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14.mai.202514.5.2025 // Les Crises

Les États-Unis envisagent d’accorder un programme nucléaire à l’Arabie saoudite dans le cadre de grandes négociations

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Surprise : la dernière tentative de normalisation israélo-saoudienne de l’équipe Trump va beaucoup trop loin et semble être une voie à sens unique.

Source : Responsible Statecraft, Ivan Eland
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

L’administration Trump chercherait à conclure un accord avec l’Arabie saoudite qui ouvrirait la voie au développement d’une industrie nucléaire commerciale dans le royaume du désert et pourrait même conduire à l’enrichissement de l’uranium sur le sol saoudien.

La poursuite de cet accord par les États-Unis devrait être abandonnée parce que les États-Unis supporteraient tous les engagements, les coûts et les risques accrus avec très peu de bénéfices en retour.

Dans les accords d’Abraham de 2020 et du début de 2021, la première administration Trump a négocié des accords bilatéraux entre Israël et les pays du Moyen-Orient (Bahreïn, Émirats arabes unis, Maroc et Soudan) afin de normaliser les relations diplomatiques. L’administration a également tenté d’amener l’Arabie saoudite à reconnaître Israël comme un État souverain et à ouvrir des relations similaires, mais en vain.

L’administration Biden a repris le flambeau à cet égard, mais il est devenu encore plus difficile d’obtenir l’adhésion de Riyad après les attaques du Hamas contre Israël en 2023 et la guerre qui s’en est suivie à Gaza. L’augmentation du nombre de victimes civiles et la crise humanitaire ont conduit à une sensibilsation à la cause palestinienne et ont engendré une animosité dans toute la région à l’égard d’Israël. Les Saoudiens ont alors exigé qu’Israël s’engage à prendre des mesures significatives en vue de la création d’un État palestinien indépendant avant toute normalisation.

Cette année encore, le gouvernement saoudien a démenti l’affirmation du président Donald Trump selon laquelle il avait renoncé à exiger la création d’un État palestinien afin de normaliser les relations avec Israël.

Même si les efforts visant à mettre fin à la guerre à Gaza ont été infructueux, la deuxième administration Trump semble maintenant relancer ses efforts en vue d’un rapprochement israélo-saoudien, même s’il faut d’abord commencer par un nouvel accord américano-saoudien, comme l’a laissé entendre le secrétaire américain à l’Energie, Chris Wright.

Le problème est que tous les pays bénéficieraient d’un tel accord, à l’exception de celui qui le négocie, les États-Unis, qui en absorberaient également tous les coûts. Israël et l’Arabie saoudite en tireraient le plus grand profit. Les Saoudiens souhaitent désespérément un accord sur l’énergie nucléaire depuis un certain temps. Entre-temps, en cas de normalisation, Israël neutraliserait ce qui est aujourd’hui un puissant rival arabe et pourrait même gagner un nouvel allié dans sa lutte contre l’Iran (mais il a intérêt à faire vite, car Riyad et Téhéran s’approchent d’un certain niveau de détente depuis un certain temps déjà).

L’Arabie saoudite a également demandé des garanties de sécurité formelles, qui auraient été mises sur la table sous l’administration Biden. Ces garanties remplaceraient l’accord informel conclu de longue date entre le président Franklin Roosevelt et le roi Abdul Aziz Ibn Saoud, qui assurait la sécurité du royaume désertique en échange de l’accès des États-Unis à des approvisionnements pétroliers bon marché.

Pourtant, avec une dette nationale de 37 000 milliards de dollars, pourquoi les États-Unis prendraient-ils en charge un autre pays qui ne paie pas sa juste part pour sa sécurité (un reproche courant de Trump à l’égard des autres alliés des États-Unis) ? Grâce à la fracturation hydraulique, les États-Unis ne sont plus à court de pétrole, comme l’avait supposé F. D. Roosevelt, et sont devenus à nouveau le premier producteur mondial de pétrole. Un pacte de défense formel avec l’Arabie saoudite entraînerait encore plus de coûts, enracinerait davantage les États-Unis dans la région et mettrait nos propres troupes en danger si Washington était censé défendre et renflouer Riyad en cas de conflit militaire avec ses voisins.

En outre, qu’est-ce qui pourrait mal tourner si l’Arabie saoudite se voyait dotée d’un programme nucléaire ? Les pourparlers sur un accord israélo-saoudien ont déjà échoué lorsque les Saoudiens se sont opposés aux restrictions qui les auraient empêchés d’utiliser un programme nucléaire commercial pour fabriquer des armes nucléaires (afin de contrer toute capacité nucléaire iranienne) ou d’aider d’autres pays à en obtenir.

En réalité, les Saoudiens souhaitent depuis longtemps pouvoir enrichir de l’uranium sur leur propre sol – peut-être jusqu’au niveau nécessaire à la fabrication de bombes – plutôt que d’importer de l’uranium déjà enrichi à un niveau permettant de produire de l’énergie à des fins commerciales.

Certains aux États-Unis insistent sur le fait que les Saoudiens pourraient obtenir la technologie nucléaire d’autres nations comme la Russie ou la Chine, mais s’ils résistent aux mesures de protection pour les empêcher d’obtenir une arme, alors peu importe qui leur a donné la technologie qui leur permettrait de le faire.

