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Budget fédéral de Trump : l’austérité partout… sauf pour le Pentagone

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Le budget fédéral de Donald Trump pour 2026 permettrait d’allouer plus d’argent au Pentagone et au ministère de la Sécurité intérieure, tout en proposant des coupes sombres dans presque tous les autres domaines.

Source : Jacobin, Stephen Semler
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le président Donald Trump prend la parole lors de la cérémonie de prestation de serment du nouvel ambassadeur des États-Unis en Chine, David Perdue, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le 7 mai 2025, à Washington. (Anna Moneymaker / Getty Images)

Au début du mois, le président Donald Trump a publié son budget fédéral pour 2026. Les chiffres suivants donnent une idée générale de ce que l’administration propose :

  • Total des fonds discrétionnaires demandés : 1 690 milliards de dollars
  • Dépenses militaires : 1 010 milliards de dollars
  • Part des dépenses militaires dans le total : 60 %
  • Part des dépenses militaires dans le total de l’exercice 2025 (à titre de comparaison) : 49%
  • Dépenses non militaires : 679 milliards de dollars
  • Part des dépenses non militaires dans le total : 40 %
  • Part des dépenses « non militaires » pour les ministères de la Sécurité intérieure, de la Justice et des Affaires des anciens combattants : 40 %
  • Financement des ministères dont l’objectif principal n’est pas militaire, ni adjacent, ni de maintien de l’ordre : 412 milliards de dollars
  • Part du financement total demandé pour ces départements : 24%

Figure 1

Plus de 75 % du budget de Trump est consacré à l’armée et à la police. Ce graphique en forme de beignet orange montre la répartition de la demande de budget de 1 690 milliards de dollars. Militaire (Pentagone/ministère de l’Energie nucléaire), 1 010 milliard de dollars ; militaire adjacent (VA), 134,6 milliards de dollars ; police (DHS, DOJ), 132,38 milliards de dollars. Autres : 412,22 milliards de dollars. Données : Office of Management and Budget, demande de financement discrétionnaire pour l’année fiscale 2026. Le montant du Pentagone se réfère à la fonction budgétaire 050.

Voyons cela plus en détail.

Un regard plus attentif

La figure 2 ci-dessous compare la demande de financement de Trump pour 2026 aux niveaux adoptés en 2025 pour les 15 ministères du cabinet exécutif, triés en fonction de la différence entre ces montants. À une extrémité, vous trouverez la plus forte augmentation proposée (+113 milliards de dollars pour le Pentagone) ; à l’autre, la plus forte réduction proposée (-49 milliards de dollars pour le département d’État et les programmes internationaux).

Cependant, les ventilations au niveau des ministères sous-estiment le montant des dépenses militaires et des dépenses non militaires. Par exemple, la figure 2 indique 962 milliards de dollars pour le Pentagone, mais ce chiffre exclut les dépenses militaires des autres ministères. En tenant compte de ces montants, on obtient le budget militaire de 1 010 milliards de dollars figurant à la page 43 de la proposition de la Maison Blanche et dans la figure 1 ci-dessus.

Par exemple, le Département de l’Energie (DOE) bénéficie d’une augmentation d’un milliard de dollars dans le cadre du budget de Trump. Pas mal, non ? Mais 30 milliards de dollars de son budget de 51 milliards de dollars sont réservés aux armes nucléaires et à d’autres programmes militaires au sein de l’Administration nationale de la Sécurité nucléaire. Sans ce financement, le budget de l’Energie diminue en fait de 5 milliards de dollars, passant de 26 milliards de dollars en 2025 à 21 milliards de dollars en 2026.

Cela correspond à l’intention de l’administration. Le résumé officiel de la Maison Blanche met en avant les « augmentations sans précédent pour la défense et la sécurité des frontières », ainsi qu’une réduction drastique des dépenses non militaires, qui sont « réduites de 163 milliards de dollars, soit 22,6 % ». L’administration Trump est catégorique sur le maintien de ces réductions, promettant qu’elles « ne seront pas utilisées par les Démocrates pour des augmentations inutiles des dépenses non militaires. » Les programmes qui ne financent pas les activités militaires, qui ne couvrent pas les coûts des guerres passées ou qui n’étendent pas les services de police fédéraux, sont susceptibles d’être supprimés.

Figure 2

Le budget de Trump transfère des fonds de la santé et du développement vers l’armée et les déportations. Ce tableau dresse la liste des départements ministériels, des financements adoptés en 2025, des financements demandés en 2026 et met en évidence la différence de financement entre 2025 et 2026. En milliards de dollars : Pentagone +113, DHS +42, VA +5, Transports +2, Energie +1, Commerce -2, Trésor -3, Justice -3, Travail -5, Agriculture -5, Intérieur -5, HHS (Santé et services sociaux) -33, HUD -34, Etat/Programmes internationaux -49. Données : Office of Management and Budget, 2026 base demande de budget discrétionnaire.

