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11.octobre.201811.10.2018
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[RussEurope-en-Exil] Quant l’ancien monde couronne des économistes de l’ancien monde, par Jacques Sapir

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La désignation des deux prix Nobel d’économie pour 2018 marque un retour du Comité Nobel à une économie néoclassique pure et dure qui présente, sous des formes sophistiquées, les mêmes sophismes et les mêmes erreurs qu’il y a plus de cent ans. Ce « retour en arrière » du Comité Nobel se pare néanmoins des oripeaux de la modernité. Ainsi, les deux économistes couronnés sont réputés avoir apporté des contributions majeures sur la question de la croissance et de l’environnement. Pourtant, la réalité est toute autres.

Paul M. Romer

Qui sont Paul M. Romer et William D. Nordhaus

Paul M. Romer et William D. Nordhaus se sont donc partagés le Prix Nobel d’économie 2018 pour leurs travaux intégrant l’innovation et le climat dans la croissance économique[1]. C’est ce qui est supposé les qualifier parmi les fondateurs de ce que l’on appelle « l’économie verte »[2]. On le sait, l’économie est supposée traiter de la gestion des ressources rares et la nature y est perçue comme une force qui dicte les principales contraintes à la croissance économique. Ce sont nos connaissances, mais aussi nos aptitudes – et notre capacité à mobiliser du capital – qui déterminent notre capacité à gérer ces contraintes.

Paul Romer, dans ses travaux, est réputé avoir démontré que le savoir peut jouer un rôle moteur dans la croissance économique à long terme[3]. Lorsque la croissance économique s’accumule au fil des décennies, elle transforme naturellement la vie des gens. Du moins, tel est la vision de Romer et aussi, naturellement, celle du Comité Nobel de la Banque Centrale de Suède. Les recherches macroéconomiques antérieures, et en particulier celles de Solow[4], avaient mis l’accent sur l’innovation technologique en tant que principal moteur de la croissance économique. Mais, elles avaient modélisé très imparfaitement la manière dont les décisions économiques et les conditions du marché déterminent la création de nouvelles technologies. Paul Romer est donc crédité par le Comité Nobel d’avoir résolu ce problème en expliquant comment les forces économiques gouvernent la volonté des entreprises de produire de nouvelles idées et innovations.

Les travaux de William Nordhaus traitent pour leur part des interactions entre la société et la nature. Nordhaus avait décidé de travailler sur ce sujet dans les années 1970, à une époque où les scientifiques étant de plus en plus préoccupés par l’usage des énergies fossiles et leurs impacts sur l’environnement. Ces énergies fossiles entraînent une modification du climat qui peut se traduire par ce que l’on appelle le « réchauffement climatique » et qui se manifeste surtout par une instabilité climatique certaine, avec une multiplication de la fréquence des événements exceptionnels. Au milieu des années 1990, Nordhaus est devenu le premier économiste à créer un modèle d’évaluation intégrée, c’est-à-dire un modèle quantitatif décrivant l’interaction mondiale entre l’économie et le climat[5]. Son modèle cherche à intégrer les théories et les résultats empiriques de la physique, de la chimie et de l’économie. Le modèle de Nordhaus est maintenant largement répandu et permet de simuler l’évolution de l’économie et du climat. Il est utilisé pour examiner les conséquences des interventions en matière de politique climatique, par exemple les taxes sur l’usage du carbone[6].

William D. Nordhaus

Paul Romer, un économiste néoclassique déguisé en « moderne »

Cela pose la question du rapport entre la vision du Comité Nobel et la réalité. Les travaux de Romer et Nordhaus sont importants, et certains les tiennent pour considérables. Pour autant, ils ne sont pas si révolutionnaires qu’on le prétend, et surtout ils s’inscrivent dans des courants de pensée économiques qui, eux, sont bien identifiables.

Romer s’inscrit dans le courant de la croissance endogène. Ce dernier part du postulat d’une inefficacité, totale ou partielle, des politiques économiques axées sur la demande. Il faut alors rappeler qu’il écrivit sa thèse sous la direction de Robert Lucas, un autre prix Nobel, qui prétendait que l’économie s’arrêtait dès que s’arrêtaient les probabilités[7]. Lucas a prétendu que les politiques économiques, parce qu’elles étaient « prévues » par les agents économiques[8], ne pouvaient avoir d’effet de long terme[9]. Cela le conduisait à réhabiliter l’hypothèse de neutralité de la monnaie et de taux naturel de chômage[10]. L’une des conséquences du tournant pris par l’économie avec les travaux de Robert Lucas fut de conduire à la théorie des cycles réels, comme on le voit avec Kydland et Prescott[11], cycles réels faisant des chocs technologiques la source des fluctuations économiques. Il s’agit d’un travail qui parachève la fondation de la Nouvelle Economie Classique[12] et qui, comme on le voir avec Robert Barro, nient toute efficacité à la politique budgétaire[13].

