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5.mai.20255.5.2025 // Les Crises

Une nouvelle collision d’avion à Washington illustre le danger des coupes budgétaires de Trump et Musk dans la FAA

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L’administration a licencié des employés essentiels et menacé d’annuler des contrats importants, ce qui rend les accidents d’avion plus probables.

Source : Katie Rose Quandt, Truthout
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un avion d’American Eagle s’aligne sur la piste tandis qu’un appareil d’American Airlines est au roulage sur l’aéroport national Ronald Reagan Washington, le 6 février 2025, à Arlington, en Virginie. Al Drago / Getty Images

Le 10 avril, deux jets de la compagnie American Airlines ont eu un accrochage au niveau des ailes sur le taxiway de l’aéroport national Reagan Washington, près de Washington. Personne n’a été blessé lors de cette collision mineure, six membres du Congrès figuraient parmi les 143 passagers.

À peine deux semaines auparavant, le 28 mars, à cinq secondes près, une formation de quatre jets militaires, qui devaient survoler le cimetière national d’Arlington, a failli entrer en collision avec un vol commercial Delta qui décollait également de Reagan. Cet incident déplorable s’est produit le lendemain d’une bagarre entre les employés de la tour de contrôle de Reagan.

Ces incidents se sont produits sur le même aéroport très fréquenté, là où 67 personnes ont trouvé la mort deux mois plus tôt, le 27 janvier, lorsqu’un hélicoptère de l’armée a percuté en plein vol un avion de ligne. Mais les accidents et les quasi-accidents semblent se produire un peu partout : deux jours après l’accident mortel de l’hélicoptère, un avion médicalisé s’est écrasé dans le nord-est de Philadelphie, tuant touts les passagers ainsi qu’une personne au sol. Puis, le 17 février, un vol Delta en provenance de Minneapolis et transportant 80 passagers a, lors de l’atterrissage, touché brutalement, dérapé, pris feu et s’est retourné à Toronto. Le 25 février au matin, ce sont deux incidents qui se sont produits : un vol d’American Airlines a interrompu sa descente à Washington pour éviter une collision, tandis qu’un avion de Southwest a interrompu d’urgence son atterrissage à Chicago pour éviter de percuter un jet privé qui s’était engagé sur la piste sans autorisation.

À quelques jours de l’accident de l’hélicoptère militaire de Washington – l’accident aérien le plus meurtrier depuis 2001 – le président Donald Trump a réduit le nombre de membres du comité de sécurité aérienne mandaté par le Congrès. Quelques semaines plus tard, le DOGE d’Elon Musk a décidé du licenciement d’environ 400 employés de l’Administration fédérale de l’aviation (FAA). Ces employés « en période d’essai », qui occupaient leurs fonctions depuis moins d’un an, ont appris leur licenciement par des courriels envoyés tard dans la nuit à partir d’une adresse électronique non gouvernementale.

Entre-temps, en réponse à l’accident mortel du 27 janvier, Trump a piqué une colère noire, imputant à tort la catastrophe à la DEI. [Programme favorisant la diversité, l’équité et l’inclusion, NdT] Ses affirmations ont été reprises par son secrétaire aux Transports, Sean Duffy, ancien candidat aux émissions de télé-réalité « Real World » et « Road Rules ».

Tout le monde sait bien que les systèmes de la FAA vieillissent et doivent être modernisés : en septembre dernier, un rapport du Government Accountability Office (GAO) américain a révélé que 51 des 138 systèmes de la FAA étaient « non viables », citant des problèmes tels que des fonctionnalités obsolètes et un manque de pièces détachées. En 2023, la FAA a attribué à Verizon un contrat de 2,4 milliards de dollars sur 15 ans pour mettre à niveau et moderniser le réseau de télécommunications et d’informatique de l’agence.

