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27.janvier.201627.1.2016 // Les Crises

Le stratège de la terreur : des dossiers secrets révèlent la structure de l’État islamique

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Un article majeur sur Daech – merci aux volontaires pour la traduction !

On regardera, comme d’habitude, les choses avec recul, en particulier la seconde partie

Source Spiegel.de, le 18 avril 2015

Un officier irakien a planifié la prise de contrôle de la Syrie par l’État islamique. SPIEGEL a obtenu un accès à ses documents en exclusivité. Ils décrivent une organisation animée par un fanatisme religieux de façade, mais qui est en réalité froidement calculatrice.

Distant, poli, prévenant, extrêmement vigilant, réservé, malhonnête, énigmatique, malveillant. Se remémorant leur rencontre avec lui qui remontent à plusieurs mois, les rebelles nord-syriens évoquent un homme aux multiples facettes. Mais ils s’accordent sur une chose : « Nous n’étions jamais sûrs de savoir à qui nous avions affaire. »

En fait, pas même ceux qui ont tiré sur lui et l’ont tué après un bref échange de coups de feu dans la ville de Tal Rifaat un matin de janvier 2014, ne connaissaient la véritable identité de cet homme de grande taille qui approchait la soixantaine. Ils ne savaient pas qu’ils avaient tué le chef stratégique du groupe autoproclamé « État islamique » (EI). Ce fut le résultat d’une rare mais fatale erreur de calcul commise par le brillant stratège. Les rebelles locaux placèrent le corps dans un réfrigérateur, dans lequel ils avaient l’intention de l’enterrer. Ils l’en ressortirent seulement après s’être rendu compte de l’importance de cet homme.

Le véritable nom de cet irakien dont la rudesse des traits était adoucie par une barbe blanche était Samir Abd Muhammad al-Khlifawi. Mais personne ne le connaissait sous ce nom. Même son pseudonyme le plus utilisé, Haji Lakr, n’était pas connu de tous. Mais cela faisait précisément partie du plan. Cet ancien colonel du renseignement dans l’armée de l’air de Saddam Hussein tirait les ficelles de l’EI depuis des années. D’anciens membres de l’organisation l’avaient à plusieurs reprises mentionné comme l’un de ses leaders. Son rôle n’avait cependant jamais été clairement établi.

Mais à sa mort, le concepteur de l’État islamique laissa derrière lui ce qu’il avait voulu garder strictement confidentiel : le projet de cet État. Il s’agit d’un dossier, rempli d’organigrammes manuscrits, de listes et de programmes, qui décrivent la façon d’assujettir un pays progressivement. SPIEGEL a obtenu l’accès exclusif à ces 31 pages, dont plusieurs sont restées collées entre elles. Elles révèlent une structure à plusieurs niveaux et des directives opérationnelles, dont certaines déjà testées et d’autres nouvellement conçues pour s’adapter à l’anarchie régnant dans les zones sous contrôle rebelle. En un sens, ces documents constituent le code source de l’armée terroriste la plus efficace de l’histoire moderne.

Jusqu’à présent, une grande partie de l’information sur l’EI provenait des combattants déserteurs et de données internes à l’administration de l’EI saisies à Bagdad. Mais tout ceci ne constituait pas une explication suffisante de l’ascension fulgurante de cette organisation jusqu’à une telle domination, avant que les frappes aériennes de la fin de l’été 2014 ne mettent un coup d’arrêt à sa marche triomphale.

Pour la première fois, les documents de Haji Bakr permettent de déterminer comment s’organise le commandement de l’EI et quel rôle y jouent les hauts responsables déchus du gouvernement de l’ancien dictateur Saddam Hussein. Et surtout, ils montrent comment la planification de la prise de contrôle du nord de la Syrie à d’abord rendu possible la progression de l’organisation en Irak. De plus, des mois de recherches effectuées par SPIEGEL en Syrie, ainsi que de nouveaux documents récemment découverts, auxquels SPIEGEL a eu accès en exclusivité, montrent que les instructions de Haji Bakr ont été méticuleusement exécutées.

Les documents de Bakr ont été longtemps cachés dans la minuscule annexe d’une maison dans la région des combats au nord de la Syrie. Leur existence fut d’abord signalée par un témoin oculaire qui les avait vus dans la maison de Haji Bakr peu de temps après sa mort. En avril 2014, une seule page du document a été exfiltrée en Turquie où SPIEGEL a pu l’étudier pour la première fois. Ce n’est qu’en novembre 2014 qu’il a été possible de se rendre à Tal Rifaat pour examiner l’ensemble des pages manuscrites.

Ce document est une ébauche établie par Haji Bakr, d’une structure possible de l’administration de l’EI.

« Notre plus grande crainte était que ces plans puissent tomber entre de mauvaises mains et ne soient jamais divulgués », dit l’homme qui a gardé les notes de Haji Bakr après les avoir tirées d’un monceau de boîtes et de couvertures. Cet homme, craignant les escadrons de la mort de l’EI, souhaite rester anonyme.

Le schéma directeur

L’histoire de cet ensemble de documents commence à une époque où peu de gens avaient entendu parler de l’« État islamique ». Quand Haji Bakr, de nationalité irakienne, voyagea en Syrie comme membre d’une minuscule avant-garde fin 2012, il avait un plan apparemment absurde : l’EI s’emparerait d’autant de territoires que possible en Syrie. Ensuite, utilisant ce pays comme tête de pont, il envahirait l’Irak.

Bakr avait élu résidence dans une maison discrète de Tal Rifaat, au nord d’Alep. Le choix de cette ville était judicieux. Dans les années 80, beaucoup de ses habitants l’avaient quittée pour aller travailler dans les États du Golfe, essentiellement en Arabie saoudite. Quand ils sont revenus, certains s’étaient forgé des convictions radicales et des contacts. En 2013, Tal Rifaat allait devenir le bastion de l’EI dans la province d’Alep, où seraient basés des centaines de combattants.

C’est là que le « Seigneur de l’ombre », comme certains l’appelaient, esquissa la structure de l’État islamique, y compris jusqu’à l’échelon local, compila des listes concernant l’infiltration progressive des villages et décida qui allait superviser qui. À l’aide d’un stylo à bille, il dessina sur des feuilles de papier les chaînes de commandement de l’appareil de sécurité. C’est probablement une coïncidence, mais ce papier à lettres provenait du ministère syrien de la Défense et portait l’en-tête du département en charge du logement et du mobilier.

Ce que Bakr a mis sur le papier, page après page, avec des encadrés délimitant soigneusement les responsabilités individuelles, n’était autre qu’un programme pour une prise de pouvoir. Ce n’était pas une proclamation de foi, mais un plan technique précis pour un « service secret de l’État islamique — un califat gouverné par une organisation qui ressemblait à la célèbre Stasi, le service de renseignement est-allemand.

Graphique : Une image numérique de l’organigramme de l’État islamique de Haji Bakr.

Ce projet a été appliqué avec une précision étonnante au cours des mois suivants. Le plan commençait invariablement de la même façon : le groupe recrutait des partisans sous le prétexte d’ouvrir un bureau pour la da’wa, un centre de mission islamique. Parmi ceux qui venaient écouter les conférences et suivre des cours sur la vie islamique, un ou deux hommes étaient sélectionnés et recevaient pour consigne d’espionner leur village et d’obtenir toute une série d’informations. Dans ce but, Haji Bakr rédigeait des listes telles que celle-ci :

Faire la liste des familles influentes.

Désigner les individus influents dans ces familles.

Découvrir leurs sources de revenus.

Trouver le noms et la taille des brigades (rebelles) dans le village.

Découvrir le nom de leurs chefs, qui contrôle les brigades et quelle est leur orientation politique.

Découvrir leurs activités illégales (selon la charia), qui pourraient être utilisées pour les faire chanter si nécessaire.

On demandait aux espions de noter si quelqu’un était un délinquant ou un homosexuel, ou encore avait une liaison secrète, afin d’avoir des munitions pour un éventuel chantage. « Nous nommerons les plus intelligents cheikhs de la charia », avait noté Bakr. « Nous les formerons pendant un certain temps avant de les déployer. » Il avait ajouté en post-scriptum que plusieurs « frères » seraient choisis dans chaque ville pour épouser les filles des familles les plus influentes, de façon à « infiltrer ces familles à leur insu ».

Les espions devaient découvrir tout ce qu’ils pouvaient dans les villes ciblées : qui y vivait, qui était aux commandes, quelles familles étaient religieuses, à quelle doctrine islamique elles appartenaient, combien de mosquées y avait-il, qui en était l’imam, combien de femmes et d’enfants avait-il et quel était leur âge. Il fallait se renseigner sur la teneur des sermons de l’imam, s’il était plus ouvert au soufisme ou à une variante mystique de l’Islam, s’il soutenait l’opposition ou le régime, quelle était sa position sur le djihad. Bakr voulait également des réponses à des questions comme : l’imam reçoit-il un salaire ? Si oui, qui le paie ? Qui le nomme ? Enfin : combien y a-t-il dans le village de farouches partisans de la démocratie ?

Les agents étaient censés jouer le rôle d’ondes sismiques envoyées pour débusquer les moindres recoins aussi bien les plus minuscules fissures que les failles séculaires de la société — en bref, toutes les informations qu’on pourrait utiliser pour diviser et soumettre la population locale. Dans les rangs des informateurs, on trouvait d’anciens agents de renseignements, mais aussi des opposants au régime qui s’étaient querellés avec l’un des groupes rebelles. Certains étaient de jeunes hommes et des adolescents qui avaient besoin d’argent ou qui étaient emballés par ce travail. La plupart des hommes sur la liste des informateurs de Bakr, comme ceux de Tal Rifaat, avaient tout juste vingt ans, mais certains n’avaient pas dépassé 16 ou 17 ans.

Les plans incluent des parties dédiées au financement, aux écoles, aux crèches, aux médias et aux transports. Mais il y a un thème central récurrent, qui est traité méticuleusement dans les organigrammes, les listes de responsabilités et les exigences de signalement : surveillance, espionnage, meurtre et enlèvement.