Ce qui sera supprimé

Le résumé du budget de Trump indique que « les économies sont réalisées en réduisant ou en éliminant les programmes qui sont considérés comme wokes ou des armes contre les travailleurs américains ordinaires, comme du gaspillage ou comme des programmes qu’il vaut mieux laisser aux États et aux localités. » En conséquence, la Maison Blanche a publié une fiche d’information intitulée « Coupes dans les programmes woke ». Le mot « woke » apparaît 12 fois dans la demande de budget elle-même ; « DEI » (pour Diversité, Equité et Inclusion) est mentionné 31 fois.

L’intention est sans doute de présenter les réductions des dépenses publiques comme faisant partie de la guerre culturelle. En l’absence d’un tel cadrage, les réductions pourraient être perçues par les électeurs comme relevant davantage de la lutte des classes.

Par exemple, dans le cadre de la réduction de 33 milliards de dollars proposée pour le ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), l’administration demande une réduction de 18 milliards de dollars pour les Instituts nationaux de la Santé (NIH) et énumère des réductions de programmes spécifiques ciblant des « recherches sur le changement climatique, l’idéologie radicale du genre et le racialisme qui divise » – un étalage de mots à la mode qui déclenchent l’enthousiasme de nombreux électeurs du GOP [parti républicain]. Mais les réductions détaillées représentent moins de 6 % de la réduction de 18 milliards de dollars. Aucun détail n’est fourni sur l’origine des 17 milliards de dollars restants, ni sur la manière dont ils affecteraient les infrastructures de santé publique ou la recherche médicale menée dans l’intérêt du public.

L’objectif est sans doute de présenter les réductions des dépenses publiques comme faisant partie de la guerre culturelle. En l’absence d’un tel cadrage, les réductions pourraient être perçues par les électeurs comme relevant davantage de la lutte des classes.

Les ministères du Logement et du Développement urbain (HUD), avec -34 milliards de dollars, et de l’État, avec -49 milliards de dollars, rejoignent le HHS dans le sous-sol du budget. Dans le cadre de la réduction du budget du HUD, 27 milliards de dollars seraient retranchés de l’aide à la location et au logement pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Selon la proposition, les programmes d’aide militaire du département d’État – qui fournissent 3,3 milliards de dollars par an à Israël et plusieurs autres milliards à d’autres pays – seront épargnés. L’aide non militaire ne le sera pas. Il s’agit de l’aide au développement, de l’aide humanitaire et des contributions à des organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les coupes proposées dans les domaines de la santé et du développement contribueront à financer une plus grande militarisation de la police à l’intérieur du pays et une escalade militaire à l’étranger.

Ce qui est financé

L’objectif déclaré de l’augmentation du budget du ministère de la Sécurité intérieure (DHS) est de « procéder à des détentions massives et à des expulsions » d’immigrés considérés comme des criminels par les services de l’Immigration et des Douanes (ICE). Les fonds supplémentaires alloués au Pentagone sont censés « revitaliser notre armée », mais si l’on considère ce que cet argent permet réellement d’acheter – comme un bouclier antimissile fantaisiste, des armes nucléaires redondantes et dangereuses, et des subventions sans conditions pour l’industrie de l’armement – il s’agit en fait d’une somme forfaitaire à 12 chiffres qui est jetée dans les toilettes légendaires (qui, j’imagine, ont un couvercle de siège à 10 000 dollars, comme ceux que le Pentagone achète).

Le bouclier antimissile imaginaire auquel je fais référence est le « Dôme d’Or pour l’Amérique » proposé par Trump, qui est essentiellement une reprise de l’Initiative de défense stratégique, le gâchis de la « Guerre des étoiles » de Ronald Reagan. Arrondi au nombre entier le plus proche, je dirais qu’il y a 100 % de chances que le Dôme d’Or finisse lui aussi de la même manière. C’est le meilleur scénario possible : dans le cas très improbable où le système de défense antimissile fonctionnerait et serait capable d’abattre n’importe quel missile lancé de l’étranger, les rivaux des États-Unis déverseraient immédiatement des milliards incalculables dans le développement de nouvelles armes nucléaires capables de le vaincre. Le Dôme d’Or se traduira soit par une aide aux entreprises militaires, soit par une aide aux entreprises et une course aux armements nucléaires.

Les médias rapportent que le Dôme d’Or coûte 25 milliards de dollars, ce qui est déjà un scandale. Mais ce chiffre me dérange pour une autre raison : il ne s’agit pas du coût final. Cela est confirmé dans la demande de budget de Trump, qui la décrit comme « un acompte sur le développement et le déploiement d’un Dôme d’Or pour l’Amérique. » Ces 25 milliards de dollars ne sont que le premier d’une longue série de paiements publics au Pentagone, dont une grande partie devrait aller à SpaceX d’Elon Musk, le favori pour construire le bouclier antimissile imaginaire de Trump.

