Les entreprises du secteur des énergies fossiles pourraient engranger des milliards de dollars de crédits d’impôt si les législateurs ne prennent pas de mesures, avertissent les auteurs d’un nouveau rapport.
Source : Mike Ludwig, Truthout
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Edit – 02-10-2025 : Une coquille s’était glissée dans le titre de notre article (pétroliers er gaziers). Il fallait bien lire « pétroliers et gaziers ».
Les subventions fédérales accordées à l’industrie des combustibles fossiles ont plus que doublé depuis 2017 pour atteindre environ 34,8 milliards de dollars par an, selon une nouvelle analyse de Oil Change International. Les auteurs du rapport affirment que ce montant pourrait grimper à plusieurs centaines de milliards de dollars dans les années à venir si les législateurs ne parviennent pas à limiter les subventions accordées aux technologies controversées de recapture du carbone et d’hydrogène.
Alors que l’administration Trump tente d’étouffer la recherche sur le changement climatique et d’effacer des gros titres la crise mondiale qui s’intensifie, l’industrie des combustibles fossiles profite d’un retour sur investissement massif dans la classe politique américaine, avec au moins 445 millions de dollars dépensés pour influencer les élections de 2024. Malgré les efforts mondiaux pour passer à une énergie plus propre, l’administration réduit les réglementations et s’empresse d’approuver de nouvelles infrastructures qui garantiront la poursuite de l’utilisation des combustibles fossiles pendant des décennies — et des profits colossaux pour les actionnaires, Wall Street et les PDG.
Même si certains politiciens se font l’écho des avertissements de plus en plus alarmants des scientifiques sur la crise climatique, les subventions accordées aux secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et de la pétrochimie n’ont fait qu’augmenter ces dernières années grâce à la législation adoptée sous les administrations Biden et Trump.
Le projet de loi budgétaire du Parti républicain défendu par Donald Trump et promulgué en juillet a ajouté près de 40 milliards de dollars de subventions aux énergies fossiles pour la prochaine décennie, soit environ 4 milliards de dollars par an, tout en prolongeant les généreux allégements fiscaux accordés aux entreprises et aux ultra-riches, selon le rapport.
Joe Biden a fait de la fin des subventions aux énergies fossiles un élément majeur de son programme « Build Back Better », mais les législateurs ont ajouté des incitations en faveur des énergies fossiles lors des négociations finales de la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) signée par Biden.
L’IRA a été saluée comme un investissement historique dans les énergies propres, mais les grandes compagnies pétrolières ont exercé de fortes pressions sur les législateurs, tandis que ceux favorables à l’industrie, tels que le sénateur Joe Manchin, exigeaient des concessions de la part des démocrates et de la Maison Blanche. À l’instar d’autres projets de loi récents, l’IRA prévoit des subventions pour des projets de capture du carbone et d’hydrogène fossile, deux technologies controversées visant à prolonger la durée de vie de l’industrie pétrolière et gazière.
Le fait de réorienter ces fonds publics vers d’autres secteurs que celui des énergies fossiles permettrait d’offrir une aide alimentaire à 3 millions de familles chaque année.
Pour calculer le montant total des subventions annuelles accordées à la production de combustibles fossiles, Oil Change International a examiné des milliards de dollars d’allégements fiscaux, l’accès à bas prix au forage sur les terres publiques, les lacunes réglementaires et les dépenses publiques directes consacrées au nettoyage des dégâts causés par l’industrie, notamment les marées noires dévastatrices et les milliers de mines et de puits de pétrole et de gaz abandonnés. Selon les chercheurs, le montant annuel estimé à 34,8 milliards de dollars dont bénéficie l’industrie des combustibles fossiles sous forme de subventions, de renflouements et d’allégements fiscaux est probablement sous-estimé.
Collin Rees, directeur de campagne américain chez Oil Change International et auteur du rapport, a déclaré que les contribuables dépensent 35 milliards de dollars chaque année pour soutenir un « système énergétique polluant et coûteux au lieu d’investir nos deniers publics dans des énergies renouvelables propres et abordables ».