Pour chaque conseil provincial, Bakr avait prévu qu’un émir ou un commandant serait responsable des meurtres, des enlèvements, des snipers, de la communication et du cryptage, tandis qu’un autre émir superviserait les autres émirs — « au cas où ils ne feraient pas correctement leur boulot ». Le noyau de cet État religieux serait la mécanique démoniaque d’une structure de cellules et de commandos conçue pour propager la peur.

Depuis le tout début, le plan était d’avoir des services de renseignements opérant en parallèle, même au niveau des provinces. Un service de renseignements généraux relevait de « l’émir pour la sécurité » dans la région sous les ordres duquel se trouvaient les émirs adjoints pour chaque district. Un chef de cellules d’espionnage secrètes et un « directeur du service des renseignements et de l’information » rendaient des comptes à chacun de ces émirs adjoints. Les cellules d’espionnage au niveau local relevaient de l’émir adjoint du district. Le but était d’arriver à ce que tous se surveillent les uns les autres.

Un plan manuscrit montre les idées de Bakr sur l’instauration de l’État islamique.

Ceux qui devaient former les « juges de la charia à la collecte de renseignements » dépendaient également de l’émir du district, tandis qu’un département distinct d’« officiers de sécurité » était assigné à l’émir de la région.

La charia, les tribunaux, l’obligation de piété — tout ceci ne servait qu’un seul et unique but : la surveillance et le contrôle. Même le terme que Bakr utilisait pour désigner la conversion des musulmans authentiques, takwin, n’est pas un terme religieux mais technique, qu’on peut traduire par « mise en œuvre », un terme prosaïque employé en géologie ou dans le bâtiment. Il y a 1200 ans pourtant, le cheminement de ce mot avait eu sa brève heure de gloire. Les alchimistes chiites s’en servaient pour décrire la création de la vie artificielle. Au IXe siècle, dans son « Livre des Pierres », le Perse Jabir Ibn Hayyan écrivait — en se servant d’une écriture et de codes secrets — à propos de la création d’un homoncule : « Le but est de tromper tous les hommes, hormis ceux qui aiment Dieu. » Cela peut aussi avoir été du goût des stratèges de l’État islamique, quoique le groupe perçoive les chiites comme des apostats ayant déserté le véritable Islam. Mais pour Haji Bakr, Dieu et les 1400 ans de foi en Lui n’étaient qu’un des nombreux modules qu’il avait à sa disposition et qu’il pouvait arranger à sa guise, afin de servir une cause supérieure.

Les débuts en Irak

On aurait dit que George Orwell servi de modèle pour cette engeance de surveillance paranoïaque. Mais c’était beaucoup plus simple que ça. Bakr était simplement en train d’adapter ce qu’il avait appris dans le passé : l’appareil de sécurité omniprésent de Saddam Hussein, dans lequel personne, pas même les généraux des services de renseignements ne pouvait être certain qu’il n’était pas espionné.

L’écrivain irakien expatrié Kanan Makiya a décrit dans un livre cette « République de la peur » comme un pays dans lequel n’importe qui pouvait tout simplement disparaître et dans lequel Saddam pouvait sceller son investiture officielle en 1979 en révélant une conspiration montée de toutes pièces.

Il y a une raison élémentaire pour laquelle il n’y a aucune mention dans les écrits de Bakr de prophéties en rapport avec l’établissement d’un État islamique prétendument décrété par Dieu : il croyait que les convictions religieuses fanatiques seules n’étaient pas suffisantes pour atteindre la victoire. Mais il croyait aussi profondément que la foi des autres pouvait être exploitée.

En 2010, Bakr et un petit groupe d’anciens officiers des renseignements irakiens ont fait d’Abu Bakr al-Baghdadi l’émir puis plus tard le « Calife », le dirigeant officiel de l’État Islamique. Ils pensèrent que Baghdadi, un prêtre instruit, donnerait une image religieuse au groupe.

Bakr était « un nationaliste, pas un islamiste », témoigne le journaliste irakien Hisham al-Hashimi, se rappelant l’ancien officier de carrière qui avait été en garnison avec le cousin d’Hashimi à la base aérienne de Habbaniya. Le « colonel Samir », comme Hashimi l’appelle, « était d’une grande intelligence, d’une grande fermeté d’âme et un excellent stratège ». Mais quand Paul Bremer, alors chef des autorités d’occupations des États-Unis à Bagdad, « a dissous l’armée par décret en mai 2003, il se retrouva au chômage, amer ».

Des milliers d’officiers sunnites bien entraînés furent privés de leurs moyens de subsistance d’un trait de plume. En agissant ainsi, l’Amérique créa ses ennemis les plus intelligents et les plus implacables. Bakr est entré dans la clandestinité et a fait la connaissance d’Abu Musab al-Zarqawi dans la province d’Anbar, à l’ouest de l’Irak. Zarqawi, Jordanien de naissance, avait auparavant dirigé un camp d’entraînement pour pèlerins terroristes internationaux en Afghanistan. A partir de 2003, il avait acquis une reconnaissance mondiale en tant que cerveau d’attaques contre les Nations Unies, les troupes américaines et les musulmans chiites. Il était même considéré comme trop radical par l’ancien dirigeant d’Al-Qaïda Oussama ben Laden. Zarqawi est mort dans une frappe aérienne des États-Unis en 2006.

Bien que le parti baas dominant en Irak fut laïque, au final les deux systèmes partageaient la conviction que le contrôle des masses devrait se trouver dans les mains d’une élite restreinte qui ne devrait avoir à répondre devant personne — parce qu’elle dirigerait au nom d’un plan supérieur légitimé ou par Dieu ou par la gloire de l’histoire arabe. Le secret de la réussite de l’État islamique réside dans la combinaison des contraires, les croyances fanatiques d’un groupe et les calculs stratégiques d’un autre.

Bakr devint progressivement un des chefs militaires en Irak et fut détenu de 2006 à 2008 au camp militaire américain de Bucca et à la prison d’Abu Ghraib. Il survécut aux vagues d’arrestations et d’exécutions menées par les unités spéciales américaines et irakiennes, qui menacèrent en 2010 l’existence même de ce précurseur de l’État islamique qu’était l’État islamique en Irak.

Pour Bakr et nombre d’anciens officiers hauts gradés, cela représentait une opportunité de ramener le pouvoir au sein d’un cercle nettement plus restreint de djihadistes. Ils utilisèrent leur temps au camp Bucca pour établir un large réseau de contacts. Mais les plus hauts dirigeants se connaissaient déjà depuis longtemps. Haji Bakr et un autre officier faisaient partie de la petite unité de services secrets rattachée à la division anti-aérienne. Deux autres leaders de l’État islamique étaient originaires d’une petite communauté de Turkmènes sunnites de la ville de Tal Afar. L’un deux était aussi un officier de haut rang des renseignements.

En 2010, l’idée d’essayer de vaincre militairement les forces du gouvernement irakien semblait dérisoire. Mais une puissante organisation clandestine prit forme à travers des actes de violence et de racket de protection. Quand la révolution contre la dictature du clan Assad explosa en Syrie voisine, les leaders de l’organisation flairèrent une opportunité. Fin 2012, particulièrement dans le nord, les forces gouvernementales autrefois toutes-puissantes avaient été défaites et expulsées. Des centaines de conseils locaux et de brigades rebelles avaient pris leur place, en un mélange anarchique dont personne ne pouvait tracer la structure. C’est cette situation de vulnérabilité que le groupe d’anciens officiers solidement organisé s’attelait à exploiter.

Les tentatives d’expliquer la rapide montée au pouvoir de l’État islamique varient suivant les sources. Les experts du terrorisme voient l’État islamique comme un rejeton d’Al-Qaïda et attribuent le manque d’attaques spectaculaires à ce jour comme un manque d’organisation. Les criminologues voient l’État islamique comme une société mafieuse cherchant à maximiser ses profits. Les chercheurs en sciences humaines attirent l’attention sur les déclarations apocalyptiques des services de communication de l’EI, sa glorification de la mort et la croyance de son implication dans une mission sacrée.

Mais les visions apocalyptique seules ne suffisent pas pour s’emparer de villes et de pays. Les terroristes ne fondent pas de pays et il est improbable qu’un cartel criminel génère suffisamment de passion parmi des partisans à travers le monde pour qu’ils soient disposés à abandonner leur vie pour voyager au « Califat » et éventuellement vers leur mort.

L’État islamique a peu en commun avec ses prédécesseurs comme Al-Qaïda, à part l’étiquette djihadiste. Il n’y a fondamentalement rien de religieux dans ses actions, sa planification stratégique, ses changements d’alliances sans scrupules et ses récits de propagande élaborés avec précision. La foi, même dans ses formes les plus extrêmes, n’est qu’un des nombreux moyens d’arriver à ses fins. La seule maxime constante de l’État islamique est l’expansion du pouvoir à n’importe quel prix.

La mise en œuvre du plan

L’expansion de l’EI a commencé avec une telle discrétion que beaucoup de Syriens, un an après, devaient réfléchir un moment avant de se rappeler quand les djihadistes avaient fait leur apparition parmi eux. Les bureaux de la da’wa qui avaient été ouverts dans de nombreuses villes du nord de la Syrie au printemps 2013 avaient l’air d’anodines officines missionnaires, guère différentes de celles que des œuvres caritatives musulmanes ont ouvert partout dans le monde.

