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Les médias se demandent : Pourquoi le Venezuela ne veut-il pas ressembler un peu plus à la Bolivie ?

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Source : Venezuela Info, Joshua Cho, 26-11-2019

Photo de manchette du Daily Beast (Etats-Unis) (11/13/19) : Raul Castro, Evo Morales, Nicolas Maduro et Daniel Ortega.

Par Joshua Cho, pour FAIR

Basé à New York, le journaliste Joshua Cho (Boston College) est un des analystes de FAIR.

Les médias occidentaux ont souvent crié au scandale lorsque les élections à l’étranger ne se déroulent pas comme le souhaite l’empire américain. Ils ont fréquemment usé de moyens détournés pour qualifier les tentatives violentes des minorités de droite pour renverser les gouvernements de gauche, de “manifestations” au lieu de “tentatives de coups d’État” (FAIR.org, 5/16/18, 5/1/1/19). Mais il était encore assez rare de les voir appeler ouvertement à un coup d’Etat de droite, et de jeter aux orties leurs faux-semblants habituellement plus subtils.

Sous le titre “Les militaires de Maduro font obstacle à la répétition d’un scénario à la bolivienne” (11/11/19), une dépêche de Reuters nous explique que « les leaders de l’opposition vénézuélienne qui cherchent à renverser le gouvernement socialiste de leur pays » peuvent « tirer quelque espoir » de la « démission de son allié de gauche en Bolivie, Evo Morales« . Mais il y a un problème :

Un des facteurs clés qui rend le plan de jeu bolivien difficile à mener à bien face au président vénézuélien Nicolas Maduro sont les forces armées vénézuéliennes, qui ont toujours refusé de prendre le parti des manifestants comme l’ont fait les militaires boliviens dimanche.

Pour Reuters (11/11/19), l’échec des militaires de « Maduro » à lancer un coup d’Etat « fait obstacle » au changement de régime au Venezuela.

Brian Ellsworth et Vivian Sequera, de l’agence Reuters, se plaignent de ce que “les casernes vénézuéliennes se soient rangées aux côtés du Parti socialiste au pouvoir”, malgré “un épouvantable effondrement économique”, “des vagues de protestations majeures” et “la condamnation générale de la réélection de Maduro en 2018, largement décrite comme une fraude”. (En dépit de ces descriptions, qui sont effectivement très répandues, il n’y a aucune raison de mettre en doute l’élection du président Nicolás Maduro qui a remporté le scrutin de mai 2018, largement boycotté par l’opposition).

Reuters déplore que les efforts anticonstitutionnels de l’impopulaire Juan Guaidó – soutenu par les Etats-Unis – pour “courtiser les forces armées n’ont pas été suffisants pour faire fléchir leur allégeance à Maduro”, alors qu’il a été “reconnu par plus de 50 pays comme président légitime du Venezuela”. (Notons que cela signifie qu’environ 75% des pays du monde ne reconnaissent pas Guaido, d’ailleurs pas davantage reconnu par l’ONU.) Ce qui implique que l’armée vénézuélienne devrait organiser un coup d’État, tout comme l’armée bolivienne lorsque son commandant William Kaliman

a demandé à M. Morales de se retirer, donnant ainsi un élan aux manifestants de rue qui alléguaient une fraude dans l’élection présidentielle d’octobre dont on considère que Morales les a gagnées de justesse.

La candidature de Morales à la présidence avait été approuvée par la Cour Suprême de Bolivie (dont les juges sont élus, alors qu’ils sont nommés aux États-Unis). Comme l’avaient prédit les sondages préélectoraux, Morales a “gagné de justesse” les élections d’octobre 2019… avec plus de 10 points d’avance, ce qui explique pourquoi il n’y avait pas besoin de second tour. Le Center for Economic and Policy Research a confirmé qu’il n’y a aucune preuve d’une quelconque illégitimité de la réélection de Morales. Au cours des 50 dernières années, un seul président américain – Ronald Reagan en 1984 – a remporté le vote populaire par plus de 10 points d’avance.

