Les Crises Les Crises
10.juillet.201510.7.2015 // Les Crises

Responsabilité pour soutien abusif : elle ne concerne pas uniquement le banquier !

Merci 24
J'envoie

Un petit rappel juridique toujours utile…

L’action en responsabilité pour soutien abusif vise à sanctionner les établissements bancaires qui continuent à soutenir ou financer une entreprise tout en sachant que sa situation et sa viabilité est irrémédiablement compromise.

En continuant à la soutenir, lui accorder des crédits, la banque crée une sorte de « survie artificielle » de l’entreprise. Elle induit les tiers en erreur sur la réalité de la situation de l’entreprise puisque ces derniers sont amenés à croire que sa situation est saine et donc à lui faire confiance.

Le législateur a estimé que la responsabilité du banquier devait, dans ce cas précis, être recherchée pour indemniser les préjudices subis du fait de cette apparence trompeuse.

L’action en soutien abusif suppose une faute de la banque, l’existence d’un préjudice subi par exemple par un fournisseur de l’entreprise défaillante, ainsi qu’un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

Le plus souvent, la faute du banquier consistera à fournir du crédit à l’entreprise alors qu’il savait que sa situation était irrémédiablement compromise.

Dans certains cas cependant, la responsabilité pour soutien abusif peut viser d’autres personnes que la banque qui finance l’activité de l’entreprise.

C’est ainsi que la jurisprudence considère que certains fournisseurs ou clients de l’entreprise peuvent également voir leur responsabilité engagée lorsque, par leur attitude, ils soutiennent abusivement l’activité d’une entreprise dont ils savent qu’elle est irrémédiablement compromise.

Tel est le cas dans l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 octobre 2012.



Cour de cassation, chambre commerciale,
16 octobre 2012, n° 11-22993
(pdf | 4 p. | 172 Ko)

Il s’agissait en l’espèce d’une maison d’édition qui avait passé un contrat de diffusion et de distribution avec une entreprise, placée par la suite, en liquidation judiciaire.

Le liquidateur de l’entreprise assigne en responsabilité pour soutien abusif cette maison d’édition au motif qu’elle a consenti à sa cliente des délais de paiement et autorisé un paiement par compensation.

La Cour de cassation rappelle à cette occasion :

  • que les termes génériques de « concours consentis » et de « créancier » définis dans le texte qui régit l’action pour soutien abusif n’ont pas pour effet de limiter son application aux seuls établissements de crédit ;
  • et que des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur constituaient des concours au sens de ce texte, de sorte qu’il était applicable à ce cocontractant.

A condition, bien entendu, de prouver que ce dernier connaissait la situation irrémédiablement compromise du débiteur et que le fait de lui accorder des délais de paiement est à l’origine du préjudice subi par les autres créanciers de l’entreprise.

Autrement dit, qu’en accordant des délais de paiement supplémentaires, le fournisseur a créé une apparence de solvabilité de l’entreprise en difficulté, qui a eu pour effet de laisser croire aux tiers que celle-ci était saine.

Cette décision indique clairement que l’action en responsabilité pour soutien abusif ne vise pas seulement les banques mais tous ceux dont l’attitude est susceptible d’amener les tiers à maintenir leur confiance envers l’entreprise qui est irrémédiablement condamnée.

Source : Sophie Valazza, juriste, pour Editions Tissot, le 27 novembre 2012.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

Bouddha vert // 10.07.2015 à 02h10

Bonjour,

L’article ne semble pas déchainer les foules, pourtant l’esprit du législateur est intéressant:
Chercher à conserver les transactions commerciales de la cité dans un biotope sain.
En particulier lors de la mort d’une entreprise…
Evidemment si on l’appliquait à la Grèce, l’action en responsabilité pour soutien abusif devient patent pour nombre de banques Allemandes, Françaises, Anglaises…TSss! TSss!

Mais Bruxelles veut elle d’un biotope sain?
Que veut Bruxelles, à part des salaires d’Ukrainiens?
Que défend Bruxelles, à part un capitalisme déchainé?
Les législateurs de Bruxelles sont flippants, c’est à se demander sur quelle planète vivent ils?
De quoi sont fait les rêves de cette pieuvre avide, transformant le monde en un vaste champs de bataille de tous pour concentrer encore le pouvoir de quelques-uns.

Nous ne sommes heureusement pas tous devenus cela, quelques-uns seulement, mais la matrice de nos systèmes politique: La Constitution, nous échappe, et donc nous couillonne.

Or, la Constitution doit être l’espace d’une longue réflexion, de nombreux échanges.
La familiarité et la richesse que nous lui affecterons nous permettrons d’en devenir les rédacteurs, sinon il ne se passera rien de nouveau sous le soleil.

13 réactions et commentaires

  • Olivier M // 10.07.2015 à 01h33

    Va quand meme y avoir du taf avant de faire evoluer une jurisprudence destinee aux entreprises vers une jurisprudence destinee aux pays, surtout vers ceux qui parlent le grec.

      +6

    Alerter
    • Subotai // 10.07.2015 à 01h59

      L’idée étant dans l’air, elle fera son chemin.
      Les temps étant apocalyptique ou révolutionnaire, au choix 🙂 la Déglingue ira à son terme, inéluctablement.