Mais Musk semble désireux de tirer parti des problèmes de la FAA. Fin février, le Washington Post a rapporté que la FAA était sur le point d’annuler le contrat avec Verizon et de l’attribuer à Starlink, la société de Musk spécialisée dans l’Internet par satellite. À la mi-mars, Duffy a critiqué la lenteur de Verizon, déclarant lors d’une conférence de presse : « Je veux des entreprises qui sont prêtes à aller vite. Je ne peux pas attendre dix ans. »

Le contrat Starlink

Musk a également attisé les inquiétudes concernant Verizon, affirmant sur les médias sociaux : « Le système de communication de Verizon concernant le contrôle du trafic aérien se détériore très rapidement. Selon la FAA le nombre de mois restant avant une panne catastrophique se compte sur les doigts, ce qui met gravement en danger la sécurité des passagers aériens. » Non seulement il n’existe aucune source pour cette affirmation de « mois se comptant sur les doigts avant une panne catastrophique », mais Verizon n’exploite même pas encore le système.

Entre-temps, la DOGE a fait appel à des employés de SpaceX, la société mère de Starlink, pour travailler sur la technologie de la FAA. Selon le Post, certains de ces employés ont été destinataires des adresses électroniques de la FAA. Fin février, cette dernière a annoncé qu’elle testait les terminaux Starlink dans le New Jersey et en Alaska, et Musk aurait approuvé l’envoi de 4 000 terminaux Starlink à la FAA. Ted Malaska, ingénieur chez SpaceX et « employé spécial temporaire du gouvernement » au sein du DOGE, a déclaré au personnel de la FAA que s’ils « entravaient » les efforts de déploiement des terminaux Starlink, ils risquaient de « perdre leur emploi ».

Dans le même temps, des sources de la FAA ont déclaré à Rolling Stone que des responsables de la FAA ont donné l’ordre à leur personnel de trouver des dizaines de millions de dollars pour les accords avec Starlink, principalement par le biais de directives verbales ce qui laissent penser que « quelqu’un ne veut pas laisser de traces écrites ».

Fin mars, la FAA a approuvé l’utilisation du WiFi Starlink sur les avions de United. L’accord entre Starlink et United a été signé en septembre dernier, et le calendrier a été accéléré début janvier. Fin mars également, la FAA a commencé à autoriser les propriétaires de jets privés à demander que leur nom et d’autres informations personnelles ne soient pas affichés publiquement en ligne, ce qui complique la tâche des défenseurs du climat et des amateurs qui suivent à la trace les vols privés des ultra-riches et publient l’information. Ce changement intervient à la suite d’une loi de 2024 visant à renforcer la protection de la vie privée. Musk a toujours détesté être suivi à la trace : en décembre 2022, deux mois après avoir acheté Twitter, le site avait suspendu le compte d’ElonJet, qui permettait de suivre les vols effectués par Musk et qui était géré par un étudiant.

« Il s’agit d’un conflit d’intérêts flagrant », ont déclaré Rosa DeLauro (Démocrate-Connecticut) et James E. Clyburn (Démocrate-Caroline du Sud) dans un communiqué commun le 1er mars, faisant référence à l’utilisation accrue de la technologie Starlink au sein de la FAA. « Ces changements n’ont rien à voir avec la sécurité des Américains ; il s’agit au contraire de mesures dangereuses qui font primer la richesse personnelle d’Elon Musk sur la vie des Américains. » Le député Hank Johnson (Démocrate-Géorgie) a abondé dans le même sens : « Ce type de corruption et de copinage est hallucinant et constitue une menace pour la sécurité du public. »

Le passé de Musk avec la FAA

Musk semble se livrer à une vendetta personnelle contre la FAA, qui est responsable de la supervision de SpaceX. L’année dernière, la FAA a infligé à SpaceX une amende de 633 009 dollars au civil pour des infractions commises lors du lancement de deux engins spatiaux. L’agence a également lancé une « enquête concernant les accidents » alors qu’une fusée de SpaceX a explosé en plein vol en janvier, déversant des débris dans le golfe du Mexique et obligeant la FAA à retarder le trafic aérien proche. Musk a minimisé l’importance de l’explosion, insistant sur le fait que SpaceX procéderait au prochain lancement prévu. En effet, le lancement suivant de SpaceX a eu lieu en mars, se terminant une nouvelle fois par une explosion en plein vol et entraînant à nouveau une pluie de débris et des retards de vols en Floride et en Pennsylvanie.

