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23.octobre.202423.10.2024 // Les Crises

Avec l’aide des États-Unis, Israël exporte des instruments d’oppression à l’étranger et les teste contre les Palestiniens

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Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la Défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Source : Truthout, Ciudong Ng
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Un Palestinien dans une rue détruite par des bulldozers lors d’un raid israélien dans la ville de Jénine en Cisjordanie occupée, Palestine, le 1er septembre 2024. RONALDO SCHEMIDT / AFP via Getty Images

Alors qu’Israël renforce son blocus, les réserves médicales s’épuisent dans la bande de Gaza et les médecins sont confrontés à des patients souffrant de blessures inimaginables.

Le médecin orthopédiste Hani Bseso a opéré la jambe de sa nièce Ahed, après qu’un obus a traversé leur maison. Saignant abondamment, Ahed est restée dans un état d’hébétude atroce, tandis que ses proches la transportaient au rez-de-chaussée. Il était impossible de se rendre à l’hôpital. Bseso l’a donc amputée de la jambe sur la table de la cuisine où sa mère avait fait le pain le matin même.

Alors que le système de santé de Gaza implose, épidémies et famine se répandent comme une traînée de poudre. Après 25 ans, la polio y est revenue et les opérations israéliennes obligent les patients à évacuer l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, l’un des derniers établissements médicaux encore fonctionnel. Ailleurs, l’odeur des ordures non ramassées flotte dans l’air, et l’eau des égouts éventrés forme des mares qui reflètent la ligne d’horizon en train de se transformer en décombres. Cet été, des experts des Nations unies sont arrivés à la conclusion que la « campagne de famine intentionnelle et ciblée » menée par Israël était « une forme de violence génocidaire ». Seules les bombes et les balles pénètrent en abondance dans Gaza.

Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. Entre 2018 et 2022, Israël s’est targué d’avoir le deuxième plus important budget militaire au monde par habitant, augmentant ses dépenses de 24 % en 2023. Le ministère de la défense souligne que le secteur de la sécurité joue « un rôle monumental » dans l’économie, stimulant l’innovation industrielle et représentant environ 10 % des exportations nationales. Alors que Gaza brûle, les fabricants d’armes font état d’une « demande croissante » d’armes israéliennes « dans le monde entier ».

Concernant la guerre, Israël a adopté un modèle de militarisme bien ancré. Au cours des 50 dernières années, les dirigeants israéliens ont exploité les territoires occupés et l’assistance technique des États-Unis pour construire un imposant complexe militaro-industriel. Les victimes palestiniennes comme Ahed font partie de ce vaste mécanisme, dans la mesure où Israël exporte les technologies violentes et l’expertise qu’il perfectionne à Gaza vers des pays du monde entier.

Exportation de l’occupation

Pendant la guerre froide, grâce à la coopération militaire et technique des États-Unis, Israël est devenu le plus grand exportateur d’armes par habitant. Aux prises avec leur dette extérieure, les dirigeants israéliens ont encouragé les ventes d’armes afin d’atténuer les déséquilibres budgétaires et financer le développement industriel. Le secteur de la défense est devenu le fondement de l’économie, et les territoires occupés ont servi de laboratoire d’expérimentation à des fins meurtrières. « Aujourd’hui, on peut dire qu’aucun pays au monde n’est aussi dépendant des ventes d’armes qu’Israël », concluait le politologue Bishara Bahbah en 1986.

Les dictateurs d’Amérique latine, notamment le général Augusto Pinochet, sont devenus des clients enthousiastes. Après la guerre d’octobre 1973, des entreprises israéliennes ont envoyé des publicités à sa junte, et l’ambassade chilienne à Tel Aviv a rédigé des rapports sur les performances de leurs armes. Selon ces officiers, Israël était un modèle, laissant entendre que le régime militaire garantissait des « conditions de tranquillité » en Palestine. Au final, les dirigeants israéliens ont aidé le général Pinochet à développer l’industrie aérospatiale chilienne, allant jusqu’à transférer la technologie nécessaire à la production de bombes à fragmentation.

