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11.janvier.202211.1.2022 // Les Crises

« Le Moyen-Orient au défi du chaos » – 4 questions à Denis Bauchard

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Denis Bauchard, ancien diplomate et ambassadeur, est conseiller à l’IFRI (Institut français des relations internationales) pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Le Moyen-Orient au défi du chaos » chez Hémisphères Éditions.

Lire l’entretien complet sur le blog de Pascal Boniface

La guerre d’Irak de 2003 est-elle une véritable rupture ?

Oui c’est une des dates clés de l’histoire du Moyen-Orient depuis un demi-siècle, mais ce n’est pas la seule : 1979 comme 2011, entre autres, ont marqué également des ruptures qui ont contribué à déstabiliser cette région sensible.

L’intervention des États-Unis de 2003 en Irak, illégale sur le plan du droit international, car non approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies, est la première opération militaire américaine depuis 1945 qui ait abouti au Moyen-Orient à un regime change durable et à une administration directe par Washington. Elle devait avoir des conséquences désastreuses, mais prévisibles. Elles avaient d’ailleurs été anticipées par le président Chirac comme par la plupart des diplomates et des chercheurs, y compris américains, qui avaient souligné non seulement les risques pour la stabilité du Moyen-Orient, mais également pour les intérêts américains eux-mêmes.

Le premier effet de cette intervention brutale a été un double cadeau fait à Téhéran. L’Iran a ainsi été débarrassé de son principal ennemi, Saddam Hussein qui a disparu ainsi que son armée. En outre, la mise en place d’une démocratie en Irak s’est traduite mécaniquement par la prise de pouvoir par la communauté chiite majoritaire en Irak. En effet, la plupart de ses responsables sont proches de l’Iran où ils ont vécu en exil pendant de longues années. L’Iran a pu ainsi exercer son influence à travers des hommes politiques qui lui sont proches et par la formation de milices qu’il arme et entraine.

Par ailleurs, on peut considérer, comme Lawrence Wilkerson, à l’époque chief of staff du secrétaire d’État américain Colin Powell, lors d’une interview télévisée sur PBS le 13 janvier 2020, que « la décision d’envahir l’Irak » a débouché sur « le chaos qui affecte aujourd’hui toute la région ». En effet, à la suite de la dissolution de l’armée par le proconsul américain, une partie importante de ses cadres sunnites ont rejoint les insurgents puis, à partir de 2006, Daech qui n’a pas eu aucun mal à recruter des combattants parmi les sunnites qui refusaient le pouvoir chiite.

Cette politique a contribué au chaos que nous connaissons encore actuellement. Elle a permis non seulement à l’Iran d’étendre son influence sur l’Irak, mais elle a également donné un élan au développement de l’État islamique en Irak, mais aussi en Syrie. Malgré la reprise des territoires gagnés par l’État islamique, la menace terroriste demeure.

Vous avez présidé l’Institut du monde arabe, vous en décrivez à la fois l’intérêt et les difficultés.

L’IMA est une joint venture entre le gouvernement français et les 22 pays arabes, fondé sur la parité de sa gouvernance et de ses ressources. Il n’a pas d’équivalent dans aucun autre pays occidental. C’est un véritable succès politique et culturel. Le projet du président Giscard d’Estaing repris par son successeur était en effet éminemment politique. Il s’agissait tout à la fois d’affirmer l’intérêt de la France pour le monde arabe et d’exprimer sa volonté d’y établir de véritables relations de partenariat à l’opposé des idées de « choc des civilisations » qui prévalaient après la crise de 1973. Il entendait afficher la richesse des échanges – la crossfertilzation – entre les mondes arabe et occidental.

Pour les pays arabes, l’IMA est une vitrine exceptionnelle où ils peuvent montrer les différents aspects de cette civilisation si riche au cours des siècles et aujourd’hui vivier de talents multiples. Sur le plan culturel, l’Institut a pris pleinement sa place dans le paysage parisien avec son architecture emblématique, sa programmation originale et sa forte fréquentation. Cependant la situation financière a toujours été problématique, et malgré des améliorations, reste fragile. Il est clair que, en tant que centre culturel, il ne peut fonctionner que si son budget est alimenté régulièrement par ses « actionnaires ».

Or, à quelques exceptions près, on constate une défaillance de la partie arabe. Si la parité financière a été réalisée au moment de la dotation initiale qui a permis la construction de ce bâtiment exceptionnel, l’État français assure actuellement la quasi-totalité de son financement courant.