Les travaux de Paul Romer partent donc de cette hypothèse et cherchent les facteurs structurels qui pourraient déterminer la croissance de long terme[14]. En cela, la théorie de la croissance endogène, à laquelle Romer a attaché son nom, s’avère relever de l’économie néoclassique la plus pure, mais aussi la plus dure[15]. Elle s’avère aussi la plus irréaliste dans ses hypothèses, un irréalisme qui fut revendiqué par Milton Friedmann[16] mais qui est dénoncé par divers spécialistes de l’épistémologie économique[17], et même aujourd’hui timidement par des économistes provenant pourtant du même courant idéologique[18]. Les travaux de Paul Romer, s’ils acceptent la possibilité que dans certains cas les rendements puissent être croissants[19], renvoient dans la plupart des cas à des causes techniques et à un facteur mal défini qui est l’accumulation des connaissances. Ce qui frappe tout lecteur de Paul Romer qui a étudié un peu d’histoire économique est la manière profondément mécaniciste dont il procède, ne se posant pas la question devant une possible innovation, des conditions sociales et institutionnelles de la traduction de cette innovation et changements du processus de production. Il ne se pose pas non plus la question de savoir si, au moment où cette innovation apparaît, il peut exister une demande particulière pour cette innovation et quelles sont les conditions de politiques économiques, et donc monétaires, pour que cette innovation, rencontrant une demande forte et stable, puisse se développer. Les agents économiques sont perçus comme des automates tout comme l’est le marché. On est en réalité à mille lieux de Schumpeter, un auteur parfois cité, mais qui avait une vision fort différente des processus économique[20]. On est donc bien au sein du paradigme probabiliste qui va de Haavelmo à Lucas[21], un paradigme qui est aujourd’hui très discuté depuis que la crise de 2008 a montré l’importance de l’incertitude radicale comme Keynes l’avait postulé[22]. Ce n’est que récemment que Romer, décentrant son travail du modèle de croissance vers la question des villes, a donné des signes d’intérêts pour les institutions[23].

William Nordhaus et le Public Choice

Le cas de William Nordhaus peut s’apparenter, dans un contexte théorique différent, à celui de Paul Romer. Nordhaus s’inscrit quant à lui dans l’école du Public Choice, une école qui cherche à analyser les choix « publics » à partir du point de vue de l’individualisme méthodologique et de la rationalité des agents individuels[24]. Ses premiers écrits se situaient donc dans ce courant[25]. Cette école postule donc que les individus (les « agents ») ont des préférences individuelles stables dans le temps et logiquement transitives. Or ces hypothèses ont été réfutées, y compris celle sur la transitivité des préférences[26], dans les travaux de Sarah Lichtenstein[27], Paul Slovic, Amos Tversky[28] et Daniel Kahneman[29]. Les travaux effectués depuis les années 1970 ont montré que les préférences étaient instables[30], et se construisaient en réalité dans le processus même du choix. De même, cette école identifie les partis politiques comme des « machines » cherchant à maximiser leur nombre de voix aux élections, sans aucune référence aux intérêts que ces partis peuvent défendre ni à leur idéologie (qu’elle soit explicite ou implicite). On l’aura compris, l’école du Public Choice s’avère bien plus idéologique que scientifique. Même l’individualisme méthodologique est aujourd’hui contesté[31].

Il n’est donc pas étonnant, compte tenu ces limites épistémologiques, que les résultats des modèles élaborés par Nordhaus, qu’il s’agisse du modèle DICE (Dynamic Integrated Climate-Economy), et le modèle RICE, version régionalisée du précédent soient largement discutables. Ces modèles, qui ne sont en réalité que des modèles de cycles réels dans lesquels on a intégré la production de CO2[32], mettent en balance le réchauffement climatique et les pertes de PIB qu’entrainent soit ces émissions de CO2 soit les efforts pour les réduire significativement. Une taxe carbone devant alors permettre d’élever les coûts et de responsabiliser les acteurs économiques. Le problème est que ces modèles ont un point d’équilibre pour un réchauffement de…3,5° ! Il est donc difficile de tenir Nordhaus, que ce soit d’un point de vue analytique ou d’un point de vue descriptif, pour un économistes ayant contribué de manière majeur à la lutte contre le réchauffement climatiques.

Quelle influence ?

