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29.novembre.202529.11.2025 // Les Crises

Un journaliste viré après avoir demandé pourquoi Israël ne participait pas au financement de la reconstruction à Gaza

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L’agence de presse italienne Nova a confirmé avoir licencié le journaliste Gabriele Nunziati pour avoir interrogé un responsable européen sur Israël lors d’une conférence de presse.

Source : The Intercept, Arthur Neslen
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

La porte-parole de la Commission européenne, Paula Pinho, répond aux questions lors d’une conférence de presse quotidienne à Bruxelles, le 13 janvier 2025. Photo : Dursun Aydemir/Anadolu via Getty Images

Un journaliste italien, qui a demandé à un responsable de la Commission européenne pourquoi Israël ne devrait pas payer pour la reconstruction de Gaza, a été licencié par son agence de presse.

Gabriele Nunziati, un reporter basé à Bruxelles, qui couvrait l’UE pour l’agence de presse Nova de Rome, a déclaré à The Intercept qu’il avait reçu un avis lui annonçant qu’il allait perdre son emploi à peine un mois après être devenu correspondant.

« J’ai reçu un e-mail de mon agence de presse m’informant qu’elle avait l’intention de mettre fin à notre collaboration. »

Cette décision, rapportée pour la première fois par le site d’information italien Fanpage, fait suite à une question posée par Nunziati à Paula Pinho, porte-parole en chef de la Commission européenne, le 13 octobre dernier, au sujet de la reconstruction de Gaza.

« Vous avez répété à plusieurs reprises que la Russie devrait payer pour la reconstruction de l’Ukraine », a déclaré Nunziati, qui est contractuel chez Nova, lors d’une conférence de presse. « Pensez-vous qu’Israël devrait payer pour la reconstruction de Gaza, puisqu’il a détruit la quasi-totalité de ses infrastructures civiles ? »

Pinho a répondu qu’il s’agissait « sans aucun doute d’une question intéressante, sur laquelle je n’ai aucun commentaire à faire. »

Un extrait de cet échange est devenu viral, ce qui est rare pour les conférences de presse de la Commission européenne, et Nunziati s’est retrouvé très sollicité.

« Cela a été republié par plusieurs médias et a pris une ampleur considérable », a-t-il déclaré. « Plusieurs personnes m’ont même contacté pour me dire : « Je t’ai vu sur Instagram ! » Deux semaines plus tard, le 27 octobre, j’ai reçu un e-mail de mon agence de presse m’informant qu’elle avait l’intention de mettre fin à notre collaboration. »

Selon des sources internes, l’agence utilise souvent des contrats de « collaboration » offrant des protections limitées, notamment des accords de confidentialité.

Nunziati a déclaré avoir reçu deux appels téléphoniques « tendus » de ses supérieurs chez Nova au cours des deux semaines qui se sont écoulées entre sa question et l’annonce de la fin de son contrat, mais il a refusé de faire d’autres commentaires.

Francesco Civita, porte-parole de Nova, a confirmé que l’agence de presse avait mis fin à sa collaboration avec Nunziati en raison de sa question sur Gaza. Civita a déclaré que Nunziati avait été licencié pour avoir posé une question « techniquement incorrecte », car la Russie avait envahi un pays souverain sans provocation, alors qu’Israël répondait à une attaque.

La différence entre les positions de la Russie et d’Israël avait été « expliquée à plusieurs reprises » à Nunziati, a déclaré Civita, « mais il n’avait « absolument pas compris la différence substantielle et formelle entre les deux situations. »

« En effet, il a insisté sur le fait que la question était correcte, démontrant ainsi son ignorance des principes fondamentaux du droit international », a déclaré Civita. « Pire encore, la vidéo relative à sa question a été reprise et republiée par des chaînes Telegram nationalistes russes et des médias liés à l’islam politique ayant un programme anti-européen, ce qui a causé un embarras à l’agence. »

« Question dérangeante »

Dans une interview accordée à un journal italien, Anna Laura Orrico, députée italienne du Mouvement 5 étoiles, a dénoncé la décision de licencier Nunziati.

« Si cette histoire correspond à la réalité, il serait tout simplement honteux qu’un média prenne une telle décision », a-t-elle déclaré.

Un autre journaliste de Nova, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat afin de protéger son emploi, a déclaré à The Intercept que le cas de Nunziati n’était que « la partie émergée de l’iceberg de la censure italienne à laquelle sont soumis les journalistes » sur Israël.

