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28.septembre.201328.9.2013 // Les Crises

La vérité sur l’économie des États-Unis (1/2) – par Robert Reich

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Je vous propose aujourd’hui un article prophétique de Robert Reich, ancien ministre du travail de Bill Clinton, datant de plus d’un an, d’avril 2011

La vérité sur l’économie que personne à Washington ou à Wall Street ne vous avouera : nous nous dirigeons à nouveau vers un double dip

Pourquoi la vérité n’est-elle pas dite aux Américains sur l’état de l’économie ? Nous nous dirigeons vers un double dip, mais vous ne le saurez jamais si vous écoutez les discours optimistes de Wall Street ou de Washington.

La consommation des ménages représente 70% de l’économie américaine, or la confiance des consommateurs baisse. Elle est plus basse aujourd’hui qu’au pire moment de la Grande Récession.

Un sondage de l’Université du Michigan et de Reuters montre une baisse de 10 points de pourcentage en mars – la dixième pire baisse enregistrée. Une partie de cette chute s’explique par la hausse des coûts de carburant et des denrées alimentaires. L’indice de confiance des consommateurs, tout juste publié par l’association Conference Board, est à son plus bas depuis cinq mois – et cela s’explique en grande partie par la perception que les emplois seront plus faibles et les salaires plus rares dans les mois à venir.

Des consommateurs pessimistes consomment moins. Et des problèmes économiques sont à venir si la consommation baisse.

Quid des 192 000 emplois créés en février ? (Nous saurons vendredi prochain la statistique pour mars). C’est peanuts par rapport à ce qu’il faudrait. Souvenez-vous que 125 000 créations d’emplois sont nécessaires ne serait-ce que pour compenser la hausse de la population active. Et tellement d’emplois ont été détruits ces trois dernières années que même avec 200 000 nouveaux jobs par mois, le taux de chômage ne redescendrait qu’à 6% d’ici 2016.

Mais l’économie ne croît-elle pas à nouveau – les estimations sont de 2.5 à 2.9% cette année ? Oui, mais c’est encore moins que peanuts. Plus l’ornière économique est grosse, plus il faut de croissance pour revenir sur les rails. Dans cette soi-disant période de croissance, on devrait avoir au moins 4 à 6%.

Imaginez qu’en 1934, quand l’économie émergeait du plus bas de la Grande Dépression, la croissance était de 7.7%, l’année suivante de 8% et de 14.1% en 1936 !

Ajoutez à cela deux éléments inquiétants : les salaires horaires (ajustés de l’inflation) continuent de baisser, comme les prix de l’immobilier. Les salaires baissent car avec un chômage si élevé, la plupart des salariés ont un pouvoir de négociation limité et vont accepter le premier emploi qui se présente à eux. L’immobilier baisse car un nombre sans cesse plus important de propriétaires ont dû abandonner leur maison parce qu’ils ne peuvent plus rembourser leur crédit immobilier. Comme l’immobilier est le plus gros actif des ménages, la baisse des prix immobiliers donne aux américains l’impression de s’appauvrir.

Il est impossible pour le gouvernement de compenser cette baisse de la consommation des ménages. Au contraire, le gouvernement aggrave la situation. Les états et collectivités locales réduisent leurs dépenses d’environ 110 milliard de dollars en 2011. Le plan de relance se termine et le gouvernement fédéral va devoir réduire ses propres dépenses de 30 milliards cette année.

En d’autres termes : restez vigilants. Nous pourrions éviter un double dip, mais l’économie ralentit dangereusement et les accélérateurs de croissance disparaissent.

Alors pourquoi ne nous dit-on pas la vérité sur l’état de l’économie ? D’abord et avant tout, Wall Street est en pleine forme – et la plupart des informations viennent de là. Les profits des banques et des institutions financières ont bondi à 426.5 milliards de dollars au dernier semestre, selon le Ministère du Commerce. (Cette hausse a plus que compensé la baisse des profits des entreprises non-financières.) N’importe qui croyant que la loi Dodd-Frank de réforme du système financier va limiter la créativité de Wall Street n’a pas bien vu ce qu’il se passait.

