de son époque. La conséquence étant évidemment que cette désignation à l’infini de la médiocrité entraîne les peuples et leurs mouvements dans une semblable médiocrité. Cette montée de l’insignifiance avait déjà été repérée il y a longtemps, par d’autres intellectuels (Castoriadis), et mise en équations politiques en tant qu’instrument du pouvoir. Debray devient paresseux ou excessivement contemplatif.

        +18

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      • lemoine001 // 23.05.2018 à 10h36

        S’exprime aussi dans son propos le mépris de classe qui dénie aux simples gens la capacité à comprendre où est leur intérêt et à analyser correctement une situation. Ainsi, on entend que les salariés que vise une politique sont inquiets. Il faut « gérer leur inquiétude », « les rassurer » etc. Alors qu’ils comprennent parfaitement qu’on attaque leurs acquis et qu’on veut leur imposer une politique contraire à leurs intérêts.

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        • Quentin // 23.05.2018 à 17h01

          @lemoine001 : je n’ai pas senti un mépris de classe dans le discours de Debray, plutôt une description de la com’ des politiques qui ne sert maintenant qu’à faire passer les pilules de plus en plus difficiles à ingérer à une population plus ou moins consciente que les soit-disant remèdes aux maux officiellement désignés (la dette, le populisme, l’islam, le terrorisme, les privilèges des cheminots, la souveraineté…) sont pires que ces derniers.

          Mais peut-être me trompe-je, ne connaissant pas plus que ça la pensée et l’histoire du personnage

            +2

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      • Ben // 23.05.2018 à 13h16

        Mon commentaire precedant était, à la relecture, un peu excessif : Debray ne dit pas que les gouvernants ne font plus de politique. Il dit d’ailleurs que le pouvoir « se met en scène dans Paris Match », donc actif dans le jeu de la tromperie. C’est l’emploi des mots « suivre » et « gérer » qui me semblent inexacts pour décrire la situation, et sans doute contradictoire avec ce qu’il décrit par ailleurs. Le pouvoir anticipe, agit, et manipule, comme à toutes les époques antérieures.

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        • Pinouille // 23.05.2018 à 17h12

          @Ben
          Je partage votre point de vue nuancé.
          Je serai pour ma part tenté de considérer que le pouvoir s’adapte aux évolutions de comportement du peuple, induites (entre autres) par les évolutions technologiques. Ceci afin d’optimiser son action et, bien entendu, sa manipulation. C’est amha le signe que le peuple conserve un pouvoir certain sur ses élites.
          Les politiques ne peuvent passer à côté de l’enterrement de Johnny: cela reviendrait à nier une composante importante de ce qu’est le peuple français dont ils se veulent être les représentants, au delà de leurs goûts personnels pour le chanteur. On peut taxer ce comportement d’hypocrite ou manipulateur. On peut tout autant considérer qu’un politique ne représente pas que lui même.
          On peut aussi considérer que le peuple n’a pas à endosser le rôle de victime en toutes circonstances: l’accès aux oeuvres culturelles n’a jamais été aussi aisé et peu cher, en partie grâce à la volonté politique, et force est de constater qu’une bonne partie de la population leur préfère pourtant des activités abrutissantes souvent chères. On peut certainement faire des progrès sensibles dans l’éducation ou la promotion d’oeuvres de qualité, mais les chiffres d’audimat renforcent mon pessimisme en la matière. Car, quoi qu’on en dise, le peuple conserve son libre arbitre dans ce domaine.

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          • Ben // 23.05.2018 à 20h20

            Je suis très réservé sur le libre arbitre en général, et sur celui des masses (ou du peuple) encore davantage.
            Et il me semble aussi que c’est en prenant de vitesse toutes les possibilités politiques alternatives que le pouvoir neo-conservateur ultra libéral réussit sa martingale. Il n’adhère pas, il précède et fabrique une culture. On peut y trouver son avantage, comme cela semble être votre cas, on peut aussi voir l’arnaque et désapprouver cette opération. Personnellement, j’ai tendance à penser qu’il y a, non pas un, mais plusieurs mondes possibles. La politique TINA n’est pas ma tasse de thé. Et celle ci a imposé son hégémonie dans notre monde. L’imprégnation est totale, totalisante, mais par principe en deçà de la volonté totalitaire, « libéralisme » oblige. L’esprit anglo-saxon appelle ça la globalisation, ce qui est un bien meilleur terme que « mondialisation’. Peut-être que la version européenne et continentale de l’esprit du capitalisme (l’ordoliberalisme) aura un aspect moins libéral et l’on regrettera alors le pouvoir « séducteur » venu d’Amérique. Il existe une forte tentation autoritaire en ce moment en Europe, pas seulement de la part des Hongrois ou Polonais. C’est une tentation qui court dans toute l’Europe, certains appellent ça la démocratie « illiberale ». Je suis prêt à parier que tous les europeistes libéraux les plus fanatiques feront le choix de cette « démocratie illiberale » s’il sera question de « sauver » l’Europe et de s’opposer au soi-disant danger populiste.
            Bon, mais là, je m’égare un peu…

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          • Victor // 27.05.2018 à 03h50

            Plus les présidents rajeunissent, plus les oligarchies craignent pour leur vie. Plus aucun ancien ne veut monter en première ligne quand l’époque est dangereuse.

