Les Crises Les Crises
20.octobre.202020.10.2020 // Les Crises

Boston : Pour faire face à la faim, les voisins remplissent des réfrigérateurs communautaires

Merci 183
J'envoie

Source : Boston Globe
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Alors que l’insécurité alimentaire s’aggrave en raison de la pandémie, les « freedges » apportent leur aide.

 

Ernesto Serrano, qui a récupéré des articles dans le garde-manger, a vérifié les offres du réfrigérateur au Dorchester Community Fridge, un réfrigérateur et garde-manger extérieur, qui ont été installés à Fields Corner. PAT GREENHOUSE/GLOBE STAFF

Alors que les retombées économiques de la COVID-19 atteignent leur septième mois, selon Feeding America, une personne sur sept dans l’est du Massachusetts – et un enfant sur cinq – connaît maintenant l’insécurité alimentaire. Les banques alimentaires locales ont constaté que les besoins alimentaires des populations de la région s’étaient considérablement aggravés, l’insécurité alimentaire ayant augmenté de 53 % dans le Massachusetts par rapport à la période précédant la pandémie. Ils ont récemment observé une nouvelle hausse de la demande, les allocations de chômage majorées ayant pris fin en juillet.

En réponse, des réfrigérateurs communautaires gratuits ont fait leur apparition au 366 Center St. à Jamaica Plain et à Dorchester, et d’autres sont prévus à Allston, Roslindale, Somerville et Cambridge dans les prochaines semaines. Un réseau de dizaines de bénévoles de toute la région, dont la plupart sont connectés par le biais des médias sociaux, et qui partagent les mêmes convictions, est depuis quelques mois en liaison via l’application de chat Signal, alors que le projet pour les réfrigérateurs se concrétisait.

« Nous avons vraiment saisi cela comme une chance pour nous manifester auprès de notre communauté, mettre en valeur notre humanité commune et subvenir aux besoins des personnes qui ont vraiment besoin d’aide », a déclaré Mike Murphy, l’un des bénévoles qui ont aidé à organiser le réfrigérateur de Dorchester.

Mercredi matin, Nicole Foy a apporté un sac en papier kraft rempli de pommes, d’oranges et d’autres produits d’épicerie qu’elle venait d’acheter chez Trader Joe’s jusqu’à un petit bâtiment en forme de hangar à Fields Corner. À l’intérieur se trouvait un réfrigérateur blanc et plusieurs étagères de garde-manger pleines de pots de beurre de cacahuètes ainsi que de boîtes de thon et haricots. Sur son épaule, Foy portait un cabas de couleur jaune faisant figurer le slogan : « La nourriture est un droit, pas un privilège ».

Au 1471 Dorchester Ave., à quelques pas du T stop, Foy a ouvert la porte du réfrigérateur, qui avait été installé juste la veille. Une affiche collée sur la porte indiquait : « Prenez ce dont vous avez besoin. Laissez ce que vous pouvez » en anglais, espagnol, vietnamien et créole haïtien.

Alors qu’elle commençait à remplir les étagères, elle a suscité quelques regards curieux de passants.

« Qu’est-ce que c’est ? » ont-ils demandé à voix haute. « Est-ce que c’est gratuit ? »

Foy est bénévole au sein du nouveau Dorchester Community Fridge, qui a ouvert ses portes mardi. Tant le réfrigérateur que ce qu’il contient proviennent de dons, et les denrées sont en effet gratuites pour quiconque en a besoin. Les bénévoles prévoient veiller à ce que le réfrigérateur soit constamment approvisionné, en s’associant avec des fermes et des fournisseurs locaux pour recevoir les dons. Il s’agit de l’un des nombreux réfrigérateurs pop-up qui ont été installés dans les quartiers de Boston et des environs, les habitants cherchant à compléter les efforts d’aide alimentaire d’urgence pendant la pandémie.