Dans le cas des entreprises non-financières se portant bien, la majorité de leurs profits est réalisée à l’étranger. Les profits de General Electric réalisés à l’étranger sont passés en 1992 de 15 milliards de dollars à 92 milliards aujourd’hui (c’est une des raisons pour laquelle GE ne paie pas d’impôts aux USA). En fait, les seules personnes optimistes sont les PDG des grandes entreprises américaines. L’indice des perspectives économiques de Business Roundtable, réalisé sur un échantillon de 142 PDG, est à son plus haut depuis 2002.

Washington, dans le même temps, ne veut pas tirer la sonnette d’alarme. La Maison Blanche et la plupart des Démocrates veulent que les américains croient que l’économie est sur la pente ascendante.

Les Républicains, quant à eux, s’inquiètent que les américains veuillent plus d’intervention étatique plutôt que moins s’ils disent les choses en ces termes. Ils ne préfèrent pas parler d’emplois et de salaires, mettant plutôt l’accent sur le désendettement (ou propager le mensonge que réduire le déficit créera des emplois et augmentera les salaires).

Je suis désolé de vous apporter ces mauvaises nouvelles, mais c’est mieux que vous soyez au courant.

Robert Reich

Traduit de http://robertreich.org par Vincent pour www.les-crises.fr

8 réactions et commentaires

  • Dan // 28.09.2013 à 08h17

    Bof, l’économie c’est comme la météo, c’est bien connu : ça change tout le temps et le réchauffement économique est dû lui aussi au CO2 par une logique de cause à effet, donc à l’homme, donc c’est mauvais (le GIEC vient de nous le rappeler, super ! on va avoir droit à un nouvel article dans les-crises au sujet de la température qui stagne, pardon qui augmente ! pfff… je comprends rien du tout moi !) Et puis il y a une énorme conspiration. On nous cache tout.

    Heureusement que je suis vigilante maintenant grâce à l’excellent blog « les-crises » !

    Et que va-t-on faire ? Manifester dans la rue contre la grande conspiration ?

    Je ne suis pas certaine de bien comprendre la logique de cette article qui se termine par « c’est mieux que vous soyez au courant », mais au courant de quoi ?

    Que les patrons sont plus riches – et plus contents ! lol, celle-là elle me fait bien marrer ! – que les prolos ? Ça, à part le fait que ça soit une question de définition dans le Petit Robert, perso, je préfère que les patrons soient plus riches que les prolos, pas vous ?

    Prophétique ou pas cet article n’a rien changé à la face du monde, si ce n’est quelques cancers supplémentaires pour les plus déprimés de ses lecteurs. Bien à vous !

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    • emusua // 28.09.2013 à 21h55

      Hair cut général sur les dettes publique et une evaporisation de l’épargne!?
      Bref,une petite partie de plaisir pour les pauvres de la classe moyenne.

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  • Dan // 28.09.2013 à 08h49
  • Caroline Porteu // 28.09.2013 à 09h15

    La Société du mensonge .

    Les USA , comme d’ailleurs ceux qui leur emboitent le pas sur de multiples domaines sont devenus le pire exemple de ce que l’on pourrait appeler la société du mensonge .

    C’est vrai en politique extérieure sur des dossiers comme la Syrie ou l’Irak , c’est vrai en politique intérieure sur des chiffres de croissance qui n’existent pas , un pouvoir d’achat qui ne cesse de baisser , un niveau d’instruction qui s’effondre totalement, effondrement qui justement empêche de dévoiler ces mensonges . Et c’est surtout vrai sur le fonctionnement du système politique américain lui même et le fait qu’actuellement, les USA n’ont plus rien à voir avec une démocratie puisque le pouvoir a été volé par une caste non élue .. qui n’oriente plus la politique américaine que dans le sens de ses propres intérêts, comme le démontre très bien l’article ci-dessus sur les résultats des entreprises financières et des banques. Cette caste se nomme les actionnaires de la FED (banque privée) qui oriente toute la politique monétaire, économique et extérieure des USA.

