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28.juillet.202528.7.2025 // Les Crises

Trump se débarrasse-t-il de la guerre en Ukraine en mettant les Européens devant le fait accompli ?

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Le président signale au sommet de l’OTAN que ses priorités pourraient être différentes aujourd’hui.

Source : Responsible Statecraft, Ian Proud
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La guerre aérienne entre Israël et l’Iran au cours des deux dernières semaines a détourné l’attention du monde de la guerre en Ukraine.

Le sommet de l’OTAN de La Haye confirme que le président Donald Trump considère désormais que les dépeses de la guerre sont désormais le problème de l’Europe. Il est moins évident qu’il aura la patience de continuer à faire pression pour la paix.

L’une des plus grands dommages diplomatiques de la guerre aérienne entre Israël et l’Iran a été l’attention portée par les États-Unis à la guerre en Ukraine et sa couverture médiatique. Malgré la poursuite des échanges de cadavres et de prisonniers de guerre, les pourparlers de paix entre les deux parties, entamés à Istanbul au début du mois de juin, n’ont pas progressé.

Toutefois, il a été question d’un troisième cycle de négociations dès la semaine prochaine. Avant cela, le sommet de l’OTAN de La Haye était l’occasion de maintenir l’Ukraine dans le collimateur des États-Unis. Cela ne s’est pas vraiment passé ainsi.

Au lieu de cela, si le sommet de l’OTAN a montré un réel intérêt, c’est pour verrouiller l’engagement des alliés européens à dépenser 5 % du PIB pour la défense, une priorité essentielle pour le président Trump depuis son entrée en fonction.

Mission accomplie. À l’exception de l’Espagne, les alliés de l’OTAN ont désormais pris cet engagement.

Toujours aussi charmant, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a envoyé un message au président Trump, d’une obséquiosité écoeurante qui pourrait même faire grimacer certains néoconservateurs partisans de la guerre et les pousser à chercher un sac à vomir. « Monsieur le Président, cher Donald […] vous nous avez conduits à un moment vraiment, vraiment important pour l’Amérique, l’Europe et le monde. Vous allez réaliser quelque chose qu’AUCUN président américain n’a pu faire depuis des décennies. » Il a ensuite été réprimandé pour avoir fait des remarques telles qu’il a appelé Trump « papa » lors du sommet.

Néanmoins, on ne peut échapper au sentiment que l’Ukraine est tombée bien bas dans la liste des priorités de Trump, et donc dans celle de l’OTAN.

Alors que le communiqué du sommet de Washington de 2024 comptait plus de 5 300 mots riches en intentions normatives et en bavardages bureaucratiques, la déclaration du sommet de La Haye de 2025 ne comptait que 425 mots, presque exclusivement axés sur l’objectif de dépenses de l’OTAN.

Alors que le communiqué de Washington indiquait : « Nous continuerons à la soutenir [l’Ukraine] sur la voie irréversible d’une pleine intégration euro-atlantique, y compris l’adhésion à l’OTAN », la déclaration de La Haye ne le faisait pas, ce qui a déjà été interprété comme un assouplissement de la position de l’OTAN par certains commentateurs du courant dominant.

L’ire européenne a encore été provoquée par l’indication du secrétaire d’État Marco Rubio selon laquelle les États-Unis ne soutiendraient pas de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie pour le moment.

La déclaration dit simplement : « Les Alliés réaffirment leurs engagements souverains permanents de fournir un soutien à l’Ukraine, dont la sécurité contribue à la nôtre, et, à cette fin, ils incluront les contributions directes à la défense de l’Ukraine et à son industrie de défense dans le calcul des dépenses de défense des Alliés. »

Pour ceux qui ne sont pas habitués à interpréter les subtilités du langage des communiqués, ce langage dit deux choses. Premièrement, l’emploi du mot « souverain » signifie que si certains alliés peuvent choisir souverainement de financer l’Ukraine, d’autres peuvent choisir de ne pas le faire.

C’est une indication claire de ce que nous avons observé depuis un certain temps, à savoir que le président Trump considère que le financement de la guerre en Ukraine est le problème de l’Europe, et non celui de l’Amérique. Deuxièmement, et de manière plus évidente, le financement de l’Ukraine peut contribuer à l’objectif de 5 % des Alliés, bien que, au moins pour le Royaume-Uni, ce soit déjà le cas.