            C’est comme lorsqu’il fallait christianiser les Gaulois ou les Francs, ils envoyaient un jeune car les anciens savaient qu’ils mettaient leur vie en jeu. Pas inconscients les vieux. lol

            L’époque est explosive. Seul un nigaud comme Macron pouvait assumer le rôle de destruction et de trahison, sans souffrir de mauvaise conscience ou de craintes ; sa niaiserie, son inexpérience et sa jeunesse l’en protègent. Il se pense tout puissant alors qu’il est dans nos mains et à notre merci tous les instants.

            La puissance, c’est nous.

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        • Subotai // 23.05.2018 à 19h10

          «  »Le pouvoir anticipe, agit, et manipule, comme à toutes les époques antérieures. » »
          Et est manipulé par ces émotions, comme tout un chacun, les humains qui le composent n’étant ni plus malin, ni différent de nous.
          La Raison et l’Art de gouverner se sont perdus dans la perte des « Humanités ».
          L’histoire du berger qui criait « au loup! » ne nous donne que le premier degré de l’affaire. Le second degré, non montré, est que le berger fini par croire lui même qu’il y a un loup, avant de se faire dévorer quand le vrai arrive.
          La vitesse des échanges et la facilité de la communication a amplifié l’effet du machiavélisme, au point que les politiques (occidentaux) ne maitrisent plus les effets des stratégies qu’ils initient. Ils ne font qu’essayer de rattraper au vol les balles qui bondissent en tous sens en prétendant qu’ils contrôlent la situation.

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  • Benoît // 23.05.2018 à 09h57

    Bonjour
    Quand dans la dernière partie de l’article Mr Debray compare les hommages politiques à l’enterrement respectivement de Johnny Hallyday et Pierre Boulez pour qui il n’y avait soi-disant personne, c’est inexact. De nombreux politiques étaient présents, dont le premier ministre (Source : https://mobile.lemonde.fr/musiques/article/2016/01/15/pierre-boulez-inhume-a-baden-baden-celebre-a-saint-sulpice_4847798_1654986.html).
    Boulez avait assis une bonne partie de son influence sur la musique contemporaine en France via le réseau politique dans les années 60-70, et cela donna à long terme de bonnes choses (comme la construction du nouveau conservatoire et de la Philharmonie de Paris) comme de moins bonnes (un dogmatisme sur l’enseignement de la composition et des programmations de musique contemporaine, uniquement centré sur ses courants esthétiques ou sympathisants, excluant, marginalisant ou méprisant tous les autres). Non le grand oublié de ces dernières années fut malheureusement Henri Dutilleux, qui pour le coup n’eût quasiment aucun hommage officiel (le communiqué du ministère était en partie pompé sur la fiche Wikipedia et Filipetti a choisi ce jour là de se rendre à l’enterrement de Moustaki), c’eût été un exemple plus pertinent pour illustrer ses propos.

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  • Le Rouméliote // 23.05.2018 à 11h09

    « On peut toujours créer un Conseil ou un Parlement par un traité mais on ne crée pas un peuple européen par décret. » Qu’est-ce que je disais ? Commençons par nous libérer de la dictature bureaucratique bruxelloise pour retrouver la joie de participer ensemble à des œuvres collectives ! Voir à ce sujet l’excellent documentaire sur l’histoire du Concorde sur France 5.

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  • Pinouille // 23.05.2018 à 11h29

    Le constat de Régis Debray fait l’unanimité. Il est amha encore plus intéressant de constater que les complotistes y voient l’accomplissement de la manipulation des dominants, que les communistes y voient le triomphe du grand capital international. Dans peu de temps, un commentaire soulignera l’aboutissement de l’impérialisme US, etc.
    Cette propension à systématiquement réduire tout évènement ou réflexion à une unique grille de lecture monolithique (quelle qu’elle soit) ne cesse de m’étonner: cette mécanique tourne en boucle. A croire qu’il importe moins de découvrir des nouvelles dimensions d’une réalité dont la complexité est sans limite, que de rechercher à tout prix à conforter son modèle de représentation confortable, au prix de simplifications forcées, mais rarement admises.

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    • Genuflex // 23.05.2018 à 20h27

      J’abonde en ce sens.

      Une chose dans le discours de Debray m’interpelle : il evoque un glissement de la sollicitation du cerveau gauche, rationnel, vers le cerveau droit, siège de l’émotion. Il ne condamne pas, mais bon… Il deplore quand meme. Et si c’etait une bonne nouvelle ?

      Il se trouve que justement, cela semble un déplacement nécessaire a la resolution de la question ecologique. En simplifiant a l’extreme : l’approche analytique pose probleme pour la question ecologique.
      Pour resoudre un probleme, on l’isole, « toutes choses egales par ailleurs ». Or Edgard Morin nous montre bien qu’il n’en est rien dans les systemes vivants (et les systemes complexes en general). Tout est interdependant. Les capacites concernees pour aborder ces situations sont ainsi plutot cerveau droit (observation, action, observation, action….) que l’approche scientifique cerveau gauche (analyse et reduction) qui tente de resoudre les problemes (que ce mode de pensee a genere)

      C’est l’approche proposee par le « developpement regeneratif ».

