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31.décembre.202531.12.2025 // Les Crises

Cheney et Obama ont rendu possibles les exécutions extrajudiciaires de Trump

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Les meurtres extrajudiciaires perpétrés par l’administration Trump dans les Caraïbes s’inscrivent dans le prolongement d’une dangereuse prise de pouvoir initiée par Dick Cheney et amplifiée sous Barack Obama.

Source : Jacobin, David Sirota
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Donald Trump et Pete Hegseth se livrent à une série d’assassinats extrajudiciaires, enhardis par les pouvoirs qui leur ont été conférés par Dick Cheney et Barack Obama. (Alex Wong / Getty Images)

Il y a plus de dix ans, j’ai posé une question qui semblait tout droit sortie d’un épisode de Black Mirror : qui ne peut pas être inscrit sur la liste des assassinats extrajudiciaires d’un président ?

Seulement, cette question ne venait pas d’une série de science-fiction distopique. Elle faisait suite à une actualité bien réelle : au nom de la lutte contre le terrorisme, le président Barack Obama s’était arrogé le pouvoir d’ordonner des exécutions sans juge, sans jury et sans procès.

À l’époque, certains d’entre nous craignaient que ce pouvoir ne soit détourné à la fois par l’administration Obama (qui a exécuté extrajudiciairement trois citoyens américains) et par les futurs présidents. Ces craintes se sont intensifiées après qu’un tribunal fédéral a approuvé la liste d’élimination d’Obama et que le porte-parole de ce dernier a minimisé le meurtre par drone d’un adolescent américain en déclarant qu’il « aurait dû avoir un père beaucoup plus responsable ».

Aujourd’hui, les craintes exprimées il y a plus de dix ans paraissent justifiées, alors que le président Donald Trump et le secrétaire à la Défense Pete Hegseth ordonnent des assassinats extrajudiciaires en haute mer au nom de la lutte contre le trafic de drogue (tout en graciant un trafiquant de drogue condamné par un tribunal).

Tout comme Obama, Trump s’appuierait sur des notes confidentielles provenant du même bureau secret du ministère de la Justice pour justifier légalement ces assassinats. Nous ne le savons que parce qu’une longue bataille judiciaire a contraint à la divulgation d’une version expurgée d’une des notes de service de l’ère Obama. Comme l’a déclaré Jameel Jaffer, du Knight First Amendment Institute de l’université Columbia : « Notre gouvernement commet une fois de plus de graves violations des droits humains en s’appuyant sur une opinion juridique qui est gardée secrète. »

Il est difficile de savoir quelles règles, directives ou arbres de décision — s’il y en a — sont utilisés par Trump, mais nous savons que les collaborateurs d’Obama « ont élaboré des règles explicites pour l’assassinat ciblé de terroristes par des drones sans pilote, afin qu’un nouveau président hérite de normes et de procédures claires » pour ordonner des meurtres extrajudiciaires, selon le New York Times en 2012.

Si l’on veut bien croire, cela pourrait signifier qu’Obama a essayé de mettre en place au moins quelques garde-fous pour ordonner des exécutions. Si l’on veut moins bien croire, cela pourrait signifier qu’Obama n’a pas seulement ordonné des exécutions extrajudiciaires, mais qu’il a également créé une architecture juridique secrète codifiant une prise de pouvoir exécutif et consacrant le droit de Trump et des présidents suivants d’assassiner qui bon leur semble.

Certains se sont demandé si Trump ou Hegseth pourraient finalement être poursuivis pour avoir prétendument ordonné de « tuer tout le monde » lors d’une des attaques contre des bateaux. Mais, bien sûr, l’année dernière, la Cour suprême des États-Unis a statué que Trump avait « droit à au moins une immunité présumée contre les poursuites pour ses actes officiels » en tant que président.

L’axiome ici devrait être évident : lorsqu’un parti politique légitime les abus de l’autre parti, cela peut finir par modifier radicalement la fenêtre d’Overton et normaliser ces abus pour tous les futurs présidents.

Dans ce cas précis, Obama et les démocrates de base qui ont critiqué à juste titre l’administration Bush-Cheney pour sa prise de pouvoir exécutif après le 11 septembre ont fini par étendre cette prise de pouvoir sans rencontrer beaucoup de résistance de la part des libéraux. Pourquoi ? Parce qu’à l’ère du sectarisme tribal, la politique libérale a davantage mis l’accent sur la loyauté envers le parti et la culture des fans que sur la politique elle-même.

Résultat : Trump se livre aujourd’hui à une série d’exécutions extrajudiciaires, encouragé par les pouvoirs qui lui ont été conférés par l’ancien vice-président Dick Cheney et Barack Obama.

Au milieu des titres horribles sur les assassinats par drone dans les Caraïbes, j’aimerais croire que cette séquence est une leçon à retenir et que les démocrates et leurs partisans libéraux ne referont pas la même erreur lorsque le prochain président démocrate prêtera serment. J’aimerais voir un futur président démocrate utiliser réellement son pouvoir pour faire adopter de bonnes lois, mais j’aimerais croire que si ce président tentait d’aller encore plus loin dans les pires abus de pouvoir exécutif de Trump, les démocrates et les libéraux rompraient avec le précédent de l’ère Obama et tenteraient d’arrêter ou de limiter ces excès.

Mais Cheney et Obama sont désormais considérés comme des héros par les libéraux, alors même que Trump utilise à son avantage le pouvoir qu’ils lui ont donné. Peut-être que Trump a changé la donne, peut-être que des leçons seront tirées. Mais je ne retiens pas mon souffle, car je sais que l’esprit partisan reste une drogue puissante.

Cet article a été publié pour la première fois par The Lever, une rédaction d’investigation indépendante primée.

*

David Sirota est rédacteur en chef adjoint chez Jacobin. Il est rédacteur en chef du Lever et a précédemment occupé les fonctions de conseiller principal et de rédacteur de discours pour la campagne présidentielle de Bernie Sanders en 2020.

Source : Jacobin, David Sirota, 02-12-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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