De plus en plus, les responsables américains ont encouragé Israël à étouffer les mouvements de gauche en armant des régimes autoritaires alignés sur Washington. Face à la législation sur les droits humains, le président Jimmy Carter et ses successeurs ont esquivé les restrictions imposées au pouvoir national en confiant la répression aux dirigeants israéliens. « Israël est l’entrepreneur du sale boulot », a déclaré le général Mattityahu Peled. « Israël agit en tant que complice et bras armé des États-Unis. »

En Amérique centrale, cette réalité s’est révélée de manière brutale. Avant sa chute en juillet 1979, le président nicaraguayen Anastasio Somoza Debayle s’est appuyé sur les livraisons d’armes israéliennes pour réprimer une révolution populaire. « Les rues de Managua ressemblent à celles de Jérusalem, observe El País. Le matériel israélien est omniprésent. Les Nicaraguayens ont affirmé que les forces de Somoza étaient « génocidaires » parce qu’elles rasaient des villages, massacraient des familles entières et violaient les femmes devant leurs maris.

Leurs fusils d’assaut Galil, de fabrication israélienne, sont devenus des symboles d’oppression. Lors de la libération de Managua, les rebelles sandinistes ont confisqué les armes, avant de vider les munitions en longues salves – comme si le pays était purgé du passé à chaque rafale. Craignant la propagation de la révolution, la CIA a alors encouragé les dirigeants israéliens à armer ce qui restait du régime Somoza, tout en isolant le gouvernement progressiste sandiniste. Tout au long des années 1980, Israël est resté un acteur majeur dans la région, fournissant des armes aux Contras nicaraguayens et exacerbant une guerre civile qui a fait 30 000 morts.

Mais c’est au Guatemala que l’empreinte israélienne a été la plus forte, le général Efraín Ríos Montt affirmant que son coup d’État de 1982 avait réussi en partie « parce que beaucoup de nos soldats avaient été entraînés par des Israéliens ». Au cours de l’année suivante, Ríos Montt a intensifié une guerre génocidaire contre les communautés indigènes, laquelle a fait plus de 200 000 victimes. Les officiers se sont inspirés de la stratégie israélienne pour poursuivre la « palestinisation » des zones rurales. À Dos Erres, les forces guatémaltèques ont arrosé les villageois de balles tirées par des fusils Galil, avant de fendre le crâne des survivants à l’aide de masses.

Les journalistes Andrew et Leslie Cockburn ont relevé que les dirigeants israéliens exprimaient peu de réticences quant aux ventes d’armes. « Je me fiche de ce que les Gentils font avec les armes », leur a répondu le lieutenant-colonel Amatzia Shuali en se moquant d’eux. « L’essentiel, c’est que les entreprises israéliennes « en profitent. »

Quand on en est arrivé à la fin de la guerre froide, l’aide financière et militaire des États-Unis avait permis à Israël de développer une formidable industrie d’armement. Dans son étude de référence, Bahbah a souligné qu’à certains moments, 40 % de la main-d’œuvre industrielle du pays travaillait dans le secteur de la défense, et que les exportations d’armes constituaient une source majeure de devises étrangères. La production d’armes a accéléré la dérive militariste, transformant l’occupation de la Palestine en une entreprise économiquement viable et lucrative. En somme, les dirigeants israéliens ont financé l’agression contre les Palestiniens en spoliant d’autres gens en Amérique latine et ailleurs.

Le choix de la terreur

Avec l’implosion de l’Union soviétique, Israël a redéfini le discours dominant justifiant son occupation militaire. Pendant des décennies, les officiers israéliens avaient prétendu que les combattants palestiniens et leurs alliés socialistes – comme les Sandinistes – étaient des « terroristes » en quête de vengeance, faisant fi de leurs griefs politiques et de leurs idéaux. Or, les dirigeants sionistes affirment aujourd’hui que le « terrorisme » constitue la plus grande menace pour la paix mondiale, tout en détournant ce terme élastiquepour diaboliser l’ensemble de la résistance palestinienne. En 1988, des officiers israéliens ont distribué des matraques, ordonnant aux troupes de briser les os des manifestants, qualifiant les manifestations populaires de terrorisme. En l’espace de deux ans, l’organisation à but non lucratif Save the Children, dont le siège est à Londres, a calculé que plus de 23 600 enfants palestiniens avaient dû recevoir des soins médicaux pour avoir été tabassés. Près d’un tiers des victimes avaient 10 ans ou moins.