Ainsi, l’administration Trump devrait renoncer à conclure un tel accord avec les Saoudiens dans sa quête (pour l’instant) vaine d’un grand rapprochement israélo-saoudien. La normalisation des relations entre les deux pays serait une belle aspiration pour la région (s’il ne s’agit pas simplement d’isoler et de titiller l’Iran), mais le fait que les États-Unis répondent aux demandes exorbitantes des Saoudiens pour y parvenir aurait un coût trop élevé.

Après tout, la normalisation bilatérale devrait être dans l’intérêt des deux pays, qui devraient donc la négocier eux-mêmes sans être dorlotés par les États-Unis.

*

Ivan R. Eland est Senior Fellow à l’Independent Institute et directeur du Center on Peace & Liberty de l’Independent Institute. Auparavant, il était directeur des études sur la politique de défense à l’Institut Cato et a travaillé pendant 15 ans au Congrès sur les questions de sécurité nationale. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont le plus récent s’intitule War and the Rogue Presidency : Restoring the Republic after Congressional Failure [La guerre et la présidence scélérate : restaurer la République après l’échec du Congrès, NdT].

Les opinions exprimées par les auteurs sur Responsible Statecraft ne reflètent pas nécessairement celles du Quincy Institute ou de ses associés.

Source : Responsible Statecraft, Ivan Eland – 21-04-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Antonio // 14.05.2025 à 09h19

Les américains tentent simplememt de stopper le mouvement BRICS de la Saoudie incluant la normalisation avec l’Iran grâce à la Chine. Ils veulent imposer un corridor Euro-Indien via le Golfe pour consolider une branche régionale de leur projet impérial totalitaire formé après la fin de la guerre froide. Rien de neuf. La destruction de la Syrie projet qui a duré une quinzaine d’années et au résultat incertain participe de celà. La prise de contrôle de l’Irak avait foiré. Ils redoublent d’ardeur.
L’auteur de cet article scribouille de l’idéologie américaine et nomme « guerre » l’ethnicide sanglant de Gaza.
Le Qatar est aligné sur les Accidentaux, mordicus, depuis longtemps. Reste à voir si la Saoudie de MBS continue à jouer sur plusieurs tableaux en s’affranchissant des Etats-Unis.
Le pétrole de roche américain ne va durer. Ils auront besoin de ressources ailleurs, pétrole ou …gaz d’où la guerre contre la Russie.
Question nucléaire les Etats-Unis persistent à vouloir que la Russie leur donne la centrale de Zaparojie, lors de la réunion proposée par Moscou en Turquie le 15 mai.
Bref, il s’agit du jeu américain habituel de propositions d »accords mielleux pour ramollir, rendre dépendent et ensuite frapper, et de racket, sur deux zones de l’échiquier où ils paniquent de perdre la main.

5 réactions et commentaires

  • Dominique65 // 14.05.2025 à 08h16

    J’ai du mal à comprendre.
    Comment la vente de centrales nucléaires à un pays qui ne sait pas quoi faire de son argent grèverait l’économie américaine ?

    • Ke20 // 14.05.2025 à 08h22

      S’ils ont la « dissuasion nucléaire » , peut-être que les Saoudiens achèteront moins d’armes aux us

      • Le nuton ardennais // 14.05.2025 à 08h45

        S’ils ont la dissuasion nucléaire, il est à craindre qu’ils s’en servent pour satisfaire leur millénarisme infâme. Une arme de génocide entre les mains de fanatiques religieux et de rétrogrades de la pire espèce (n’oublions pas que l’Arabie Saoudite est salafiste et wahabite), voilà ce que c’est ! Et ce ma?!$le de Trump va les servir. Dans quel monde sommes-nous ?

  • Antonio // 14.05.2025 à 09h19

    Les américains tentent simplememt de stopper le mouvement BRICS de la Saoudie incluant la normalisation avec l’Iran grâce à la Chine. Ils veulent imposer un corridor Euro-Indien via le Golfe pour consolider une branche régionale de leur projet impérial totalitaire formé après la fin de la guerre froide. Rien de neuf. La destruction de la Syrie projet qui a duré une quinzaine d’années et au résultat incertain participe de celà. La prise de contrôle de l’Irak avait foiré. Ils redoublent d’ardeur.
    L’auteur de cet article scribouille de l’idéologie américaine et nomme « guerre » l’ethnicide sanglant de Gaza.
    Le Qatar est aligné sur les Accidentaux, mordicus, depuis longtemps. Reste à voir si la Saoudie de MBS continue à jouer sur plusieurs tableaux en s’affranchissant des Etats-Unis.
    Le pétrole de roche américain ne va durer. Ils auront besoin de ressources ailleurs, pétrole ou …gaz d’où la guerre contre la Russie.
    Question nucléaire les Etats-Unis persistent à vouloir que la Russie leur donne la centrale de Zaparojie, lors de la réunion proposée par Moscou en Turquie le 15 mai.
    Bref, il s’agit du jeu américain habituel de propositions d »accords mielleux pour ramollir, rendre dépendent et ensuite frapper, et de racket, sur deux zones de l’échiquier où ils paniquent de perdre la main.

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