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23.juillet.202523.7.2025 // Les Crises

États-Unis : le nombre d’enfants sans domicile atteint un niveau critique. Et la situation va s’aggraver…

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Près de 447 000 enfants américains de moins de trois ans étaient sans domicile fixe au dernier recensement. Le projet de loi de finances de Trump risque de faire grimper ce chiffre en flèche.

Source: Truthout, Eleanor J. Bader
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Ayo Walker / Truthout

Le nombre de jeunes enfants sans domicile a atteint un niveau critique. La situation va s’aggraver. Selon un nouveau rapport, le nombre de sans-abri parmi les nouveau-nés, les nourrissons et les enfants en bas âge est monté en flèche entre 2022 et 2023, touchant 446 996 d’entre eux.

SchoolHouse Connection, en partenariat avec Poverty Solutions de l’Université du Michigan, a constaté une augmentation de 23 % du nombre d’enfants de moins de 3 ans sans logement depuis 2021. Leurs situations sont diverses. Le rapport, intitulé « Infant and Toddler Homelessness Across 50 States : 2022-2023 » (Situation des nourrissons et des tout-petits sans-abri dans 50 États : 2022-2023), a révélé que certaines familles séjournaient dans des abris temporaires ou des logements de transition à court terme, tandis que d’autres vivaient chez des amis ou des membres de leur famille, campaient ou dormaient dans des voitures, des bâtiments abandonnés ou des gares routières ou ferroviaires.

Mais aussi terribles que soient ces chiffres, les personnes sans domicile et leurs défenseurs craignent que la situation des familles non logées et de celles qui se trouvent au bord de la précarité économique ne s’aggrave considérablement si le projet de budget violent et brutal de Donald Trump est approuvé par le Sénat.

Erin Patterson, directrice principale des initiatives stratégiques et des partenariats à SchoolHouse Connection, est l’une des autrices du rapport. Elle a déclaré à Truthout que plusieurs facteurs ont contribué à ce pic du nombre d’enfants sans domicile en 2022-23. « La raison de cette augmentation n’est pas un mystère étant donné le manque de logements abordables dans le pays tout entier. » Elle a ajouté : « Ajoutez à cela la fin du moratoire sur les expulsions instauré dans le cadre de la COVID et l’impact durable du virus, et vous obtenez une parfaite tempête de facteurs ayant un impact sur les familles à faibles revenus ayant de jeunes enfants. »

Cette parfaite tornade peut avoir des conséquences désastreuses

« Entre la naissance et l’âge de 3 ans, le cerveau d’un enfant se développe plus rapidement qu’à n’importe quel autre moment de sa vie », indique le rapport. « Il est tragique de constater qu’un nombre croissant de nourrissons et de jeunes enfants traversent ces années cruciales sans bénéficier d’un foyer sûr et stable, ce qui compromet leur développement et leur avenir. »

De plus, lorsque grossesse et absence de domicile se conjuguent, les soins prénataux peuvent devenir tout simplement inaccessibles. Selon la National League of Cities, le manque de moyens de transport pour se rendre chez les prestataires de soins de santé, associé à une discrimination avouée ou larvée à l’encontre des personnes sans domicile, peut signifier que des complications de grossesse qui auraient pu être traitées passent inaperçues. Sans surprise, cela augmente les risques d’accouchement prématuré, de poids inférieur à la naissance et d’hospitalisations plus fréquentes dans des unités de soins intensifs néonatals. Des infections respiratoires, de l’asthme, des fièvres fréquentes, des difficultés d’apprentissage et des retards de développement sont également fréquemment diagnostiqués lorsque les bébés atteignent l’âge de l’enfance.

« Toute période sans-abri peut avoir des effets négatifs sur la santé des fœtus et des enfants », prévient l’Institut pour la politique et le leadership en matière de santé de l’université de Loma Linda.