        +6

      Alerter
    • Alain // 10.07.2015 à 06h16

      Et la France qui ne respecte aucun de ses engagements vis-à-vis de l’Europe et est le seul à avoir déjà obtenu 2 fois 3 ans de délai pour arriver aux objectifs qui s’imposent à tous. Ces délais ressemble aussi à un soutien abusif

        +11

      Alerter
  • Bouddha vert // 10.07.2015 à 02h10

    Bonjour,

    L’article ne semble pas déchainer les foules, pourtant l’esprit du législateur est intéressant:
    Chercher à conserver les transactions commerciales de la cité dans un biotope sain.
    En particulier lors de la mort d’une entreprise…
    Evidemment si on l’appliquait à la Grèce, l’action en responsabilité pour soutien abusif devient patent pour nombre de banques Allemandes, Françaises, Anglaises…TSss! TSss!

    Mais Bruxelles veut elle d’un biotope sain?
    Que veut Bruxelles, à part des salaires d’Ukrainiens?
    Que défend Bruxelles, à part un capitalisme déchainé?
    Les législateurs de Bruxelles sont flippants, c’est à se demander sur quelle planète vivent ils?
    De quoi sont fait les rêves de cette pieuvre avide, transformant le monde en un vaste champs de bataille de tous pour concentrer encore le pouvoir de quelques-uns.

    Nous ne sommes heureusement pas tous devenus cela, quelques-uns seulement, mais la matrice de nos systèmes politique: La Constitution, nous échappe, et donc nous couillonne.

    Or, la Constitution doit être l’espace d’une longue réflexion, de nombreux échanges.
    La familiarité et la richesse que nous lui affecterons nous permettrons d’en devenir les rédacteurs, sinon il ne se passera rien de nouveau sous le soleil.

      +23

    Alerter
  • Eric // 10.07.2015 à 02h15

    Cet article tombe pile poil : les médias mettent le paquet sur la responsabilité de la Grèce, alors que la France et l’Allemagne savait bien en 2009 – 2010 que la Grèce était en quasi faillite. Elles ont donc bien agi dans le cadre d’un « soutien abusif ».
    On sait d’ailleurs par l’excellent site les-crises.fr :), que ce soutien n’avait qu’un seul objectif: que la Grèce puisse rembourser ses emprunts auprès des grande banques privées allemandes et françaises, qui se montaient à environ 40 milliards d’euros.
    Un défaut de la Grèce à cette époque était bien trop dangereux pour nos amis les banquiers, et il fallait donc reporter sur les peuples européens la charge du risque (un grand classique).
    BNP, Société Générale, Deutsche Bank pourront donc survivre et continuer à spéculer sur tout et n’importe quoi (même les cours céréaliers, ce qui peut – et a déjà – provoquer des famines).

      +14

    Alerter
  • Buleh Gila // 10.07.2015 à 07h52

    Mais alors l’Etat devoir payer des fortunes pour avoir soutenu financièrement Charlie Hebdo qui n’est pas viable du tout.

      +14

    Alerter
  • Noureiev // 10.07.2015 à 08h22

    Gare à ceux qui s’abonnent aux journaux et revues déficitaires.

      +4

    Alerter
  • Dizalch // 10.07.2015 à 08h53

    Article très intéressant, il faudrait que des juristes spécialisés en droit Européen creuse le sujet, pour voir si dans les méandres des différents traités, il n’y aurait pas de quoi en tirer quelque chose pour la Grèce, car si tel était le cas, le verdict ne ferait aucun doute…

      +2

    Alerter
  • CLAUDE // 10.07.2015 à 08h55

    Ne rêvez pas, le soutien abusif appliqué aux banques en responsabilité n’est à ma connaissance jamais prononcé. Comme le disait Napoléon pour la constitution, il en est de même de certaines lois, c’est comme « une belle femme, juste pour regarder ».

      +5

    Alerter
  • adrien // 10.07.2015 à 10h29

    Pas de lien semble t-il entre cette affaire qui concerne les rapports banques/entreprises et banques/ états (Too Big To Fail = aléa moral) . Les banques étant solidement représentées au sein de l’état, nous payons leurs déficits (socialisation des pertes) . Et ce n’est pas près de changer !

      +1

    Alerter
  • OFJ // 10.07.2015 à 11h01

    Merci beaucoup pour cet article qui sera fort utile pour faire comprendre, par parallélisme, que les élites grecques ne sont pas les seules responsables de la situation actuelle.

      +3

    Alerter
  • Sainsaulieu // 11.07.2015 à 08h21

    Il faut inlassablement montrer la responsabilité des décideurs. Dans nos démocratie formelles nous n’avons pas lla possibilité de donner notre point de vue encore moins de l’imposer. Ce qui se passe en Grèce en est une démonstration très démonstrative. On charge le peuple quand les affaires vont mal. Tenez bon, tenons bon. Comme nos dirigeants ne lâcherons rien, préparons nous à une changement profond de nos règles de vie e commun, si le mot insurrection fait peur. C’est pourtant ce qu’a fait de Gaulle en 1958.

      +1

    Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications