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16.décembre.202116.12.2021 // Les Crises

Frappes israéliennes en Syrie : Le deux poids deux mesures des États-Unis participe à l’instabilité du Moyen-Orient

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Les rapports indiquent que l’attaque contre une base américaine le mois dernier correspondait à des représailles aux récentes frappes israéliennes. Cela n’a tué personne, mais ce n’est qu’une question de temps.

Source : Responsible Statecraft, Paul R. Pillar
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des soldats américains, avec la Compagnie Alpha, 1er Bataillon, 6e Régiment d’infanterie, 2e Armored Brigade Combat Team, 1re Division blindée, effectuer une reconnaissance de zone dans la zone de responsabilité du Commandement central (CENTCOM), le 18 février 2021. Les soldats sont en Syrie pour soutenir la mission Combined Joint Task Force-Operation Inherent Resolve (CJTF-OIR). La CJTF reste déterminée à travailler par, avec et à travers nos partenaires pour assurer la défaite durable de Daech. (Photo de l’armée américaine par la CPS. Jensen Guillory)

Selon Eric Schmitt et Ronen Bergman du New York Times, les responsables américains pensent que la récente attaque de drones contre une base militaire américaine dans le sud de la Syrie, le mois dernier, correspondait à des représailles aux frappes aériennes israéliennes en Syrie. L’attaque n’a fait aucune victime – et les munitions de trois des cinq drones n’ont même pas explosé – mais la prochaine attaque de ce type pourrait bien faire des morts ou des blessés. Les responsables attribuent l’attaque d’octobre à ce qu’ils décrivent comme des forces « déléguées » liées à l’Iran.

Quatre implications découlent de cette évolution.

Premièrement, le retrait complet des troupes américaines de Syrie est attendu depuis longtemps. La présence continue de ces troupes est illégale, ne sert aucun objectif vital identifié et autorisé par le Congrès, et contribue à prolonger une guerre en Syrie qui a déjà été largement gagnée par le régime Assad avec l’aide de ses alliés russes et iraniens. Pendant ce temps, les troupes américaines en Syrie sont susceptibles de faire des victimes à tout moment.

Deuxièmement, les États-Unis doivent accepter que le régime Assad ne disparaîtra pas de sitôt et devraient réfléchir aux domaines dans lesquels leurs intérêts et ceux de ce régime pourraient se chevaucher. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le terrorisme, et plus précisément l’État islamique ou Daech, qui figure parmi les raisons les plus fréquemment citées pour justifier le maintien des troupes américaines en Syrie.l

Bien qu’au début de la guerre en Syrie, le régime ait apprécié la présence de Daech afin de pouvoir se présenter comme le gardien de la Syrie contre le terrorisme, plus Assad consolide son contrôle sur la majeure partie du pays, plus le conflit entre son régime et Daech sera clair et direct. Ce conflit est déjà suffisamment clair pour avoir conduit à des combats directs. La situation est de plus en plus similaire à celle de l’Afghanistan, où la branche de Daech présente le plus grand défi au pouvoir des talibans, ce qui explique pourquoi les talibans et Daech sont des ennemis mortels.

Pendant ce temps, la présence non invitée de troupes américaines sur un sol étranger stimule le terrorisme anti-américain, tout comme la présence de troupes étrangères sur d’autres sols a historiquement été peut-être le plus grand stimulant du terrorisme par d’autres groupes.

Troisièmement, les États-Unis appliquent deux poids, deux mesures à leur conduite au Moyen-Orient. Comme le régime iranien ne se lasse pas de le souligner, son peuple est en Syrie à l’invitation du gouvernement syrien, mais pas les forces américaines. Bien que les références au comportement « néfaste, déstabilisant, etc. » de l’Iran dans la région soient de rigueur dans les débats sur la politique américaine, la plus grande manœuvre militaire au Moyen-Orient aujourd’hui – et ce d’une manière qui rend une situation instable encore plus instable – est la campagne aérienne offensive israélienne en Syrie, pour laquelle l’attaque de drone le mois dernier contre la base américaine constituait des représailles. Israël a mené sa campagne aérienne avec une intensité d’environ deux attaques par semaine, complétée par d’autres usages létaux de la force, comme l’assassinat d’un officiel syrien par des tirs de sniper depuis le plateau du Golan occupé par Israël.

Quatrièmement, tant que les États-Unis approuvent et facilitent le comportement d’Israël, ils ne peuvent échapper aux conséquences néfastes. Tout comme ceux qui ont géré les drones d’attaque sur la base en Syrie ont été conditionnés à considérer Israël et les États-Unis comme un tout, d’autres personnes que les politiques et les actions d’Israël ont mises en colère ont dirigé une grande partie de cette colère vers les États-Unis. Ce schéma s’applique depuis longtemps aux terroristes du Moyen-Orient. Oussama Ben Laden a toujours fait du soutien des États-Unis à la politique israélienne un élément majeur de son action contre les États-Unis.

Ben Laden savait qu’il avait un public. Les émotions de ce public sont entretenues non seulement par des actions agressives dans des pays comme la Syrie, mais aussi par l’asservissement continu des Palestiniens, dont le sort est encore très important pour de nombreux habitants du Moyen-Orient.

Source : Responsible Statecraft, Paul R. Pillar, 20-11-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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LibEgaFra // 16.12.2021 à 10h03

Illustration du double standard:

Le dépeçage de la Yougoslavie, c’est bien.
Le dépeçage de la Syrie, c’est bien.
Le dépeçage de la Cisjordanie, c’est bien.
Mais le dépeçage de l’Ukraine, c’est très très mal.