Il y a longtemps que Reuters déplore que les militaires vénézuéliens soient plus loyaux envers leur gouvernement démocratiquement élu qu’envers l’empire américain. Dans un autre rapport se demandant pourquoi l’armée vénézuélienne reste fidèle à Maduro et au Parti socialiste, Reuters (7/28/19) se plaint que les socialistes ont pris des mesures pour empêcher un autre coup d’Etat comme celui qui a momentanément chassé de la présidence Hugo Chávez avant son retour au pouvoir grâce à un soutien populaire en avril 2002. L’article de Brian Ellsworth et Mayela Armas a également critiqué l’armée vénézuélienne pour son aide dans des programmes de travaux publics tels que la rénovation d’écoles, la réparation de routes, la plantation de légumes et le nettoyage des ordures; apparemment une vraie armée passe son temps à se préparer à envahir d’autres pays.

Reuters (28/07/19) s’interroge sur le « mystère » de savoir pourquoi l’armée vénézuélienne n’a pas renversé le gouvernement élu.

Reuters (8/22/19) a également présenté les efforts vénézuéliens pour empêcher un coup d’État militaire, tels que la destitution d’officiers félons, comme une sinistre “répression” d’inspiration cubaine qui a “fait peur” aux militaires. “Les appels de l’opposition en faveur d’une rébellion militaire sont restés lettre morte” déplore le journaliste Angus Berwick

Le reportage du Daily BeastEvo Morales est dehors. Nicolás Maduro sera-t-il le suivant ?” (11/13/19) déplore également l’absence d’un “effet domino” qui entraînerait un coup d’État à la bolivienne au Venezuela. Eduard Freisler l’admet :

En Bolivie, c’est en grande partie l’armée bolivienne qui a forcé Evo Morales à partir. C’est la stratégie que le leader de l’opposition vénézuélienne Juan Guaidó a essayé de mettre en œuvre pour forcer Maduro à partir. Mais le jeune leader, qui s’est autoproclamé président par intérim fin janvier, n’a jamais réussi à convaincre les généraux aisés et puissants de s’éloigner de Maduro pour le rejoindre.

Le Daily Beast décrit Morales comme “l’un des nombreux présidents d’Amérique latine qui ont prétendu représenter les masses dans leur pays… parfois en les aidant à sortir de la pauvreté, parfois en les replongeant dans la pauvreté”. Le rôle des sanctions américaines dans la punition des économies des pays qui s’écartent de l’agenda de Washington n’est, bien sûr, jamais mentionné dans aucun de ces articles (FAIR.org, 5/6/19). Le Daily Beast se plaint même : “les pressions économiques et politiques concertées des Etats-Unis n’ont pas permis de se libérer” des gouvernements de gauche élus au Venezuela, en Bolivie et au Nicaragua. Ces rapports ne mentionnent pas non plus les importantes conclusions du CEPR selon lesquelles la reconnaissance de Guaidó comme “président légitime” du Venezuela fonctionne en pratique comme un embargo pétrolier dévastateur pour le pays.

Comme Reuters, le Daily Beast traîne son chagrin face à l’improbabilité que le peuple vénézuélien et ses forces armées soutiennent un coup d’Etat monté par les Etats-Unis. Un article antérieur de Christopher Dickey (Daily Beast, 5/2/19) pleurait l’échec de Guaidó à convaincre les militaires de renverser le gouvernement du Venezuela, affirmant qu’ “un putsch militaire classique, un coup d’Etat rapide et décisif, aurait été bien accueilli par beaucoup, et probablement par la plupart, après des années de souffrance sous Maduro”. Dickey soutient par ailleurs que “certains Vénézuéliens seraient sans aucun doute favorables à une intervention militaire des Etats-Unis”, alors qu’il pensait que c’était peu probable. “Combien de déceptions le peuple vénézuélien peut-il encore supporter ?

Face à l’impossibilité d’un « coup d’Etat militaire classique » au Venezuela, le Daily Beast (5/2/19) s’interroge : « Combien d’autres déceptions le peuple vénézuélien va-t-il encore supporter ? »

Nul hasard si les deux médias minimisent le fait qu’un putsch soutenu par les États-Unis se soit produit en Bolivie, et nous expliquent que seuls des gouvernements de gauche provocateurs d’Amérique latine veulent voir un coup d’État dans ce qui s’est passé en Bolivie. Reuters(11/11/19) parle de “gouvernements de gauche disant que [Morales] a été victime d’un coup d’Etat” tandis que le Daily Beast (11/13/19) rapporte que “les membres du parti Chaviste… ont qualifié la démission de Morales de coup d’Etat”, même si les deux rapports reconnaissent ouvertement, et célèbrent même, le rôle des militaires boliviens dans le départ forcé d’Evo Morales (FAIR.org, 11/19). L’article 508 de la Loi sur l’Aide à l’Etranger exige que les États-Unis coupent l’aide à tout pays “dont le chef de gouvernement dûment élu est destitué par un coup ou par un décret militaire”.

