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11.septembre.201911.9.2019 // Les Crises

Jean-Claude Michéa (3/5) Qui n’a pas connu Montpellier dans les années 80

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Source : France culture, Jean-Claude Michéa, Guillaume Erner, 09-01-2019

Jean-Claude Michéa est désormais un auteur qui compte. Et pourtant, chacun de ses livres représente pour Michéa une douleur. Le philosophe nous explique comment il a publié son premier livre par hasard.

La transformation de Jean-Claude Michéa en auteur s’est faite tardivement. Son ami Alain Martin, qui a également quitté le PC après avoir lu Guy Debord, possède une maison d’édition et crée les éditions Climats.

Il retrouve un article sur Georges Orwell que Michéa avait écrit des années auparavant sans parvenir à le publier. Michéa le met à jour et publie son premier livre, Orwell, anarchiste Tory, en 1995, à la demande de son ami. Contrairement à toute attente, le livre a de bonnes critiques et se vend.

A partir de là, on lui demande régulièrement de publier, et les ouvrages s’enchaînent : L’enseignement de l’ignorance, Impasse Adam Smith, Orwell éducateur, La double pensée, etc.

Pourtant, pour Michéa, écrire est une souffrance. Il ne publie que sous la pression du chantage affectif de son ami Alain Martin. En outre, publier c’est aussi gagner en notoriété, affronter le feu de la critique et faillir à sa devise : « Pour vivre heureux, vivons cachés »…

Parmi les philosophes, le nom de Jean-Claude Michéa est désormais bien connu. L’homme, en revanche, demeure dans la pénombre : ses apparitions dans les médias sont rares. D’où l’intérêt de ce long échange ou Jean-Claude Michéa a accepté de se livrer complètement, n’esquivant aucune question, expliquant et commentant sa vie et son travail de philosophe.

Tout au long de ces entretiens, ceux qui aiment l’auteur d’Orwell, anarchiste tory, apprendront à mieux le connaître. Les autres pourront se faire une idée sur ce penseur original et radical, au style volontiers polémique. Après tout, lorsqu’on livre des batailles, n’est-il pas normal d’avoir des ennemis ?

LIENS

A propos du livre d’Emmanuel et Mathias Roux : Jean-Claude Michéa, l’inactuel. Une Critique de la civilisation libérale, éditions Le Bord de L’eau, 2017.

De qui Jean-Claude Michéa est-il le non ? Portrait du philosophe par Andrés Rib, publié par la revue en ligne Le nouveau cénacle en 2016.

Jean-Claude Michéa, la réaction sous le masque de l’anticapitalisme : entretien avec Isabelle Garo, animatrice de la revue Contretemps.

Une lettre à propos du mouvement des Gilets jaunes signée Jean-Claude Michéa.

Jean-Claude Michéa invité de la Grande Table sur France Culture le 18 septembre 2018.

Source : France culture, Jean-Claude Michéa, Guillaume Erner, 09-01-2019

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Commentaire recommandé

Sandrine // 11.09.2019 à 11h33

Alors, Jean-Claude Michea, rouge-brun ou pas rouge-brun ?

Ces accusations sont en tout cas très révélatrices de »l’idéologie française » actuelle : la défaite historique du parti communiste a ouvert la voie à une convergence idéologique assez perverse entre les libéraux (de droite) et les libertaires (de gauche) qui s’entendent comme larrons en foire pour intimider ceux qui s’écartent de la doxa qu’ils veulent imposer dans le champ culturel, la doxa de la disparition de l’état (avec son corolaire, le peuple) et de la dévalorisation de la notion de limite ( et au-delà de celle de vérité).
Cette alliance entre libéraux et libertaires se cristallise autour du souvenir du « moment fasciste » des années 30, inlassablement réactivé, comme pour masquer le conservatisme et l’absence d’imagination des représentant actuels ces deux familles de pensée – qui se targuent pourtant d’être dans le camp de la liberté d’esprit et de la création de nouvelles valeurs.

16 réactions et commentaires

  • Sandrine // 11.09.2019 à 11h33

    Alors, Jean-Claude Michea, rouge-brun ou pas rouge-brun ?