« Le coût pour le citoyen des subventions aux énergies fossiles – à la fois les aides directes à l’industrie et les effets néfastes sur la santé publique, l’environnement local et le climat – dépasse largement les sommes dépensées pour réduire les prix de l’énergie pour les familles de travailleurs », a déclaré Rees dans un courriel.
Certaines subventions aux énergies fossiles existent depuis des décennies et, contrairement aux allégements fiscaux et aux incitations en faveur de l’énergie éolienne et solaire, elles sont généralement permanentes et n’ont pas besoin d’être renouvelées régulièrement par de nouvelles lois. Par exemple, depuis plus d’un siècle, les producteurs de pétrole et de gaz déduisent de leurs impôts ce qu’on appelle les « coûts de forage incorporels », ce qui signifie que les entreprises peuvent immédiatement déduire 100 % des coûts non liés à l’exploitation finale d’un puits de pétrole ou de gaz, selon le rapport. Cela inclut les coûts liés aux dépenses préparatoires de base de l’industrie, telles que les études et la main-d’œuvre.
Le gouvernement fédéral a accordé d’autres subventions aux technologies émergentes dont dépend l’industrie des combustibles fossiles pour rester compétitive alors que la crise climatique s’intensifie et que les énergies renouvelables deviennent de plus en plus populaires et bon marché. Depuis des années, le gouvernement fédéral investit dans des technologies de capture et de stockage du dioxyde de carbone, qui étaient autrefois présentées de manière controversée comme une solution climatique, mais qui sont aujourd’hui utilisées pour améliorer l’extraction de pétrole et de gaz à partir de puits vieillissants.
L’industrie a passé des années à faire pression pour obtenir des incitations fiscales en faveur de la capture du carbone, et les projets de loi de dépenses signés par Biden et Trump comprenaient des crédits d’impôt nouveaux ou élargis pour la capture et le stockage du carbone. Le projet de loi budgétaire du Parti républicain signé par Trump a élargi ces crédits afin d’encourager la « récupération assistée du pétrole », qui consiste à injecter du dioxyde de carbone capté dans des puits de pétrole et de gaz vieillissants afin d’en extraire les réserves restantes.
Les écologistes soutiennent depuis longtemps que la capture du carbone n’est pas une solution à la crise climatique et ne sert qu’à prolonger la vie de l’industrie des combustibles fossiles. Une enquête menée en 2020 par l’inspecteur général du Trésor pour l’administration fiscale a révélé qu’environ 90 % des crédits d’impôt fédéraux pour la capture du carbone avaient été indûment réclamés, 10 demandeurs ayant reçu 894 millions de dollars de crédits d’impôt sans vérifier s’ils avaient séquestré du dioxyde de carbone.
Le Congrès a étendu les allégements fiscaux pour la capture du carbone en 2022 et 2025. Selon le rapport, des estimations gouvernementales et indépendantes ont révélé que les coûts potentiels des crédits d’impôt pour la capture, l’utilisation et le stockage du carbone pourraient s’élever à 100 milliards de dollars jusqu’en 2031, 835 milliards de dollars jusqu’en 2042 ou 3 600 milliards de dollars jusqu’en 2050.
Rees a déclaré que les chercheurs ont découvert qu’une grande partie des subventions accordées aux énergies fossiles est détournée vers les profits excessifs des entreprises du secteur. Selon Oil Change International, le fait de réorienter ces fonds publics vers d’autres secteurs que celui des énergies fossiles permettrait d’offrir une aide alimentaire à 3 millions de familles chaque année. Le même montant pourrait aider 54 millions de foyers à installer des panneaux solaires en l’espace d’une décennie.
« Le Congrès doit s’opposer aux grandes compagnies pétrolières et gazières, supprimer les subventions aux énergies fossiles et réorienter ces milliards vers ce dont nos communautés ont réellement besoin : des soins de santé, des logements et une énergie propre, abordable et renouvelable », a déclaré Rees.
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Mike Ludwig est journaliste chez Truthout, basé à La Nouvelle-Orléans. Il est également l’auteur et l’animateur de « Climate Front Lines », un podcast consacré aux personnes, aux lieux et aux écosystèmes en première ligne de la crise climatique. Suivez-le sur Twitter : @ludwig_mike.
Source : Mike Ludwig, Truthout, 09-09-2025
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
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