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21.juillet.202521.7.2025 // Les Crises

Pour répondre aux exigences de Trump, les membres de l’OTAN acceptent d’augmenter les dépenses militaires

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Richard Seymour décrit Trump comme s’orientant vers « une politique transactionnelle plus instrumentale et grossièrement matérielle. »

Source : Truthout, Amy Goodman, Juan González, DemocracyNow !
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Lors du sommet de l’OTAN à La Haye, presque toutes les nations européennes sont parvenues à un accord pour augmenter les dépenses militaires à 5 % du PIB de chaque pays. Cet accord intervient alors que le président Trump a déclaré que les États-Unis ne prendraient pas la défense des autres pays de l’OTAN s’ils n’atteignaient pas 5 % de dépenses militaires. « Trump veut s’orienter vers une politique transactionnelle beaucoup plus instrumentale et grossièrement matérielle », déclare Richard Seymour, écrivain, diffuseur et activiste. « Je pense qu’il s’agit d’une version du déclin impérial que Trump tente de gérer. »

Amy Goodman : Ici Democracy Now !, democracynow.org. Je suis Amy Goodman avec Juan González.

Lors du sommet de l’OTAN, le président Trump a défendu les frappes américaines sur trois sites nucléaires iraniens, affirmant que l’attaque avait retardé le programme nucléaire iranien de plusieurs décennies. Trump a fait ce commentaire aujourd’hui après qu’un certain nombre de médias ont rapporté qu’une évaluation classifiée de la Defense Intelligence Agency (DIA) avait conclu que les frappes avaient probablement retardé le programme de l’Iran de quelques mois. Dans le même temps, Trump a félicité les autres pays de l’OTAN d’avoir accepté d’augmenter radicalement leurs dépenses militaires pour les porter à 5 % du PIB en l’espace d’une décennie. L’Espagne s’est toutefois opposée à cet accord, estimant que l’objectif n’était pas raisonnable. Trump s’est exprimé plus tôt dans la journée.

Le président Trump : Cela fait plusieurs années que je leur demande de passer à 5 %, et c’est ce qu’ils font. C’est un grand pas en avant par rapport aux 2 % précédents. Et beaucoup de gens n’ont même pas payé ces 2 %. Je pense donc qu’il s’agit d’une très bonne nouvelle. L’OTAN va devenir très forte avec nous.

Amy Goodman : Pour en savoir plus sur l’Iran et le sommet de l’OTAN, nous sommes rejoints par Richard Seymour, écrivain, diffuseur et activiste basé à Londres. Son dernier livre, est intitulé Disaster Nationalism : The Downfall of Liberal Civilization [Le nationalisme du désastre : le déclin de la civilisation libérale]. Bienvenue sur Democracy Now ! C’est un plaisir de vous avoir parmi nous. Pouvez-vous réagir à ce qui s’est passé jusqu’à présent au sommet de l’OTAN ?

Richard Seymour : Jusqu’à présent, il semble qu’ils soient parvenus à un accord pour porter les dépenses militaires à 5 %. C’est un point controversé. Vous avez mentionné plus tôt dans votre émission les protestations en Slovénie. Mais il y a un certain nombre d’Etats européens qui ne veulent vraiment pas dépenser autant d’argent. L’Espagne, par exemple. Au Royaume-Uni, il a été question d’augmenter les dépenses militaires à hauteur de 5 % du PIB, tout en réduisant les aides sociales de 7 milliards de livres sterling, ce qui a provoqué une crise politique majeure pour le gouvernement.

Il semble donc qu’une véritable dynamique d’armement contre consommation se mette en place. Il sera intéressant de comprendre pourquoi Donald Trump insiste tant sur ce point. Dans le passé, lorsque les Américains voulaient que les Européens dépensent davantage pour la défense, c’était pour que l’Amérique puisse se déployer plus loin à l’étranger et concentrer ses efforts en dehors du théâtre européen. Cela ne semble pas être la logique de Trump.

Juan Gonzalez : Richard Seymour, je voulais vous demander… l’Institut Peterson a récemment publié un rapport disant que les États-Unis eux-mêmes ne dépensent actuellement que 2,9 % de leur PIB en dépenses militaires, et au cours des 50 dernières années, ils n’ont dépensé en moyenne que 4,2 % du PIB. Ainsi, Trump pousse les Européens à dépenser un pourcentage plus important pour l’armée que ne le font même les États-Unis, la puissance militaire du monde. Qui en profite, à part les fabricants d’armes ?

