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Charles Maurras l’antisémite forcené (2/2) : les appels à la violence et aux meurtres

Nous vous présentons aujourd’hui certains des écrits les plus violents de Charles Maurras parus dans l’Action Française (AF), généralement cachés ou très peu mis en avant par ses admirateurs.

  1. Contre le capitaine Alfred Dreyfus
  2. Contre Abraham Schrameck
  3. Contre 140 parlementaires « assassins »
  4. Contre Léon Blum
  5. Contre les Résistants
  6. Contre les Démocrates Chrétiens
  7. Contre la famille Fornier, Robert Worms (et « la juiverie »…)
  8. La présentation faite par le biographe Olivier Dard (2/2)
  9. Pour approfondir

I. Contre le capitaine Alfred Dreyfus

Voici la vision de Maurras sur Dreyfus – et son programme pour lui :

II. Contre Abraham Schrameck

Abraham Schrameck était ministre de l’Intérieur en 1925.

En avril 1925, 4 militants d’extrême-droite avaient été tués par des communistes.

Le 9 juin 1925, dans L’Action française, Maurras écrivit une lettre ouverte à Abraham Schrameck, qui venait d’interdire le port d’armes ; il le menaça de faire « verser son sang de chien » :

III. Contre 140 parlementaires « assassins »

En 1935, l’Italie menace de relancer une guerre coloniale contre l’Éthiopie.

La Société Des Nations (SDN, ancêtre de l’ONU) travaille durant des mois pour que la diplomatie éloigne le risque de guerre. Elle échoue, et la guerre éclate le 3 octobre.

En septembre, un large Manifeste est publié contre toute agression italienne en Éthiopie :

Or 140 parlementaires français ont signé ce manifeste, qui défend les principes de la Société des Nations.

Le 22 septembre 1935, l’Action Française se déchaîne contre eux, les traitant d’assassins :

Le manifeste est pour Charles Maurras « une provocation à la guerre, pour interdire à un peuple ami de poursuivre en paix une expédition coloniale, comme tout le monde en a fait, comme nous en avons fait nous-mêmes ». Il donne alors la liste des 140 signataires, qu’il traite de « factieux », « d’assassins », ‘d’assassins de la Paix, d’assassins de la France » :

Et Maurras demande que les lecteurs gardent la liste, pour que ces personnes à qui il « déclare la guerre » soient assassinées en cas de déclenchement de la guerre :

Cette litanie va se poursuivre durant des semaines.

Le 13 octobre, Maurras va employer une expression qui fera flores : « le couteau de cuisine » :

Petit florilège (clairement non exhaustif) :

L’article du 13 octobre a suscité une telle indignation que la loi sur la presse est changée pour lutter contre les appels de Maurras. Le 10 janvier 1936 est créé le délit de « provocation non suivie d’effet » aux coups, blessures, violences ou voies de fait envers les personnes (cette loi étant souvent dite « Loi Maurras« ) :

Dès le 13 janvier, Maurras republie son article, ce qui déclenche donc des poursuites contre lui :

Le 21 mars Maurras est condamné à 4 mois de prison – il fera appel :

IV. Contre Léon Blum

C’est surtout contre Léon Blum que la hargne de Maurras va se déchaîner.

4-1/ Blum : « un homme à fusiller dans le dos »

Le 9 avril 1935, Maurras explique que Blum mérite la mort :

4-2/ 13 février 1936 : la tentative de lynchage contre Blum

Le 13 février 1936, des militants de l’Action Française s’en prennent très violemment à Blum près de l’Assemblée Nationale (description détaillée) :

 

L’agression de Léon Blum le 13 février 1936

Léon Blum le 13 février 1936

On rappellera enfin que, quelques mois plus tard, le ministre de l’Intérieur Roger Salengro se suicidera face aux attaques diffamatoires de la presse d’extrême-droite (source) :

4-3/ La victoire du Front Populaire

Le 3 mai 1936, jour du 2e tour des législatives de 1936, l’Action Française appelle à « voter contre l’or de Moscou, Londres et Berlin » (sic.) :

Perdu – le 4 mai :

4-4/ Maurras en Mai

Après la victoire du Front populaire, Maurras se déchaîne durant le mois de mai :

Maurras ressort son « couteau de cuisine » :