Musk et SpaceX soutiennent que l’entreprise a besoin d’avancer rapidement et de faire des erreurs pour apprendre – qualifiant les explosions de « tout juste une anicroche ». Mais les retards de vol, les dommages et la pollution qui en résultent ont des effets réels. Un décollage de SpaceX en avril 2023 et l’explosion qui s’en est suivie ont fait trembler les maisons, brisé au moins une fenêtre et recouvert Port Isabel, au Texas, d’une crasse brune, ce qu’une femme a décrit au New York Times comme étant « vraiment terrifiant ». Les autorités locales du Texas affirment que Musk les a trompées sur ses projets lorsqu’il a acheté le terrain pour son installation SpaceX, qui depuis lors répand des débris et des éclats de métal sur une zone ornithologique voisine, ainsi que sur un parc et une plage de l’État. Selon une étude scientifique, une explosion de SpaceX en novembre 2023 aurait temporairement creusé un trou dans les hautes couches atmosphèriques.

Musk s’est toujours montré virulent à l’encontre de la FAA. Suite aux amendes qui lui ont été infligées en septembre, il a menacé de porter plainte pour « excès de réglementation » et a appelé à la démission de Mike Whitaker, alors directeur de la FAA. C’est ce que ce dernier a fait quelques mois plus tard, le jour de l’investiture de Trump, quatre ans avant la fin de son mandat.

« Le fait que [Musk] puisse maintenant être en charge de la surveillance gouvernementale dans des domaines où il essaie d’obtenir des autorisations représente l’un des conflits d’intérêts les plus importants que j’ai vus dans ma carrière, et pour moi, c’est incompréhensible », a déclaré Moriba Jah à ProPublica suite à l’explosion de janvier, il est professeur d’ingénierie aérospatiale et ancien membre d’un des comités consultatifs de la FAA,

Trump et Musk rendent-ils les vols plus dangereux ?

Beaucoup se sont empressés de souligner que le transport aérien reste généralement sûr aux États-Unis, et que la série de crashs et de quasi-accidents ne peut être directement attribuée à Trump et Musk.

Les experts de l’aviation craignent toutefois que les mesures prises dans le cadre de DOGE à l’encontre de la FAA n’entraînent davantage d’incidents. Trump souhaite supprimer davantage de réglementations gouvernementales et a publié, le 31 janvier, un décret donnant aux agences l’ordre d’abroger dix règles pour chaque nouvelle réglementation mise en place. La déréglementation des compagnies aériennes a un mauvais bilan en matière de sécurité : après que la FAA a commencé à autoriser Boeing à auto-certifier la sécurité de ses propres avions en 2009, deux avions de ligne 737 Max se sont écrasés en 2018 et 2019.

Les experts en sécurité aérienne craignent de plus que la réglementation fédérale en matière de sécurité des compagnies aériennes ne devienne encore plus difficile. Au cours des deux dernières décennies, les compagnies aériennes ont largement cessé d’assurer elles-mêmes la maintenance de leur flotte, préférant envoyer les avions à l’étranger pour qu’ils soient entretenus par des tiers. Mais depuis quelques années, des sociétés de capital-investissement se sont fortement implantées dans le secteur de la maintenance des avions, apportant avec elles de dangereuses stratégie en matière de réduction des coûts et une puissante force de lobbying pour contrecarrer la réglementation fédérale.

En attendant, les licenciements procédés par le DOGE ne font que dégarnir une FAA déjà en sous-effectif. Lors d’une réunion explosive entre Trump, Musk et les membres du cabinet le 6 mars, Duffy a reproché aux membres du DOGE d’avoir essayé de licencier des contrôleurs aériens, a rapporté le New York Times. Musk a qualifié ces affirmations de « mensonges », tandis que Duffy continuait de soutenir qu’elles étaient vraies.

Even if no air traffic controllers were let go, hundreds of other crucial employees were fired. DOGE’s FAA firings included employees who work in air traffic control support, as well as people tasked with identifying hazardous obstacles in flight paths, and lawyers responsible for keeping drunk or reckless pilots from flying, according to Rolling Stone. Other terminated employees were working on a classified early warning radar system to detect incoming cruise missiles.

