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22.août.202322.8.2023 // Les Crises

Corée du Nord / Corée du Sud : une guerre éternelle qui doit prendre fin

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À l’occasion du 70e anniversaire de l’armistice, un nouvel appel en faveur d’un traité de paix entre Washington et Pyongyang.

Source : Responsible Statecraft, Gabriela Bernal
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le général Mark W. Clark lors de la signature de l’armistice de la guerre de Corée en juillet 1953. (US Marine Corps/CC BY 2.0)

Lorsque l’on parle de « guerre » en 2023, la plupart des gens pensent immédiatement à l’Ukraine, puis éventuellement à la Syrie, au Yémen, au Myanmar ou à l’Afghanistan. Très peu de gens auraient d’abord pensé à la Corée à la mention du mot « guerre », et encore moins lorsqu’il s’agit d’une « guerre sans fin », un terme que beaucoup, y compris l’actuel président américain Joe Biden, utilisent pour décrire la guerre en Afghanistan.

La guerre dans la péninsule coréenne, en revanche, dure depuis plus de 70 ans. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de combats actifs que la paix règne. Les combats ont cessé en 1953, trois ans après le début de la guerre, à la suite d’un accord d’armistice, et non d’un traité de paix. Si la signature d’un tel traité n’a plus été une priorité au cours des sept dernières décennies, la situation militaire de plus en plus volatile et risquée dans la péninsule coréenne ne peut plus être ignorée.

La guerre de Corée a éclaté le 25 juin 1950 lorsque le Nord a envahi le Sud dans l’espoir de réunifier rapidement le pays sous la direction de Kim Il-sung. Le plan du Nord a cependant été déjoué lorsque le président Truman a annoncé l’intervention des États-Unis dans la guerre deux jours plus tard. Le Commandement des Nations unies (UNC) a ensuite été créé le 7 juillet 1950, ce qui a permis à 22 pays de fournir diverses formes de soutien à la Corée du Sud tout au long de la guerre.

Avec l’aide de l’UNC dirigé par les États-Unis, le Sud a rapidement pris le dessus et a pu repousser les forces nord-coréennes au nord du 38e parallèle à la mi-septembre. Cependant, le cours de la guerre a de nouveau changé lorsque la Chine a envoyé des troupes pour soutenir la Corée du Nord à la fin du mois de novembre. Après une série de victoires et de défaites, les combats se sont arrêtés autour du 38e parallèle en mai 1951. Des pourparlers de paix ont alors débuté en juillet et ont finalement abouti à la signature de l’accord d’armistice le 27 juillet 1953.

Bien que les combats entre le Nord et le Sud aient pris fin sur le papier, diverses provocations et incidents militaires se sont poursuivis tout au long de la Guerre froide. Parmi les exemples, citons le raid de la Maison Bleue en 1968, lorsque des agents nord-coréens ont tenté d’assassiner le président sud-coréen Park Chung-hee ; l’incident du meurtre à la hache en 1976, au cours duquel des soldats nord-coréens ont tué deux officiers de l’armée américaine ; l’attentat à la bombe de Rangoon en 1983, quand des agents nord-coréens ont tenté d’assassiner le président sud-coréen Chun Doo-hwan ; et l’attentat à la bombe contre le vol 858 de Korean Air en 1987, perpétré par deux agents nord-coréens.

Lorsque la diplomatie intercoréenne a pris de l’ampleur dans les années 1990, les provocations de la Corée du Nord ont commencé à se faire plus rares. Des progrès significatifs vers la paix ont été accomplis en 2000 lorsque les dirigeants des deux Corées se sont rencontrés pour la premier fois au cour d’un sommet.

Mais malgré ces progrès, les provocations nord-coréennes se sont poursuivies et ont évolué vers des actions plus menaçantes, culminant avec le tout premier essai nucléaire de la Corée du Nord en octobre 2006. Cette année-là a marqué un tournant dans l’histoire de la guerre de Corée. La nation, qui était autrefois considérée comme nettement inférieure à la Corée du Sud dans presque tous les domaines, a acquis le moyen ultime de défense et d’attaque : l’arme nucléaire.

Le fait que les deux parties aient évité la reprise d’un conflit total depuis l’armistice ne signifie pas pour autant que cette sinistre possibilité est exclue. En fait, la fréquence des provocations militaires a fortement augmenté depuis l’année précédente, le Nord ayant tiré plus de 90 missiles au cours de la seule année 2022. De son côté, la coopération militaire croissante de la Corée du Sud avec les États-Unis et le Japon, combinée à la montée des mouvements à Séoul réclamant un programme d’armes nucléaires propre à la Corée du Sud, n’a pas contribué à désamorcer la situation.