Les gouvernements de différents pays se sont inspirés des travaux de Romer et de Nordhaus, mais toujours de manière très partielle. Un cas d’école est celui du gouvernement français dont le Conseil d’Analyse Economique a repris en 2017 l’idée de la taxe carbone. Cependant, globalement, si les deux modèles auxquels il a attaché son nom, DICE et RICE, sont utilisés par les experts, leur impact sur les décisions publiques est faible, ce qui est un comble pour un auteur de l’école du Public Choice. De même, le gouvernement des Etats-Unis s’est servi des travaux de Romer pour justifier de (maigres) investissements dans le domaine de l’éducation. Mais, les deux courants idéologiques auxquels nos auteurs appartiennent, que ce soit celui des « Cycles Réels » et de la Croissance Endogène pour Romer ou plus généralement l’école du Public Choice pour Nordhaus ont quant à eux exercé une influence certaine, que ce soit dans le science économique (et l’on pense aux travaux de Philippe Aghion) ou que ce soit sur les décisions de politique économique. Pour ces dernières, qu’il s’agisse de celles des gouvernements (et l’indépendance des Banques Centrales dérive assez directement des travaux de Romer, Barro et, au-delà, Lucas) ou qu’il s’agisse du démembrement des politiques actives par les organisations internationales telle la Banque Mondiale et leur remplacement par des politiques dites incitatives dont l’efficacité d’ailleurs reste toujours à démontrer, l’influence de ces deux courants de pensée est indubitable.

Mais en fait, sur des choix complexes, où tout ne peut être calculé en raison de la présence d’incertitudes radicales (et ceci s’applique tant à la lutte contre le réchauffement climatique qu’aux problèmes de la croissance dans le long terme), l’usage de choix heuristiques, et donc la réhabilitation de la décision politique, apparaît comme bien plus pertinent que l’usage de ces modèles. Cela devrait redonner son importance à des formes de planification démocratique perçues non comme des mécanismes mais comme des processus dans le cours duquel se dégage une opinion commune.

Plus généralement, Romer a parfois été qualifié de « Schumpeterien » et crédité d’avoir donné une formalisation rigoureuse aux travaux du grand économiste. Mais, la formulation adoptée par Romer s’écarte largement du sens des travaux de Schumpeter qui conçoit l’innovation comme un processus complexe faisant intervenir tout autant le progrès technique que les conditions sociales et institutionnelles. Romer réduit le processus de croissance à un mécanisme (et non un processus) au sein duquel il n’y a pas d’externalités et où les agents économiques, engagés dans un processus de concurrence, sont capables d’attribuer des ordres de probabilité à tout événement. De fait, les travaux de Sophus Reinert s’avèrent bien plus fidèles à la démarche de Schumpeter[33]. Romer a donc joué par rapport à Schumpeter le même rôle que Hicks par rapport à Keynes[34], le rôle d’un supposé traducteur, donnant aux idées du maître une formulation mathématique, mais aboutissant en fait à trahir l’auteur qu’ils étaient censés « expliquer »[35]. Il n’est donc pas faux de voir en Romer le John Hicks de Schumpeter.

[1] https://www.nobelprize.org/uploads/2018/10/press-economicsciences2018.pdf

[2] https://www.nytimes.com/2018/10/08/business/economic-science-nobel-prize.html

[3] Romer, P., « Increasing Returns and Long-Run Growth, » in Journal of Political Economy, Vol. 94, No. 5 (Oct. 1986), pp. 1002-1037.

[4] Solow R.M., « The production function and the theory of capital », in Review of Economic Studies, vol. XXIII, (1955-1956), pp. 101-108; Idem, « Substitution and Fixed Proportions in the theory of capital », in Review of Economic Studies, vol. XXX, (juin 1962), pp. 207-218.

[5] Il s’agit du modèle DICE. Voir Nordhaus W.D., A Question of Balance: Economic Modeling of Global Warming, Yale University Press, Yale, NY, 2008.

[6] Nordhaus W. D., “To Tax or Not to Tax: Alternative Approaches to Slowing Global Warming,” in Review of Environmental Economics and Policy volume 1, n° 1, hiver 2007, pp. 26–44

[7] Lucas, R., Studies in Business-Cycle Theory, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1981.

[8] Lucas, R.E., « Expectations and the neutrality of money », in Journal of Economic Theory, n°4, 1972, p 103-124

[9] Mc Callum B.T., « rational expectations and macroeconomic stabilization policy », in Journal of money, credit and banking, vol. 12, 1980, pp.716-746

[10] Lucas R.E., « Econometric testing of the natural rate hypothesis », in O. Eckstein (ed.), The econometrics of price determination, Boards of Governors of the Federal Reserve System, Washington, 1972. Voir aussi Lucas R.E., « Some international evidence on output-inflation tradeoffs », American Economic Review, 63, 1973, pp.326-334

[11] Kydlalnd Finn E. et Edward C. Prescott, « Time to build and aggregate fluctuations », in Econometrica, 50, (6), 1982, pp.1345-1370. Voir aussi: John Bradford Delong et Charles Plosser, « Real business cycles », Journal Of Political Economy, University of Chicago Press, 91(1), 1983, pp.39-69.