    Mais le problème est que les prédateurs au pouvoir, voient leur terrain de chasse rétrécir du fait de l’arrivée de nouveaux intervenants comme la Chine, la Russie, les Brics. Et cette concurrence les pousse à mentir encore plus car le seul moyen de véritablement faire face à cette concurrence serait de mettre cartes sur table et ce, sur tous les domaines financiers, économiques, relations extérieures, diplomatie et pouvoir politique. Et ceci est totalement impossible car cette transparence montrerait l’étendue des mensonges.

    Donc ils sont coincés. La réaction naturelle de l’humain qui se sent coincé est une réponse émotionnelle. La réponse de la raison lui devenant impossible puisqu’elle met en évidence le mensonge. C’est la plupart du temps la source de toutes les guerres civiles ou guerres tout court. Les USA se trouvent confrontés à ce problème : ou ils répondent par la raison, et les mensonges seront dévoilés car dans ce contexte c’est en général ceux qui mentent le moins qui ont la supériorité, ou ils continuent l’escalade du mensonge et la crise sera gigantesque .

    Les USA avaient besoin d’une guerre pour sauver leur dollar et leurs financiers. Il est très intéressant de voir que grâce à la « raison » de ceux qui mentent le moins (je ne prends personne pour des enfants de choeur), cette opportunité s’éloigne à grands pas . Ils sont donc face à leurs propres incohérences, leurs propres mensonges et je ne pense pas que ce soit en désignant un bouc émissaire comme JP Morgan, pour éviter de mettre à plat et de réformer un système totalement falsifié , destructeur et moribond, qu’ils vont s’en sortir .
    Au contraire, ce sera peut-être le « mensonge de trop » .

    Tant que les financiers seront au pouvoir, l’incohérence augmentera car ils défendent avant tout leurs propres intérêts et en aucun cas l’intérêt général.. et vu le rétrécissement du territoire de chasse, ils vont commencer à se bouffer entre eux . C’est exactement ce qui se passe avec JP MORGAN actuellement .

    Tous aux abris:
    http://bit.ly/16Iu8kd

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    • Caroline Porteu // 28.09.2013 à 09h38

      Je crois qu’on ne peut illustrer tout ceci mieux que par le dernier article de Dan Denning sur Agora en particulier sa conclusion:

      Terminons cet exercice de pensée ici. Il n’est pas possible que quelqu’un souhaite les conséquences d’un krach du système, n’est-ce pas ? Les seules personnes qui pourraient souhaiter une telle chose sont celles qui voient en cela une occasion de construire un système mondial anti-démocratique à partir des ruines du système actuel…un système avec un seul gouvernement et une seule monnaie et une seule loi qui ne s’applique qu’à ceux qui sont gouvernés et pas aux faiseurs de règles ni aux faiseurs d’argent.

      Il n’est pas possible que ce soit ce qu’ils veulent, n’est-ce pas ?

      http://la-chronique-agora.com/que-se-passe-t-il-vraiment-sur-les-marches-financiers/

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    • Caroline Porteu // 28.09.2013 à 10h30

      Et pour illustrer ce texte sur la société du mensonge , valable également pour l’Union Européenne, lire le dernier article de Jacques Sapir , remarquable comme toujours :
      L’Euro et la croissance
      27 septembre 2013
      Par Jacques Sapir
      FUNKPROPAGANDA

      « Plus un mensonge est gros et plus on le croit » Joseph Goebbels.

      http://russeurope.hypotheses.org/1566

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      • araok // 29.09.2013 à 23h32

        Seuls les petits secrets ont besoin d’être protégés. Les grands sont tenus secrets par l’incrédulité du public. » (MacLuhan, théoricien de la communication)

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  • Lisztfr // 28.09.2013 à 14h30

    Reprenons des formules lacaniennes bien appropriées :

    Recyclons par exemple, l’objet a, dit petit a. Il s’agit de ce que l’on voudra, sauf à le distinguer du A, grand A.