C’est à ce moment-là que Benjamin Netanyahou s’est imposé comme un pyromane conservateur et un expert autoproclamé de la terreur mondiale, tout en dirigeant le Likoud. Auparavant, il avait fondé l’Institut Jonathan pour convaincre les décideurs politiques occidentaux que le « terrorisme international » constituait une menace existentielle pour la démocratie moderne, tout en qualifiant la résistance palestinienne de diabolique, irrationnelle et antisémite. Son programme politique mettait à l’honneur l’expansion coloniale et la force brute.

En octobre 1995, Netanyahou a condamné le Premier ministre Yitzhak Rabin pour avoir négocié les accords d’Oslo, suscitant des protestations virulentes et apparaissant lors d’un rassemblement avec une effigie de Rabin en uniforme SS nazi. Un mois plus tard, un tireur d’extrême droite assassinait le premier ministre.

Après les attentats du 11 septembre, Netanyahou et d’autres dirigeants israéliens ont mis à profit leur expertise en matière de contre-insurrection pour renforcer les relations avec Washington et donner forme à la « guerre mondiale contre le terrorisme ». De manière tout à fait opportune, de nombreux partisans de l’invasion de l’Irak étaient des sionistes purs et durs. Le vice-président Dick Cheney a été membre du conseil d’administration de l’Institut juif américain pour la sécurité nationale, lequel encourage les ventes d’armes à Israël. Auparavant, Dick Perlel, conseiller à la défense, était le porte parole des fabricants d’armes israéliens, et Douglas Feith, sous-secrétaire à la défense pour la politique était un conseiller de Netanyahou. Le Jerusalem Post a souligné que Paul Wolfowitz, l’un des principaux architectes de la guerre, était un « fervent pro-israélien » et l’a proclamé « homme de l’année » quelques mois après l’invasion.

Les responsables israéliens espéraient que l’intervention américaine renverserait les régimes hostiles et anéantirait les rêves d’autonomie des Palestiniens. À la veille de l’invasion de l’Irak, le quotidien Haaretz annonçait : « Les dirigeants militaires et politiques israéliens aspirent à la guerre. » Netanyahou lui-même a publié « The Case for Toppling Saddam » dans le Wall Street Journal (Plaidoyer pour le renversement de Saddam), reprenant les fausses affirmations sur l’existence d’un arsenal nucléaire irakien.

Alors que la guerre contre le terrorisme prenait de l’ampleur, les officiers américains et israéliens ont partagé des tactiques de contre-insurrection, tout en se côtoyant dans le désert du Néguev. « Des délégations militaires américaines de haut rang sont venues […] pour apprendre de l’expérience israélienne en matière de chasse aux terroristes dans la bande de Gaza », rapportent des experts en matière de défense. L’aide étrangère et les besoins en matière de services de sécurité ont également favorisé une sorte de start up du colonialisme, les vétérans israéliens ont en effet créé des entreprises telles que NSO Group et Smart Shooter, qui développent les plus récents logiciels espions et systèmes de visée des armes à feu – profitant de l’occupation pour mettre au point de nouvelles technologies de contrôle social.

L’ambassade des États-Unis a discrètement reconnu que le fait que le pays soit sur un pied de guerre a favorisé sa croissance économique. « Les programmes en matière de formation militaire d’Israël témoignent parfaitement du niveau d’investissement du gouvernement » se félicite l’ambassadeur James Cunningham. Les élèves ingénieurs de l’armée israélienne ont mis au point de « meilleurs systèmes de guidage des missiles », des « drones » et autres innovations létales. « À l’issue de leur service militaire, explique-t-il, les diplômés ont été instantanément recrutés par des entreprises technologiques » telles qu’Elbit Systems et Gilat Satellite Networks.

Les responsables américains ont présenté Israël comme un paradis pour les start-up, tout en excluant les victimes palestiniennes de son économie militarisée. En 2007, les diplomates américains ont exclu les dirigeants du Hamas des pourparlers de paix d’Annapolis, bien qu’ils aient reconnu sa « victoire aux élections locales de Gaza ». Après avoir passé au crible les délégués palestiniens, la secrétaire d’État Condoleezza Rice leur a carrément dit d’oublier le nettoyage ethnique des Palestiniens (la « Nakba ») qui avait eu lieu lors de la création d’Israël en 1948. « Des choses désagréables arrivent tout le temps à des gens partout dans le monde, les a admonestés Mme Rice. Vous devez vous tourner vers l’avenir ».