[12] Un auteur français, Antoine d’Autume pouvait alors remarquer « L’objectif général reste la construction d’une théorie d’équilibre des fluctuations, ancrée dans une analyse des comportements intertemporels et sous l’hypothèse d’anticipations rationnelles. » D’Autume A., « L’essor de la macroéconomie », in A. Berraud et G. Faccarello, Nouvelle Histoire de la pensée économique, T. III, La Découverte, Paris, 2000, p.432.

[13] Barro R., « Long-Term Contracting, Sticky Prices, and Monetary Policy », in Journal of Monetary Economics, 3, 1977.

[14] Romer P.M., « Endogenous Technological Change, » in Journal of Political Economy, Vol. 98, No. 5, « Part 2: The Problem of Development: A Conference on the Institute for the Study of Free Enterprise Systems. » (Oct. 1990), pp. S71-102.

[15] A. Insel, “Une rigueur pour la forme: Pourquoi la théorie néoclassique fascine-t-elle tant les économistes et comment s’en déprendre?”, in Revue Semestrielle du MAUSS, n°3, éditions la Découverte, Paris, 1994, pp. 77-94

[16] Friedman M., « The Methodology of Positive Economics », in Milton Friedman, Essays in Positive Economics, University of Chicago Press, Chicago, 1953, pp. 3-43.

[17] Mäki U., « How to combine rethoric and realism in the methodology of economics » in Economics and Philosophy, vol.4, avril 1988, pp. 353-373. Mäki U., « Friedman and Realism », in Research in the History of Economic Thought and Methodology, vol. 10, 1992, pp. 171-195 Lawson T., « Realism and instrumentalism in the development of econometrics », in Oxford Economic Papers, vol. 41, janvier 1989, pp. 236-258. Lawson T., « Realism, closed systems and Friedman », in Research in the History of Economic Thought and Methodology, vol. 10, 1992, pp. 196-215

[18] Tirole, J., « L’homo economicus a vécu », in Le Monde, 5 octobre 2018, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/10/05/jean-tirole-l-homo-economicus-a-vecu_5365278_3232.html

[19] Romer P.M., « Growth Based on Increasing Returns Due to Specialization. » In American Economic Review, Papers and Proceedings, Vol. 77 (mai 1987): 56-62.

[20] Schumpeter, Joseph A. Capitalism, Socialism, and Democracy. New York: Harper, 1942

[21] Haavelmo T, The Probability Approach To Econometrics , supplément à Econometrica, vol. 12, 1944 et Lucas, R. E., Jr. « On the Mechanics of Economic Development » in Journal of Monetary Economics, vol. 22 (Juillet 1988), pp. 3-42.

[22] Voir Keynes, John Maynard, Treatise on Probability, London: Macmillan & Co, 1921 et la recension faite par le grand mathématicien Bertrand Russell, Russell, Bertrand [republication de l’article de 1922] : « Review: A Treatise on Probability. By John Maynard Keynes » in Mathematical Gazette, revue de la Mathematical Association, Vol. 32 (1948), n° 300), pp.152–159.

[23] Dwyer G., « Can « Charter Cities » Change the World? A Q&A With Paul Romer », Septembre 29th, 2009, The New York Times., http://freakonomics.blogs.nytimes.com/2009/09/29/can-charter-cities-change-the-world-a-qa-with-paul-romer/ .

[24] Voir Buchanan J.M. et Tullock G., The Calculus of Consent, (1962), University of Michigan Press, Ann Arbor, 1962.

[25] Nordhaus W., « The Political Business Cycle », in Review of Economic Studies, 1975, vol. 42, n° 2, 169-190

[26] Sugden R., « New developments in the Theory of Choice under uncertainty » in J.D. Hey et J. Lambert (edits.), Surveys in the Economics of Uncertainty, Basil Blackwell, Oxford-New York, 1987, pp. 1-24, pp. 8-10. Camerer C., « Individual Decision Making » in Kagel et Roth (edits), Handbook of Experimental Economics , Princeton, NJ, Princeton University Press, 1994. Payne J.W., J.R. Bettman et E.J. Jonhson, « Behavioral Decision Research: a Constructive Processing Perspective », Annual Review of Psychology, vol. 43/ 1992, p. 87-131.