Quand un bureau de la da’wa s’est ouvert à Raqqa, « tout ce qu’ils dirent était que nous étions frères, sans jamais dire un mot sur l’État islamique », rapporte un médecin qui a fui la ville. Au printemps 2013, une agence de la da’wa a également été ouverte à Manbij, une ville progressiste de la province d’Alep. « Au début je ne l’ai même pas remarquée », se rappelle un jeune militant des droits civiques. « Chacun avait le droit d’ouvrir ce qu’il voulait comme bureau. Nous n’aurions jamais suspecté qu’en dehors du régime quiconque puisse nous menacer. Ce n’est que lorsque les combats éclatèrent en janvier que nous avons appris que Daech » (acronyme arabe de l’EI) « avait loué plusieurs appartements où il pouvait stocker des armes et cacher ses hommes. »

La situation était similaire dans les villes d’Al-Bab, Atarib et Azaz. Début 2013, des agences de la da’wa furent aussi ouvertes dans la province avoisinante d’Idlib, dans les villes de Sermada, Atmeh, Kafr Takharim, Al-Dana et Salqin. Aussitôt qu’il avait identifié suffisamment « d’étudiants » qui pourraient être recrutés comme espions, l’EI accrut sa présence. À Al-Dana, des locaux supplémentaires furent loués, des drapeaux noirs hissés et des rues fermées à la circulation. Dans les villes où la résistance était trop importante ou celles où les partisans n’étaient pas en nombre suffisant, l’EI se retirait provisoirement. Au début, son mode opératoire était de s’étendre sans trop s’exposer à une résistance ouverte et d’enlever ou de tuer les « individus hostiles » sans avouer une quelconque implication dans ces abominables pratiques.

Les combattants eux-mêmes restèrent discrets au début. Bakr et l’avant-garde ne les avaient pas fait venir d’Irak, ce qui aurait pourtant été logique. En fait, ils avaient explicitement interdit à leurs combattants irakiens de venir en Syrie. Ils décidèrent aussi de ne recruter que très peu de Syriens. Au lieu de quoi, les chefs de l’EI choisirent l’option la plus compliquée : ils décidèrent de regrouper tous les éléments radicaux étrangers qui se rendaient dans cette région depuis l’été 2012. Des étudiants d’Arabie saoudite, des employés de bureau de Tunisie et des déscolarisés d’Europe, tous sans aucune expérience militaire, étaient censés composer une armée avec des Tchétchènes et des Ouzbek aguerris. Cette armée serait basée en Syrie sous commandement irakien.

Dès la fin 2012, des camps militaires avaient été établis dans plusieurs endroits. Initialement, personne ne savait à quel groupe ils appartenaient. Les camps étaient organisés de manière très stricte et les hommes provenaient de quantité de pays différents — et ne parlaient pas aux journalistes. Très peu d’entre eux étaient irakiens. Les nouveaux venus recevaient deux mois d’entraînement et étaient matraqués d’exercices pour devenir inconditionnellement obéissants au commandement central. L’organisation passait inaperçue et offrait également un autre avantage : malgré un départ inévitablement chaotique, ce qui en émergea furent des troupes d’une loyauté sans faille.

Les étrangers ne connaissaient personne hormis leurs camarades, ils n’avaient aucune raison de faire preuve de pitié et pouvaient être rapidement déployés à différents endroits. Ceci contrastait fortement avec les rebelles syriens qui se concentraient sur la défense de leurs villes de résidence, devaient s’occuper de leur famille et aider aux récoltes. À l’automne 2013, les registres de l’EI comptaient 2 650 combattants dans la seule province d’Alep. Sur le total, les Tunisiens en représentaient un tiers, suivis des Saoudiens, des Turcs, des Égyptiens et, en plus petit nombre, des Tchétchènes, des Européens et des Indonésiens.

Par la suite, les cadres djihadistes ont été désespérément dépassés en effectifs par les rebelles syriens. Toutefois, même si les rebelles se méfiaient des djihadistes, ils n’unirent pas leurs forces pour défier l’EI parce qu’ils ne voulaient pas courir le risque d’ouvrir un deuxième front. Néanmoins l’État islamique augmenta son pouvoir avec un simple stratagème : les hommes se montraient le visage toujours couvert d’un masque noir, ce qui non seulement les rendait terrifiants d’apparence mais signifiait aussi que personne ne pouvait savoir combien ils étaient en réalité. Quand des groupes de 200 combattants surgissaient, l’un après l’autre, dans cinq endroits différents, cela voulait-il dire que l’EI avait 1 000 hommes ? Ou 500 ? Ou juste un peu plus de 200 ? De surcroît, des espions veillaient à ce que la direction de l’EI fut constamment informée des points de faiblesse ou de division au sein de la population ou encore de conflit locaux, permettant ainsi à l’EI de se proposer comme une puissance de protection, afin de s’implanter dans la place.

La prise de Raqqa

Raqqa, autrefois ville de province endormie sur les rives de l’Euphrate, devait devenir le prototype de la conquête totale de l’EI. L’opération a commencé avec une certaine subtilité, avant de devenir de plus en plus brutale et, à la fin, l’EI l’a emporté sur des adversaires de plus en plus nombreux, en se battant à peine. « Nous n’avons jamais été très politiques », expliquait un médecin qui avait fui Raqqa pour la Turquie. « Nous n’étions pas très religieux et nous ne priions guère. »

Quand Raqqa est tombée aux mains des rebelles en mars 2013, un conseil municipal a vite été formé. Des avocats, des médecins et des journalistes se sont organisés. Des groupes de femmes ont été constitués. L’Assemblée de la jeunesse libre a été fondée, ainsi que le mouvement « Pour nos droits » et des dizaines d’autres initiatives. Tout semblait possible à Raqqa. Mais aux yeux de certains qui fuyaient la ville, cela marqua aussi le début sa chute.

Conformément au plan de Haji Bakr, la phase d’infiltration a été suivie par l’élimination de chaque leader ou opposant potentiel. La première victime a été le chef du conseil municipal, qui a été enlevé à la mi-mai 2013 par des hommes masqués. La deuxième personne à disparaître a été le frère d’un romancier connu. Deux jours plus tard, le dirigeant du groupe qui avait peint un drapeau révolutionnaire sur les murs de la ville s’est évaporé.

« Nous avions une idée de qui l’avait enlevé », explique un de ses amis, « mais plus personne n’osait faire quoi que ce soit ». Le système de terreur s’instaura progressivement. A partir de juillet, des dizaines, puis des centaines de personnes disparurent. Parfois on retrouvait leur corps, mais en général ils disparaissaient sans laisser de traces. En août, les chefs militaires de l’EI envoyèrent plusieurs voitures conduites par des kamikazes vers le quartier général des brigades de la ASL [Armée Syrienne Libre], les « Petits-fils du prophète » , tuant des dizaines de combattants et faisant fuir le reste. Les autres rebelles se contentaient de regarder. La direction de l’EI avait établi un réseau d’accords secrets avec les brigades afin que chacun pense que seuls les autres pouvaient être la cible d’attaques de l’EI.

Le 17 octobre 2013, l’État Islamique convoqua à une réunion tous les dirigeants civils, les religieux et les avocats de la ville. A ce moment-là certains pensaient qu’il pouvait s’agir là d’un geste de conciliation. Parmi les 300 personnes qui assistèrent à la réunion, deux seulement protestèrent contre la prise de contrôle en cours, les enlèvements et les meurtres commis par l’EI.

L’un des deux était Muhannad Habayebna, journaliste et militant pour les droits civiques bien connu dans la ville. On le trouva cinq jours plus tard, ligoté et exécuté d’une balle dans le crâne. Ses amis reçurent un courriel anonyme avec une photo de son cadavre. Le message se réduisait à une seule phrase : « As-tu de la peine pour ton ami maintenant ? » En quelques heures une vingtaine de chefs de l’opposition s’enfuirent en Turquie. La révolution était terminée à Raqqa.

Peu de temps après, les 14 chefs des principaux clans prêtèrent serment d’allégeance à l’émir Abu Bakr al-Baghdadi. Il y a même un film de la cérémonie. Il y avait là les cheikhs des mêmes clans qui avaient juré loyauté indéfectible au président syrien Bachar el-Assad à peine deux ans auparavant.

La mort de Haji Bakr

Jusqu’à la fin 2013, tout se déroulait selon le plan de l’État Islamique ou du moins selon celui de Haji Bakr. Le califat s’étendait de village en village sans guère rencontrer de résistance unifiée de rebelles syriens. En effet, les rebelles semblaient paralysés face au sinistre pouvoir de l’EI.

Mais quand les sbires de l’EI eurent brutalement torturé à mort un chef rebelle qui était un médecin apprécié, en décembre 2013, quelque chose d’inattendu survint : dans tout le pays des brigades syriennes — laïques ou appartenant au front radical al-Nosra — se sont liguées pour combattre l’État islamique. En attaquant l’EI partout en même temps, elles ont réussi à priver les islamistes de leur avantage tactique — celui de pouvoir déplacer rapidement des unités là où elles étaient le plus urgemment nécessaires.

En quelques semaines, l’EI a été chassé d’une grande partie du nord de la Syrie. Même Raqqa, la capitale de l’État islamique, était presque tombée, quand 1300 combattants de l’EI sont arrivés d’Irak. Mais ils ne se sont pas joints à la bataille. Ils ont plutôt employé une ruse, se rappelle le médecin qui a fuit. « Dans Raqqa, il y avait de si nombreuses brigades sur le terrain que personne ne savait exactement où se trouvaient les autres. Soudain, un groupe habillé en rebelles a commencé à tirer sur les autres rebelles. Ils se sont simplement tous enfuis. »

Une petite mascarade toute bête a aidé les combattants de l’EI à remporter la victoire : simplement remplacer leurs vêtements noirs par des jeans et des blousons. Ils ont fait la même chose dans la ville frontalière de Jerablus. Ailleurs et à plusieurs occasions, les rebelles ont capturé des conducteurs de véhicules-suicide de l’EI. Les conducteurs leur demandaient, surpris : « Vous êtes sunnites aussi ? Notre émir m’a dit que vous étiez des infidèles de l’armée d’Assad. »

Une fois achevée, l’image semble absurde : les instruments auto-proclamés de Dieu sur terre qui vont conquérir un futur empire temporel, mais avec quoi ? Avec des tenues de ninja, des ruses minables et des cellules d’espionnage camouflées en bureaux de missionnaires. Pourtant cela a marché. L’EI a gardé Raqqa et a réussi à reconquérir certains de ses territoires perdus. Mais c’est arrivé trop tard pour le grand architecte Haji Bakr.