Richard Seymour : Eh bien, il semble que les élites européennes y soient très favorables. C’est une chose pour laquelle Mark Rutte, chef de l’OTAN, a tenu à féliciter Donald Trump dans sa missive très trumpienne, en disant que l’Europe paierait, qu’elle paierait beaucoup, ceci n’est pas exactement ses propres mots, et que ce serait une grande victoire pour Trump. En fait, il semble qu’une partie de ce qui se passe ici, la logique de la chose, est qu’ils peuvent atteindre par la militarisation un certain type de politique industrielle, une dépense dans la modernisation de leurs économies qu’ils n’ont pas été en mesure d’atteindre par d’autres moyens.

Par exemple, l’Allemagne, au cours des dernières années, s’est efforcée d’annuler une clause de la constitution qui stipule que l’État ne peut pas s’endetter. Elle voulait le faire pour investir dans la transition climatique. Les tribunaux l’ont annulée. Mais maintenant, ils peuvent dépenser 100 milliards d’euros pour des investissements militaires. C’est donc du keynésianisme militaire. Et je pense que c’est une grande partie de l’attrait pour les gouvernements à travers l’Europe, où essentiellement, le projet d’une certaine forme de social-démocratie de gauche s’est heurté à des murs, a été contrecarré dans de nombreux cas. La modernisation de l’économie par d’autres moyens en fait partie, mais je pense aussi que le consensus politique et la gestion politique en font partie. Un certain nombre de rapports ont été publiés ces dernières années sur la nécessité pour les États européens de se préparer à la guerre dans la perspective improbable d’une confrontation directe avec la Russie, et cela s’inscrit dans une sorte d’élan contrasubversif général, parlant de guerre hybride, de politique de l’information, d’apaisement du terrain intérieur.

Au Royaume-Uni, le conseiller en matière de lutte contre le terrorisme, Jonathan Hall, a récemment affirmé que des questions telles que ce qu’il appelle l’idéologie du genre, les droits des transgenres, ce genre de choses, pourraient en fait constituer des preuves de la subversion russe et que, par conséquent, le Royaume-Uni pourrait avoir besoin de lois de lutte contre la subversion. Il y a donc une logique d’économie politique intérieure, d’une part, et de gestion politique intérieure, d’autre part. Je pense que c’est tout aussi important que les enjeux géopolitiques supposés avec la Russie.

Amy Goodman : Nous n’avons que 30 secondes, mais le président Trump, au cours de son premier mandat, s’en prenait à l’OTAN en disant qu’ils n’invoquerait pas l’article 5 pour se porter à la défense d’un autre pays de l’OTAN, mais il en joue maintenant et dit que les États-Unis ne les soutiendraient que s’ils portaient à 5 % leurs dépenses militaires. 20 secondes, Richard Seymour.

Richard Seymour : Oui, brièvement, je pense que les États-Unis sont en train d’abandonner leur hégémonie. L’hégémonie signifie des valeurs universelles, des systèmes multilatéraux dont tout le monde est censé bénéficier. Trump veut s’orienter vers une politique transactionnelle beaucoup plus instrumentale et grossièrement matérielle. Je pense donc qu’il s’agit d’une version du déclin impérial que Trump essaie de gérer.

Amy Goodman : Richard Seymour, nous aimerions vous revoir pour parler de votre livre, Disaster Nationalism : The Downfall of Liberal Civilization. Merci beaucoup de nous avoir rejoints depuis Londres.

*

Amy Goodman est l’animatrice et la productrice exécutive de Democracy Now !, un programme d’information national, quotidien, indépendant et primé, diffusé sur plus de 1 100 chaînes de télévision et stations de radio publiques dans le monde entier. Le Time Magazine a nommé Democracy Now ! son « Pick of the Podcasts », au même titre que « Meet the Press » de NBC.

Juan González coanime Democracy Now ! avec Amy Goodman. Il est journaliste professionnel depuis plus de 30 ans et chroniqueur au New York Daily News depuis 1987. Il a reçu deux fois le prix George Polk.

Source : Truthout, Amy Goodman, Juan González, DemocracyNow !, 25-06-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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1 réactions et commentaires

  • Jean // 21.07.2025 à 09h25

    => « Le président Trump : Cela fait plusieurs années que je leur demande de passer à 5 %, et c’est ce qu’ils font. C’est un grand pas en avant par rapport aux 2 % précédents. Et beaucoup de gens n’ont même pas payé ces 2 %. Je pense donc qu’il s’agit d’une très bonne nouvelle. L’OTAN va devenir très forte avec nous. »

    S’il suffisait de dépenser des centaines de milliards pour être le plus fort les USA n’aurait pas besoin de piller leurs alliés européens pour se maintenir à flot. Nous subissons, nous européens, le sort des colonies condamnées à la misère via les transferts de l’économie de rente(1). Tous cela sera bien évidement inutile car le système est à ce point corrompue qu’il n’y aura jamais suffisamment d’argent pour qu’il soit efficace, comme en Ukraine.

    (1) Michael Hudson sur l’économie de rente : https://www.youtube.com/watch?v=ngmxOmgJUsA

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