FAIR a étudié comment les médias privés critiquent constamment le succès des programmes politiques de gauche menés dans des pays comme le Venezuela et la Bolivie – qui défient l’impérialisme américain – parce qu’ils redoutent la contagion du bon exemple (FAIR.org, 2/8/19). C’est peut-être la raison pour laquelle les médias privés se demandent aujourd’hui pourquoi le Venezuela ne veut pas ressembler davantage à la Bolivie et appellent à la répétition d’un coup d’État. Qu’ils ne qualifieront pas de “coup d’État”, bien sûr.

J.C.

Source: https://fair.org/home/media-wonder-why-cant-venezuela-be-more-like-bolivia/

Traduit de l’anglais par Thierry Deronne

URL de cet article: https://wp.me/p2ahp2-52V

Source : Venezuela Info, Joshua Cho, 26-11-2019

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yack2 // 23.02.2020 à 13h50

Et sinon…..Vous en pensez quoi de l’article…Ses sources, son analyse? Parce que cette diatribe tourne à l’antienne…Ha non…. Chaque fois on gagne 1 millions de migrants….Mais bon vous avez surement des sources fiables qui vont nous expliquer pourquoi, la monnaie venezuelienne ne vaut plus rien alors qu’elle est adossée à des richesses incommensurables( pétrole, or ,terres rares etc), pourquoi des milliards sont bloqués en occident, pourquoi tous commerces est entravés…..Pourquoi , pourquoi…..

11 réactions et commentaires

  • James Whitney // 23.02.2020 à 08h19

    Notre Jupiter, groupie de Juan Guaido, peut-il compter sur les États-Unis pour se maintenir en pouvoir face aux Français victimes de son programme dictées par la Commission européenne ?

      +40

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    • Citizen of Océania // 24.02.2020 à 18h19

      Bien évidement, où ncroyez vous qu’il aurati été si il avait quitté la france en Hélico?
      Pas à Baden baden voir Massu il n’y a plus de troupes francaises là bas. Soit à berlin voir sa N+1 et lui demander l’intervention de la Bundeswehr, soit a bruxelle pour demander l’intervention de l’OTAN.
      Bien évidement, je ne suis qu’un vilain complotiste qui s’imagine que son président á recu un félon amis de Narco trafiquants. (Guaido).

        +6

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  • dooggy // 23.02.2020 à 10h47

    Les usa ne veulent pas s’en occuper Maduro et feu Chavez ont ruiné leur peuple détruit l’économie du pays et mettant des militaires à la botte de ces derniers à la tête de PDVSA production du pétrôle par des ignards et non formés et ayant balancés les ingénieurs qui faisaient fonctionner cette sté 5 millions d’entre eux ont quitté le pays une paille la faute des USA?

      +0

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    • yack2 // 23.02.2020 à 13h50

      Et sinon…..Vous en pensez quoi de l’article…Ses sources, son analyse? Parce que cette diatribe tourne à l’antienne…Ha non…. Chaque fois on gagne 1 millions de migrants….Mais bon vous avez surement des sources fiables qui vont nous expliquer pourquoi, la monnaie venezuelienne ne vaut plus rien alors qu’elle est adossée à des richesses incommensurables( pétrole, or ,terres rares etc), pourquoi des milliards sont bloqués en occident, pourquoi tous commerces est entravés…..Pourquoi , pourquoi…..

        +44

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    • vert-de-taire // 23.02.2020 à 14h08

      https://venezuelainfos.wordpress.com/2020/02/18/venezuela-deux-ou-trois-details-de-lhistoire/

      Il est évident que l’Empire ne supporte pas un peu de Démocratie dans son jardin.
      Ce n’est pas nouveau, l’histoire nous le raconte fort bien pour qui souhaite le connaitre.
      Les faits rapportés sont organisés par de gentils démocrates que l’on trouve aussi bien à la Maison blanche qu’à l’Élysée. Ils sont commandités et payés par les patrons des entreprises dont on achète les produits et services …
      Il y a des moments où il faut choisir son monde. Choisir n’est pas subir ou sélectionner dans l’offre, c’est faire.