Le 14 mai, le « couteau de cuisine » est clairement destiné à Léon Blum, futur « premier abattu » :

Le lendemain, il renouvelle son appel au futur meurtre pour « abattre le Blum » :

Léon Blum porte alors plainte contre Maurras pour ces deux articles – ce dont l’AF rend compte le 17 mai :

Ceci étonne le Président, qui vient à peine de condamner Maurras :

Le 24 mai, Maurras est condamné à 8 mois de prison :

Mais dans l’intervalle, Maurras redouble de violence contre « ce vieux chameau sémitique de Blum », dressé par ses « soins, au fouet – en attendant le couteau de cuisine » :

Le 18 mai, le gouvernement interdit une réunion de l’Action Française :

Du coup, le 19 mai, comme « Léon Blum trahit », il est qualifié cette fois de « chamelle » – ce qui fait partie d’une campagne de l’extrême-droite l’accusant d’homosexualité :

Il poursuit :

Encore le 20 mai :

Encore le 21 mai, Maurras réitère son « À bas les juifs » :

Le 22 mai, c’est la dénonciation du « parti juif » :

On notera la prescience de Maurras à propos des Allemands et Italiens qui se sont jetés dans les bras des fascistes (« meilleurs administrateurs » que les démocrates) par « l’instinct vital » pour « ne pas céder aux forces de mort » sic.). Il poursuit sur « les douze tribus » pour lesquels oeuvre « l’antique chamelle » :

Sautons au 25 mai, juste après la condamnation de Maurras, qui poursuit : « Israël vit en Blum », « la vieille chamelle » :

Le 26 mai, Blum est « un vieil étranger à face de chameau, si ce n’est de chamelle » :

Le 27, Blum, ce « rabbin » est un « vieux chameau féroce » :

Le 28 mai, Blum, qui annonce « le règne juif » est une « sale et féroce chamelle » :

Le 4 juin est formé le Gouvernement Blum. Le lendemain, l’Action Française titre : « La France sous le juif »

Maurras, de nouveau, attaque « ce misérable chameau ou cette absurde chamelle » :

Le 8 juin, la « chamelle » devient… « parfumée » :

Etc, etc.

Notons le 2 juillet que le chameau est aussi un pourceau « germano-juif » (alors que ses racines sont alsaciennes, mais tout est bon pour Maurras…)

Nous vous épargnons la litanie des attaques, quasi quotidiennes.

Le 29 septembre 1938, au moment de la crise de Munich, l’Action Française de Maurras n’oublie pas ses cibles juives : « Il faut que nos premières balles soient pour Mandel, Blum et Reynaud » :

V. Contre les Résistants

Le 31 août 1943, Maurras s’interroge sur l’opportunité de procéder à des « exécutions sommaires » d’otages communistes ce qui « opposerait peut-être efficacement la terreur à la terreur » :

Une semaine plus tard, il a fait sienne l’idée de « traiter un certain nombre de communistes prisonniers comme des otages et les exécuter sans tarder » :

Rebelote 3 semaines après, le 27 septembre, pour « passer par les armes les plus hauts gradés » parmi les « chefs du mouvement communiste » gardés en otage :

Le 3 octobre, il s’alarme… que l’occasion (de les exécuter) passe, en raison d’une « dangereuse mansuétude » et de « l’impunité des communistes »…

Le 11 octobre 1943, Charles Maurras définit « les modes d’une répression efficace », dénonçant « d’affreuses faiblesses » face à des assassins qui « sont les premiers à [en] rire » : « sitôt pris, sitôt pendu », proclamation de la « loi martiale », « cours martiales » pour que « dans les 48 heures, les criminels [soient] interrogés, jugés et exécutés »

Le 11 novembre 1943, il dénonce de nouveau le communiste « qui s’exerce librement par ici » [sic.] , et appelle à ce que les militants soient « pincés » puis « réduits à l’impossibilité de nuire » :

Maurras continue le 3 janvier 1944, se plaignant que le nombre d’exécutions capitales « demeure à peu près stationnaire ». Il ajoute son fameux « Nous répétons qu’il doit y avoir à Toulouse comme à Grenoble des têtes de communistes et de gaullistes connus. Ne peuvent-elles pas tomber ? [….] L’important est […] d’exécuter [de mener] des sanctions frappées un peu haut » :