Au final, la guerre contre le terrorisme a légitimé la flambée de l’aide militaire et de la coopération tout en offrant un cadre idéologique qui a discrédité la dissidence palestinienne dès le départ. Pour les décideurs politiques, le concept de « terrorisme » a permis une inversion des vérités gênantes : la résistance des faibles est devenue « violence irrationnelle » et les revendications coloniales « autodéfense ». Riche de l’aide étrangère, l’économie israélienne s’est militarisée plus encore. Le « processus de paix » est devenu un outil d’agression, les États-Unis servant d’« avocat d’Israël », selon un négociateur américain.

Expérimentation de l’Armageddon

Alors que les négociations s’enlisaient, les représentants des gouvernements et des entreprises continuaient de miser sur « les avantages comparés » d’une guerre sans fin. Prétextant les attaques à la roquette du Hamas, Israël a lancé l’opération « Plomb durci » en décembre 2008, décrivant la bande de Gaza comme un « nid de terroristes ». Cette dernière est devenue un véritable laboratoire en matière d’armement, où les quartiers ont été réduits en ruines et où des colonnes de fumée épaisses envahissaient l’horizon. Les forces d’invasion y ont présenté de nouveaux équipements tels que le char Merkava IV et le fusil d’assaut Tavor TAR-21, et auraient testé l’explosif à métal dense et inerte, une arme expérimentale mise au point par l’armée de l’air américaine.

« Des maisons, des écoles, des centres médicaux et des bâtiments de l’ONU – autant de structures destinées aux civils – ont été directement touchés par l’artillerie israélienne », a souligné Amnesty International. Les soldats ont utilisé des « munitions de précision » jusque dans des chambres d’enfants. Des éléments de preuve indiquent également qu’ils ont testé « un nouveau type de missile » contre des civils, tuant des élèves qui attendaient un bus scolaire et une famille entière dans sa maison. Ils ont même bombardé des bâtiments de l’ONU avec du phosphore blanc. Des experts en droits humains ont trouvé des obus fabriqués à Pine Bluff, dans l’Arkansas, encore fumants trois semaines après le cessez-le-feu.

Et pourtant, la politique américaine a continué de se rallier à celle d’Israël. Quelques jours après le début de l’offensive, le Pentagone a prévu d’envoyer aux forces israéliennes des explosifs à hauteur de 500 0000 kilos, dont des bombes au phosphore blanc.

L’opération « Plomb durci » a peaufiné un schéma historiquement classique, Gaza servant de banc d’essai pour les armes israéliennes et américaines, tandis que les responsables américains justifiaient les opérations en parlant de « terroristes » anonymes.

Mais bien souvent les incursions violentes d’Israël n’étaient pas provoquées. En mars 2018, les Palestiniens ont organisé la Grande Marche du retour, un mouvement pacifique réclamant des droits politiques et civils. Les officiers israéliens ont répondu par une pluie de gaz lacrymogènes et de balles – tuant 214 civils et blessant plus de 36 100 autres. Le chef d’état-major Gadi Eisenkot a admis avoir autorisé les « tirs à balles réelles », expliquant : « Les ordres sont d’utiliser une force maximale. »

Des professionnels de la santé ont affirmé que des soldats avaient testé sur des manifestants des « balles papillon », armes illégales, qui ont pulvérisé des organes et contraint les médecins à amputer des membres. Al Jazeera a également rapporté que les forces israéliennes « ont expérimenté des méthodes de contrôle des foules », en utilisant des drones pour asperger des gaz lacrymogènes et des nuages chimiques qui ont amené les manifestants à « se débattre violemment » sur le sol.

Plutôt que de geler l’aide, l’administration Trump a fêté l’ouverture de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors qu’Israël massacrait 58 Palestiniens. Les applaudissements de satisfaction n’ont fait que renforcer le cycle de l’impunité et de la victimisation. L’année suivante, les forces israéliennes ont intentionnellement rasé le Syndicat général des Palestiniens handicapés, éliminant ainsi tout service de santé destiné aux personnes amputées.