Haji Bakr était resté à l’arrière dans la petite ville de Tal Rifaat, que l’EI contrôlait depuis longtemps. Mais quand les rebelles ont attaqué à la fin janvier 2014, il n’a pas fallu plus de quelques heures à la ville pour se diviser. Une moitié est restée sous la domination de l’EI, tandis que l’autre en a été libérée par l’une des brigades locales. Haji Bakr s’est trouvé coincé dans la mauvaise moitié. En outre, pour rester incognito, il n’avait pas voulu se rendre au quartier général, très bien gardé, de l’EI. Et c’est alors que le parrain du mouchardage a été mouchardé par un voisin. « Un cheikh de Daech vit à côté ! », cria-t-il. Un commandant local du nom d’Abdelmalik Hadbe et ses hommes se rendirent chez Bakr. Une femme ouvrit brusquement la porte et dit de but en blanc : « Mon mari n’est pas là. »

Mais sa voiture est garée devant, ont répliqué les rebelles.

A cet instant, Haji Bakr est apparut à la porte en pyjama. Hadbe lui ordonna de le suivre, sur quoi Bakr protesta qu’il voulait s’habiller. Non, répéta Hadbe : « Viens avec nous ! Immédiatement ! »

D’une souplesse surprenante pour quelqu’un de son âge, Bakr bondit en arrière et ferma la porte d’un coup de pied, selon les deux personnes qui ont assisté à la scène. Il se cacha ensuite sous l’escalier et cria : « J’ai une ceinture d’explosifs, je vais tous nous faire sauter ! » Il sortit ensuite avec une kalachnikov et se mit à tirer. Habde alors fit feu et tua Bakr.

Plus tard, lorsque ces hommes ont appris qui ils avaient tué, ils ont fouillé la maison, ramassé les ordinateurs, les passeports, des cartes SIM de téléphones mobiles, un appareil GPS et, plus important encore, des documents. Nulle part, ils n’ont trouvé de Coran.

Haji Bakr mort, les rebelles locaux ont arrêté et détenu sa femme que, plus tard, ils ont échangée contre des otages turcs à la demande d’Ankara. Les précieux papiers de Bakr sont restés dissimulés plusieurs mois dans une chambre.

La seconde cachette de documents

L’État de Bakr a continué à fonctionner même sans son créateur. La façon précise dont ses plans ont été appliqués — point par point — est confirmée par la découverte d’un autre dossier. Lorsque l’EI a été contraint d’abandonner rapidement son quartier général d’Alep en janvier 2014, ils ont essayé de brûler leurs archives, mais ils se sont heurtés à un problème similaire à celui qu’avait connu la police secrète de l’Allemagne de l’Est 25 ans plus tôt : ils avaient trop de dossiers.

Certains sont restés intacts et sont tombés aux mains de la brigade al-Tawid, le plus grand groupe rebelle d’Alep à l’époque. Après de longues négociations, le groupe a accepté de mettre les documents à disposition de Spiegel avec un droit exclusif de publication — tout sauf une liste d’espions de l’EI à l’intérieur d’al-Tawid.

Un examen des centaines de pages de documents révèle un système très complexe impliquant la surveillance de tous les groupes, y compris les membres de l’EI. Les archivistes djihadistes conservaient de longues listes mentionnant les informateurs qu’ils avaient installés dans telle ou telle brigade rebelle et milice gouvernementale. Il était même indiqué qui parmi les rebelles espionnait pour les services de renseignement d’Assad.

« Ils en savaient plus que nous, beaucoup plus », a déclaré le dépositaire des documents. On y trouvait les dossiers personnels de combattants, y compris les lettres détaillées de candidatures d’étrangers entrants, comme le Jordanien Abou Nidal Eysch. Ce dernier donnait la liste de ses contacts avec des terroristes, y compris leurs numéros de téléphone, et le numéro de dossier d’une affaire criminelle instruite contre lui. Ses passe-temps étaient également cités : la chasse, la boxe, la fabrication de bombes.

L’EI voulait tout savoir, mais en même temps, le groupe voulait tromper tout le monde sur ses buts véritables. Un rapport de plusieurs pages, par exemple, donne soigneusement la liste de tous les prétextes dont l’EI pourrait se servir pour justifier la prise de la plus grande minoterie du pays, au nord de la Syrie. Il comprenait, entre autres justifications, des détournements de fonds, des conduites impies de la part des ouvriers. La réalité — il fallait s’emparer de toutes les unités de production stratégiquement importantes, comme les boulangeries industrielles, les silos à grain et les génératrices, et envoyer leurs équipements à Raqqa, la capitale officieuse du califat — devait rester secrète.

Maintes et maintes fois les documents révèlent les conséquences des plans de Haji Bakr concernant la création de l’EI — par exemple encourager les mariages dans des familles influentes. Les dossiers d’Alep comprenaient également une liste de 34 combattants qui voulaient des épouses, en plus d’autres demandes pour leur vie quotidienne. Abu Luqman et Abu Yahya al-Tunis indiquaient par exemple qu’ils avaient besoin d’un appartement. Abu Suheib et Abu Ahmed Osama demandaient des meubles de chambre à coucher. Abu al-Baraa al Dimaschqi réclamait une aide financière, en plus d’un mobilier complet, tandis que Abu Azmi voulait une machine à laver entièrement automatique.

Changement d’alliances

Mais dans les premiers mois de 2014, un autre héritage de Bakr se mit alors à jouer un rôle décisif : sa décennie de contacts avec les services de renseignement d’Assad.

En 2003, le régime de Damas fut pris de panique à l’idée que le président d’alors, George W. Bush, après sa victoire sur Saddam Hussein, pourrait laisser ses troupes continuer en Syrie pour renverser Assad de la même manière. Ainsi, les années suivantes, les responsables du renseignement syrien ont organisé le transfert de milliers de radicaux de Libye, d’Arabie saoudite et de Tunisie vers Al-Qaïda en Irak. Quatre-vingt-dix pour cent des kamikazes sont entrés en Irak via la Syrie. Une étrange relation s’est développée entre des généraux syriens, des djihadistes internationaux et d’anciens officiers irakiens qui avaient été loyaux envers Saddam — une entreprise commune d’ennemis jurés, qui se rencontrèrent à maintes reprises à l’ouest de Damas.

A cette époque le but principal était de transformer en enfer la vie des Américains en Irak. Dix ans après, Bachar el-Assad avait une autre raison de redonner vie à cette alliance : il voulait se présenter au monde entier comme un moindre mal. La terreur islamique, la plus est horrible étant préférable, était trop importante pour être laissée aux mains des terroristes. Les relations du régime avec l’État islamique sont — comme avec son prédécesseur dix ans auparavant — marquées d’un pragmatisme complètement tactique. Chaque partie essaie d’utiliser l’autre dans l’espoir qu’elle va en sortir plus forte, capable de vaincre le discret collaborateur d’hier. Inversement, les dirigeants de l’EI n’avaient aucun scrupule à recevoir l’aide des forces aériennes d’Assad, en dépit de tous les engagements du groupe à anéantir les chiites apostats. A partir de janvier 2014, des avions syriens auraient régulièrement — et exclusivement — bombardé les positions rebelles et leurs quartiers généraux pendant les combats entre l’EI et les troupes rebelles.

En janvier 2014, au cours des batailles entre l’EI et les rebelles, les jets d’Assad ont régulièrement bombardé des positions rebelles seulement, tandis que l’émir de l’État islamique a ordonné à ses combattants de s’abstenir de tirer sur l’armée. Cet arrangement a laissé beaucoup de combattants étrangers profondément désillusionnés; ils avaient imaginé le djihad différemment.

L’EI a déployé tout son arsenal contre les rebelles, en envoyant plus de kamikazes en quelques semaines que durant toute l’année précédente contre l’armée syrienne. Grâce en partie aux frappes aériennes, l’EI a pu reconquérir le territoire qu’il avait brièvement perdu.

Rien n’illustre mieux le renversement d’alliances tactiques que le destin de la 17e division de l’armée syrienne. La base isolée près de Raqqa était assiégée par des rebelles depuis plus d’un an. Puis des unités de l’EI défirent les rebelles et l’armée de l’air d’Assad fut à nouveau en mesure d’utiliser cette base pour des vols de ravitaillement sans avoir à craindre d’attaques.

Mais six mois plus tard, après la conquête de Mossoul par l’EI et sa mainmise sur un énorme dépôt d’armes qui s’y trouvait, les djihadistes se sont sentis assez forts pour attaquer ceux qui les avaient aidés autrefois. Les combattants de l’EI ont mis en déroute la 17e division et ont massacré les soldats qu’ils avaient, peu de temps auparavant, protégés.

Ce que l’avenir pourrait réserver

Les revers essuyés par l’EI dans les derniers mois — la défaite dans le combat pour l’enclave kurde de Kobané et, plus récemment, la perte de la ville irakienne de Tikrit, ont donné l’impression d’une fin de règne pour l’État islamique. Comme si, dans sa mégalomanie, à trop vouloir en faire, il avait perdu son mysticisme, battait en retraite et allait rapidement disparaître. Mais cette sorte d’optimisme forcé est prématuré. Même si l’EI a perdu de nombreux combattants, il continue cependant à étendre son pouvoir en Syrie.

Les expériences djihadistes de gouvernement d’un territoire spécifique ont, il est vrai, échoué dans le passé, surtout d’ailleurs parce que ceux qui s’y sont essayés ne savaient pas administrer une région, voire un État. C’est exactement de cette faiblesse que les dirigeants de l’EI ont depuis longtemps été conscients — et qu’ils ont éliminée. À l’intérieur du « Califat » ceux qui ont le pouvoir ont construit un régime plus stable et plus souple qu’il semble être vu de l’extérieur.

Abu Bakr al-Baghdadi passe pour le dirigeant officiel, mais on ne connaît pas précisément l’étendue de ses pouvoirs. En tout cas, quand un émissaire du chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a contacté l’EI, c’est Haji Bakr et d’autres officiers du renseignement, et non al-Baghdadu, qu’il a approchés. Par la suite, cet émissaire s’est plaint de « ces serpents et de ces imposteurs qui trahissent le vrai djihad ».