[27] Lichtenstein S. et P. Slovic, « Reversals of Preference Between Bids and Choices in Gambling Decisions » in Journal of Experimental Psychology, n°86, 1971, pp. 46-55 ; Idem « Reponse induced reversals of Preference in Gambling: An Extended Replications in Las Vegas » in Journal of Experimental Psychology, n°101,/1973, pp. 16-20.

[28] Tversky A., « Rational Theory and Constructive Choice », in K.J. Arrow, E. Colombatto, M. Perlman et C. Schmidt (edits.), The Rational Foundations of Economic Behaviour, Basingstoke – New York, Macmillan et St. Martin’s Press, 1996, p. 185-197 ; Idem, « Loss Aversion in Riskless Choice: a Reference Dependant Model », Quarterly Journal of Economics , vol. 107, n°4/1991, p. 1039-1061.

[29] Voir . Sapir J., Quelle Economie pour le XXIème Siècle, Paris, Odile Jacob, 2005n chapitre 1 et Idem, « Théorie de la régulation, conventions, institutions et approches hétérodoxes de l’interdépendance des niveaux de décision », in A. Vinokur (ed.), Décisions économiques , Économica, Paris, 1998, pp. 169-215

[30] Tversky A., S. Sattath et P. Slovic, « Contingent Weighting in Judgement and Choice » in Psychological Review , vol. 95/1988, p. 371-384. P. Slovic, D. Griffin et A. Tversky, « Compatibility Effects in Judgement and Choice », R.M. Hogarth (ed.), Insights in Decision Making: Theory and Applications , Chicago, University of Chicago Press, 1996

[31] Kincaid H., « Reduction, explanation and individualism », Philosophy of Science, vol. 53, décembre 1986, p. 492-513. Ramstad Y., « A Pragmatist’s Quest for Holistic Knowledge: The Scientific Methodology of John R. Commons », Journal of Economic Issues , Vol. 20, n°4, décembre 1986, p. 1067-1105

[32] Dont Nordhaus suspecta la contribution au réchauffement climatique plus de dix ans avant la synthèse du GIEC. Voir Nordhaus W.D., « Economic Growth and Climate: The Carbon Dioxide Problem », in The American Economic Review, Vol. 67, No. 1, Papers and Proceedings of the Eighty-ninth Annual Meeting of the American Economic Assocation (Feb., 1977), pp. 341- 346.

[33] Reinert S., Translating Empire: Emulation and the Origins of Political Economy. Cambridge, MA: Harvard University Press, 2011

[34] Hicks J., « IS-LM: An Explanation », in Journal of Post Keynesian Economics, vol. 3 (1980-1981), pp. 139-155.

[35] Minsky H.P., John Mayard Keynes, Columbia University Press 1975.

Commentaire recommandé

Toff de Aix // 11.10.2018 à 07h06

Brillante analyse de M Sapir, comme d’habitude.

Oú l’on voit encore une fois l’esprit réel du prix Nobel, fondé je le rappelle par un capitaliste pur et dur de la vieille école, qui a marqué son époque par son intransigeance et son manque total d’empathie envers ses semblables. Un pur produit du XIXe siècle cher à certains, qui aimeraient tellement que nous y retournions tous…

Et c’est là que le bât blesse : ce manque total de connection avec son environnement, avec non seulement la Nature (celle qui porte et soutient l’Humanité depuis ses origines), mais aussi ce manque d’empathie avec ceux d’ en bas, les petits, les sans grade, ceux qui ne sont rien… Ce manque de « considération de la chose sociale » comme le dirait M.Sapir, produit ce genre de thèses fumeuses et criminelles : on crée un modèle censé accompagner la transition vers une économie verte, mais complètement déconnecté de son environnement. En fait on ne réfléchit qu’en termes économiques, pas en termes de Responsabilité et d’Ethique. Ce fameux modèle DICE est donc là pour aider à la décision, dans une optique d’un réchauffement de 3.5 degrés maximum…ce qui équivaudrait à transformer la terre en un vaste désert stérile. Et bien sûr, le réchauffement n’y est vu que comme un corollaire désagréable de cette sacro-sainte croissance. Rien que nos brillants scientifiques et économistes, aidés par leur Dieu, « la main invisible du Marché », ne puissent résoudre, voyons !

Notre Responsabilité en tant que civilisation thermo industrielle est pourtant écrasante : nous sommes sans aucun doute la seule civilisation qui, sur cette planète, aura fait disparaître autant d’espèces, aura détruit autant d’ecosystèmes, et est en passe de finir le travail sans broncher…. alors que nous avons, que nous aurions eu la capacité de faire autrement !