En outre, le fait de ne pas être logé peut avoir des conséquences émotionnelles

Carol L. Hornbeck est thérapeute familiale, elle vit dans le Minnesota et travaille fréquemment avec des personnes sans domicile fixe. « Les bébés ont besoin d’un schéma routinier », a-t-elle déclaré à Truthout. « C’est quelque chose de difficile à garantir lorsqu’une famille n’a pas de domicile permanent. L’absence de routine, de structure, est source d’anxiété. Les bébés sont sensibles à l’anxiété des adultes qui prennent soin d’eux. »

Cette anxiété, explique-t-elle, peut se manifester lorsque l’enfant entre à l’école ou à la maternelle. « Il est difficile à des enfants sans domicile d’être attentifs, de se concentrer et de recevoir de nouvelles informations alors même qu’ils sont anxieux. » De plus, elle affirme que les enfants sans domicile sont souvent diagnostiqués comme souffrant d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. En général, « Ce n’est pas ce dont ils souffrent, dit-elle, ce dont ils souffrent c’est de l’hypervigilance, une hypervigilance due à la peur et à l’inquiétude. »

Cette attitude peut également s’exprimer en dehors de l’école. « Les enfants qui ont souffert d’être sans domicile arrivent dans un nouvel endroit et regardent immédiatement autour d’eux pour voir s’il y a de la nourriture disponible, dit-elle. La première chose que je remarque lorsque je rencontre ces enfants pour la première fois, c’est qu’ils vérifient rapidement leur environnement pour voir s’ils sont en sécurité et s’ils trouveront quelque chose à manger s’ils ont faim. »

Diane Nilan, présidente et fondatrice de HEAR US, Inc : Giving Voice and Visibility to Homeless Children and Youth, partage l’avis de Hornbeck et ajoute que l’impact à long terme de l’absence de logement pendant l’enfance peut perdurer jusqu’à l’âge adulte. « Les personnes que j’ai rencontrées dans un refuge où j’ai travaillé il y a 30 ou 40 ans présentent aujourd’hui les séquelles du traumatisme qu’elles ont subi il y a plusieurs dizaines d’années lorsqu’elles étaient enfants », a-t-elle déclaré à Truthout. « Le traumatisme dû à l’instabilité, le fait de ne pas avoir d’endroit où habiter et d’avoir été élevé par des parents qui s’inquiétaient constamment de savoir où ils dormiraient et ce qu’ils mangeraient peuvent engendrer des peurs qui ne disparaîtront jamais. Cela peut entraîner des problèmes de santé physique et mentale plus tard dans la vie. »

Alice Jeffrey, mère autrefois sans logement et qui vit aujourd’hui à Oklahoma City, dans l’Oklahoma, espère éviter cette évolution.

Bien que la fille de Jeffrey, Harmony, lui ait été retirée par les services de protection de l’enfance alors qu’elle n’avait que quelques jours, en mai 2022, mère et fille sont désormais réunies et se portent bien. En fait, Jeffrey est devenue une sorte de modèle pour les autres femmes sans domicile et les toxicomanes en voie de guérison. Aujourd’hui âgée de 38 ans, Jeffrey a été nommée au conseil de partenariat parental de la Commission de l’Oklahoma pour l’enfance et la jeunesse au début de cette année et est inscrite à l’université d’État de l’Oklahoma où elle étudie en vue d’obtenir un diplôme de conseillère en toxicomanie. Cependant, en dépit de ces réussites, elle a du mal à surmonter le fait d’avoir été sans-abri, et qualifie de « déshumanisante » cette situation qu’elle a connue alors qu’elle était enceinte et en voie de guérison après avoir consommé de la méthamphétamine.

« Ne pas avoir de salle de bains quand on est enceinte est quelque chose de terrible, a-t-elle déclaré à Truthout. On voudrait prendre un bain. On voudrait un degré d’intimité pour faire face à ce qui arrive à son corps, et cela n’existe pas ».

Jeffrey explique qu’elle est devenue clean pendant sa grossesse, mais que le fait de vivre dans une camionnette avec quelqu’un qui se droguait encore a conduit au placement d’Harmony. « Je pensais que puisque j’étais clean et que le bébé était né clean, tout irait bien, mais apparemment, ce n’était pas suffisant, alotrs Harmony a été placée. À l’époque, j’étais brisée, blessée, mais j’ai eu de la chance. Harmony a été confiée à une famille extraordinaire. Ils m’envoyaient des photos d’elle chaque jour. Au début, j’ai dû me soumettre à des visites surveillées, mais petit à petit je me suis ressaisie, je suis restée clean, et cinq mois après sa naissance, Harmony m’a été rendue. »