Au sein de l’EI, on trouve des structures, une bureaucratie et des autorités étatiques. Mais on trouve aussi une structure de commandement parallèle : des unités d’élite à côté des troupes classiques ; des commandants supplémentaires à côté du chef militaire en titre Omar al-Shishani ; des éminences grises qui déplacent ou éloignent les émirs des villes ou des provinces et les font même disparaître à la demande. Mais il y a plus : les décisions devraient être prises par les conseils traditionnels, littéralement la plus haute instance décisionnaire. Au lieu de cela, elles sont prises par les « gens qui déposent et élisent » (ahl al-hall wa-l-aqd), une structure clandestine dont le nom est emprunté à l’Islam médiéval.

L’État islamique est capable d’identifier toutes sortes de révoltes internes et de les étouffer. En même temps, sa structure hermétique de surveillance lui est aussi utile pour exploiter financièrement ses sujets.

Les frappes aériennes menée par la coalition dirigée par les États-Unis ont peut-être détruit des puits de pétrole et des raffineries. Mais personne ne peut empêcher les autorités financières du Califat d’extorquer de l’argent aux millions d’habitants des régions contrôlées par l’EI — sous forme de taxes nouvelles, d’impôts ou simplement par la confiscation de propriétés. Après tout, l’EI sait tout grâce à ses espions et grâce aux données récoltées auprès des banques, des bureaux de cadastre et des bureaux de change. Il sait qui possède quelles maisons et quels champs ; il sait qui possède beaucoup de moutons ou beaucoup d’argent. Les sujets peuvent être malheureux, mais ils n’ont guère le loisir de s’organiser, de s’armer et de se révolter.

Alors que l’Occident concentre son attention en premier lieu sur la possibilité d’attaques terroristes, on a sous-estimé un scénario différent : l’imminence d’une guerre intra-musulmane entre chiites et sunnites. Un tel conflit permettrait à l’EI de passer du rang d’organisation terroriste honnie à celui de pouvoir central.

Dès aujourd’hui les lignes de front en Syrie, en Irak et au Yémen suivent cette ligne confessionnelle, avec des Afghans chiites se battant contre des Afghans sunnites en Syrie et l’EI profitant de la barbarie et de la brutalité des milices chiites en Irak. Si cet ancien conflit islamiste continue à s’amplifier, il pourrait déborder dans les États de confessions mixtes tels que l’Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn et le Liban.

Dans ce cas, la propagande de l’EI annonçant la venue de l’apocalypse pourrait devenir une réalité. Dans son sillage, une dictature absolue au nom de Dieu pourrait être instaurée.

Source Spiegel.de, 18 avril 2015

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

John V. Doe // 27.01.2016 à 09h20

Cet article me semble composé de deux parties bien distinctes dont la très intéressante première, bien appuyée par des documents manuscrits, s’enchaîne à la seconde qui raconte, sans preuves, une belle histoire bien lisse sur le méchant Assad qui fait entrer en Irak de méchants terroristes qui vont se retourner contre lui. Et combien les « rebelles locaux » sont plus solides et auto-suffisants que l’EI qui vit de pillages.

Je me pose quand même la question de savoir pourquoi des documents qui seraient aussi fondateurs n’existent que sous forme manuscrite dans les mains de leur auteur. Je me serait plutôt attendu à les voir sous forme de beaux organigrammes diffusés à tous les niveaux de pouvoir de l’EI.

Nulle part, l’article n’évoque l’argent nécessaire à ces infiltrations, le salaire des combattants et leur armement préalable à l’occupation. Et les armes tombent du ciel sur tous les opposants. Du coup, l’auteur peut se permettre d’ignorer l’origine de l’un comme des autres : bel exemple d’un « éléphant dans le salon ».

Je remarque aussi que la paranoia, quasi-inhérente à son métier, chez un responsable de la sécurité devient sans autre preuves celle d’un gouvernement tout entier du temps de Saddam Hussein, un autre horrible dictateur qui surveillait tout le monde, comme la Stasi et pas du tout comme la NSA & C° qui ne surveillent pas chacun, de sa féale Merkel à votre voisin, sans d’ailleurs pouvoir empêcher quoi que ce soit qu’ils n’aient eux-même provoqué.

En conclusion, nous partons de faits intéressants pour arriver à de belles fables bien conformes à l’idéologie OTAN.

33 réactions et commentaires

  • Bobforrester // 27.01.2016 à 02h28

    Quant à la dictature ns y sommes déjà cf 2005. Pas encore terroriste ouverte mais on s en rapproche : cf l acquittement d un policier qui a logé une balle ds le dos d un voleur qui n a pas fait usage d une arme contre lui. La populace qui a accordé le droit de tuer à la police augure le passage des masses abruties de peur par le pouvoir au fascisme soft qui est paradoxalement le reproche fait au programme du FN , c est le bouquet !

      +10

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  • Episnon // 27.01.2016 à 03h15

    Merci pour cette article.
    Daesh est une sorte de monstre hybride, ce qui relie ces différentes composantes (ex- militaires irakiens, fanatiques djihadistes, mais aussi CIA, Arabie Saoudite, etc.) c’est finalement une volonté de pouvoir inextanguible. Idem ce qui les sépare (ou séparera) lorsque leurs intérêts divergent.

    Hélas cette maladie est universelle (transnationale dans le cas des banques ou des corporations) en France aussi cette addiction au pouvoir sévit avec les mêmes instruments de surveillance, mais adaptés à nos sociétés numériques.

      +13

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  • Patrick Luder // 27.01.2016 à 06h20

    Leçon n° 1. Si le pouvoir peut être pris rapidement par la ruse, la violence, la tromperie, la force et la crainte, il est impossible à un tel pouvoir de se maintenir sur la durée, car il n’aura jamais l’acceptation de ses « sujets ».

    Leçon n° 2. Toute guerre de religion n’est qu’un paravent à d’autres buts inavouables. Ne confondez jamais religion et religieux => le religieux est d’abord tourné vers Dieu et la paix.

    [modéré]

      +27

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  • Fabrice // 27.01.2016 à 07h02

    Tout groupe constitué répond a une ideologie, une culture, une idée directrice ou fondatrice…de la secte en passant par n’importe quelle association, état etc…le conscentement à l’appartenance au groupe est donné de façon implicite par le nombre y adhèrent ou explicite par la majorité qualifiée. Ce n’est donc pas un problème. Ainsi se sont bâties et se bâtierons les societes humaines.
    En revanche, lorsque que les pays de la liberté, des droits de l’homme, de la democratie, de l’amour du prochain etc etc ne respecte plus les fondements constitutifs des groupes (Ici les us et l’Occident vis à vis de l’Irak et la syrie et la Palestine et plusieurs pays d’Afrique et et et …) bref, il faut pas venir après faire les Charli charlot au moment du retour de bâton.

      +9

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  • John V. Doe // 27.01.2016 à 09h20

    Cet article me semble composé de deux parties bien distinctes dont la très intéressante première, bien appuyée par des documents manuscrits, s’enchaîne à la seconde qui raconte, sans preuves, une belle histoire bien lisse sur le méchant Assad qui fait entrer en Irak de méchants terroristes qui vont se retourner contre lui. Et combien les « rebelles locaux » sont plus solides et auto-suffisants que l’EI qui vit de pillages.

    Je me pose quand même la question de savoir pourquoi des documents qui seraient aussi fondateurs n’existent que sous forme manuscrite dans les mains de leur auteur. Je me serait plutôt attendu à les voir sous forme de beaux organigrammes diffusés à tous les niveaux de pouvoir de l’EI.

    Nulle part, l’article n’évoque l’argent nécessaire à ces infiltrations, le salaire des combattants et leur armement préalable à l’occupation. Et les armes tombent du ciel sur tous les opposants. Du coup, l’auteur peut se permettre d’ignorer l’origine de l’un comme des autres : bel exemple d’un « éléphant dans le salon ».

    Je remarque aussi que la paranoia, quasi-inhérente à son métier, chez un responsable de la sécurité devient sans autre preuves celle d’un gouvernement tout entier du temps de Saddam Hussein, un autre horrible dictateur qui surveillait tout le monde, comme la Stasi et pas du tout comme la NSA & C° qui ne surveillent pas chacun, de sa féale Merkel à votre voisin, sans d’ailleurs pouvoir empêcher quoi que ce soit qu’ils n’aient eux-même provoqué.

    En conclusion, nous partons de faits intéressants pour arriver à de belles fables bien conformes à l’idéologie OTAN.

      +73

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    • Anouchka // 27.01.2016 à 10h17

      C’est vrai qu’apres avoir lu cet article, on se demande bien ce que les Occidentaux sont allés faire dans cette galère.
      L’EI y apparaît comme une organisation de type nationaliste avec un verni pan-islamiste, un groupement de laissés pour compte avides de revanche qui sait certes bien exploiter les ficelles des régimes totalitaire et qui témoigne d’un goût prononcé pour l’extermination et/ou l’asservissement de groupes de population (chiites, femmes, etc.) mais sans véritable ambition d’attaquer l’Occident.
      Est-ce la réalité?

        +4

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      • Dominique // 27.01.2016 à 19h13

        « on se demande bien ce que les Occidentaux sont allés faire dans cette galère. »
        C’est portant simple : renverser les dictateurs, c’est à dire ceux qui ne se plient pas aux dictats des USA.

          +5

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    • vinel // 27.01.2016 à 14h14

      Surveillance de tout le MONDE?Tiens ça me rappelle quelque chose de récent qui concernait la France et L’Allemagne?
      Le » mal »terme à consonance religieuse n’est pas concentré,il est diffusé à toute l’humanité .
      C’est l’arme des dominants essentiellement.

        +2

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    • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 16h31

      « belle histoire bien lisse sur le méchant Assad qui fait entrer en Irak de méchants terroristes » : évidemment, voilà qui ne rehausse pas le personnage, mais ce n’est pas forcément faux. Le billet raconte que ça se passe en 2003, longtemps avant qu’il ne soit devenu le pestiféré que l’on sait : si donc vous aviez appris, à cette époque, qu’il avait aidé les djihadistes en Irak, auriez-vous pensé que ce sont des bobards ? Assad est depuis toujours très anti-US et anti-Israël, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il ait pu participer à la résistance anti-US en Irak. Il ne faut pas s’étonner non plus qu’il ait pu faire la même erreur que les Américains en s’alliant à cette sale engeance, car, à cette époque, ce n’était pas encore l’EI tel que décrit dans ce billet.