Nicole Foy, bénévole a ajouté des articles dans le réfrigérateur de la communauté.
PAT GREENHOUSE/GLOBE STAFF

Les réfrigérateurs communautaires, ou « freedges » [mot composé à partir de free = gratuit, et rappelant Fridges = frigidaires; NdT], existaient déjà avant la pandémie ; le concept initial était de contribuer à lutter contre la faim tout en réduisant le gaspillage alimentaire. Mais à mesure que l’insécurité alimentaire s’est aggravée, l’idée a pris son essor dans les villes partout aux États-Unis. A New World in Our Hearts, un collectif anarchiste basé à New York, a contribué à l’installation de plus de 40 réfrigérateurs dans cette ville depuis février. Dix-sept autres se trouvent à Los Angeles, et on est en train d’en installer à Nashville, Oakland, Houston, Chicago et dans d’autres villes du pays et du monde entier.

Beaucoup de gens font un parallèle entre cette initiative et le mouvement Little Free Library, un réseau de bibliophiles bénévoles qui construisent de petites étagères dans les espaces publics pour mettre à disposition des livres gratuitement et promouvoir l’alphabétisation.

La mise en place d’un réfrigérateur communautaire est cependant un peu plus compliquée. Il faut non seulement sécuriser l’appareil, mais aussi trouver une source d’énergie qui puisse le faire fonctionner. Selon des groupes de bénévoles, la facture d’électricité s’élève à environ 30 dollars par mois. L’autre grand défi est de garder le réfrigérateur rempli.

Les bénévoles du réfrigérateur de Dorchester ont déclaré que l’association à but non lucratif Fields Corner Main Street leur a fourni la source d’énergie, et ils travaillent maintenant à la création de partenariats avec la Brookwood Community Farm et la Thatcher Farm Dairy pour le lait, les autres denrées et les produits secs.

Un réfrigérateur communautaire de Boston a été installé devant un salon de coiffure de Dorchester.
JOSIEL GONZALEZ

A Jamaica Plain, là où un réfrigérateur fonctionne depuis la première semaine de septembre, les bénévoles s’approvisionnent en électricité chez le barbier D’Friends et ont reçu des dons de la boulangerie locale When Pigs Fly et de la ferme Allandale.

Pour remplir les réfrigérateurs on accepte également les dons des habitants du quartier, et les membres de la communauté ont déjà pris l’habitude de l’approvisionner, a déclaré Josiel Gonzales, l’un des bénévoles de Jamaica Plain. « La communauté a vraiment apprécié l’initiative, aussi bien les gens qui prennent que ceux qui donnent », dit-il. « Le nombre de personnes qui veulent aider et donner a été impressionnant. La plupart des gens se disent : « Pourquoi cela n’a-t-il jamais été fait auparavant ? ”

Pour remplir les réfrigérateurs on accepte également les dons des habitants du quartier, et les membres de la communauté ont déjà pris l’habitude de l’approvisionner, a déclaré Josiel Gonzales, l’un des bénévoles de Jamaica Plain. « La communauté a vraiment apprécié l’initiative, aussi bien les gens qui prennent que ceux qui donnent », dit-il. « Le nombre de personnes qui veulent aider et donner a été impressionnant. La plupart des gens se disent : « Pourquoi cela n’a-t-il jamais été fait auparavant ? ”

Il y a quelques règles de base concernant les réfrigérateurs. Les aliments donnés doivent être correctement étiquetés et contrôlés régulièrement pour vérifier qu’ils ne sont pas avariés. Les bénévoles se relaient généralement trois fois par jour pour vérifier le réfrigérateur, s’assurer qu’il reste plein et le nettoyer, a déclaré M. Gonzales. Les réfrigérateurs sont également dotés d’une signalisation et d’informations de contact en plusieurs langues.

Les décideurs politiques d’autres villes ont fait pression concernant les réfrigérateurs. En Californie, la ville de Compton a fermé un réfrigérateur gratuit pour cause de non respect des règles du code des incendies. Et le bureau de la santé de Bethléem, en Pennsylvanie, a temporairement fermé un réfrigérateur pour raison de contamination. Certains défenseurs de la politique alimentaire ont fait valoir que les réfrigérateurs gratuits, avec leur design coloré et leurs messages de bien-être, ne font pas grand-chose pour combattre les causes sous-jacentes de la faim.