Vous estimez que sur la région du Moyen-Orient, François Hollande a suivi la même politique que Nicolas Sarkozy…

Lire la suite de l’entretien sur le blog de Pascal Boniface

 

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Myrkur34 // 11.01.2022 à 08h07

Et bizarrement (je rigole) cette politique sarkozo-hollandienne est poursuivie avec enthousiasme par Macron qui dans l’affaire australienne, a démontré (passé le prurit, les gros yeux ,les sauts de cabri et les rodomontades communicationnelles) qu’il est faible avec les forts (qui lui font un gosse dans le dos-Aukus- le jour même des roucoulades Biden-Macron) et juste fort avec les faibles dans son pays. (Il nous a fait du populisme trumpien mâtiné de Louis XVI dernièrement, excusez du peu…)
A l’international, toutes ses envolées lyriques se sont terminées par des fiascos ou du surplace.
Par contre, pour le complexe militaro-industrielle français, tout va bien, l’état français continue de vendre allégrement aux régimes de la planète parmi les pires, Qatar, Koweït, EAU, Arabie Saoudite, Egypte ce qui entraîne toutes les compromissions et les non-dits sur la politique extérieure de ces pays dans le monde et en France. Pierre Conesa l’a amplement exclamé et prouvé maintes fois.
Comme dirait Bernard Blier, « J’ai souvent croisé des hypocrites dans ma vie mais vous, vous êtes une synthèse ».
Sinon tout va bien dans le royaume de France, 80000 lits supprimés en 20 ans à l’hôpital public mais c’est sûrement du juste à la chirurgie ambulatoire, et pas à une quelconque volonté néolibérale de réduire les coûts à la hache…

2 réactions et commentaires

  • Myrkur34 // 11.01.2022 à 08h07

    Et bizarrement (je rigole) cette politique sarkozo-hollandienne est poursuivie avec enthousiasme par Macron qui dans l’affaire australienne, a démontré (passé le prurit, les gros yeux ,les sauts de cabri et les rodomontades communicationnelles) qu’il est faible avec les forts (qui lui font un gosse dans le dos-Aukus- le jour même des roucoulades Biden-Macron) et juste fort avec les faibles dans son pays. (Il nous a fait du populisme trumpien mâtiné de Louis XVI dernièrement, excusez du peu…)
    A l’international, toutes ses envolées lyriques se sont terminées par des fiascos ou du surplace.
    Par contre, pour le complexe militaro-industrielle français, tout va bien, l’état français continue de vendre allégrement aux régimes de la planète parmi les pires, Qatar, Koweït, EAU, Arabie Saoudite, Egypte ce qui entraîne toutes les compromissions et les non-dits sur la politique extérieure de ces pays dans le monde et en France. Pierre Conesa l’a amplement exclamé et prouvé maintes fois.
    Comme dirait Bernard Blier, « J’ai souvent croisé des hypocrites dans ma vie mais vous, vous êtes une synthèse ».
    Sinon tout va bien dans le royaume de France, 80000 lits supprimés en 20 ans à l’hôpital public mais c’est sûrement du juste à la chirurgie ambulatoire, et pas à une quelconque volonté néolibérale de réduire les coûts à la hache…

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  • christian gedeon // 11.01.2022 à 11h48

    Intéressant. Mais de l’enfonçage de portes largement ouvertes. Chirac qui avait beaucoup de défauts, mais avait dit dès le début que c’était une monstrueuse et inhumaine connerie. Pour ce qui me concerne, c’est passible d’un tribunal style Nuremberg.Mais faut il être naïf pour ne pas comprendre qu’au delà de « l’affrontement » apparent US/Iran,il existe une complicité objective entre ces deux pays ou du moins entre leurs dirigeants? Je rappelle que ce sont les occidentaux qui ont fait chuter le Shah et pas Khomeini. Que ce dernier a bénéficié d’un effet d’aubaine,que très fin politique il a su mettre à profit? Que US et Israël ont continué sous le manteau à fournir armes munitions et pièces détachées à l’Iran pendant toute la guerre Iran Irak? faut vraiment être soumis aveuglément à une doxa pour évacuer tout çà. Bien sûr que l’Iran a « profité  » de la situation. C’est ce qui était planifié et prévu!

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