Au cours de leur rencontre, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a interrogé le président Trump sur la possibilité d’acheter des missiles Patriot supplémentaires. Bien que Trump ne se soit pas engagé sur ce point, il semble clair que tout achat futur par l’Ukraine de matériel militaire américain, s’il a lieu, sera de toute façon effectué avec de l’argent européen.

Pour sa part, Rutte semble s’efforcer seul de faire avancer le train de la prospérité européenne. S’exprimant avant le sommet, il a fait référence à des promesses de 35 milliards de dollars de soutien supplémentaire à l’Ukraine depuis le début de l’année, sans donner de détails.

Toutefois, nous savons que plus de la moitié de la promesse de 24 milliards de dollars faite en avril comprenait des fonds de l’Allemagne à verser sur quatre ans. En réalité, l’OTAN n’a donc obtenu jusqu’à présent qu’un total maximum de 22 milliards de dollars pour 2025, ce qui accroît encore la pression sur les énormes besoins de l’Ukraine en matière de financement de la guerre.

Ce que nous n’avons pas vu à La Haye, c’est un élan en faveur des efforts visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. Au lieu de cela, et sur la base d’une déclaration de La Haye qui a repoussé toute condamnation de la Russie, Sir Keir Starmer continue d’insister sur le fait que les alliés restent déterminés à « faire pression à nouveau pour amener Poutine à la table des négociations en vue d’un cessez-le-feu inconditionnel. »

Comme le proverbial disque rayé, le Premier ministre britannique continue de croire que, les États-Unis n’offrant pas d’argent frais, l’Ukraine continuant de perdre du terrain sur le champ de bataille et l’Europe s’efforçant de combler la différence, la Russie, en position de force, fera des concessions inconditionnelles.

Pour sa part, le président Zelensky n’a pas renoncé à son aspiration à ce que l’Ukraine rejoigne l’OTAN, ce qui rend impossible tout accord de paix, voire tout cessez-le-feu durable avec la Russie.

Si le sommet de La Haye a prouvé une chose, c’est peut-être que le fait d’amener les alliés européens à dépenser davantage pour la défense est une plus grande priorité pour le président Trump que d’apporter la paix à l’Ukraine. Plus concentré sur le conflit au Moyen-Orient, le président Trump a une fois de plus reconnu la difficulté de mettre fin à la guerre en Ukraine.

« C’est plus difficile que les gens ne l’imaginent », a-t-il déclaré. « Vladimir Poutine a été plus difficile, et franchement, j’ai eu quelques problèmes avec Zelensky, vous l’avez peut-être lu. Cela a été plus difficile que d’autres guerres. »

Une chose est sûre, ce sont les entreprises de défense américaines qui profiteront le plus du sommet de La Haye. Pour atteindre 5 % du PIB, la Grande-Bretagne devrait augmenter ses dépenses d’environ 114 milliards de dollars par an d’ici à 2035, et l’Allemagne s’est déjà engagée à atteindre l’objectif de 5 % six ans plus tôt, en 2029, en augmentant ses dépenses de 128 milliards de dollars par an.

Pour donner le coup d’envoi à ces dépenses, le Royaume-Uni a accepté d’acheter douze des avions les plus modernes, les F-35A, pour un montant de 700 millions de dollars. Le F-35A est capable de larguer des bombes nucléaires B61 fournies par les États-Unis et conçues pour la première fois en 1963. À cet égard, notre sécurité dépend de la capacité des avions à pénétrer suffisamment loin en Russie, à travers ses défenses aériennes sophistiquées, pour larguer une bombe nucléaire à gravité sur la cible.

La dernière mise à niveau de la B61, sous l’administration Obama, a impliqué l’ajout d’un empennage pour fournir une capacité limitée de largage à distance. Le prix était tellement excessif que chaque bombe nucléaire des années 60 vaut aujourd’hui plus que son poids en or, ce qui est peut-être l’allégorie parfaite des dépenses occidentales en matière de défense.

La fanfare du sommet de l’OTAN commençant à s’estomper, la grande question est maintenant de savoir quelle patience le président Trump aura pour promouvoir un programme de paix en Ukraine, maintenant que les alliés européens ont décidé de dépenser plus et d’acheter du matériel américain. Je crains que ce ne soit pas beaucoup.