S’estimant encore trop peu écouté, malgré sa proximité avec le maréchal Pétain,

En février/mars 1944 a lieu la bataille du maquis des Glières, où une centaine de jeunes Résistants seront tués. Maurras commente ainsi :

Pour Maurras, ces « déments », ces « criminels […] ont fait de la nuit dans leur cerveau de manière à laisser entrer de la boue dans leur coeur » devraient rentrer chez eux en demandant « le bienfait du châtiment et l’honneur de l’expiation »…

Il relance régulièrement son idée d’exécutions d’otages, comme le 25 avril 1944 :

Il précise le lendemain qu’il faut mener des « rétorsions énergiques » contre les Résistants, qui ne sont que « des partisans armés, qui n’ont rien de régulier et qu’une armée française aurait le droit de fusiller à toute capture » :

Il explicite clairement le 24 mai 1944 son programme contre les Gaullistes :

« [Il faut prendre] des otages parmi les parents et les proches des bourreaux d’Alger. Bourreaux juifs d’abord parce qu’ils sont les plus influents. Et puis bourreaux français ou soi-disant tels. Les tribus Meyer, les clans Mendès-France ou Jacob ne sont pas tous outre-mer. On a désormais le droit de les tenir pour responsables des actes de leurs parents ou alliés africains et, si cette menace répondant à leurs coups ne suffisait pas, eh bien ! que libre cours soit donné à la loi du talion. » [Charles Maurras, L’Action Française, 24 mai 1944]

Pour illustrer ces vengeances sur les familles, rappelons l’histoire peu connue de René Blum, le frère cadet de Léon Blum. Journaliste de formation, il devient directeur du théâtre de Monte-Carlo dans les années 1920, où il fait débuter, entre autres, Michel Simon et Louis Jouvet. Il fonde une troupe permanente, les Ballets russes de Monte-Carlo. Sa troupe devient l’une des plus célèbres du monde et se produit régulièrement en Europe et aux États-Unis.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, il se replie à Hendaye en juin 1940. Puis il annonce qu’il rentre à Paris au lieu de rejoindre New York où l’attend sa troupe : pour lui, comme pour son frère, quitter la France paraîtrait être une désertion : « – Mais tu te jettes dans la gueule du loup ! lui dit Marcel Pagnol. Et si les Allemands te tuent ? – Ce serait absurde, répond-il, car Goethe et Wagner perdront un bon serviteur ! »

Mais René Blum est arrêté à son domicile parisien le 12 décembre 1941, dans une rafle dite « des notables », en même temps que 742 notables et d’intellectuels d’origine juive. Déporté le 23 septembre 1942 au camp d’Auschwitz, son nom est marqué d’une croix rouge sur la liste des déportés, et un télégramme a averti les autorités du camp de sa présence dans le convoi.

Dès sa descente du train à Birkenau, au moment où allait commencer la sélection, un gradé SS a hurlé : « Où est le Juif René Blum ? » et qu’il a été emmené par des SS en voiture vers une destination inconnue. Samuel Jankowski, qui était employé en 1942 à incinérer de nuit les cadavres au four crématoire numéro 1, a indiqué qu’il avait entendu les membres de l’équipe de jour raconter la mort atroce de René Blum : les SS l’avaient amené en voiture dans la cour du four crématoire et, après l’avoir déshabillé, l’avaient mis sur la plate-forme du four et brûlé vif avec les cadavres. (source : ici et )

René Blum

VI. Contre les Démocrates Chrétiens

Dans l’Action française, Maurras a régulièrement combattu le courant concurrent des Démocrates chrétiens et leur journal L’Aube. Comme le rappelle Raphael Vantard :

« L’opposition entre l’Aube et l’Action Française remonte aux années 1930 en raison de divergences idéologiques et politiques profondes. À l’approche humaniste du courant démocrate chrétien caractérisant l’Aube, l’Action Française développait les thèses du Nationalisme Intégral chères à l’éditorialiste du journal. Les affrontements furent la plupart du temps si virulents entre deux courants se réclamant des valeurs chrétiennes que la justice fut contrainte de jouer les arbitres. Ainsi comme il est mentionné à plusieurs reprises dans les journaux lyonnais, Francisque Gay, le fondateur de L’Aube et Charles Maurras se sont retrouvés « à dix-sept reprises devant des tribunaux». […] L’opposition entre les deux hommes se traduit lors des audiences par des attitudes physiques belliqueuses : « la seule vue de son adversaire fait frémir l’irascible M Maurras dont les yeux lancent des éclairs » Marie Louise Baron dans La Voix du Peuple traduit ainsi l’attitude du directeur de l’Action Française : « Maurras se tasse comme si il allait bondir ». »