        +4

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      • Lysbeth Lévy // 27.01.2016 à 17h45

        Comme Khaddafi ou d’autres ex-présidents, Saddam Hussein, fut bien ami des occidentaux qui l’ont mis à mort quand il a déplu : http://www.famouspictures.org/donald-rumsfeld-shakes-hands-with-saddam-hussein/

        « Special Envoy Rumsfeld

        During his period as Reagan’s Special Envoy to the Middle East (November 1983 – May 1984), Rumsfeld was the main conduit for crucial American military intelligence, hardware and strategic advice to Saddam Hussein, while Iraq was fighting Iran in the Iran-Iraq war. His first visit was when this footage was taken, from December 19 – December 20, 1983. He and Saddam Hussein had a 90-minute discussion that covered Syria’s occupation of Lebanon, preventing Syrian and Iranian expansion, preventing arms sales to Iran by foreign countries, and increasing Iraqi oil production via a possible new oil pipeline across Jordan (Syria had shut down an Syrian-Iraqi pipeline).
        Later Rumsfeld would try and claim that in his “head to head” meeting with Saddam he brought up Saddam’s use of Chemical weapons on the battlefield. However, it was later revealed that Rumsfeld didn’t discuss the issue with Saddam but instead brought it up at a later meeting with Tariq Aziz (Iraqi Deputy Prime Minister and Foreign Minister) in passing as part of a list of issues that “inhibited” US assistance. » »
        Et oui on se serrait bien les mains, s’embrassant et quand on a un petit différent, tout va mal le plus fort écrase le banni comme un simple cafard !

          +3

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      • Agent Smith // 27.01.2016 à 20h00

        Bonsoir,
        L’hypothèse voulant qu’ Assad ai pu auparavant soutenir les jihadistes en Irak semble douteuse. J’ai du mal à concevoir qu’il ai pu soutenir des rebelles sunnites contre un état chiite tout en les matant chez lui.

        En effet une Irak administrée par un pouvoir chiites semble être un allié ou un moindre mal pour Assad, alaouite. Assad qui luttant en interne contre les sunnites les soutiendrait à l’extérieur afin de briser le croissant chiite Syrie Irak Iran qui le protège est une hypothèse risquée.

        Quant à l’argument Assad avait peur que les US le renverse et donc a collaboré avec tous les méchants jihadistes du monde pour les faire entrer en Irak par sa frontière sans que pendant 10 ans personne ne s’en soit aperçu me semble léger. Bien sur c’est avancé sans aucune preuve mais çà permet de dire que 90% des kamikazes en Irak sont le fait d’Assad le machiavel alaouite.

        En revanche une ou des puissances sunnites voisines avaient, elles, grand intérêt à produire et financer une rébellion sunnite dans une Irak chiite, notamment afin de ne pas voir se pérenniser ce croissant, ce bloc chiite, mais bon c’était pas écrit sur les petits papiers qu’on a retrouvé par hasard.

        Sinon en parlant de l’EI et de Baghdadi on peut trouver plusieurs documents de sources sérieuses qui les évoquait déjà en 2007, on peut comprendre que déjà le personnage est flou mais jamais reconnu ni en Irak ni par les services officiels comme un religieux, ni m^me comme citoyen irakien. D’ailleurs la date donnée de 2010 semble incompatible avec les sources antérieures. Par exemple de 2007 :
        http://www.smh.com.au/news/world/us-says-iraqi-rebel-head-is-an-invention/2007/07/19/1184559957228.html

          +8

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        • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 20h16

          « J’ai du mal à concevoir qu’il ai pu soutenir des rebelles sunnites contre un état chiite tout en les matant chez lui. : 1) la religion n’est pas le 1er critère comme le rappelle ce billet. 2) c’était plus contre les US que contre les chiites irakiens. 3) Assad a un comportement de laïc. 4) c’était en 2003, pas en 2011, et suite à l’invasion US. 5) C’est la valse des alliances opportunistes au MO, vous ne l’avez pas remarqué ? 6) Assad n’a jamais eu besoin de « mater » les sunnites syriens, ils participent au pouvoir. 7) Il est sûr que, derrière leur opposition, sunnites ET chiites ne veulent pas de ricains à bord. 8) Après Kadhaffi qui a été achevé comme l’on sait, vous auriez voulu qu’Assad n’ait pas pris peur ? Ses choix étaient sans doute contestables, sa motivation beaucoup moins.

            +6

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  • Charles Michael // 27.01.2016 à 09h35

    Merci de cet article qui rappelle en détail la « création » de Daesh, et prévisément son origine dans les incroyables lacunes US.

    J’ai quand même quelques remarques, sur quelques limites évidentes, intentionnelles ou pas:
    – voilà un groupe qui nait d’une organisation d’ex-militaires devenus chômeurs; la question de qui finance ces sans-soldes n’est pas posée; il est vrai que le lecteur informé peut considérer que les sources Turques, Saoudienne, CCG sont de notoriété publique.
    – en Irak le rôle sectaire, anti-sunnite, du gouvernement mis en place par les US n’est pas mentionné. C’est pourtant en grande partie ce qui provoque la révolte dans les régions sunnites, dont la prise de Fallujah (que l’armée Irakienne n’arrive pas à récupérer).
    – aucune remarque sur les porosités avec les groupes AlNostra dont plusieurs ont fait allégiance à Daesh
    – aucune remarque sur l’inéfficacité de la coalition anti-Daesh tricoté par US, au contraire crédit leur est donné pour avoir bombardé les ressources pétrolières; mais rien sur l’intervention Russe
    – Bachar Al Assad, tjrs très méchant, allié avec Daesh, etc…
    – reprise du thème guerre sunnite-shiites si cher à l’AS et l’Otan des neocons, sans mention du nombre de sunnites dans l’Armée Syrienne et les milices pro- Bachar Al Assad.

    En conclusion: je garderai donc une bonne description du système « comment se servir de la terreur »; (sytème déjà connu), mais s’inscrivant dans le politiquement Korrect tel que vu par Merkel, gommant le role de la Turquie et des monarchies, oubliant qui arme Daesh.
    et bien qui est en train se battre (et de vaincre), pour de vrai, sur le terrain tous les groupes salafists.
    Opinément focalisée sur Daesh à la veille des négociation (ter) à genève, où la question de quels groupes rebelles sont invités reste centrale.

      +31

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  • Muslim // 27.01.2016 à 09h40

    Si je comprends, un inconnu, un fantôme sorti de nulle part, des documents retrouvés (par hasard) pour monter une belle histoire de l’origine de cette organisation, dans laquelle plane des mystères et de l’obscurité, difficile à prouver, avec l’aide complice d’un média de masse content sur notre crédulité ? Désolé, mais le coup des documents secrets et l’histoire toute prête me laisse vraiment perplexe, il tenait aussi un journal intime ?

      +13

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  • sacha // 27.01.2016 à 10h14

    Les techniques d’infiltration mentionnées sont fondamentales. On se concentre sur des individus et familles influentes, leurs indeologies, leurs moyens de subsistance. Ceux qui ne se couchent pas sont tués, les autres soit se couchent soit son tués, bref le corrollaire de tous les régimes autoritaires. le mensonge et l’espionnage en sont la base et surtout diviser, diviser, diviser. Cesar a fait le même chose avec les tribus gauloise pour conquérir la Gaule !

    Le plus inquiétant est que ces techniques sont universelles dans n’importe quelle société humaines.
    On comprend donc vite l’interet d’un facebook gratuit et d’une bonne grosse base de données par individu. Cela permet de savoir instantanément et en dynamique, vos proches, votre idéologie, vos moyens de subsistance…
    Si vous voulez mettre en place un régime autoritaire, c’est donc asser facile finalement !
    J’ai par contre une bonne nouvelle dans cet océan machiavellique. L’antidote ultime, c’est la transparence de la société et le net le permet techniquement: Tout devient transparent, votre idéologie, vos proches, vos moyens de subsistance, une sorte de CV facebook avec votre situation fiscale et votre compte en banque à dispo de tout le monde. Ah oui au fait, il existe déja des bases de données où sont collectées ces infos mais vous ne le savez pas
    Cela vous fait peur ! c’est une horrible restriction de mon droit à l’anonymat, etc… dite vous bien que cela empêche sans équivoque la division, un tel pays devient invincible.
    La preuve que j’ai raison : La fameuse loi sur la transparence des élus où vous pouvez aller chercher aux impots les déclarations de patrimoine d’un élu et si vous en divulguer publiquement un mot, vous êtes mis en prison ou ruiné. C’est le coeur atomique de tout pouvoir, l’opacité de qq uns.
    Si vous savez vraimment pour qui vous voter au dela des slogans publicitaires, vous revenez à la raison et vous n’êtes plus manipulable. Sinon vous pouvez toujours rester Charlie. Cela demande un esprit de tolérance très fort et une liberté d’expression sans restriction mais il me semble que c’est la base des fameux droits de l’homme…
    Dernière info, 80% des gens en France sont pauvres donc leur transparence ne peut leur nuire, par contre pour le reste, ça va être drôle.

      +10

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  • Lysbeth Lévy // 27.01.2016 à 10h19

    Grand merci pour la traduction de ce nouveau ou énième texte : ha les méchants islamistes, avec leur sharia, et leurs croyances, qui viendront chez nous tuer nos fils et nos compagnes…….

    Encore une « prophétie » auto-réalisatrice, a travers la « découverte » de l’architecture de l’état islamique, tour à tour appellé EIL, ISIS ASL, etc.l’auteur là nous fait voir là que ce fameux groupe de mercenaires appointés aux dollars américains, a une vie propre, sans attaches ni créateurs qu’il est basé sur la sharia (sic !) donc l’horreur islamiste . L’auteur A. Reuters; d’ailleurs est invité partout a parler comme on le voit souvent pour de nouveaux journalistes que l’on veux « lancer » et qui finira par avoir un « prix de complaisance » pour son livre.