        +18

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    • medmed // 23.02.2020 à 16h04

      @dooggy
      Arrête de raconter n’importe quoi. Ce qui a détruit ce pays c’est avant tout les sanctions US. Les USA ont en mis place un véritable blocus économique et politique contre le Venezuela, leur interdisant tout commerce international.Le tout orchestré par une campagne de propagande occidentale digne d’un Goebbels. Aucun pays hormis la Chine et la Russie, n’a la capacité de résister a de telles sanctions.
      La liste des sanctions et autres interdictions est longue comme le bras.
      https://www.romainmigus.info/2018/11/comprendre-le-blocus-contre-le_27.html

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    • RGT // 24.02.2020 à 18h06

      Maduro et feu Chavez ont ruiné… les ploutocrates qui se goinfraient depuis des années sur le dos de la population en détournant à leur profit le fruit de l’exploitation pétrolière d’une société PUBLIQUE qu’ils avaient gangrené.
      Une bonne partie de la fortune de ces ploutocrates servait entre autres à « mécéniser » les politiciens et les oligarques US qui désormais doivent trouver un moyen de revenir à l’ancien « statut quo » qui leur permettait d’arrondir leurs fins de mois.
      Et rien de mieux qu’une bonne « intervention humanitaire » financée par le con-tribuable US pour restaurer la « démocratie » dans ces « ignobles dictatures ».
      Et bien sûr sans que les principaux intéressés n’aient à débourser le moindre cent, les « gueux » américains sont là pour ça.

      Quand un pays pauvre a des ressources convoitées par un autre pays plus (très) puissant il a peu de chances de ne pas se faire dénigrer puis dépouiller avec la bénédiction de la « communauté internationale ».

      Quand les occidentaux décideront-ils de jeter aux orties leurs « élites » cupides pour enfin gérer leur propre existence sans aller piller leurs voisins ?

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  • azuki // 23.02.2020 à 10h48

    A l’œuvre : La perversion narcissique dans toute sa splendeur !

      +4

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  • yack2 // 23.02.2020 à 13h41

    Ce doit être la faute de Poutine….Non? Il n’y a pas d’ingérence Russe dans ces élections sud américaines?…..Et pour les coups d’états passés , présents, avenirs….Vladimir ourdit-il en silence avec les militaires ? Pas de kompromat avec vidéos sous titrés en cyrillique?????……Ces américains…..toujours à la pointe du foutage de gueule, les doigts sales partout dans le monde et de reprocher à la terre entière que d’autres puissent s’imaginer autrement et se défendent….Quel culot!!! Au fait….C’est parti pour Sanders et l’ingérence russe….On sait jamais si pour une fois qu’un candidat qui annonce vouloir foutre la paix au monde….gagnait…..Ce serait la faute à Vlad…….Mais quelle misère.

      +30

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  • Vincent P. // 23.02.2020 à 15h20

    Voir sous ce lien, l’interminable litanie des « sanctions » appliquées au Vénézuela :

    https://www.romainmigus.info/2019/01/chronologie-des-sanctions-economiques.html

    Donc si tu es diabétique ou dialysé et Vénézuélien, eh! bien tu peux crever en silence grâce aux sanctions libératrices…
    Je précise que ladite liste ne fait pas mention par exemple des sabotages des unités de production d’électricité.

    Qu’Emmanuel Macron ait reconnu officiellement et reçu à l’Elysée Juan Guaido est absolument intolérable, impardonnable, inadmissible, honteux, scandaleux, minable, petit. Bref fidèle au personnage, mais je refuse de m’habituer ou de tolérer de telles forfaitures gravissimes.
    Quant à ce que subit ce pays, c’est insupportable en tous points.

    Les E.U et tous ses vassaux arriérés dont l’U.E est le plus zélé, se comportent comme des démons, c’est le mot car je pense que même un mafieux qui rackette a plus de respect pour sa victime que ces monstres.

    Ô combien je souhaite que les peuples se lèvent en déferlantes sans pardon ni oubli !!

      +37

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  • Ministre de la vérité // 25.02.2020 à 02h54

    La fidélité de la hiérarchie militaire à été acquise grâce à une formule testée avec succès à Cuba et soufflée à Chávez par Raúl Castro : donner un accès privilégié au tiroir caisse aux gradés.

    À Cuba, ils contrôlent une grande partie de la distribution et de l’hôtellerie… Au Venezuela, c’est plutôt le pétrole.

    D’un point de vue efficacité opérationnelle, c’est loin d’être un bon choix, mais face à un ennemi qui ne recule devant rien, y en a t’il un autre ?

      +2

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