    Ces accusations sont en tout cas très révélatrices de »l’idéologie française » actuelle : la défaite historique du parti communiste a ouvert la voie à une convergence idéologique assez perverse entre les libéraux (de droite) et les libertaires (de gauche) qui s’entendent comme larrons en foire pour intimider ceux qui s’écartent de la doxa qu’ils veulent imposer dans le champ culturel, la doxa de la disparition de l’état (avec son corolaire, le peuple) et de la dévalorisation de la notion de limite ( et au-delà de celle de vérité).
    Cette alliance entre libéraux et libertaires se cristallise autour du souvenir du « moment fasciste » des années 30, inlassablement réactivé, comme pour masquer le conservatisme et l’absence d’imagination des représentant actuels ces deux familles de pensée – qui se targuent pourtant d’être dans le camp de la liberté d’esprit et de la création de nouvelles valeurs.

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    • bhhell // 11.09.2019 à 19h47

      En quoi tout cela est-il propre à la société française? L’évolution sociétale est rigoureusement identique partout en occident et au delà. L’individualisme est un mouvement mondial et massif. Plutôt que d’imputer ces évolutions à l’idéologie libérale, comme le fait Michéa, il est plus honnête et pertinent de les relier à la hausse sans précédent du niveau de vie après la guerre.

      Les énergies fossiles ont fourni un niveau de confort sans précédent, et c’est cela qui a produit l’individualisme moderne.
      Un africain peut bien adhérer à 100% à l’individualisme occidental en théorie, il n’a concrètement pas les moyens de vivre de manière individualiste. Il doit compter sur un réseau étroit de solidarités pour survivre.
      Il y a donc un déterminisme matérialiste très fort dans les comportements individuels.
      Si une chose permet aujourd’hui de transgresser toutes les limites, de détruire les liens sociaux, c’est l’énergie inouie dont chacun jouit dans sa vie quotidienne. La « disparition des valeurs » est un moraline qui en soi n’explique rien. Elle n’est qu’un conséquence.
      Tout simplement, il ne peut y avoir de découplage entre individualisme et civilisation industrielle (c’est à dire croissance)

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      • lois-economiques // 12.09.2019 à 10h42

        « Plutôt que d’imputer ces évolutions à l’idéologie libérale, comme le fait Michéa, il est plus honnête et pertinent de les relier à la hausse sans précédent du niveau de vie après la guerre. »
        Les deux sont effectivement liés.
        Mais plus clairement le niveau de vie n’implique pas nécessairement l’individualisme, l’idéologie libérale prend appuie sur le niveau de vie pour le promouvoir.
        Le slogan emblématique de cet état d’esprit est : « Par ce que je vaux bien ! »

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        • bhhell // 12.09.2019 à 14h34

          Certes, le libéralisme est le pire des systèmes. Il exacerbe l’individualisme. Mais il n’est pas la cause.
          Le facteur clé, c’est la quantité de ressources disponibles. Si elles sont rares, la solidarité est de mise.
          Si elles sont abondantes, la compétition prédomine.

          Nous n’avons aucun exemple de pays avancé où l’individualisme n’ait pas triomphé. Si je ne dépend pas des autres, je peux satisfaire mon narcissisme comme je l’entend, l’étau familial se desserre. Je peux me déplacer géographiquement, maximiser mes opportunités, sans être contraint par mon milieu immédiat.

          C’est pourquoi le discours sur les valeurs est kitsch: il est complètement décalé par rapport aux potentialités offertes aux individus par les énergies fossiles. Le seul obstacle à l’individualisme, ce sont les limites physiques que nous sommes en train de toucher à tous les niveaux, de manière accélérée

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          • lois-economiques // 12.09.2019 à 15h47

            « Si elles sont abondantes, la compétition prédomine. »
            Non, cela c’est factuellement faux.
            La compétition est un état d’esprit et c’est indépendant des ressources.
            De plus cette dernière a de multiples facette, compétition entre les Etats qui dérivent le plus souvent dans des guerres, compétition entre les sociétés commerciales, compétition entre les individus (concours) etc…
            Les exemples historiques de période où la compétition est quasi inexistante sont nombreux ce qui invalide votre assertion.
            Pax Romana, ou Empire du milieu période 14 et 15 siècles.