« Gabriele a été licencié parce qu’il a posé une question dérangeante à la Commission européenne », a déclaré le journaliste. « Dans les jours qui ont suivi, l’atmosphère était très tendue. »

Le journaliste de l’agence Nova a déclaré qu’après le licenciement de Nunziati, « tous les journalistes de la rédaction sont devenus silencieux. »

Plusieurs journalistes occidentaux ont perdu leur emploi après avoir posé des questions difficiles ou fait des commentaires critiques sur la guerre menée par Israël à Gaza. Selon le Comité pour la protection des journalistes, plus de 240 journalistes ont été tués à Gaza, des dizaines ont été blessés et près d’une centaine ont été emprisonnés par Israël.

Source : The Intercept, Arthur Neslen, 04-11-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Dominique65 // 29.11.2025 à 09h45

« le cas de Nunziati n’était que « la partie émergée de l’iceberg de la censure italienne à laquelle sont soumis les journalistes »
Et le cas Italien est certainement la partie immergée de la censure européenne, non seulement envers les journalistes mais aussi tout le peuple. Et tout cela au nom des « valeurs européennes de liberté ». De la novlang 24 carats.

10 réactions et commentaires

  • Dominique65 // 29.11.2025 à 09h45

    « le cas de Nunziati n’était que « la partie émergée de l’iceberg de la censure italienne à laquelle sont soumis les journalistes »
    Et le cas Italien est certainement la partie immergée de la censure européenne, non seulement envers les journalistes mais aussi tout le peuple. Et tout cela au nom des « valeurs européennes de liberté ». De la novlang 24 carats.

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  • RV // 29.11.2025 à 19h13

    Un peu de droit international pour contrecarrer cette propagande de tous les instants.

    « Civita a déclaré que Nunziati avait été licencié pour avoir posé une question « techniquement incorrecte », car la Russie avait envahi un pays souverain sans provocation, alors qu’Israël répondait à une attaque. »
    ___________________________________________________________________
    ma question à mistral.ai.fr :
    que dit le droit international sur la réparation de dommage de guerre quand un pays colonisateur détruit les infrastructures d’un pays colonisé ?

    sa réponse :
    Le droit international, en particulier le droit international humanitaire et le droit des conflits armés, encadre la question des réparations pour les dommages de guerre, y compris dans le contexte de la colonisation et de la destruction d’infrastructures. Voici les principaux cadres juridiques et principes applicables :

    ### 1. **Responsabilité internationale de l’État**
    Selon le droit international coutumier et la **Convention de La Haye de 1907** (notamment la Convention IV concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre), un État occupant ou colonisateur a l’obligation de respecter les infrastructures et les biens du territoire occupé. La destruction non justifiée d’infrastructures civiles peut engager la responsabilité internationale de l’État colonisateur.

    ### 2. **Droit international humanitaire (DIH)**
    Les **Conventions de Genève de 1949** et leurs Protocoles additionnels (notamment le Protocole I de 1977) interdisent les attaques contre les biens civils et les infrastructures essentielles à la survie de la population civile. Toute destruction illégale peut donner lieu à des réparations.

    ### 3. **Droit des réparations**
    Le principe de réparation pour les dommages de guerre est reconnu par la **Commission du droit international (CDI)** des Nations Unies, qui a codifié les règles sur la responsabilité des États. Un État victime peut exiger réparation sous forme de restitution, indemnisation ou satisfaction.

    ### 4. **Cas spécifiques de la colonisation**
    Dans le contexte de la colonisation, la question des réparations est souvent liée à celle de la **décolonisation** et des **crimes internationaux**. La Cour internationale de Justice (CIJ) et d’autres tribunaux internationaux peuvent être saisis pour trancher des litiges relatifs aux réparations, comme ce fut le cas pour la Namibie ou le Sahara occidental.

    ### 5. **Pratique internationale**
    Plusieurs cas historiques (comme l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale ou l’Italie pour ses colonies) montrent que des accords de réparation ou d’indemnisation ont été conclus, mais souvent sous pression politique ou dans le cadre de traités de paix.

    ### 6. **Obstacles juridiques et politiques**
    L’application de ces principes se heurte souvent à des obstacles : prescription, immunité des États, absence de reconnaissance de la responsabilité, ou encore l’absence de mécanismes contraignants pour faire respecter les décisions.

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    • Lt Briggs // 30.11.2025 à 09h54

      Le Monde diplomatique avait recensé en 2009 les résolutions de l’ONU non respectées par Israël :
      https://www.monde-diplomatique.fr/2009/02/A/16775

      Parmi d’autres, on peut y trouver la Résolution 1544 du 19 mai 2004 : le Conseil de sécurité demande qu’Israël respecte « les obligations que lui impose le droit humanitaire international » et « l’obligation qui lui est faite de ne pas se livrer aux destructions d’habitations ». C’est donc bien Francesco Civita et non le journaliste Gabriele Nunziati qui a démontré son ignorance des principes fondamentaux du droit international.