Depuis des décennies, les efforts de dissuasion n’ont pas réussi à persuader le Nord d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles. Le temps de la dénucléarisation par la dissuasion et les demandes unilatérales est révolu. L’accent doit désormais être mis sur le contrôle des armements et sur l’acceptation de la réalité, à savoir que la Corée du Nord est bel et bien devenue un État nucléaire. Si cette première étape fondamentale n’est pas franchie, il sera très difficile de reprendre la diplomatie et, a fortiori, de parvenir à un traité de paix.

Une fois cette étape franchie, une communication et des négociations régulières pourraient alors s’ensuivre. Ces efforts devraient également aller de pair avec des mesures visant à élargir le champ des relations entre les États-Unis et la RPDC (République populaire démocratique de Corée, nom officiel de la Corée du Nord) dans le but de normaliser les liens diplomatiques.

La raison pour laquelle les États-Unis sont au centre de cette question est que le traité d’armistice a été signé par la Corée du Nord, la Chine et les États-Unis. La Corée du Sud n’a jamais signé l’armistice et n’a donc pas officiellement son mot à dire sur la signature ou non d’un traité de paix. La décision finale revient à Washington et à Pyongyang (la Chine a déjà exprimé son soutien à la fin de la guerre de Corée).

Cela ne signifie pas pour autant que Séoul n’a pas sa place dans ce processus. La Corée du Sud peut notamment jouer un rôle de facilitateur en améliorant les relations entre les États-Unis et la Corée du Nord et en reprenant le dialogue intercoréen afin de réduire les tensions, d’instaurer un climat de confiance, d’accroître les échanges transfrontaliers et d’établir des relations bilatérales reposant sur des bases solides. L’actuel gouvernement de Yoon Suk-yeol devrait poursuivre les efforts déployés par le précédent gouvernement de Moon Jae-in au lieu de multiplier les exercices militaires et de s’engager dans des provocations répétées du type « oeil pour oeil, dent pour dent » avec le Nord. Ces provocations pourraient facilement conduire à des incidents ou des malentendus susceptibles de mener à la reprise d’une guerre totale. Rien de tout cela ne sert les intérêts nationaux de la Corée du Sud.

Au cours de chaque année qui passe sans traité de paix, la Corée du Nord poursuit le développement d’armes nucléaires, de missiles et de technologies militaires toujours plus avancés. La reprise du conflit sur la péninsule à l’heure actuelle pourrait conduire à une guerre nucléaire catastrophique qui affecterait le monde entier, et pas seulement l’Asie du Nord-Est. Les États-Unis ne peuvent plus se permettre d’être distraits par d’autres problèmes mondiaux, aussi urgents soient-ils.

La situation dans la péninsule nécessite une résolution, et le seul moyen de garantir une paix durable est de mettre fin à la guerre de Corée en signant un traité de paix.

Source : Responsible Statecraft, Gabriela Bernal, 20-07-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Linder // 22.08.2023 à 07h33

« les provocations nord-coréennes se sont poursuivies et ont évolué vers des actions plus menaçantes ». Article à sens unique, comme très souvent de la part de nos amis anglo-saxons.
Les manœuvres régulières, pendant 70 ans, de la flotte états-uniennes, à proximité des côtes Nord-coréennes ne sont-elles pas, aussi, des provocations et des actions menaçantes, surtout quand elles imposent, au temps des récoltes du riz, des mobilisations pour parer une éventuelle agression camouflée par des « exercices » ?
Pourquoi la Corée du Nord s’est-elle dotée de l’arme nucléaire ? Pas pour vitrifier les grandes plaines américaines mais pour rendre le coût d’une agression états-uniennes largement supérieur à ce qu’ils voudraient bien payer.

7 réactions et commentaires

  • Linder // 22.08.2023 à 07h33

    « les provocations nord-coréennes se sont poursuivies et ont évolué vers des actions plus menaçantes ». Article à sens unique, comme très souvent de la part de nos amis anglo-saxons.
    Les manœuvres régulières, pendant 70 ans, de la flotte états-uniennes, à proximité des côtes Nord-coréennes ne sont-elles pas, aussi, des provocations et des actions menaçantes, surtout quand elles imposent, au temps des récoltes du riz, des mobilisations pour parer une éventuelle agression camouflée par des « exercices » ?
    Pourquoi la Corée du Nord s’est-elle dotée de l’arme nucléaire ? Pas pour vitrifier les grandes plaines américaines mais pour rendre le coût d’une agression états-uniennes largement supérieur à ce qu’ils voudraient bien payer.