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  • Bouddha Vert // 23.05.2018 à 12h48

    « Chaque fois qu’il y a cassure, hiatus, saut technologique, il y a de la panique ou du déboussolement. Restons calme. La fin d’un monde, le mien en l’occurrence, n’est pas la fin du monde. »
    Aah Hommes des 30 glorieuses, votre incompréhension des raisons par lesquelles vous avez joui du monde force l’atterrement.
    Dommage que vous soyez encore là pour nous faire entendre votre calme à 2 francs, plutôt anciens francs!
    Incapables de comprendre que « Le lien entre la pensée et l’action politique s’est rompu » parce que nous ne sommes plus en croissance (même si l’intégration de la prostitution et des narcotrafics dont désormais intégrés au doigt mouillé dans notre PIB, peut on y voir un signe??).
    Quand chaque année vous créez plus de richesses, il est assez facile d’assurer un meilleur vivre général sans prendre les gens pour des cons!
    Mais aujourd’hui M DEBRAY il n’y a plus de croissance, il n’y a même plus de rhinocéros mais l’on va recréer des mammouths pour consolider le permafrost et empêcher la libération du méthane qu’il contient!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
    http://www.leparisien.fr/societe/des-chercheurs-sur-le-point-de-ressusciter-le-mammouth-laineux-03-05-2018-7696872.php

    M DEBRAY vous pouvez vous endormir tranquille, nous ferons ce que nous pourrons avec ce qu’il restera, comme d’habitude.
    Votre monde de 1940 est malheureusement emprunt de beaucoup plus de possibles que celui de votre fin de vie, mais ça vous ne pouvez plus le comprendre.

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  • pucciarelli // 23.05.2018 à 16h05

    Vivre un retour à l’élitisme type 1830 fût-ce sous les oripeaux d’une modernité médiatique et télévisuelle pressée et souvent vulgaire est un simple constat. Sauf que ce n’est plus le vote, mais la culture qui est devenue censitaire. L’effondrement du système éducatif y est sans doute pour quelque chose. Rien n’autorise M. Debray à se mettre dans les cordes. Pour m’amuser, je dirais que le souffle du vent ne déracine pas tous les arbres, et que la folie actuelle donne à voir l’écume et non l’océan. Alors, s’il vous plaît Régis Debray, continuez à faire de l’ombre à la vacuité ambiante. On est très bien sous vos feuillages. Au bord des flots qui bruissent sans objet.

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  • Alice // 23.05.2018 à 20h49

    Puisque l on prétend évoquer Sartre entre autres penseurs de référence: que reste t il de la notion de responsabilité de tous envers tous quand on voit la dérive des politiques actuelles et le silence inquiétant des philosophes médiatisés qui semble se délecter du spectacle de destruction massive des droits et des libertés qui se met en oeuvre aujourd hui sans aucun état d ‘âme et dans le seul but de faire encore plus de profit et plus vite aux dépends pricipalement des classes laborieuses. Cf. Le mepris affiché des journalistes aliénés au pouvoir vis à vis des cheminots qui dejouent l ‘information et voudaient continuer à nous faire croire que tout va tres bien Madame la marquise…J ai la nausée pour reprendre un concept bien Sartrien.

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  • Tacite // 24.05.2018 à 11h45

    Les émotions ne construisent aucune vision du monde. Les images en elles-mêmes ne disent rien, ni n’articulent une pensée. Quant à l’écrit, il est trop astreignant et pas assez ludique, fun ou divertissant. Et pourtant, c’est là que s’articule la pensée, un exercice devenu trop pénible pour une majorité d’entre nous.
    Pour ceux qui s’y exercent encore, elle recouverte par le flux et la masse d’informations et de spectacle. Rien de nouveau là-dedans, sinon justement la masse et la multiplication des relais aux petites phrases, aux faits divers transformés aussitôt en enjeux de société, etc.
    Quant au pouvoir, il n’a jamais eu pour but de servir l’intérêt général. Il n’en a pas besoin d’autre que lui-même. Il est un objet qui contient sa propre fin.

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  • Myrkur349 // 24.05.2018 à 20h57

    Et intégrer le concept de la multi-provocation d’émotions à toutes fins utiles dans son plan masse sur n’importe quel sujet immédiat ou non ainsi que la fameuse fabrique du consentement, dégoût, déni und so weiter und so weiter. On peut par la même multiplier les dosages et les variantes, ce n’est même plus de la vraie ou fausse post-vérité, il faut bien entendu faire durer le stack coûte que coûte alors que le capital de départ se réduit de plus en plus à une peau de chagrin. La chute interviendra malgré les tours de passe-passe microbiens et les inventions mirifiques de dernière minute.
    Et les crocodiles resteront stoïques devant la panique des gnous.

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  • be water // 25.05.2018 à 10h58

    “Désormais, gouverner, c’est générer les émotions collectives” Les chiens de garde y veillent.

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