Maurras va profiter de l’Occupation pour régler ses comptes avec ses ennemis :

« Aux cotés des métèques, des francs-maçons, des communistes et des protestants, les hommes politiques, journalistes, éditorialistes appartenant à la mouvance chrétienne démocrate deviennent une cible de prédilection du leader de l’Action Française. Cette fronde s’explique en partie par leur rupture avec le régime de Vichy qui prétendait remettre les valeurs chrétiennes au centre de la société. Cette opposition est vécue comme une trahison par Charles Maurras qui les place dans la « conspiration gaulliste, marchant la main dans la main avec les communistes assassins ». Cette fronde aboutit à des dénonciations virulentes dans les pages de l’Action Française de figures de la résistance chrétiennes démocrates tels Francisque Gay et Georges Bidault ou Auguste Champetier de Ribes (futur procureur général de France au Tribunal de Nuremberg) du journal L’Aube, et l’écrivain Paul Claudel.

C’est le 26 février 1943 que les attaques les plus fortes de Maurras commencèrent, contre « ceux qui devraient aller se cacher », « malfaisants factieux » qu’on devrait « convoyer par les voies les plus rapides, jusqu’au poteau » :

Le 20 juillet 1943, il se plaint que Champetier de Ribes ne soit « pas arrêté », ce qui lui laisse « toute liberté de nouer les complots qu’il lui plaît » :

Le 29 septembre, il alerte sur ces amis de « leurs chers Anglais »qui mènent « de véritables conspirations » et « marchent main dans la main avec les communistes » (sic.) :

Comme l’avocat général le précise au procès Maurras, Paul Claudel échappe de peu à la Gestapo à cause de Maurras:

Le 23 mars 1944, il indique « qu’on a trouvé leur main dans tous les complots contre l’Unité et contre le Maréchal. La dissidence est en grande partie leur oeuvre » :

Il poursuit (avant de parler tranquillement de la pénurie de papier et de la nécessiter de reboiser le pays…) à propos « du pus intellectuel d’un Gay, d’un Bidault ou d’un Champetier de Ribes » : « Ces malfaiteurs publics se cachent encore, et il le faut bien. Nous n’ignorons pas où ils sont et saurons bien aller les fouailler ‘jusque dans leur latrines' ».

Il n’était pas le seul, car, dans la foulée de la publication de l’article, la Gestapo débarqua à la rédaction de l’Aube :

« Comme dans le cas des autres affaires de dénonciations nominales, ce qui retient principalement l’attention des enquêteurs et des journalistes, réside dans le lien entre ces articles et une intervention de la Gestapo. C’est cette liaison qui permet d’inculper clairement Maurras pour « intelligence avec l’ennemi ». Pour les journaux, comme pour l’accusation, c’est donc un article de Maurras de 1944 qui est déterminant. « Le 23 mars 1944, à la suite d’un nouvel article contre MM Bidault, Champetier de Ribes et Gay, la Gestapo commence une perquisition de 5 jours dans les bureaux parisiens de l’Aube. Une douzaine de personnes sont arrêtés, dont un agent de liaison de M Bidault, alors président du CNR »

Ce qui permet aux enquêteurs et journalistes d’établir un lien entre l’article et l’intervention allemande se tient dans le témoignage « d’une employée de L’Aube [qui] a vu, pendant la perquisition, un numéro de l’AF entre les mains d’un policier ». L’acte d’accusation retient également ce témoignage comme déterminant : « Au cours de cette perquisition, une employée de M Gay vit entre les mains de la Gestapo un numéro de l’Action Française dans lequel Maurras les avait dénoncés ». Malgré les réserves de Francisque Gay sur ce témoignage, les journaux en ont tous déduit l’influence des écrits de Maurras sur l’intervention des autorités de répression allemandes. » (source)