Le fait que cette histoire se termine bien est réconfortant ; néanmoins, Jeffrey dit que le fait qu’on lui ait retiré Harmony la chagrine toujours. Cela dit, elle a déclaré à Truthout qu’elle était reconnaissante d’avoir une relation continue et affectueuse avec la famille d’accueil d’Harmony, ses frères et sœurs adoptifs et leurs parents. « Chaque semaine, nous allons à l’église avec eux et nous partageons leur repas dominical, dit-elle. À chaque minute, chaque jour, je remercie le Seigneur pour ces personnes, parce que jusqu’à présent, Harmony semble aller bien. Je pense que c’est parce que la famille d’accueil et moi avons maintenu un lien, mais il y a toujours le risque énorme d’un traumatisme qui pourrait se manifester plus tard. »

Mais Jeffrey ne laisse pas ses peurs l’arrêter et se dit satisfaite de parler de ce qu’elle a vécu. « Raconter mon histoire donne un sens à ma vie, dit-elle. Si je peux être courageuse, si je peux être vulnérable et donner un visage au fait d’être sans abri et toxicomane, je veux le faire. » Jeffrey souhaite également promouvoir un « modèle de coparentalité » comme celui qu’elle a développé avec la famille d’accueil d’Harmony. Dans le même temps, elle suit de près l’actualité et craint que les coupes budgétaires imminentes n’affaiblissent le filet de sécurité sociale déjà en lambeaux qui lui a permis de retourner à l’université et de bénéficier de prestations sociales.

Les enjeux ont rarement été aussi importants

« Attaques contre les enfants : comment les assauts du Congrès contre les programmes de santé et d’alimentation mettent en danger les Américains les plus jeunes », ce rapport compilé par First Focus on Children, l’AFL-CIO et UnidosUS détaille l’ampleur des réductions proposées pour les 33,8 millions d’enfants de moins de 18 ans qui dépendent de Medicaid, du SNAP, ou des deux, en matière d’alimentation et de soins médicaux. Le budget de Trump s’apprête à exclure des millions de personnes de ces deux programmes, à décimer les efforts en matière d’énergie propre, à couper drastiquement dans les dépenses fédérales en matière de logement et d’aide à la garde d’enfants, à annuler le financement des travaux relatifs à la résilience climatique, à supprimer le financement de Planned Parenthood et d’autres centres de santé, et à éviscérer les programmes publics d’éducation de la maternelle à l’université – tout en augmentant simultanément les budgets du Pentagone, de l’Immigration and Customs Enforcement, et des Customs and Border Patrol, et en renforçant la surveillance intérieure et les poursuites judiciaires contre les dissidents. Les « économies » ainsi réalisées permettront d’accorder une réduction d’impôt de 3 800 milliards de dollars sur dix ans aux personnes gagnant 800 000 dollars ou plus par an.

Qui plus est, environ 11 millions de personnes – soit un quart des personnes qui dépendent de SNAP pour se nourrir, dont 4 millions d’enfants et 500 000 adultes âgés de 65 ans ou plus ou vivant avec un handicap – perdront une partie ou la totalité de leur aide alimentaire.

Patricia Cole, responsable politique à Zero to Three, un groupe de pression dont le siège est à Washington, qui travaille sur les besoins des nourrissons, des enfants en bas âge et de leurs familles, a déclaré à Truthout que la menace que faisait peser le budget mettait les organisations de pression en « mode défensif puisque les menaces viennent de toutes les directions ».

De concert avec d’autres défenseurs, Zero to Three « sensibilise » les personnes touchées et les encourage à parler à leurs élus de l’importance de Medicaid, du SNAP, du Low-Income Energy Assistance Program, de Head Start et d’autres programmes de protection sociale pour leur existence. « Il semble que les membres du Congrès et cette administration souffrent d’un manque évident de compréhension de ce qu’est la vie de la grande majorité des familles, a déclaré Cole. Une idée semble se répandre selon laquelle le gouvernement n’a aucune responsabilité dans l’aide aux familles. Bien au contraire, le Congrès semble déterminé à réduire les dépenses, à faire progresser le secteur de la défense et à réduire l’immigration. Mais même s’ils suppriment tous les programmes de protection sociale, ils n’effaceront pas la dette nationale. En revanche, les familles avec des enfants en bas âge qui vivent à 200 % ou moins du seuil de pauvreté fédéral se retrouveront dans une situation désespérée. »

Les syndicats et les défenseurs de la lutte contre la pauvreté, de la protection de l’enfance, de l’éducation et de la justice, ainsi que les personnes touchées comme Alice Jeffrey, travaillent d’arrache-pied pour s’opposer au budget approuvé par la Chambre des représentants, alors que le processus de réconciliation prend forme. [La réconciliation budgétaire est une procédure parlementaire spéciale du Congrès des États-Unis mise en place pour accélérer l’adoption de certaines lois budgétaires fédérales au Sénat. Cette procédure passe outre les règles d’obstruction du Sénat, qui pourraient autrement exiger une supermajorité de 60 voix pour l’adoption d’un projet de loi, NdT] Certains exhortent également les États à prendre le relais en cas de réduction des dépenses fédérales.