En continuant de nous voiler la face de cette façon, nous allons sans doute acter un emballement majeur du réchauffement, au delà de trois degrés, avec de funestes conséquences pour TOUT ce qui vit sur cette magnifique planète qui nous fut donnée sans aucune contrepartie… Si ce n’est que nous aurions dû faire preuve d’un minimum de bon sens et de Conscience : la croissance est un leurre, verte ou pas elle nous mènera au désastre, nous devons vivre AVEC la planète et pas en dehors d’elle.

La soutenabilité de notre mode de vie est en question, à quand un prix Nobel pour quelqu’un qui amène la question sur le tapis de cette manière ?

Nous vivons dans nos têtes, dans notre petit monde, et nous allons le payer tôt ou tard : notre esprit, tout brillant et farci de capacités innovantes qu’il soit, n’est qu’un outil. Pire, aujourd’hui il se transforme en leurre, car il est incapable de nous sauver des illusions qu’il produit.

L’outil à pris possession de ses maîtres, et il les mènera à leur perte.

15 réactions et commentaires

  • Toff de Aix // 11.10.2018 à 07h06

    Brillante analyse de M Sapir, comme d’habitude.

    Oú l’on voit encore une fois l’esprit réel du prix Nobel, fondé je le rappelle par un capitaliste pur et dur de la vieille école, qui a marqué son époque par son intransigeance et son manque total d’empathie envers ses semblables. Un pur produit du XIXe siècle cher à certains, qui aimeraient tellement que nous y retournions tous…

    Et c’est là que le bât blesse : ce manque total de connection avec son environnement, avec non seulement la Nature (celle qui porte et soutient l’Humanité depuis ses origines), mais aussi ce manque d’empathie avec ceux d’ en bas, les petits, les sans grade, ceux qui ne sont rien… Ce manque de « considération de la chose sociale » comme le dirait M.Sapir, produit ce genre de thèses fumeuses et criminelles : on crée un modèle censé accompagner la transition vers une économie verte, mais complètement déconnecté de son environnement. En fait on ne réfléchit qu’en termes économiques, pas en termes de Responsabilité et d’Ethique. Ce fameux modèle DICE est donc là pour aider à la décision, dans une optique d’un réchauffement de 3.5 degrés maximum…ce qui équivaudrait à transformer la terre en un vaste désert stérile. Et bien sûr, le réchauffement n’y est vu que comme un corollaire désagréable de cette sacro-sainte croissance. Rien que nos brillants scientifiques et économistes, aidés par leur Dieu, « la main invisible du Marché », ne puissent résoudre, voyons !

    Notre Responsabilité en tant que civilisation thermo industrielle est pourtant écrasante : nous sommes sans aucun doute la seule civilisation qui, sur cette planète, aura fait disparaître autant d’espèces, aura détruit autant d’ecosystèmes, et est en passe de finir le travail sans broncher…. alors que nous avons, que nous aurions eu la capacité de faire autrement !

    En continuant de nous voiler la face de cette façon, nous allons sans doute acter un emballement majeur du réchauffement, au delà de trois degrés, avec de funestes conséquences pour TOUT ce qui vit sur cette magnifique planète qui nous fut donnée sans aucune contrepartie… Si ce n’est que nous aurions dû faire preuve d’un minimum de bon sens et de Conscience : la croissance est un leurre, verte ou pas elle nous mènera au désastre, nous devons vivre AVEC la planète et pas en dehors d’elle.

    La soutenabilité de notre mode de vie est en question, à quand un prix Nobel pour quelqu’un qui amène la question sur le tapis de cette manière ?

    Nous vivons dans nos têtes, dans notre petit monde, et nous allons le payer tôt ou tard : notre esprit, tout brillant et farci de capacités innovantes qu’il soit, n’est qu’un outil. Pire, aujourd’hui il se transforme en leurre, car il est incapable de nous sauver des illusions qu’il produit.

    L’outil à pris possession de ses maîtres, et il les mènera à leur perte.

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    • Emmanuel // 12.10.2018 à 06h21

      100% d’accord. Comme l’argent est un mauvais maître et un bon serviteur (d’après Montesquieu). On a l’impression d’une grande impasse â vouloir prolonger le même cadre économique, avec cette folie néolibérale qui nous mène droit à la catastrophe. Ces techniciens de l’économie n’arrivent pas â s’affranchir du cadre, et pire, semblent récompensés quand ils le perfectionnent. Il faut dire que cela arrange une certaine oligarchie, un peu comme ces joueurs de Monopoly excités quand ils sont les premiers à construire des hôtels, sans penser que bientôt un tel système abouti à la ruine générale et à une fin de partie inéluctable …..