Et en novlangue, les agresseurs sont les agressés et les agressés sont les agresseurs.
Quand l’otan place des troupes et du matériel (donc étrangers au pays en question) près des frontières de la Russie, c’est pour se défendre.
Quand la Russie place des troupes et du matériel près de ses propres frontières c’est « nécessairement » pour attaquer.

C’est curieux, mais Hitler ne disait pas autre chose avant l’opération Barbarossa. Les néo-nazis ukrainiens ont pris la relève.

Au moins Hitler était moins fourbe et ne parlait pas de « démocratie » ni de « droits humains », mais du droit du plus fort.

7 réactions et commentaires

  • RGT // 16.12.2021 à 09h36

    Cet article est assez modéré et juste mais il y a quand-même un petit souci qui nous démontre que même avec du recul la propagande néocon est toujours à l’œuvre : Comparer Assad aux talibans est quand-même assez « osé » et j’aimerais savoir ce que dirait la « communauté internationale » et tous les « grands humanistes » si d’aventure quelqu’un comparait les USA ou Israël à un pays qui s’est illustré en attaquant sauvagement ses voisins et pratiqué des massacres de civils dans les pays conquis durant les « heures les plus sombres de notre histoire ».

    Et à mon avis, cette comparaison serait largement plus réaliste que celle qui tente de convaincre les « civilisés » qu’Assad = talibans.

    Quand cessera-t-on de prendre la population comme un tas d’abrutis ignares pour justifier des campagnes coloniales sanglantes en prétendant que les pays victimes de ces agressions sont peuplées et dirigées par d’ignobles individus?

    Et quand l’ONU, dont la vocation (du moins sur le papier) est censée être le respect des populations à vivre comme elles l’entendent, tapera enfin sur la table et exige que les états les plus violents foutent enfin la paix aux moins violents?

    Le régime de nombreux pays n’est pas au sommet de la démocratie mais il faudrait commencer par balayer devant notre propre porte et enfin admettre que les « nations démocratiques irréprochables » sont dirigées par des dictatures largement plus sanguinaires que les pays tant critiqués.

    Pour l’instant, si l’on se contente de comparer les nuisances causées aux pays voisins (ou pas) on voit le déséquilibre.

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    • EcoleDuCourtil // 19.12.2021 à 12h28

      Oui, et la seule utilisation du mot à connotation négative « régime » pour la Syrie, la Russie, la Chine, l’Iran, est un marqueur idéologique très net. Les copains ont un gouvernement ou une démocratie, les honnis ont un régime.

        +2

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  • LibEgaFra // 16.12.2021 à 10h03

    Illustration du double standard:

    Le dépeçage de la Yougoslavie, c’est bien.
    Le dépeçage de la Syrie, c’est bien.
    Le dépeçage de la Cisjordanie, c’est bien.
    Mais le dépeçage de l’Ukraine, c’est très très mal.

    Et en novlangue, les agresseurs sont les agressés et les agressés sont les agresseurs.
    Quand l’otan place des troupes et du matériel (donc étrangers au pays en question) près des frontières de la Russie, c’est pour se défendre.
    Quand la Russie place des troupes et du matériel près de ses propres frontières c’est « nécessairement » pour attaquer.

    C’est curieux, mais Hitler ne disait pas autre chose avant l’opération Barbarossa. Les néo-nazis ukrainiens ont pris la relève.

    Au moins Hitler était moins fourbe et ne parlait pas de « démocratie » ni de « droits humains », mais du droit du plus fort.

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    • EcoleDuCourtil // 19.12.2021 à 12h25

      La Russie n’a ni envie ni intérêt à dépecer l’Ukraine, mais que Kiev veuille mettre en place la solution croate en Ukraine a été une inquiétude que la Russie aurait réglée par la prise de Kiev en 7 jours. Heureusement que Trump a dit non pour cette solution croate, et que Biden n’est pas assez vivant pour se poser la question de l’acquiescement.

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  • Dominique65 // 16.12.2021 à 11h08

    « Bien qu’au début de la guerre en Syrie, le régime ait apprécié la présence de Daech afin de pouvoir se présenter comme le gardien de la Syrie contre le terrorisme »
    Et voilà comment on refait l’histoire. A force de lire ce genre de propos, je me suis replongé dans les journaux de l’époque. J’y ai trouvé des exigences de la communauté « internationale » et de l’opposition syrienne pour la libération des « prisonniers politiques ». Assad répondant que cela allait faire exploser le terrorisme, mais finissant par libérer quelques centaines de ces prisonniers. Les réactions ont été alors unanimes : « c’est heureux, mais pas assez ».
    Au delà de ces faits, on peut se demander pourquoi la police et l’armée syriennes, qui ont payé un très lourd tribut ont été les gardiens d’un « régime a apprécié la présence de Daech ».

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  • Savonarole // 16.12.2021 à 13h30

    Pourquoi faire preuve de retenue quand on ne peut pas être sanctionné en cas d’abus ?
    Même problème que pour les USA. Quand on a une police qui fait ouate-milles morts par ans, on ne devait pas pouvoir donner des leçons de droits de l’homme et imposer des sanctions économiques à des pays qui sont incapables de faire pire.

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  • RémyB // 16.12.2021 à 14h06

    depuis toujours, les impérialistes us ont laissé leurs bases
    dans chacun des pays où ils ont guerroyé, c’est pas demain la veille qu’ils vont quitter la Syrie.

      +7

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