La proposition reflète ce que l’administration Trump et les dirigeants républicains considèrent comme des dépenses publiques légitimes. Leur vision apparente du budget discrétionnaire – le budget que le Congrès approuve chaque année pour financer les agences fédérales – est qu’il fonctionne plus ou moins comme le budget de l’armée du pays et des forces de police fédérales de plus en plus militarisées. Cette transformation éloigne encore davantage le gouvernement fédéral des intérêts des citoyens ordinaires et en fait un instrument permettant de canaliser les fonds publics vers les oligarques.

*

Stephen Semler est cofondateur du Security Policy Reform Institute, un groupe de réflexion américain sur la politique étrangère financé par la base, et chercheur principal au Center for International Policy.

Source : Jacobin, Stephen Semler, 12-05-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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4 réactions et commentaires

  • Savonarole // 05.06.2025 à 17h32

    Il manque deux trucs importants : combien ils prévoient de recettes en face de ces dépenses (c’est moins) et le service et les traites de la dette fédérale US (c’est beaucoup).
    En gros : ils continuent à s’endetter malgrès que ça leur coûte un bras. Vu la tronche de leurs dernières adjudications , ça va saigner. J’en connais qui ont joué ce jeu à la con de dépression monétaire (les allemands) et ça s’est pas bien finit du tout.

    • Rob Ducan Spencer // 05.06.2025 à 19h12

      https://atlasocio.com/classements/economie/budget/classement-etats-par-budget-defense-en-pourcentage-du-pib-monde.php

      Vous devriez vérifier certains chiffres pour découvrir qu’en pourcentage du pib..les USA sont en 21 ième position pour les dépenses militaires.

      Quand on a une économie qui est la plus exportatrice au mode de produits agricoles, d’énergies, de produits de haute technologie, du logiciel, des produits pharmaceutiques, la plus grande réserve d’or au monde (et la plus grande mine d’or au monde), premier vendeur d’armes on peut se permettre ce genre de fantaisies très longtemps.

      Pour la dette américaine..elle se vend sans problème a des taux très inférieurs de ceux de la France et si la position du dollar a reculé c’est au profit de l’euro et pas autre chose. Le yuan se situe en volume derrière le $ canadien, le franc suisse, le $ australien.

      Quelles sont ces adjudications ? Et quand ?

      J’ai remarqué que les gens qui alertent sur la dette américaine sont aussi ceux qui vendent de l’or..comme par hasard.

      Certes les américains importent plus que ce qui est exporté et un ralentissement brutal du marché de la consommation aux USA entrainerait immédiatement la faillite des états et économies pour lesquels le marché américain est le principal débouché.

      • Savonarole // 06.06.2025 à 14h43

        J’ai parlé ni de dépenses militaires , ni de balance des payements. (C’est d’ailleur marrant que gros con demande à l’EU 5% du PIB en dépense tout en faisant moins lui même.)
        La FED a du mettre au pot pour les 3 dernières adjudications, même à 0% c’était rarissime. À plus de 4%10Y c’est problématique.
        Elle a une belle trogne la dette US depuis « le jours de la libération » : l’endroit où elle se vend le plus c’est « le marché secondaire »… (sell-off)

        Et juste pour info : >35% des revenus des exports US c’est du service ! L’agriculture 10 % les fossiles 10% (https://atlas.hks.harvard.edu/explore/treemap?exporter=country-840) , les armes c’est encore moins.
        Dans le détail ; le produit agricole que vendent le plus les US c’est le tourteau de soja : Bon apétit !

  • Antonio // 06.06.2025 à 05h57

    Rien de bien neuf. Cas patent d’une ploutocratie dans laquelle une pyramide spéculative tiens lieu de pseudo-économie et dont le budget est centré sur un but militaire impérial , et un manque complet de sens civique càd. de vision sociale.
    La contamination oligarchique des élites européennes induit la même chose en UE. Le macronisme par exemple un cas clairissime de vendus à ce type de « vision ». Un Starmer, un Merz.

    La blague étant que des paysans vietnamiens ,afghans ou houthis en sandales tiennent en échec tous ces milliards. Les sommes mirobolantes dépensées entre la Libye et l’Afghanistan, n’ont servi à pas grand-chose, aucune prise de contrôle structurel, ne serait même qu’au biais de compradores.

    en écho aux dépenses mirobolantes de la ploutocratie américaine il y a les plans encore plus mirobolants de la GB et Allemagne plus un mécanisme UE sous la Commission aussi folle qu’opaque, pour monter une armée communautaire contre la Russie.

    ce que les américains ne voient pas c’est l’argent qui n’est pas lié au dollar/euro, car pas dans le circuit bancaire euro-méricain, mais qui travaille de manière effective.

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