*

Ian Proud a été membre du service diplomatique de Sa Majesté britannique de 1999 à 2023. Il a été conseiller économique à l’ambassade britannique à Moscou de juillet 2014 à février 2019. Avant Moscou, il a organisé le sommet du G8 de 2013 à Lough Erne, en Irlande du Nord, en travaillant depuis le 10 Downing Street. Il a récemment publié ses mémoires, A Misfit in Moscow: How British diplomacy in Russia failed, 2014-2019 [Erreur d’interprétation sur Moscou : Comment la diplomatie britannique en Russie a échoué, 2014-2019].

Les opinions exprimées par les auteurs sur Responsible Statecraft ne reflètent pas nécessairement celles du Quincy Institute ou de ses associés.

Source : Responsible Statecraft, Ian Proud, 26-06-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Marie // 28.07.2025 à 09h11

Il est évident que toutes ces belles paroles ne vont pas contribuer à détruire le monde multipolaire qui se construit jour après jour.
Ces belles paroles ne vont pas non plus empêcher les malheureux Ukrainiens à mourir sur le front.
Et nous devrions être conscients que l’argent magique, destiné à l’Ukraine et à l’OTAN, cet argent, sorti des poches du contribualble européen, ne fera que renflouer l’industrie militaire américaine.
Les USA perdent leur domination sur le monde, mais le dynamisme de leur grandeur passée les aide à survivre.
Mais quel avenir pour l’Europe ?
Là est toute la question !

8 réactions et commentaires

  • Marie // 28.07.2025 à 09h11

    Il est évident que toutes ces belles paroles ne vont pas contribuer à détruire le monde multipolaire qui se construit jour après jour.
    Ces belles paroles ne vont pas non plus empêcher les malheureux Ukrainiens à mourir sur le front.
    Et nous devrions être conscients que l’argent magique, destiné à l’Ukraine et à l’OTAN, cet argent, sorti des poches du contribualble européen, ne fera que renflouer l’industrie militaire américaine.
    Les USA perdent leur domination sur le monde, mais le dynamisme de leur grandeur passée les aide à survivre.
    Mais quel avenir pour l’Europe ?
    Là est toute la question !

    • Rob Ducan Spencer // 28.07.2025 à 13h48

      Et nous devrions être conscients que l’argent magique, destiné à l’Ukraine et à l’OTAN, cet argent, sorti des poches du contribualble européen…

      L’Ukraien fabrique directement près de 70 % du matériel qu’elle utilise et est devenu un exportateur majeur dans ce secteur non seulement pour les drones mais aussi pour les véhicules blindés, les canons auroporteurs de 155 mm, les fusils de précision, le matériel anti-char et l’essentiel du nouveau missile de longue distance allemand (que l’Ukraine va pouvoir utiliser dès la fin de ce mois) a été effectué à partir du missile Nepture ukrainien.

      Une partie importante des achats de l’Ukraine est effectué maintenant avec les avoirs russes confisqués depuis 2022 en commencant par les fonds de la Banque Centrale (près de 300 milliards de $ us) en se servant des intérêts et la saisie totale est en cours de discussion.

      L’aide directe, formation des militaires en France, aux USA, en Grande-Bretagne, en Espagne, est toujours la. Une grande partie du matériel donné est en fin de cycle..f-16 remplacé par de f-35, Mirage 2000, anciens véhicules blindés, systèemes Guepard allemand, etc.

  • John V. Doe // 28.07.2025 à 10h11

    Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer pourquoi il faut acheter de F-35 hors de prix pour larguer des bombes qui seraient bien plus aisément envoyées sur cible par des missiles, infiniment moins onéreux à l’achat comme à l’entretien.

    Et non, le F-35 n’est pas un chasseur : les bombardiers russes sont plus rapides que lui et ne perdent pas leur précieux revêtement anti-radar quand ils volent vite.

    • nulnestpropheteensonpays // 28.07.2025 à 10h47

      C’est pas vrai , ils perdent leurs revêtements ? AHAH , la différence entre une économie administrée qui fait ce qu’il y a a faire et le neoliberalisme au moindre cout .C’est comme faire confiance a un neolibéral , le mec va te trahir dès que tu lui file 100 balles de plus , c’est génétique !