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            • bhhell // 12.09.2019 à 16h57

              Pardon, mais la compétition dont je parle est une compétition de nature individuelle.
              Elle nait à la fin du 18e s (pensons au roman « Le rouge et le noir »).
              Concrètement, il n’y a pas d’individu (pour 99% de la population) à proprement parler avant cette période.
              La compétition individuelle a été rendue possible par la civilisation industrielle, seule capable d’atomiser les communautés, grâce à la quantité d’énergie disponible.
              Et comme l’explique le physicien Tim Garrett, la civilisation industrielle est un moteur thermique qui consomme toujours plus d’énergie, et ce alors même que nous améliorons sans cesse le rendement énergétique!

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          • lois-economiques // 12.09.2019 à 16h44

            « Nous n’avons aucun exemple de pays avancé où l’individualisme n’ait pas triomphé »
            Vous avez déjà été au Japon ?
            Je peux vous assurer que l’individualisme est très mal perçu (un exemple le parfum qui quasiment proscrit car il démarquerait l’individu de ses congénères).
            L’individualisme c’est culturel et c’est parti des droits de l’Homme comme le précise Michéa donc très occidentalo-centré.

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            • bhhell // 12.09.2019 à 17h11

              Mais le Japon est un des pays les plus individualistes du monde! Le consumérisme, l’isolement des personnes, le suicide y sont extrêmes. Il ne faut pas confondre solidarité et autoritarisme. Le japon est très autoritaires ET très individualiste.

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          • lois-economiques // 12.09.2019 à 17h32

            bhhell vous avez écrit :
            « Pardon, mais la compétition dont je parle est une compétition de nature individuelle. »
            La compétition individuelle a de tout temps et en tout lieu existait.
            La compétition pour le Sénat à Rome était féroce comme pour le consulat.
            La compétition en Chine pour devenir fonctionnaire était féroce également.
            La compétition fait partie du système évolutif des espèces et l’Homme en tant qu’espèce n’y échappe pas.
            Le libéralisme actuel n’a fait qu’ajouter à une compétition individuelle, une compétition des sociétés commerciales.
            L’individualisation n’a pas de rapport directe avec la compétition.

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          • lois-economiques // 12.09.2019 à 17h46

            bhhell vous avez écrit :
            « Mais le Japon est un des pays les plus individualistes du monde! Le consumérisme, l’isolement des personnes, le suicide y sont extrêmes.  »
            Ne pas confondre consumérisme et individualisme.
            Ce n’est pas possible vous n’avez jamais été Japon.
            Le sens du collectif est impressionnant.
            Pas une personne va jeter un papier à terre, pas une personne va essayer de gagner une place dans une file d’attente, pas une personne ne fera pas bien sagement la queue en attendant le train. Le taux de criminalité est quasiment de zéro !
            Comparez un peu avec les USA ou la France rien à voir !
            Les suicides dont vous parlez c’est justement une non intégration au collectif !
            Le collectif est tellement prégnant que le dimanche les japonnais surtout les jeunes se « lâchent » et vont effectivement s’individualiser en s’habillant dans des tenues les plus extravagantes mais la semaine tout rentre dans l’ordre !
            L’individualisme existe mais le collectif prend largement le dessus !
            C’est purement culturel.

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    • RGT // 11.09.2019 à 20h49

      « une convergence idéologique assez perverse entre les libéraux (de droite) et les libertaires (de gauche) »

      PAS les libertaires, les « libertariens » qui se prétendent « anarchistes » mais qui en fait sont des requins en quête de chair fraîche destinée à assouvir leur appétit insatiable.

      Il ne revendiquent QUE la liberté du plus fort d’exploiter sans limites le plus faible.

      Les libertaires sont de VRAIS anarchistes qui souhaitent une société totalement libre MAIS AUSSI totalement équitable, dans laquelle les plus faibles sont protégés par l’ensemble de la communauté contre les requins (les « libertariens » entre autres).

      Je vous prie de bien prendre en compte ce correctif très important sinon je vous reprendrai chaque fois que vous ferez cette confusion.

      La langue française permet une très grande concision. Pourquoi ne pas en profiter.

      De plus, le mouvement « libertarien » provient d’une PERVERSION américaine (libertarian) de l’anarchisme qui est d’ailleurs largement critiquée et combattue par un authentique anarchiste libertaire : Noam Chomsky.