Développer sa propre marque

À l’étranger, les offensives militaires sont restées des arguments de vente. Ironie du sort, les États arabes sont devenus les principaux clients. À la suite du printemps arabe, une relation symbiotique s’est instaurée : les États du Golfe ont importé des technologies de sécurité pour écraser la dissidence, et les entreprises israéliennes ont eu accès au plus grand marché d’exportation d’armes au monde. Verint Systems a expédié du matériel de surveillance à Bahreïn et le groupe NSO a vendu le logiciel espion Pegasus à l’Arabie saoudite, aidant ainsi les autorités à réprimer les militants des droits humains. En 2023, Elbit Systems a lancé des projets d’usines au Maroc, tandis que des drones israéliens sillonnaient le Sahara occidental et frappaient des civils sahraouis.

Le président Donald Trump a entériné ce changement en négociant les accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël, le Bahreïn et les Émirats arabes unis en septembre 2020. En l’espace de deux ans, les États arabes ont absorbé près de 25 % des exportations militaires israéliennes.

L’Union européenne aussi a fait appel à l’expertise israélienne relative aux questions de violence, tout en important du matériel de sécurité pour réprimer l’immigration. Dès 2017, les institutions israéliennes recevaient chaque année 170 millions d’euros de fonds de recherche de l’UE. En 2021, Israël a rejoint l’initiative Horizon Europe, ce qui a poussé le ministre des affaires étrangères, Yair Lapid, à proclamer que son pays était « un acteur central du plus grand et plus important programme [de recherche et développement] au monde ». Horizon finance le développement de technologies de surveillance et de renseignement, de techniques d’interrogatoire et d’autres projets à caractère clairement militaire. Les entreprises de défense Thales, Safran et MBDA ont établi des accords de partenariat avec des sociétés israéliennes pour fabriquer des armes, en particulier des drones. Les experts militaires israéliens Yaakov Katz et Amir Bohbot soulignent : « La bande de Gaza est l’épicentre de la révolution israélienne en matière de drones. »

Fidèle à une tradition historique, Israël s’est assuré des clients en refusant de respecter les droits humains ou les embargos sur les armes. Katz et Bohbot estiment que « ne pas imposer de conditions aux ventes d’armes » est « un principe clé », qui permet à une entreprise de devenir « un acteur dominant sur les marchés ». Plus de dix ans après Plomb durci, Gaza est resté le théâtre dévasté d’un laboratoire en matière d’armement. L’occupation militaire israélienne n’a pas seulement été une catastrophe humaine, elle a aussi constitué un produit d’exportation national : une marque à promouvoir.

Cumul par extermination

Le conflit en lui-même était pourtant le reflet d’une contradiction irrémédiable : Les armes israéliennes promettaient une domination totale, mais rendaient la résistance inévitable. Dès 2018, l’ONU a averti que le siège imposé par Israël faisait de Gaza une zone « invivable ». L’ambassade des États-Unis a confié que les forces d’occupation empêchaient parfois même l’entrée de « jouets d’enfants et de « fournitures scolaires ». Pour mettre à mal le statu quo, des combattants palestiniens ont attaqué Israël en octobre dernier, franchissant des frontières ceinturées de murs anti-explosion et d’équipements de surveillance de pointe, capturant plus de 240 personnes et portant un coup dur à l’image d’invincibilité du pays.

Leur opération a déclenché une réaction violente, le Premier ministre Netanyahou exploitant alors la guerre pour faire étalage des prouesses technologiques de son pays. Quelques jours après le début des combats, un porte-parole militaire a annoncé les débuts au combat du mortier « Iron Sting », tandis que la presse locale enregistrait de « fortes hausses du cours des actions » des fabricants d’armes et vantait les mérites du nouveau char Barak qui « fait ses preuves à Gaza »

Les dirigeants israéliens affirment avant tout que leurs technologies de pointe en matière d’intelligence artificielle permettent d’effectuer des frappes précises et humainement adaptées. Mais en privé, les officiers de renseignement nient que les Forces de défense israéliennes (FDI) fassent preuve de retenue. « Au contraire, les FDI bombardaient sans hésitation les maisons des combattants », se souvient l’un d’entre eux. « Il est beaucoup plus facile de bombarder la maison d’une famille. » Un autre officier admet que « nous avons bombardé uniquement pour la ‘dissuasion’» – en abattant des gratte-ciel « juste pour détruire ».

Les enquêteurs de l’ONU en sont arrivés à la conclusion que les dirigeants israéliens ont cherché à « exterminer » les Palestiniens, « en rasant des blocs résidentiels et des quartiers entiers », tout en obligeant plus de 1,7 million de victimes à quitter leur foyer. Les autorités décrivent des soldats abattant des réfugiés arborant des drapeaux, « saccageant les maisons » et utilisant « la famine comme arme de guerre ».