Les besoins sont manifestes

« Les familles sans logement qui passent d’un hôtel de merde à une voiture ou à un canapé sont une terrible réalité », a déclaré Diane Nilan à Truthout. En tant que collectivité, nous avons tendance à ignorer les enfants qui souffrent, et toute l’attention portée aux mal-logés tend à se focaliser exclusivement sur les adultes. Nous semblons oublier que les enfants grandissent. Si le budget de Trump est adopté, il détruira le maigre filet de sécurité qui existe actuellement. Nous sommes face à un acte de cruauté manifeste. »

*

Eleanor J. Bader est rédactrice indépendante, elle vit à Brooklyn, New York, et travaille principalement sur les questions sociales à l’échelle nationale et les mouvements de résistance. Outre pour Truthout, elle écrit pour The Progressive, Ms. Magazine, Lilith, The Indypendent, New Pages et d’autres blogs et publications progressistes.

Source: Truthout, Eleanor J. Bader, 17-06-2025

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Nadji // 23.07.2025 à 08h42

Rappelons nous, rappelez vous, nous, vous lecteurs des crises qui pourriez avoir des connaissances des écrits des fondateurs de la science économique moderne, particulièrement des premiers d’ entre eux, Adam Smith.
Ni A. Smith ni ses contemporains et ses suivants, à part quelques-uns, n’ avaient négligé d’avertir contre les excès de concentrations privées des riches issues des labeurs du plus grand nombre.
Après eux, dès les années trente et suivantes, culminant en une domination conceptuelle et politique envahissante, les créateurs et adeptes
d’une théorie fausse par nature car trompeuse et orientée en son essence, la fameuse « trickel-down theory » continue ses ravages humains.
Ainsi le pays de Warren Buffet et consorts, dont Donald Trump, s’accommode de la massification de l’ extrême pauvreté parmi la population du plus riche des pays du monde, comme ailleurs où le néolibéralisme écrase de la cupidité de ses pratiquants et partisans, la société humaine.
Dormez bien, Mr Trump, dans votre golf hyper-luxieux d’ Écosse. Après tout, vous êtes un de ces multimilliardaire au pouvoir dont la nuit ne leur portera jamais conseil.

Nadji Khaoua, Pr.

2 réactions et commentaires

  • Nadji // 23.07.2025 à 08h42

    Rappelons nous, rappelez vous, nous, vous lecteurs des crises qui pourriez avoir des connaissances des écrits des fondateurs de la science économique moderne, particulièrement des premiers d’ entre eux, Adam Smith.
    Ni A. Smith ni ses contemporains et ses suivants, à part quelques-uns, n’ avaient négligé d’avertir contre les excès de concentrations privées des riches issues des labeurs du plus grand nombre.
    Après eux, dès les années trente et suivantes, culminant en une domination conceptuelle et politique envahissante, les créateurs et adeptes
    d’une théorie fausse par nature car trompeuse et orientée en son essence, la fameuse « trickel-down theory » continue ses ravages humains.
    Ainsi le pays de Warren Buffet et consorts, dont Donald Trump, s’accommode de la massification de l’ extrême pauvreté parmi la population du plus riche des pays du monde, comme ailleurs où le néolibéralisme écrase de la cupidité de ses pratiquants et partisans, la société humaine.
    Dormez bien, Mr Trump, dans votre golf hyper-luxieux d’ Écosse. Après tout, vous êtes un de ces multimilliardaire au pouvoir dont la nuit ne leur portera jamais conseil.

    Nadji Khaoua, Pr.

  • petitjean // 23.07.2025 à 14h17

    Et si vous nous parliez des PARENTS ? Qui sont-ils ? Quels communautés sont les plus touchées ?

    Mais où passent ces milliers de milliards de dollars qui font défauts ? Dans le complexe militaro industriel, dans les guerres d’agressions à l’étranger, dans les innombrables officines de renseignement , dans les salauds des USA, partout dans le monde, qu’il faut soudoyer pour l’hégémonie des USA ????

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