        +3

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    • MARCO POLO // 14.10.2018 à 02h14

      @ Toff de Aix : merveilleux papier que le vôtre ! Magnifiquement exprimé , magnifiquement écrit . Et qui rejoint à 1000 % ce que je pense de notre civilisation en pleine déroute , allant vers un désastre annoncé , déjà visible , déjà palpable , et dont nous commençons à souffrir .
      Bien à vous . Bravo .
      J’espère que nous ne pas qu’un poignée à avoir pris conscience de la probable , si nous ne faisons rien , disparition programmée de notre espèce …et ce d’ici quelques générations .
      Il est urgent d’alerter et d’agir !

        +0

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  • François Lacoste // 11.10.2018 à 08h35

    Certainement cette critique des travaux de ces personnes est justifiée, malheureusement si elle parle à un étudiant de HEC elle évoque plus pour ce qui me concerne, le point de vue de Molière sur le charabia des spécialistes.

    Si l’on considère l’arrivée sur le marché énergétique carbonné des deux tiers de l’humanité la moins consommatrice au même niveau de consommation que le tiers le plus consommateur et cela quelque soit la réduction de consommation per capita de ce tiers consommateur, il est à craindre que ce ne soit pas une événement technologique et encore moins économique qui résoudra le problème. L’expérience récente de la modernisation de la Chine durant le sept dernières décades indique qu’il n’y aucune raison que l’Inde et l’Afrique ne deviennent pas de gros consommateurs.
    Stabiliser la consommation d’énergétique carbonée (entre autre) nécessitera sans doute une grosse quantité de politique, sinon de politique à coups de « cannons ».

    Quand au choix éclairé du consommateur (statistiquement parlant il va sans dire) ce pilier de la science économique de la majorité des savants, c’est tout à fait risible, à l’image du choix politique éclairé qui nous à conduit à l’élection de Macron.

    Bien sûr on peut rêver à l’énergie de fusion enfin disponible, encore faudrait-il une volonté politique de fer pour vaincre cet Everest de la connaissance…

      +9

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    • Kiwixar // 11.10.2018 à 09h08

      “Stabiliser la consommation d’énergétique carbonée (entre autre) nécessitera sans doute une grosse quantité de politique, sinon de politique à coups de “cannons”.”

      Ca va être vite fait : les pays producteurs d’hydrocarbures vont commencer à garder leur production en interne ou à la vendre très chers aux quelques pays qui paieront en or (Chine). Les pays occidentaux enverront leurs quelques porte-avions qui finiront rapidement au fond de l’eau (missiles hypersoniques russes et chinois). Hop, consommation mondiale de produits carbonée stabilisée.

      Quant à la fusion, oui, il suffira d’une volonté politique pour faire fonctionner ITER, bien sûr, ah ah : un tore de tokamak, ce n’est qu’une sorte de sphincter. Envoyons donc un de nos meilleures “bonnes têtes de vainqueurs” pour faire tourner tout ça (cf “Lettre à Manu sur le doigté et son fondement” d’Onfray).

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      • calal // 11.10.2018 à 13h56

        ben non.Suffit d’entasser tous les sans dents dans des hlm,de les faire se deplacer a pied entre les checks points pour aller a l’usine,de leur rationner eau,gaz ,electricite ,de leur donner une ration alimentaire calculee a a calorie pres et a l’oligo elements pres (mais vegan et bio) et vous sauvez la planete…
        Pis si vous leur serrez bien la ceinture, vous pourrez meme degager des excedents carbonnes pour que les 10% puissent continuer a partir en avion vers des destinations de reve sans risquer d’y croiser un autochtone conservateur c’est a dire pas pres a se deplacer « pour trouver du travail ».

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  • Kokoba // 11.10.2018 à 10h34

    C’est à ce genre d’histoire qu’on voit l’imposture de la « science » économique actuelle.
    Du blabla de charlatans qui a la même valeur que les astrologues discutant doctement maisons, signes et ascendances.

    Et pendant ce temps, les économistes n’arrivent pas à travailler sérieusement sur des questions aussi basiques et importantes comme les taux de changes, le role et la creation de la monnaie, l’offre et la demande.

    95% des economistes font de l’idéologie et non pas de l’économie.

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  • Emmanuel // 11.10.2018 à 10h51

     » Quant l’ancien monde  » : voilà des années que je pense que Jacques Sapir devrait faire relire ses textes pour y corriger des fôtes de français…

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    • Le Rouméliote // 11.10.2018 à 15h23

      Comme « se sont donc partagés », « se » complément d’objet INDIRECT !

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  • Alain // 11.10.2018 à 11h13

    Un prix Nobel d’économie est un non sens car l’économie n’est pas une science exacte et le comportement économique ne peut être modélisé. L’économie est basé sur des prémices faux dont le principal est la rationalité des agents économiques et l’information librement disponible pour tous! Avec une telles fondations, il ne peut y avoir d’édifices solides.