    • Rob Ducan Spencer // 28.07.2025 à 13h27

      Il y a 2 raisons pour l’achat du f-35. La première c’est qu’il est le seul avion à l’exportation capable de délivrer les bombes atomiques, sous contrôle américain, entassées en Europe.

      La deuxième raison c’est qu’il a été concu pour être furtif et posséder une signature radar faible pour échapper aux systèmes S-400 russes. L’expérience de l’opération spéciale montre sans ambiguité que le performances du s-400 sont très largement en-dessous de ce qui avait été affirmé par la Russie. L’Ukraine a détruit des ensembles complets avec des drones a 30.000 dollars. Je peux vous fournir la liste avec les videos fpv. La Russie a retardé toutes ses livraisons à L’export du systèmes S-440.. a l’Inde (pas avant 2028), a la Turquie, etc. demandez-vous donc pourquoi ?

      Les missiles ne sont pas moins chers car paa réutilisables et les missions sont totalement différentes. Un Tomahawk c’est plus ou moins 2 millions de $ us et pour la version export 4 millions de $ us. Un Météor missile air-air frabriqué en France coute 1 millions. Le prix du f-35 est a la baisse car la quantité industrielle de livraison est la.

      Le talon d’achille du f-35 reste sa maintenance a 40.000 $ l’heure de vol, le Rafale c’est 25.000. Pour les bombardiers russes ce sont des appareils anciens et la Russie est dans l’impossibilité d’en fabriquer de toute facon pour remplacer ceux qui ont été perdus, hors-de-service, canibalisés pour des pièces de rechanges, etc. A cause de la guerre en Ukraine, de l’impossibilité d’utiliser les composants achetés à l’étranger la Russie ne peut plus fabriquer de matériels destinés à l’export dont le chasseur su-57. L’Algérie attend ses livraisons, comme ses S-400 ou le remplacement de ses chars T-90 (elle a acheté une copie chinoise modernisée). La proposition récente de la Russie a l’Inde fabriquer localement le su-57 est une tentative de détourner les sanctions.

      Pour les performances cet avion a permis a Israel de faire des missions de longue durée au-dessus de l’Iran sans jamais avoir été vu par des radars….ni en iran, ni en Jordanie, ni en Iraq.

  • Savonarole // 28.07.2025 à 12h45

    De la politique anglo-savonne chimiquement pure : Faire croire que ça va bien chez eux en faisant faire la guerre aux autres , ils appellent ça la politique de « containment » et c’est pas jeune ; nous on connait la forme latine « divide et emperum » c’est dire si ça remonte aux calendes.
    Enfin le Don et Vance avaient annoncé la bavure pendant la campagne, j’en avais déjà causé ici d’ailleurs : c’est que ça coûte un bras cette connerie de politique de borderlisation du monde … pour des résultats … ahem … pas très tangibles.
    A trop prendre les gens pour des cons ; ça a finit par se voir.

  • Antonio // 28.07.2025 à 13h21

    Deux précisions:
    – l’Europe est un semi-continent, dont le plus grand pays est du reste …la Russie. Le Saint Empire Romain Germanique c’est autre chose.
    – Zelenski/l’Ukraine ne décident rien en soi, c’est une marionnette ou avatar de l’OTAN

  • palef // 28.07.2025 à 14h39

    C’est une guerre USA (utilisant Ukrainiens-Européens)-Russie, en plusieurs étapes :
    – encerclement de la Russie par l’OTAN (au mépris des engagements antérieurs);
    – révolution de Maïdan (noyautée par l’ambassade US à Kiev et symbolisée par les petits pains de Victoria Nuland);
    – le russe banni des langues officielles;
    – 14.000 morts dans les territoires « séparatistes »;
    – temporisation des accords de Minsk, voulue et reconnue plus tard par l’Angleterre et la France;
    – concentration de troupes ukrainiennes devant la Crimée en 2022;
    – attaque de l’Ukraine par la Russie, malgré la mauvaise saison du dégel
    Cette guerre est existentielle pour les deux parties :
    – pour la Russie, bien sûr;
    – pour les USA et leur approvisionnement en ressources primaires. Ce dernier point est devenu moins pressant, les USA ayant « approché » récemment d’autres « propriétaires », dont le Groenland et le Canada.

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