Leur violence est délibérément gratuite : en juillet dernier, Israël a frappé quatre écoles en quatre jours, envoyant des réfugiés voltiger dans les airs au milieu d’un déluge d’éclats d’obus et de feu. Au milieu des bombardements incessants, Human Rights Watch a récemment publié une étude démontrant que les soldats israéliens torturent systématiquement les prisonniers palestiniens, présentant des preuves de brûlures de cigarettes et de briquets, des marques de coups violents, d’électrocutions et d’« abus sexuels » – y est même relaté le récit de membres de Tsahal utilisant un fusil M 16 pour violer un détenu.

Les auteurs soulignent qu’Israël prend pour cible le corps médical, aggravant ainsi l’effondrement du système de santé de Gaza. Walid Khalili, ambulancier, a informé les enquêteurs que ses ravisseurs avaient suspendu des Palestiniens par leurs menottes, les accrochant par dizaines au plafond comme des fruits sanguinolents. Un médecin de Tsahal fait remarquer que de telles pratiques entravent très fréquemment la circulation sanguine, obligeant ses collègues à amputer les membres des prisonniers.

En dépit de ces violations des droits humains, l’administration Biden a approuvé en août un programme de 18 milliards de dollars pour des avions de combat et les fabricants d’armes israéliens sont optimistes. « C’est l’heure de gloire de l’industrie de la défense », insiste Michal Mor, PDG de Smart Shooter.

Depuis des décennies, la spoliation des Palestiniens alimente un cycle d’accumulation, dans la mesure où Israël construit non seulement des colonies, mais aussi des armes dans les territoires occupés. En fin de compte, l’aide américaine a contribué à transformer le pays en une techno-dystopie qui exporte des instruments d’oppression à l’étranger, tout en les testant sur les réfugiés le long de ses frontières mouvantes. À un niveau très préoccupant, la guerre génocidaire en cours traduit cette logique impitoyable en même temps qu’impersonnelle : Israël et les États-Unis plongent les Palestiniens dans la faim et la désolation, entamant la phase suivante de la spirale de l’accumulation par l’extermination..

*

Ciudong Ng est historien, il est spécialisé dans le militarisme américain.

Source : Truthout, Ciudong Ng, 01-09-2024
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

CdeB // 23.10.2024 à 13h21

Element de réflexion connexe : aujourd’hui, « Israël confirme avoir tué le successeur pressenti de Nasrallah »…
Ne vaudrait il pas corriger en indiquant que la stratégie d’Israël parait plus d’éliminer tous les enfants palestiniens qui pourraient prendre un jour la relève tant la stratégie est délétère sur la population ?

Faut-il voir en cela une réminiscence de ce qu’avait réalisé Hérode 1er ?…

Extrait de la page Wikipedia :
« Mais sa réputation de cruauté est surtout due à un passage de l’Évangile selon Matthieu (2, 16-18) qui relate un épisode connu sous le nom de massacre des Innocents. Selon cet évangile, les grands prêtres et les scribes du peuple juif auraient annoncé la naissance à Bethléem du « roi des Juifs », et Hérode, craignant un futur rival temporel, l’aurait fait rechercher pour le mettre à mort. Ne l’ayant pas trouvé (Fuite en Égypte), il aurait ordonné la mise à mort de tous les enfants mâles de la bourgade âgés de moins de deux ans, espérant qu’il serait du nombre. On peut aisément faire le parallèle entre ce récit et celui du début de l’Exode selon lequel le Pharaon d’Égypte aurait ordonné le meurtre de tous les nouveau-nés mâles des esclaves hébreux. L’historicité de ce massacre, remise en cause par Voltaire dans l’article « Innocents » de son Dictionnaire philosophique, continue de faire débat parmi les spécialistes,,,. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9rode_Ier_le_Grand?wprov=sfti1#