Mais mercredi matin, les volontaires de Dorchester ont eu la satisfaction de retrouver le réfrigérateur et les étagères du garde-manger voisin, qu’ils avaient construit et largement approvisionné la veille, quasiment vides. Alors qu’ils plaçaient des boîtes de pâtes sur les étagères, les gens qui passaient par là s’arrêtaient pour prendre des sacs de riz et des boîtes de haricots. Reggie Talbert, responsable de l’action sociale de Inner City Weightlifting, est passé voir s’il pouvait faire des dons de nourriture depuis le gymnase. Et alors que deux femmes qui travaillaient au centre de santé voisin Dorchester House passaient par là, elles ont jeté un coup d’œil dans le réfrigérateur, curieuses de découvrir cette nouvelle addition dans le quartier.

Charo Montrond, une employée de la Dorchester House, a déclaré que le réfrigérateur était une excellente idée, car elle avait constaté la popularité du garde-manger du centre de santé au fur et à mesure que la pandémie progressait. . « Cela se passe deux fois par semaine, la queue est incroyable », a-t-elle déclaré.

L’objectif du réfrigérateur, a déclaré Murphy, bénévole, est de permettre aux gens de trouver ce dont ils ont besoin, à tout moment.

« Je pense que le facteur accessibilité joue un rôle ici, en terme de possibilité de passer », a-t-il déclaré. « Vous pouvez en quelque sorte entrer et prendre ce dont vous avez besoin sans craindre de jugement. »

Source : Boston Globe – 25/09/2020
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Commentaire recommandé

James Whitney // 20.10.2020 à 07h21

Je suis né à Boston en 1935 et je connais tout les quartiers et communes mentionnés dan cet article.

Dans leur « L’Entraide, l’autre loi de la jungle » Pablo Servigne et Gauthier Chapelle citent des études qui montrent que ce sont les gens qui ont les moins de moyens qui sont les plus solidaires des autres. Comme dans cet article.

Au fait, j’ai récemment vécu un cas similaire. Après quatre kilomètres de marche, mes jambes m’ont abandonnées, et tout d’un coup je n’ai plus avancer (à ma grande surprise). Un monsieur de la classe ouvrière était le seul qui a souhaité m’aider, et il est resté à coté de moi bien plus qu’une demi heure. Un grand monsieur.

10 réactions et commentaires

  • James Whitney // 20.10.2020 à 07h21

    Je suis né à Boston en 1935 et je connais tout les quartiers et communes mentionnés dan cet article.

    Dans leur « L’Entraide, l’autre loi de la jungle » Pablo Servigne et Gauthier Chapelle citent des études qui montrent que ce sont les gens qui ont les moins de moyens qui sont les plus solidaires des autres. Comme dans cet article.

    Au fait, j’ai récemment vécu un cas similaire. Après quatre kilomètres de marche, mes jambes m’ont abandonnées, et tout d’un coup je n’ai plus avancer (à ma grande surprise). Un monsieur de la classe ouvrière était le seul qui a souhaité m’aider, et il est resté à coté de moi bien plus qu’une demi heure. Un grand monsieur.

      +30

    Alerter
  • Quintus // 20.10.2020 à 08h11

    On pourrait avoir plus d’articles comme celui-ci ? C’est important de voir comment les solidarités se mettent en place face à l’incurie et la contingence, et comment il est possible, ensemble, de dépasser ce qui s’avère tragique pour certains.

    Et surtout, ne pas laisser la charité aux mains des sectes et mouvements religieux ou politiques les moins fréquentables.

      +18

    Alerter
  • douarn // 20.10.2020 à 09h23

    J’aimerais proposer une video infographique sur les inégalités de répartition de richesse aux USA en 2009, réalisée à partir de données collectées par un économiste de Harvard :
    https://www.youtube.com/watch?v=pURExFZY5YY (version traduite en Français)
    https://www.youtube.com/watch?v=e1-mAf6n4zo (version anglophone)

    Cette video montre, qu’il y a 11 ans, la population US ne se figuraient absolument pas le niveaux des inégalités, et de très très très loin! Je ne doute pas que, depuis, ces inégalités n’ont fait que s’accentuer encore.