    De plus les indicateurs utilisés -PIB, taux de croissance, chômage, inflation – sont tous bidouillés et ne représentent pas le monde réel.Quand le tableau de bord est bidon comment serait-il possible de piloter correctement?

    L’économie est finalement de l’idéologie qui essaie de s’accrocher aux schémas de ce qui s’est passé pour prédire un futur en fonction de certains comportements. Bonne chance pour avoir plus de succès que le choix aléatoire

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    • Geof’ // 14.10.2018 à 11h18

      ce n’est pas l’économie qui a ces prémisses mais l’économie marchande capitaliste !

      nous, les communistes, avons nos propres dogmes en matière économique, comme la planification et les effets d’échelle…

      J. Sapir a écrit sur l’URSS et son modèle économique – on peut y apprendre que certaines années, 30 à 35% des échanges se réalisaient sur des marchés privés, oui mon bon monsieur !!!!! Qui l’eût cru ?

      Geoffrey, neo-communiste belge

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  • Le Rouméliote // 11.10.2018 à 15h28

    Quand il écoutera le Professeur Carl-Otto Weiss, spécialiste de la physique des lasers, ici : https://www.youtube.com/watch?v=c90Y1W1WxQg
    … il va rigoler le Professeur William D. Nordhaus ! Le prix dit Nobel d’économie délivré par la Banque centrale suédoise apparaît de plus en plus comme une vaste escroquerie !

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  • Bernard guerrien // 12.10.2018 à 11h16

    C’est faire trop d’honneur à ces auteurs que de parler longuement de leurs modèles, comme le fait ici Sapir, même si c’est pour les critiquer, ou manifester son (profond) désaccord avec eux. Les modèles de Romer et Nordhaus sont basés sur un postulat tellement absurde – les relations économiques de l’ensemble de la société sont le résultat du choix optimisateur d’un agent unique, qualifié pompeusement de « représentatif » – qu’il aurait suffi de rappeler en quelques lignes pour montrer l’inanité du « prix » attribué. En leur accordant de longs développements on entretient l’idée qu’ils comportent une part de pertinence – qu’ils méritent d’être discutés. Et c’est ce que leurs auteurs – et le comité « Nobel » – attendent (ils ne sont pas idiots et savent que tout cela est bidon) … Ce qui leur permet d’entretenir l’idée que la science avance, même si elle est encore loin de la vérité …

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  • christian gedeon // 13.10.2018 à 03h37

    Romer est une espèce de Malebranche de l’économie,un algorythmophile addict aux stats.. qui évacue complètement les facteurs humains et donc sociologiques au sens large.Et comme chacun sait les stats ne parlent que du passé,et les probabilités…de rien,en fait. Si les calculs de probabilités étaient un tant soit peu efficaces,il y a bien longtemps que des petits génies les auraient appliqués au casino et au turf.( pas de hurlements s’il vous plaît,j’aime les chevaux et le black jack) Je préfère nettement parler de science de l’hypothèse que de probabilités. Ce qui est à la fois plus modeste et surtout plus réaliste et efficace. Nordhaus,lui,est un petit malin dis donc. Va que je te repeins la croissantite aïgue aux couleurs du vert des villes qui n’ a jamais vu un poulet qu’en nuggets,et que je t’ajoute des spoilers et des feux de partout comme sur les bagnoles de kékés..le genre de « savant « économiste(sacrée contradiction hein?) qui prend les gens pour des cons avec le plus grand sérieux.M. Sapir est très éclairant sur les Tif et Tondu nobélisés…mais devrait employer des termes plus simples pour en parler. Vous voulez prendre une bonne leçon d’économie? Allez passer un mois ou deux comme apprenti dans une boutique tenue par aux choix,un Libanais, un Arménien ou un Juif,ou un Auvergnat tiens..et ne lisez pas Minc,n’écoutez pas Attali,ne passez pas par la case « on vous prend pour des cons « .

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  • christian gedeon // 16.10.2018 à 12h00

    Je reviens à mon dada,modéré en essayant de le rendre présentable. Mais bon,çà ne change rien sur le fond. L’ultralibéralisme,c’est la gauche,la gauche c’est l’ultralibéralisme…ils sont soeurs ou frères de sang. Ils visent les mêmes objectifs,la disparition des nations indépendantes,le fongibilité des hommes et des femmes, la domination de la pensée qui doit être non seulement unique(et inique),mais réflexe. La destruction des structures sociales,des valeurs morales classiques,la subsitution du prêt à penser à la pensée…comment ne le voit on pas? je n’arrive pas à comprendre ce terrible aveuglement. Un jour,çà se verra comme une grosse verrue sur le nez…

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