    Donc ça vaut son pesant de cacahuètes, si a est le coût du travail dans cet exemple d’économie lacanienne, R le revenu, P la production, nous avons R = P, puis, R = a + {bénefs}

    L’objet petit a lui, étant donné le marché concurrentiel du travail et la productivité, diminue, dans ce contexte au profits des bénéfices mais qui vont aussi diminuer, bref… si a diminue, le marché déprime ce qui n’incite guère à réorienter les bénefs vers l’investissement, ce qui aggrave la diminution de a; Cercle vicieux.

    Je constate que Lacan et Foucault, n’ont guère été prolixes matière d’économie, ou sur le pouvoir économique. Justement Foucault à qui l’on doit une analyse du pouvoir sur les corps, du bio-pouvoir, illustré par la surveillance du dispositif du panoptique, n’a quasiment rien dit sur le pouvoir d’asservissement de l’industrie. Bizarre non, là le refoulement marxiste est total… Juste pour dire qu’il est aussi intéressant de lire un auteur pour ce qu’il n’a pas dit.

    Pour parler comme Lordon, Say infuse (mieux que Spinoza) et après une infusion de Say, il ne fait nul doute que l’on aura le double dip, et les suivants….

    Platon, Lettre aux amis :

    « A propos de chacun des êtres, il y a trois éléments nécessaires pour en acquérir le science. La science elles-même est un quatrième élément, et il faut placer au cinquième niveau de la connaissance l’être même qui est à connaître et qui existe réellement.

    Le premier élément est le nom, le deuxième la définition, le troisième la figure, le quatrième la science. (…) Exemple :

    Le cercle est une chose dont on parle, qui a pour nom le mot que je viens de prononcer. En deuxième lieu, il y a sa définition qui est composée de noms et de verbes :  » ce dont les extrémités sont en tout point à égale distance du centre « , voilà comment on définirait ce qu’on appelle rond, circonférence, cercle. En troisième lieu il y a ce qu’on dessine et qu’on efface, qu’on fabrique au tour ou qu’on détruit, tandis que le cercle lui-même, auquel tout cela se rapporte, ne subit rien de tout cela, parce qu’il en diffère. En quatrième lieu il y a a science, l’intellection et le jugement vrai sur ces réalités, qu’il faut tenir pour une même catégorie d’êtres parce qu’ils ne résident ni dans les sons, ni dans les figures corporelles, mais dans les âmes – par quoi il est évident qu’ils sont d’une autre nature etc; C’est l’intellection qui, par la parenté et la ressemblance, se rapproche le plus du cinquième degré ; les autres représentations en sont plus éloignées.

    Donc lorsqu’on se contente d’observer l’évolution de variables économiques (on en reste au niveau de la figure), pour se jeter ensuite sur une conclusion prophétique, on n’a pas avancé en direction d’une science économique. Maintenant certains économistes font comme si l’économie était affaire de bon sens que tout le monde partage, et ça commence par le « Vous savez bien que, tout le monde sait que etc. Justement non, il s’agit de présomptions gratuites (l’innovation, la compétition, etc)

    Il y aurait deux voies pour dire quelque chose de sensé en économie, l’une part de Say et c’est Keynes qui la poursuit, (Marx, pour l’histoire). L’autre serait de prendre Milton Friedman en sens inverse, car effectivement la monnaie joue un rôle central, pour le pire. Effectivement tout revient à la gestion de la monnaie, du côté de la micro-économie comptable sur laquelle repose tout le système, Say, et du côté de la gestion macro-économique de la rareté de la monnaie, Friedman. D’un côté l’impossibilité de fonctionnement, de l’autre son cynisme, son immoralité immanente…. On tente de sauver au niveau macro économique la défaillance micro économique. Tout autre fait doit s’inscrire dans ces réalités-là, qui conditionnent le système.

    On ne peut pas moraliser un système qui ne fonctionne pas. Il a fonctionné, soit par la création d’argent (économie de guerre us) soit en prospérant sur une économie pré-capitaliste rurale, soit par l’endettement d’économies vassalisées, soit par endettement direct.

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