      Cordialement,

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  • Yannis // 11.09.2019 à 15h52

    Puisque de Montpellier dans le titre, il n’en est rien dit réellement dans cet article republié (entendre Michéa est originaire de cette ville française qui vit la plus grande croissance démographique). En voici un autre qui parle du quartier de la Paillade et de ses changements sociologiques, son rôle de ghetto ethnique : https://blogs.mediapart.fr/kainatv/blog/100919/constat-amer

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  • Larousse // 12.09.2019 à 12h24

    Agréable, intéressant à écouter… mais comme je pense, les propos et les démarches de Michéa prouvent une chose la gauche « la vraie gauche ? » n’est pas prête ou vraiment intéressée à arriver au pouvoir, à prendre le pouvoir même. « Zone de confort » dans une posture de critique régulière ? Je n’en sais strictement rien, mais son incapacité permanente à penser et à analyser (sans émotions, émois ou cris d’orfraie) ce que furent les pays du « socialisme réel » saute aux yeux. Cette gauche s’est même abstenue de s’intéresser au socialisme « à la Tito » parce que ce dirigeant avait eu le malheur d’emprisonner, lui aussi !, des opposants à la marche vers le communisme… Cette gauche a rejeté en bloc les tentatives vers le socialisme, en affichant une prétention à faire différemment mais quand on regarde de près en se demandant : comment et pourquoi faire, on se met à douter, à craindre aussi ou à s’étonner d’un vide complet.

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  • Owen // 12.09.2019 à 12h38

    (En réponse à Bhell).

    C’est vrai aussi.L’analyse minutieuse de Karl Polianyi sur la disparition progressive des biens communs aux sociétés humaines est sociologique, voire anthropologique et non pas politique.

    La libération et l’accumulation des égoïsmes’ peuvent-ils contribuer à la richesse des nations? Pas sûr qu’.Adam Smith puisse reprendre son titre, aujourd’hui, puisque les nations, elles-mêmes, sont un obstacle à cette accumulation.

    Les besoins de coagulation sont toujours là, mais les coagulateurs de la société s’evaporant, ils prennent des formes pathologiques, communautaires ou religieux.

    Autre corollaire, la dialectique marxiste des classes, moteur de l’histoire. évoquée dès le poème sumerien d’Atrahasis, est en train de s’essouffler.
    Le pouvoir français est à pleine « maturité » pour réprimer et éventer la rébellion des GJ, le pouvoir algérien ne l’a pas encore pour étouffer la sienne.
    Et le soft-power, ou l’instrumentalisation des rébellions en dépit de leur sincérité, comme le coup d’État du Maidan, détruit la lisibilité d’une société.

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  • Renaud // 12.09.2019 à 18h46

    bhhell //@ 11.09.2019 à 19h47
    « Les énergies fossiles ont fourni un niveau de confort sans précédent, et c’est cela qui a produit l’individualisme moderne. »
    et
    Sandrine //@ 11.09.2019 à 11h33
    « Cette alliance entre libéraux et libertaires se cristallise autour du souvenir du « moment fasciste » des années 30, inlassablement réactivé, comme pour masquer le conservatisme et l’absence d’imagination des représentant actuels ces deux familles de pensée – qui se targuent pourtant d’être dans le camp de la liberté d’esprit et de la création de nouvelles valeurs. »

    J’ai envie de pasticher ces deux intervenants d’ailleurs – très lucides -, et dire du tac au tac:
    Les énergies intellectuelles et politiques fossiles ont fourni un niveau de confort intellectuel et politique sans précédent, et c’est cela qui a produit le cache misère intellectuel et politique de l’individualisme moderne, telle est devenue aujourd’hui la « pensée politique française » plus misérabiliste que jamais, cristallisée autour du souvenir du « moment fasciste » des années 30 (qui, en plus, ne s’est pas passé en France mais en Allemagne!), inlassablement réactivé… Par exemple, on y trouve ceux qui se fourvoient quand ils sont contre Étienne Chouard. Plus égarés que ça? Difficile! Il y a longtemps que j’ai fui cette zone!

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  • Renaud // 12.09.2019 à 19h57

    lois-economiques // 12.09.2019 à 17h32
    Sur le plan neurologique, Henri Laborit a décortiqué en long et en large notre attitude, nos comportements individuels, mais souvent nos attitudes et comportements forment une synergie et le marketing au service du marché c’est à dire des grands nombres, cultive ces attitudes en les formatant collectivement.

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