    Ou sont les Usa, France, UK, l’Arabie Saoudite, Qatar qui dans l’ombre, oeuvrent : financent, arment lourdement ces escadron de la mort semblable aux « Einzatsgruppen » allemands, qui remplissaient la terre russe, polonaise du sang de leurs peuples de l’est pendant la der des der.

    Car rien de nouveaux sous le soleil, ces mercenaires drogués au captagon, comme le furent les « escadrons de la mort » allemand eux ayant droit en plus à de l’alcool en masse pour accomplir leur oeuvre de génocide. C’est dire si au final ils savent très bien qu’ils ne sont là que pour donner la mort en s’attaquant au dernier pays laique de la région, la Syrie, née de Sikes-Picot, pour transformer cette région en trois régions fondées sur la confession/ethnie comme le veux le grand plan de remodelage du moyen-orient élargi à l’Afrique.décidé par le tenant du choc des civilisation en 1991 !!.http://mappemonde.mgm.fr/num21/articles/art09103.pdf

    L’Irak ayant explosé, la Syrie doit suivre et le fameux Etat islamique n’est là que pour permettre l’éclatement de la Syrie, basé sur les clivages confessionnels Sunnites contre Chiites et les uns contre les Yézidis, Kurdes, tous se battant pour une place quelque part, l’occident n’a plus qu’à cueillir les puits de pétrole pour les exploiter..

    Des peuples qui vivaient en paix depuis des milliers d’années se voient par la volonté de nos élites occidentales, opposés les uns aux autres par mercenaires interposés. Mais de là a nous faire croire que cette violence « viendrait simplement » des peuples arabes vivant sur place, avec un état islamique organisé, tenu par un « chef » et avec un plan tout prêt cet architecture d’état basé sur la shariah (sic !), c’est un peu réducteur et très « occidentale » comme idée.
    http://www.strategicsinternational.com/22_01.pdf

    Encore une fois, on diabolise l’Islam, les pays arabes et surtout le pire les victimes arabo-musulmanes de cet acharnement européen, anglo-saxon à piller encore mieux les ressources de la région moyen-orientale grâce a des escadrons de la mort, drogués, armés puissamment (missiles Us, armes modernes) qui découpent la région en plusieurs morceaux comme prévu pour les tenant du plan du grand moyen-orient élargi !

    Oh j’oubliais la Turquie dans l’affaire : http://www.mintpressnews.com/211624-2/211624/

      +19

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  • stepane hairy // 27.01.2016 à 10h49

    Tout ceci est une belle histoire, mais comment se fait-il qu’il n’y ai AUCUNE sources de toutes les informations proposées par Spieglel ? Un récit de cette qualité et longueur sans source est-il recevable ? Peut-on faire de l’investigation sans « prouver » la véracité de ses propos ?

      +12

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  • Tanguy // 27.01.2016 à 10h49

    Une erreur régulière :

    L’article dit « Elles révèlent une structure à plusieurs niveaux et des directives opérationnelles, dont certaines déjà testées et d’autres nouvellement conçues pour s’adapter à l’anarchie régnant dans les zones sous contrôle rebelle. ».

    Il n’y a toutefois par l’ANARCHIE dans les régions rebelles, mais l’ANOMIE. Cette confusion des termes est très préjudiciable à la diffusion d’unne belle idée (l’anarchie) qui n’a RIEN à voir avec « la loi du plus fort ».

      +14

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  • Nicolas Anton // 27.01.2016 à 11h26

    Je vois que des dossiers secrets sont tombés dans les mains de la ménagère de moins de 50 ans.. tatatatsan.. et que nous disent-ils ? Que le vilain Bachar s’est allié avec l’EI pour écraser les gentils rebelles combattants de la liberté pour tous !

    L’armée de G.W Bush a anéanti l’armée Irakienne en 40 jours mai 2003 ! Les miettes restantes ont été ensuite dissoute la même année par le chef de l’occupation Bremer. Résultat ? Il se crée en 2006 un État islamique d’Irak et son armée qui soudain a la capacité d’envahir…. la Syrie en 2012. Bingo! Avec quels financements ? quels matériels ? acheminés comment et par qui ?
    Quelle puissance est capable de constituer une armée de mercenaire en seulement 6 ans, avec pour mission d’envahir la Syrie de Bachar El-Assad, d’envoyer des troupes en Libye et d’organiser des attentats en France et en Europe et en passant de résister aux fameux « bombardements » de la coalition depuis 1, 2, 3 ans ?..
    Alors OTAN l’écrire tout de suite : un officier irakien, un organigramme et un racket de population en guise d’explications ça ne va pas me suffire.

      +39

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  • Michel Ickx // 27.01.2016 à 11h38

    Dès les premières lignes de cet article, et indépendamment de journal choisi pour sa divulgation, il se dégage un fort parfum de « storytelling »

      +15

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  • Krystyna Hawrot // 27.01.2016 à 11h48

    L’article est extrêmement intérressant. Juste un petit bémol: la manie des médias ouest allemands de comparer tout « mal » à la Stasi et à la RDA: que je sache la RDA n’a jamais attaqué personne et n’avait aucune ambition d’expansion. La Stasi se contentait d’espionner ses propres citoyens et de contre espionner l’espionnage ouest allemand et américain.

    En revanche, la description du rôle dans l’article de bureaux de bienfaisance qui servent de centre d »espionnage des populations ici en Syrie et de fer de lance de la conquête des territoires, est ce que cela ne rappellent pas la politique constante des fondations (ouest)allemandes et américaines qui servent à faire des « révolutions de couleurs »?

    En Tunisie par exemple les Fondations Ebert, Adenauer, Böll et Rosa Luxemburg contrôlent la totalité de la société civile en finançant le syndicat UGTT, des partis de gauche comme de droite, des ONG de droits de femmes, de l’homme, de l’écologie, de grands rassemblements internationaux comme le Forum Social Mondial de 2013 et 2015?

    Et on veut nous faire croire que ces Fondations font cela par « bienfaisance » et qu’il n’y a pas de projets politiques de contrôle derrière? Allons donc!

    Et ou donc cet officier irakien avait -il appris ces techniques d’organisation d’une police secrète et d’espionnage des population? Peut être qu’il les avaient apprises auprès de formateurs ouest allemands et américains dans les 80, du temps ou d’Occident soutenait Saddam Hussein contre l’Iran?

      +9

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  • ashwolf // 27.01.2016 à 12h00

    Les commentaires de cet article sont manichéens et manquent de sens critique…

    Que le régime syrien ait adopté un comportement opportuniste vis à vis de l’état islamique pour écraser la rébellion syrienne, c’est une évidence difficilement discutable.

    Pour preuve, la stratégie d’Assad a été strictement la même vis à vis du kurdistan syrien, avec la signature d’un cessez-le-feu, même si les deux factions sont ennemies. La stratégie du diviser pour mieux régner est vieille comme le monde, et c’est ce qui a permis au régime syrien de survivre jusqu’à aujourd’hui. L’état islamique a essentiellement grossi sur les territoires rebelles, et non sur les territoires du régime syrien. Sans l’état islamique, le régime syrien se serait sans doute déjà effondré.

    Par ailleurs, contrairement à ce que certains prétendent, cet article est à charge vis à vis de la politique américaine en Irak, en évoquant notamment les rafles perpétrées par les USA dans les prisons irakiennes, et la politique d’ostracisme envers les sunnites dans l’administration syrienne. Je ne vois pas en quoi ces accusations seraient « pro-OTAN »

    Enfin, je tiens à rappeler que l’Allemagne est la puissance d’Europe centrale qui se méfie le plus des USA, contrairement au royaume uni, à la France ou à l’Espagne, et qui se bat pour ses propres intérêts, qui ne sont pas ceux des états unis. Ce n’est pas pour rien qu’il y a autant de tensions entre le Royaume Uni, LE régime pro-atlantiste par excellence, qui menace de quitter l’UE, et l’Allemagne, puissance centrale qui cherche à verrouiller les processus politiques en Europe.

    Nous vivons désormais dans un monde multipolaire ou les aspirations des uns ne sont pas les aspirations des autres, même quand ils sont « alliés » (Typiquement la Chine et la Russie). Il serait temps que les gens le comprennent. Et arrêtent de surestimer la puissance militaire américaine, qui est en perte de vitesse accélérée depuis quelques années.

    Pour moi, cet article est l’un des articles les plus lucides et les plus neutres que j’ai lu depuis bien longtemps sur l’état islamique.

      +10

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    • ashwolf // 27.01.2016 à 12h10

      Sur cette vidéo on voit bien l’évolution territoriale de l’état islamique : https://www.youtube.com/watch?v=3iqnMcQDRnw

      Et on constate que les seuls territoires qu’il a pris au régime syrien sont des territoires désertiques, donc d’un faible intérêt stratégique, alors qu’il a pris toute la vallée de l’Euphrate aux rebelles syriens.

        +6

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    • Anouchka // 27.01.2016 à 13h00

      Il n’en demeure pas moins que l’article n’aborde pas du tout la question du financement et de l’armement qui est toujours cruciale dans une guerre.
      L’article montre de manière intéressante que l’EI n’est pas un réseau de type AlQaida mais bien un Etat en gestation, il analyse certains mécanismes de cette gestation, mais reste étonnamment silencieux, sur le « nerf de la guerre », la question du financement.
      On ne peut pas parler de tout dans un article, certes. Mais quelques phrases auraient suffi pour replacer cette analyse (tres technique au deneurant) dans le cadre plus général de la lutte pour l’appropriation des ressources et du territoire au Moyen-Orient.

        +7

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      • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 16h40

        La question du financement, tout le monde la connaît, et elle concerne la « politique extérieure » de l’EI. Le billet, lui, parle de sa « politique intérieure », c’est-à-dire ce qui ne relève que de son/ses chef(s), et dont jamais personne n’avait parlé auparavant.

          +6

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    • Charles Michael // 27.01.2016 à 16h26

      Chacun son appréciation,

      je ne vais pas discuter point par point vos affirmations globalement conformes doxa.