        +7

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    • chatcontrol // 30.11.2025 à 21h21

      « Un peu de droit international  »
      —–
      il n’y a PAS de droit international. Certains principes de bases approuvés par beaucoup de pays qui les désignent ainsi de ce vocable, ne sont pas respectés par les signataires.

      – un génocide est en place à Gaza
      – un nettoyage ethnique à grande échelle est prévu pour la Cisjordainie
      – la Syrie a été torturée pendant des années, sans hésiter à causer un demi-million de morts, un exode de cinq à sept millions. Le pays a été éventré par une ordurerie occidentale inédite et un chef dérivé de Al-Qaeda mis au pouvoir
      – en ce moment les Etats-Unis frappent des bateaux de pêches vénézuéliens dans les eaux internationales et ont quasiment fermé l’espace aérien vénézuélien

      et ce n’est qu’un aperçu. Le génocide en cours visible sur internet avec appui ouest-européen et répression des protestations est un seuil de non-retour.
      Vous tous en occident ëtes des cibles légitimes. La Chine devrait peut-ëtre intégrer des charges explosives dans les téléphones mobiles et faire ainsi exploser les têtes de millions d’occidentaux.
      Vous êtes passifs et approuver par votre passivité les saloperies sans nom de vos régimes.
      L’Allemagne est un pays occidental, et les génocides sont sa spécialité, de même le Frankenstein nord-américain. Voilà le bel occident.
      Au bout du compte l’Allemagne est en déclin démographique irréversible, et les anglo-saxons nord-américains vont suivre. Patience, puis ensuite vengeance.

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      • RV // 01.12.2025 à 09h54

        « il n’y a PAS de droit international. Certains principes de bases approuvés par beaucoup de pays qui les désignent ainsi de ce vocable, ne sont pas respectés par les signataires. »
        Vous soutenez dans la même proposition qu’il n’y a pas de droit international et qu’il n’est pas respecté.
        Faudrait savoir !
        C’est bien parce qu’il y a un droit international que l’on peut affirmer qu’il n’est pas respecté.

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  • Denis Monod-Broca // 29.11.2025 à 22h52

    Eh oui, il y a des questions interdites à Bruxelles.
    Comment une situation aussi choquante, aussi contraire aux principes si fièrement affichés, peut-elle ainsi perdurer ?
    Où sont passés tous nos donneurs de leçons !

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  • Actustragicus // 29.11.2025 à 23h05

    Cela donne une petite idée de ce qu’était la bien-pensance aux siècles précédents, lorsque Internet n’existait pas et qu’on n’avait que les médias de masse (aux 19e et 20e siècles), les annonces du maire, le prêche du curé et les rumeurs (avant) pour se faire une opinion…
    C’est là qu’on voit combien le travail des historiens repose sur trois fois rien, et combien les textes qui nous sont parvenus sont finalement peu fiables (la seule vraie différence entre 1914 et 2026, c’est l’existence de médias comme Les Crises !)

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    • RV // 30.11.2025 à 09h29

      Vous poussez le bouchon un peu loin.
      Internet est comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses.
      A la sortie de la guerre en France il y avait une presse dégagée de la finance avec une diversité de points de vue qu’il faudrait reconstruire.
      Vous sous-estimez le travail des historiens

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      • RV // 08.12.2025 à 09h15

        …/… il faudrait reconstruire …/…
        Le programme du CNR, adopté en 1944 sous le nom « Les jours heureux », annonçait notamment « la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression, la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères, la liberté d’association, de réunion et de manifestation ».
        26 août et 30 septembre 1944 organisation de la presse, interdiction des concentrations.
        « Art. 1. La presse n’est pas un instrument de profit commercial, mais un instrument de culture ; sa mission est de donner des informations exactes, de défendre des idées, de servir la cause du progrès humain.
        Art. 2. La presse ne peut remplir sa mission que dans la liberté et par la liberté.
        Art. 3. La presse est libre quand elle ne dépend ni de la puissance gouvernementale ni des puissances d’argent mais de la seule conscience des journalistes et des lecteurs. »

        source critique :
        « Petite histoire des ordonnances de 1944 sur la liberté de la presse et de leur destin »
        par Jean Pérès, Jérémie Fabre, lundi 26 juin 2017 – Acrimed.

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    • Dominique65 // 01.12.2025 à 18h16

      La presse au 19éme était bien plus riche et diversifiée que celle que nous avons à l’heure actuelle. En voici quelques-uns soutenant les classes laborieuses : Le populaire, le prolétaire, le révolté, l’union des travailleurs, la phalange, le salut du peuple, le cri du peuple, l’atelier, l’artisan, l’écho de la fabrique, les temps nouveaux…
      Aujourd’hui il ne reste plus que l’humanité, qui ne fait pas grand bruit contre les guerres de Macron.
      Heureusement que nous avons internet… de moins en moins libre.
      Cordialement.

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