VII. Contre la famille Fornier, Robert Worms (et « la juiverie »…)

Maurras s’en prend aussi à des cibles bien moins connues. Par exemple le 16 octobre 1943 il dénonce une famille (qu’il ne nomme cependant pas), comme le rappel l’avocat général au procès Maurras :

Nous terminerons cette étude par cet exemple effarant. Le 2 février 1944, Maurras dénonce les « menaces juives » :

Entre la dénonciation de « la pieuvre juive » et de celle des « hordes juives », il demande donc « des nouvelles d’un certain Roger Worms, millionnaire et Front populaire », dont « la spécialité » « consistait à réclamer que l’on bourrât tous les villages français insuffisamment peuplés avec la fine fleur des ghettos du centre européen ». Il poursuit : « On serait curieux de savoir si la noble famille est dans un camp de concentration ou en Angleterre, ou en Amérique, ou en Afrique – ou si par hasard elle a gardé le droit d’épanouir ses beaux restes de prospérité dans quelque coin, favorisé ou non, de notre Côte d’Azur ? Dans la plupart des cas, les voilà hors d’atteinte et de portée, sauf en un seul, celui que nous mentionnons en dernier lieu : si la tribu nomade était restée en France, il faudrait faire cesser à tout pris cette hospitalité scandaleuse et une tolérance qui touche à la folie. », concluant par un appel à la « légitime contre-terreur » et à la loi du « talion« .

Le message a été reçu 5 sur 5 : le père de Roger Worms (résistant communiste, futur fondateur de L’Observateur, connu sous son pseudonyme de résistant Robert Stéphane), Pierre Worms, sera assassiné sur la Côte d’Azur 4 jours plus tard par des miliciens, le jour des 10 ans du 6 février 1934 (date avérée par le dossier d’instruction cité, BB/18/7113, 8 BL 441 R, Charles Maurras « Collaborateur »)

Ce qui est incroyable c’est que durant le procès de Maurras en janvier 1945, auquel Roger Worms, empêché, ne peut assister, un télégramme du parquet de Draguignan apprend à la Cour que l’assassinant de Pierre Worms a eu lieu avant que l’article de Maurras ne soit écrit ; Maurras est acquitté de ce chef d’accusation.

Mais après vérification dans les jours qui suivront le procès, on apprendra que le télégramme était un faux. Protection officielle ? Intervention d’amis secrets ? On ne saura jamais…

Mais ce qui est sûr c’est que Gallimard fait dans la fausse information…

(Source : L’Action Française, disponible sur Gallica)

VIII. La présentation faite par le biographe Olivier Dard (2/2)

Rappelons qu’Olivier Dard est le biographe, de Maurras, fort controversé, mais apprécié de l’extrême-droite. Nous avons déjà pointé sa complaisance envers Maurras dans ce billet et celui-ci.

Analysons donc la façon dont ont été présentés les éléments précédents par Olivier Dard dans sa biographie « Charles Maurras – Le maître et l’action » (le sous-titre ne figurant pas sur la couverture)

7-1/ Sur Abraham Schrameck

Rappelons le ton de la lettre de Maurras :

En voici le compte-rendu d’Olivier Dard – service minimum, en ne citant pas la hargne antisémite :

… et en minorant le propos.

7-2/ Sur Blum et « le couteau de cuisine »

Voilà tout ce qu’on trouve dans la biographie de Maurras d’Olivier Dard à propos du « couteau de cuisine » :

A priori, une seule référence dans la biographie

Et sur l’attentat de Blum

Olivier Dard réussit donc à qualifier de « méprise » une tentative de lynchage clairement dirigée contre Léon Blum…

Les ignobles attaques antisémites contre Blum, ses appels au meurtre ? Résumés ainsi :

Il est dommage qu’Olivier Dard n’ait pas précisé que son sujet d’étude a donné son nom à une loi modifiant le Droit de la presse pour pouvoir sanctionner ses appels aux meurtres :

7-3/ Sur les résistants

Sur la prise d’otage des proches des résistants ? Rien a priori :

Sur Champetier de Ribes :

Au moins son article ignoble contre les Résistants du maquis des Glières – c’est une des plus longues citations de l’avocat général au procès Maurras ? :

Bref, à chacun de se faire son avis…

En revanche on trouvera complaisamment sous sa plume la notion que tente de faire naître l’historiographie contemporaine : les « vichysto-résistants », concept fumeux mis sur le même plan que les Londono-Résistants…

7-4/ Sur Roger Worms

Olivier Dard parle bien de Robert Worms :

Ainsi, Olivier Dard :

  • ne semble pas savoir que Robert Wroms et le capitaine Robert Stéphane sont la même personne…
  • confond Robert Worms avec son père assassiné, Pierre Worms ;
  • cite le télégramme qui indique que la mort de [Pierre] Worms est intervenue avant la publication de l’article de Maurras – mais ne dit pas dans le corps du livre que c’est faux !