      Mais je peu dès maintenant vous « prédire » que avec l’intervention Russe la dynamique de la guerre s’est inversée et l’Est Syrien (façade maritime jusqu’à la frontière turque) est en cours de libération des mangeurs de foie « modérés ».
      Les forces R+6 se massent autour d’Aleppo pour la suite, pendant que les Kurdes YSG prgressent aidés par les US (chut Erdogan ne doit pas le savoir) et les Russes. US et Russie étant chacun en train de s’installer des airports dans l’extrème Est de la Syrie près de la frontière turque et de celle de l’Irak.

      Pendant e temps à Genève, etc… blabla … 6 mois de gagner par la coalition R+6 pour détruire Daesh &Co.

      PS: si vous pensez que Merkel est la plus indépendante des US, c’est dur pour elle: elle n’a plus l’excuse de l’asservissement au chantage pour accumuler les grosses conneries.

        +2

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  • Fool Prophet // 27.01.2016 à 15h03

    Euhhhh, ça ressemble quand même à un joli conte de fées tout ça, sorti des cartes pokemons d’un homme que personne ne connaît et révélé au monde entier sur la foi d’archives sorties miraculeusement d’on ne sait où…

    Et d’un coup, d’un seul, USA, Arabie Saoudite et Qatar seraient exonérés de la création du monstre.
    D’un coup d’un seul, les véritables origines seraient les derniers restes de Saddam revenu quasiment d’outre-tombe au travers de son ex colonel pour concocter une vengeance construite sur les principes de terreur qui l’ont maintenu au pouvoir (et on se prend à remercier les US de nous avoir débarrassés de l’horrible bonhomme)
    D’un seul coup d’un seul on voit encore comment l’horrible Bachar a contribué à l’essor du monstre en Syrie en collaborant avec lui… C’est sans doute pour ça que l’EI a mis Assad au bord du gouffre jusqu’à l’intervention russe.
    D’un seul coup d’un seul, on nous explique le mérite des « gentils rebelles » ET… du front Al Nosra pour lutter contre l’horrible Frankenstein.

    Il ne manque en fait plus que la collaboration de Poutine à la fabrication de la bestiole pour que la coupe soit parfaitement pleine.
    C’est limite joke quand même ce truc.

      +17

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  • Louis Robert // 27.01.2016 à 15h40

    Cette fable du Spiegel, « Le Seigneur de l’ombre », est de celles que le célèbre historien britannique Eric Hobsbawm aurait vraisemblablement désignée comme l’une des plus susceptibles de passionner les petits enfants, en ce début du XXIème siècle. C’est dire que, malgré tout, nous ne devons pas bouder la vérité des fables.

    Depuis fort longtemps déjà, on n’a de cesse de tenter de nous faire croire:

    1. que le terrorisme n’est l’affaire que de quelques esprits dérangés, d’un petit nombre de jeunes gens « radicalisés », affligés de troubles psychiatriques, de « fous » solitaires aussi, qu’il suffit et suffira de « mettre hors d’état de nuire »,

    2. qu’étant bien malgré nous en guerre contre le terrorisme, nous devons déclarer solennellement la guerre à la terreur et la mener, à perpétuité si nécessaire.

    Or dans « Le Seigneur de l’ombre », le Spiegel lève le voile sur ce qui rend de peu d’intérêt ce que l’on tente si ardemment de nous faire croire. Tel qu’il existe, qu’il prend de l’ampleur et qu’il frappe, le terrorisme international suppose l’existence de ressources considérables, matérielles et humaines, qui permettent:

    1. de donner naissance à une vision qui comporte des buts et objectifs socio-politiques précis,
    2. de créer une organisation considérable, structurée, puissante, redoutable et durable,
    3. d’élaborer une stratégie et de définir des tactiques de lutte locale, régionale, puis mondiale,
    4. de mobiliser massivement des populations entières de combattants,
    5. d’organiser, d’éduquer, de former, d’armer, d’entretenir, puis de diriger ces combattants,
    6. de lutter, de vaincre, de survivre à la défaite, de reprendre la lutte jusqu’à la victoire finale,
    7. de négocier: les trêves, les ententes, les accords, puis l’armistice et la paix.

    On ne saurait rendre compte de tout cela en ne recourant qu’à la religion et à la psychiatrie.
    On ne saurait faire face à tout cela en ne ciblant que quelques « pauvres types » et les jeunes.
    On ne saurait vaincre pareil ennemi en ne tuant que quelques « fous » .

    L’enjeu fut, demeure et restera essentiellement politique. Or le politique (faut-il le rappeler?) ne se limite pas aux conflits permanents et à la guerre perpétuelle mais inclut et doit constamment mettre en oeuvre, aujourd’hui encore, la diplomatie.

    Hobsbawm: « Except as a metaphor, there can be no such thing as a war against terror or terrorism, but only against partricular political actors who use what is a tactic, not a program. »

    _______

    (« On Empire: America, War, and Global Supremacy », Pantheon Books, 2008, p. 49)

      +6

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  • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 17h02

    Aucun des détracteurs de cet article, et ils sont nombreux, ne signalent un point fondamental et crucial qu’il faudrait vérifier pour juger la crédibilité de l’article, à savoir : « ils montrent comment la planification de la prise de contrôle du nord de la Syrie à d’abord rendu possible la progression de l’organisation en Irak. » C’est d’abord en Irak que l’EI est vraiment devenu une force incontournable. Rappelez-vous : ses blindés, prélevés dans l’arsenal irakien, étaient à deux doigts de Bagdad. L’EI en Irak n’est venu sur le devant de l’actualité qu’à partir de l’intervention russe. C’est pourquoi c’est peut-être l’inverse qui est vrai : la progression de l’EI en Irak a rendu possible son occupation du nord de la Syrie.

      +9

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  • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 17h58

    Très, très déçu par tous ces détracteurs dont le sens critique est bien plus émoussé qu’aiguisé. En effet, ils interprètent le texte faute d’y trouver ce que l’on trouve déjà partout ailleurs, (le rôle des autres puissances en jeu, les magouilles politico-financières à l’échelon international,…), et y voient une « pièce-montée » par des services secrets pour occulter la responsabilité des Occidentaux, ou nous faire croire ceci ou cela. Si c’était vraiment ça le but, alors à quoi bon tous ces détails sur le fonctionnement interne de l’EI ? Il est bien possible que tout soit faux dans ce texte, mais toutes ces critiques pour ce dont il ne parle pas relèvent de l’abus de bonne conscience, non de l' »esprit critique acéré ». Le Yéti s’est montré bien plus pertinent (http://yetiblog.org/index.php?post/1592)) : « Document : le secret de Daesh révélé de l’intérieur

      +5

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    • Astatruc // 27.01.2016 à 20h31

      Ce qui est intéressant, c’est de découvrir ce fonctionnement (digne d’une CIA?), ou d’un régime totalitaire où la surveillance prévaut.

      Tout est bien plannifié et sur le long terme:mariages, évaluation de ceux qu’on peut corrompre, installation dans les villages, etc….
      Et n’a pas à voir avec la religion musulmane.

      Dans le même ordre d’idées, il y avait une explication de comment les jeunes étaient triés à leur arrivée, ceux qui choisissaient kamikaze avaient un régime de faveur, étaient soignés au petits oignons.
      Je ne trouve plus le lien.
      🙁

        +4

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  • Charlie Bermude // 27.01.2016 à 18h15

    çà me fait penser à un autre génie , dans un tout autre domaine : Euler . Entre autres merveilles c’est le fondateur de la théorie de l’hydro-dynamique . Absolument géniale . Personne ne le comprenait . A cause de son talent il fut embauché par Frédéric II qui espérait de lui de plus beaux jets d’eau que ceux de Versailles dans son magnifique parc . Brillante carriére pour Euler .
    Sauf que Frédéric II lassé aprés plusieurs années , des échecs pratiques de Euler qui n’arrivait pas à faire sortir l’eau des tuyaux l’a finalement remercié .
    On a là un bel organigramme , c’est une bonne information , pour autant est ce que çà fonctionne comme çà , et en plus bref , est-ce que çà fonctionne bien ? Au su des effets sur le terrain , je me permets quelques doutes . Les nombres de Reynolds , connus de longues date des plombiers dans leur pratique , n’ont toujours pas d’explications théoriques . C’est pourtant nécessaire pour éviter l’explosion des tuyaux . çà a finalement été respecté par les théoriciens malgré la vulgarité et l’ignorance profonde des plombiers , parce que lorsque les tuyaux , par exemple transportent , pétrole ou gaz , c’est une autre affaire .

      +2

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  • Crapaud Rouge // 27.01.2016 à 21h03

    L’intérieur de l’EI, personne n’en a parlé avant ce billet. On ne connaît d’eux que leurs exécutions sanguinaires, leurs colonnes de 4×4 ou de blindés, leurs symboles néo-pirates, leurs chefs médiatisés et leur implantation territoriale. L’on sait aussi que l’Arabie et le Quatar sont leurs principaux bailleurs de fond, que les US les ont aidés et entraînés, et enfin que les « rebelles modérés » leur ont fait allégeance sur le terrain. Aucune référence sur ce qui se passe en interne. Alors, comment peut-on traiter ce texte de « fable » ou de « conte » ? La fiche Wiki de l’intéressé dont la 1ère version remonte au 21 avril 2015, (ce qui fait presque un an…), est tout à fait « compatible » avec l’enquête du Spiegel, voir ici : https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Haji_Bakr&oldid=114354390 Bref, pour critiquer l’enquête du journal allemand, il faudrait des références historiques sérieuses, et montrer par exemple que beaucoup de dates sont fausses.

    Précisions : au cœur de ce récit, il y a ce que raconte la fiche Wiki du 21 avril 2015 : « En 2013, il joue un rôle important dans l’infiltration en Syrie de ce qui est devenu l’État islamique en Irak et au Levant, notamment par l’implantations de cellules d’espions dans des villes et des campagnes d’assassinats et d’enlèvements ciblés. » Et puis, la prise de Mossoul, c’est en juin 2014, (http://fr.sputniknews.com/international/20150601/1016350860.html), ce qui est compatible avec l’article qui affirme que c’est l’implantation de l’EI en Syrie du nord qui a permis sa progression en Irak. Dès lors que le billet ne déforme pas une orientation stratégique de cette importance, on peut le considérer comme crédible.

      +5

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