Même si aucun contrôleur aérien n’a été licencié, des centaines d’autres employés essentiels ont été renvoyés. Selon Rolling Stone, les licenciements au sein de la FAA concernaient des employés travaillant dans l’assistance au contrôle du trafic aérien, ainsi que des personnes chargées d’identifier les obstacles dangereux sur les trajectoires de vol et des juristes chargés d’empêcher les pilotes ivres ou imprudents d’effectuer des vols. D’autres employés licenciés travaillaient sur un système radar d’alerte précoce classifié destiné à détecter les missiles de croisière en approche.

Lors d’un témoignage devant le Congrès début mars, les dirigeants du secteur de l’aviation ont averti que les licenciements avaient accru la pression sur le système aéronautique. « L’élimination sans queue ni tête de postes et les encouragements à la démission ont eu pour effet de démoraliser la main-d’œuvre », a déclaré David Spero, président du syndicat Professional Aviation Safety Specialists, qui représente 132 des travailleurs licenciés de la FAA. (À la mi-mars, un juge fédéral du Maryland a rendu une ordonnance restrictive temporaire, et a ordonné la réintégration de ces 132 travailleurs de la FAA, ainsi que de dizaines de milliers d’autres employés fédéraux en période d’essai licenciés, alors que le litige est en cours. Cette ordonnance est toujours en vigueur, même si, le 8 avril, la Cour suprême a suspendu une autre ordonnance d’un juge fédéral de Californie qui avait également réintégré des employés fédéraux licenciés).

Duffy a lancé un appel pour embaucher davantage de contrôleurs aériens, un secteur qui manque de personnel depuis des décennies. Actuellement, 10 800 contrôleurs occupent des postes qui devraient être au nombre de 14 600, et nombre d’entre eux ont des semaines de travail de 6 jours comptant dix heures chacun. Les représentants syndicaux affirment que le secteur a du mal à attirer davantage de candidats en raison de la médiocrité de l’environnement de travail, qui s’ajoute à la rigueur des normes et à la longueur du processus de formation. L’académie de formation ATC de la FAA a fermé ses portes pendant les 35 jours de shutdown de la première présidence de Trump, ce qui a eu pour effet d’empêcher la FAA de remplir ses objectifs d’embauche avec plus de 500 stagiaires manquants.

« Je pense qu’il est difficile de recruter en ce moment, a déclaré Spero dans son témoignage. Je ne connais pratiquement personne qui, actuellement, meure d’envie de devenir employé fédéral, étant donné toutes les attaques dont ils font l’objet, et c’est ce que nous entendons de la part de nos collègues. » Après la quasi-collision de février à Chicago, le sénateur Chris Murphy (Démocrate-Connecticut) a publié un message sur les réseaux sociaux : « Ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour licencier des centaines de travailleurs de la FAA, pour dire à ceux qui restent que vous voulez les « traumatiser », et pour laisser Musk venir cannibaliser la FAA à des fins de profit. »

« Virer des gens qui font ce style de travail n’est pas de nature à prévenir les accidents, a déclaré une source à Rolling Stone. Aucun de ces accidents n’est lié à la nouvelle administration, mais cela ne saurait tarder. Quand vous licenciez des gens qui enquêtent sur ce genre de choses et les préviennent, ce n’est qu’une question de temps ».

Le député Josh Gottheimer (Démocrate-New Jersey) faisait partie des six membres du Congrès dont l’avion à destination de New York a été accroché le 10 avril. L’après-midi même, il a publié un message sur les réseaux sociaux à propos de l’incident : « Petit rappel : les récentes coupes budgétaires au sein de la FAA fragilisent notre ciel et la sécurité de la population. »

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Katie Rose Quandt est journaliste indépendante, elle vit dans le Bronx et ses écrits portent sur la justice et les inégalités. Suivez-la sur Twitter : @katierosequandt.

Source : Katie Rose Quandt, Truthout, 11-04-2025

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