6 réactions et commentaires

  • vercingétorix // 23.10.2024 à 08h50

    Les Japonais ont massacré entre dix et quinze millions de chinois pendant la dernière guerre mondiale . Ils avaient une idéologie de domination fondée sur une supériorité culturel shintoïste dévoyée . Le japon a beaucoup souffert par la suite. La loi du karma est universelle et faire du mal aux autres êtres sensibles, nos frères et sœurs humains et animaux apporte les mêmes souffrances à soi même. A cause de ce qu’il font maintenant l’état d’Israël sera détruit et les juifs ,comme apparemment c’est leur destinée, seront à nouveau éparpillés dans le monde. La religion c’est bien quand on a le sens de la fraternité humaine universelle , pas quand on se croit différent ou supérieur aux autres. Les juifs sont intelligents mais ils leurs manquent d’avoir développé la compassion dans leurs pratiques, ils veulent dominer. Y a t-il un lien entre la religion juive et les pratiques des égyptiens pharaonique ? Quelqu’un de savant pourrait-il me répondre à cela ?

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  • Savonarole // 23.10.2024 à 10h01

    L’armement est un des marchés les plus rentable du monde , il permet autant à ceux qui ont le pouvoir et la fortune de les garder qu’à ceux qui ne les ont pas de les acquerrir, c’est les fameux « moyens » de la « continuation de la politique par d’autres moyens ».
    En définitive c’est toujours « l’Ultima Ratio Regnum » qui permet de se passer de la laborieuse tâche de dialoguer dans la recherche de l’interêt mutuel , autrement dit : la plus sure façon de ne pas avoir à partager le grisbi.

      +16

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  • DVA // 23.10.2024 à 13h14

    Israël exporte des instruments d’oppression à l’étranger et les teste…mwouia…il y a eu aussi La lutte anti-communiste devenue la priorité de l’École militaire des Amériques ( en 1963!) qui veille également à la protection des intérêts américains dans la région…ou encore ‘la gégène française en Algérie and co …ou encore les arcanes du plan Condor, ce réseau supranational et criminel qui coordonnait les activités des services secrets du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay, du Paraguay, de la Bolivie et du Brésil jusque dans les années 1980.. n’étaient pas mal non plus… Le réseau Stay-behind de l’OTAN en Europe et ses méfaits…bah

      +6

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  • CdeB // 23.10.2024 à 13h21

    Element de réflexion connexe : aujourd’hui, « Israël confirme avoir tué le successeur pressenti de Nasrallah »…
    Ne vaudrait il pas corriger en indiquant que la stratégie d’Israël parait plus d’éliminer tous les enfants palestiniens qui pourraient prendre un jour la relève tant la stratégie est délétère sur la population ?

    Faut-il voir en cela une réminiscence de ce qu’avait réalisé Hérode 1er ?…

    Extrait de la page Wikipedia :
    « Mais sa réputation de cruauté est surtout due à un passage de l’Évangile selon Matthieu (2, 16-18) qui relate un épisode connu sous le nom de massacre des Innocents. Selon cet évangile, les grands prêtres et les scribes du peuple juif auraient annoncé la naissance à Bethléem du « roi des Juifs », et Hérode, craignant un futur rival temporel, l’aurait fait rechercher pour le mettre à mort. Ne l’ayant pas trouvé (Fuite en Égypte), il aurait ordonné la mise à mort de tous les enfants mâles de la bourgade âgés de moins de deux ans, espérant qu’il serait du nombre. On peut aisément faire le parallèle entre ce récit et celui du début de l’Exode selon lequel le Pharaon d’Égypte aurait ordonné le meurtre de tous les nouveau-nés mâles des esclaves hébreux. L’historicité de ce massacre, remise en cause par Voltaire dans l’article « Innocents » de son Dictionnaire philosophique, continue de faire débat parmi les spécialistes,,,. »

    https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9rode_Ier_le_Grand?wprov=sfti1#

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  • Bouddha Vert // 25.10.2024 à 00h52

    Si 10% de la mécanique décrite dans l’article s’avérait authentique alors l’histoire jugera sévèrement les états, les entreprises et les personnes qui se seront souillés à profiter, organiser, des expériences sur de vraies populations, dignes des pires film d’horreur.
    Victime, on ne comprend pas la violence que l’on subit, bourreau et l’on accorde plus d’humanité à l’autre, les Hommes, « gentils » ou pas sont comme ça!
    Reste les victimes pour qui l’anathème est consommé et un voisinage qui pourrait se retourner contre le dealer d’engins de contrôles et de mort.
    Reste également nous, les témoins d’une abomination qui enfle, cependant noyée dans un flux de relativisme bon teint, comme en 1990 avec la guerre du golfe, même pestilence.

      +3

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