Il finit par indiquer en note que Roger Worms contestait la date de l’assassinat (en minorant, là encore la gravité du sujet) – ce qui éclairera un peu les lecteurs courageux de cette 763e note…

Épilogue

Le 19 avril 2018, Olivier Dard a encore démontré son « extrême violence » contre Maurras dans le Figaro :

Eh oui, une vraie influence sur « les élites intellectuelles » !

Le numéro spécial « Les Juifs » de Je suis partout du 18 avril 1938

Olivier Dard ajoute dans le Monde le même jour :

Eh oui, Maurras n’a pas été remplacé – et c’est tant mieux…

On a d’ailleurs appris qu’Olivier Dard avait de claires visées politiques :

Nous laisserons le mot de la fin à l’Historien Pierre Nora :

Bref comme le souligne fort justement Le Monde pour alerter… :

Pour approfondir

Pour les passionnés, je vous renvoie vers ce second article de synthèse de Laurent Joly : (2/2) D’une guerre l’autre. L’Action française et les Juifs, de l’Union sacrée à la Révolution nationale (1914-1944) :

« À la fin des années 1930, L’AF renoue avec le ton de l’avant-guerre, preuve que les haines anciennes n’ont pas disparu et sont toujours susceptibles d’être réveillées, avant de soutenir, entre 1940 et 1944, la politique antijuive du régime de Vichy. Ce soutien, toujours extrémiste et insatisfait, fait voler en éclat la légende d’un antisémitisme maurrassien « assez raisonnable et modéré ». C’est que l’avènement de l’État français constitue une revanche sur les quarante années de République dreyfusienne, et l’AF a du mal à se « garder d’une certaine délectation »  C’est cela la « divine surprise ». « C’est la revanche de Dreyfus ! », l’autre mot célèbre de Maurras, prononcé lors de son procès de 1945 à l’énoncé du verdict le condamnant à la détention à vie et à la dégradation nationale, est également à prendre au sens propre. 1940 était la revanche contre Dreyfus ; 1945 est la revanche de Dreyfus.

Ce qui frappe, au bout du compte, dans l’antisémitisme maurrassien, c’est la ténacité des positions de départ, que l’ouverture aux Juifs patriotes et autres tentatives de modération n’ont jamais pu ébranler. Tel était au demeurant le rôle de L’Action française, des articles de Daudet et des leaders de Maurras : entretenir auprès de leurs partisans un sentiment d’urgence, donner aux lecteurs des raisons quotidiennes de croire et de s’indigner, mobiliser les militants autour de scandales et d’ennemis méprisables, d’où le choix de la violence rhétorique contre des adversaires boucs émissaires par excellence, tels que Schrameck ou Blum. Mais comme l’indignation et l’invective ne s’accompagnaient que trop rarement d’actes, nombre de disciples de la pensée maurrassienne finiront par opter pour des engagements plus radicaux – ainsi, Coston, Darquier de Pellepoix, Rebatet ou Darnand.

Il n’en demeure pas moins que, durant l’entre-deux-guerres, la prose maurrassienne a habitué les lecteurs de L’AF à un antisémitisme d’autant plus légitimé qu’il se présentait sous des dehors rationnels, avec ses exceptions pour les « Juifs bien nés » et ses considérants politiques. Dans l’opinion d’extrême droite et dans de larges franges de la droite conservatrice, les articles de Maurras ont imposé comme une évidence la nécessité de « régler la question juive » d’un point de vue politique : soit dans le cadre plus étendu du problème des « métèques », soit par une dénaturalisation des Juifs français, soit, enfin, par un « statut » particulier définissant des limitations et interdictions professionnelles. Ces trois options, théorisées dans les pages de L’Action française durant près de trois décennies, sont celles qui, dès l’été 1940, retiendront l’attention du gouvernement de Vichy. »

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