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  • Max // 22.08.2023 à 08h20

    Ca me rappel la main tendu du Maroc a l’Algérie mais pour cela et en conséquence l’Algérie doit accepter l’annexion du Sahara Occidental et en corolaire ne plus aller vers les BRICS, pour la Corée de Nord c’est le même type de proposition.
    En 1er je dois l’écrire je ne peux pas blairer la Corée du Nord mais historiquement elle une légitimité unique par rapport a la Corée du Sud qui n’existait pas a l’époque, c’est d’avoir combattu les armes a la main.
    Du point de vue de l’ONU ce conflit a débuté le 7 juillet 1950 par une résolution en l’absence (volontaire) de l’URSS (faux cul de soviétiques).
    La force de l’ONU massacra tout ce qui bougeait et il fallut l’intervention de la Chine pour aboutir a un armistice entre les trois belligérants qui étaient Corée (du Nord) Chine et USA.
    A l’armistice l’armée chinoise retournant en Chine et les USA s’implantant massivement dans les territoires du Sud en prenant le control de l’espace maritime et de l’espace aérien du Sud, devenant un simple protectorat de(s) USA et qui perdure aujourd’hui.
    Entre les deux états il y a le Nord qui est indépendant même si c’est un état qualifié de répressif (je suis plutôt d’accord) et le Sud qui est une simple courroie de transmission.
    La proposition du Sud en l’état actuel c’est l’absorption du Nord dans le Sud faisant fi de l’historique du Nord et de ses avantages intrinsèques lié sa géographie.

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  • ouvrierpcf // 22.08.2023 à 11h49

    Article mensonger par omissions rien sur déjà l’emploi de defiloliants par les USA sur les cultures de Corée rien sur les bombardements type Dresde sur les villes et c’est le Nord qui agressa le Sud !! La Corée du Nord a mis au point une arme nucléaire ne participerait pas a la dénucléarisation Pendant ce temps Israël créée en en 1948 par occupation spoliation de terres enfile des perles distribue des bonbons a monté une équipe cycliste pour le tour de France est qualifiée aux coupes d’Europe de football de basket aux JO de Paris 2024 Et bien la fin de la récréation a été sifflée par Monsieur Poutine le centième anniversaire du parti communiste chinois Monsieur Erdogan les dirigeants Iraniens ceux du Brésil d’Afrique du Sud de l’Inde récemment par une partie de l’armée nigérienne enfin au moins les représentants de 5 milliards de personnes qui passent ou passeront a l’action pour la planification de l Industrialisation éducation pacification politiques de santé publique

      +11

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  • Olivier // 22.08.2023 à 12h51

    Et les grands absents de cette magnifique prospective géopolitique a grand coup de « il faudrait que » et de « nécessite » sont (roulement de tambours) : les peuples nord et sud coréens. Encore une fois.

    Il semble que personne a l’écriture de l’article ne soit poser cette simple question : que veulent les peuples ? Question d’habitude sans doute. De toute façon plus personne ne se la pose, ici ou ailleurs.

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    • Hiro Masamune // 22.08.2023 à 21h22

      Le droit des peuples à disposer d’eux mêmes c’est quand ça arrange le département d’étât.
      Tamoul et Cyngalais : ça arrange pas.
      Serbes et Albannais au Kossovo et en Bosnie : ça arrange.
      Ukrainiens et Russes de Crimée : ça arrange pas.
      Syriens/Irakiens/Iraniens/Turques et Kurdes : ça arrange… et en plus ça rapporte.
      Le bordel international fondé sur des règles changeantes.
      C’est voulu et parfaitement assumé … jusqu’à ce qu’il y en ait un qui explose le tout parce qu’il en a les moyens de le faire.

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  • petitjean // 23.08.2023 à 11h24

    pardon de mon mauvais esprit : Les USA ne sont-ils pas responsables de cette situation et n’ont-ils pas intérêt à ce qu’elle dure ?
    Cela leur permet de maintenir des bases militaires dans la région et d’espionner qui vous savez …….

    pour en savoir plus :
    https://www.youtube.com/watch?v=OV2Li1LZwv4
    La CORÉE DU NORD : un État VOYOU ? ALAIN JUILLET et CLAUDE MEDORI reçoivent PATRICK MAURUS.

      +3

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  • Koui // 25.08.2023 à 16h17

    Il faudrait parler du « génocide » des coréens du nord par les USA (et l’ONU). Des centaines de milliers de personnes ont été incinérés par les américains qui ont brulé toutes les villes et pas mal de village au napalm.

    Les USA ont aussi, probablement, utilisé des armes biologiques sur les soldats nord coréens. En tout cas, les nord coréens, russes et chinois en étaient persuadés selon les écoutes réalisées par les américains et révélées récemment. Mais les USA ont toujours nié. Les pilotes américains prisonniers, qui avaient « avoué » avoir commis ces bombardements biologiques se sont ensuite rétracté en rentrant aux USA où ils étaient menacés de cour martiale. Le doute est donc permis.

    L’usage de la bombe atomique a été demandé par le général Mac Arthur pour tuer les nord coréens et les chinois mais heureusement, Truman a refusé.

    Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les coréens du nord soient un peu paranoïaques. On le serait à moins. Mais ceux qui ont utilisé la bombe atomique sur des gens, exterminé les indiens et réduit en esclavage les noirs, ne peuvent pas comprendre que la Corée du nord à le droit de se défendre.

      +6

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