    « une employée de la Dorchester House, a déclaré que le réfrigérateur était une excellente idée // la queue est incroyable a-t-elle déclaré » Alors que le top 10% concentre de telles fortunes, assurément non ce n’est pas une bonne idée. Plus, cette phrase est totalement déplacée!
    Si, 3 repas, c’est la distance qui sépare l’ordre du chaos, force est de constater que les USA ne sombreront pas totalement tant que les moins aisés des citoyens US se sacrifieront pour lutter contre la précarité alimentaire. Cela n’enlève rien à leurs mérites mais ces citoyens traitent les conséquences (précarité alimentaire) sans, pour autant que je puisse en juger, porter attention aux causes (inégalités). En cela, ils perennisent cette monstruosité économique au profit du top10%.

    A quand une loi contre le séparatisme… des riches avec le reste de la société?

      +20

    Alerter
  • douarn // 20.10.2020 à 09h51

    « Vous pensez que c’est autre chose ailleurs ? »
    Non, je pense que c’est le même problème, probablement pas aussi paroxistique cependant. Je voulais que mon commentaire reste collé au sujet de l’article : les USA.

      +2

    Alerter
  • OtbGreen // 20.10.2020 à 12h09

    Comme quoi le libéralisme c’est bien. Cela permet au gens de retrouver du lien alors que le socialisme et ses allocations font l’effet inverse.

      +6

    Alerter
  • Ultec // 20.10.2020 à 13h19

    ObtGreen le libéralisme que vous vénérez produit les monstrueuses inégalités démontrées dans la vidéo proposée par douarn juste avant votre commentaire, je vous encourage à la visionner de nouveau si besoin.

      +7

    Alerter
    • Grd-mère Michelle // 20.10.2020 à 18h28

      Il me semble que ObtGreen a écrit de manière sarcastique….
      Bon, de toute façon, le « socialisme », conspué et attribué par Trump aux Démocrates, n’existe pas aux States, en tout cas pas dans les mêmes proportions qu’en Europe…
      À lire, pour les plus jeunes, à relire, pour les plus vieux, le livre « Do it » de Jerry Rubin, héros/héraut de la génération hippie tant moquée.
      Malheureusement, tous nos systèmes de protection sociale n’ont jamais fonctionné non plus comme ils le devraient(=également pour chacun-e). Il existe beaucoup trop de gens qui en sont exclus, à commencer par les « illégaux », les migrant-e-s, et tout qui, pour toutes sortes de raisons, ne peut, ne veut pas se soumettre au contrôle d’identité, de mobilité (traçage) qu’ils imposent.
      Par ailleurs, le dédain, la suspicion et le mépris affichés pour la revendication de l’autonomie des individus en fait de revenus « de remplacement », qui pénalisent surtout les femmes mariées/cohabitantes(et les empêchent souvent, ainsi que les enfants, d’échapper à des violences de toutes sortes), ne semblent pas diminuer.

        +3

      Alerter
    • Grd-mère Michelle // 20.10.2020 à 18h45

      Suite: Depuis plusieurs années, et bien avant la « crise sanitaire » actuelle, à Bxl et dans d’autres villes belges(et, j’en suis convaincue, françaises), les pratiques de distribution/partage alimentaires, de fringues, et les « boîtes à livres »(« donneries », nouveau terme qui consacre la gratuité) sont devenues habituelles.
      Elles sont heureusement renforcées, se sont multipliées, cette année, grâce à des « brigades alimentaires » jeunes, joyeuses et généreuses(de leur temps plus ou moins « confiné »), nouveau système social qui s’installe lentement, sûrement et obstinément.
      ATTENTION: les « autorités » veillent à les dénigrer, et même à les interdire, comme à Calais…

        +2

      Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications