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La presse ne devrait pas couvrir les malversations du FBI – Par John Kiriakou

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Source : Consortium News, John Kiriakou, 27-11-2019

Le Washington Post et d’autres viennent d’adhérer à la politique du ministère de la Justice qui consiste à protéger les leurs tout en détruisant la vie de ceux qui ont le courage de leur tenir tête.

Le Washington Post et d’autres médias ont rapporté la semaine dernière qu’un ancien avocat du FBI aurait modifié un document relatif à la surveillance par le FBI en 2016 de Carter Page, un conseiller de la campagne Trump. L’inspecteur général du FBI, Michael Horowitz, a apparemment conclu que ce comportement « n’a pas affecté la validité globale de la demande de surveillance », qui a été faite auprès du tribunal secret de la FISA [Foreign Intelligence Security Agency court, cour fédérale américaine créée par la loi Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) de 1978, NdT].

Carter Page, cible de la surveillance. (MSNBC, Wikimedia Commons)

L’article du Post, ainsi que des articles dans le New York Times, à CNN et dans d’autres médias, ont minimisé le comportement comme n’ayant eu  » »aucun effet » sur la surveillance de Page par le FBI, ignorant le fait que la falsification d’un document fédéral est un crime. C’est conforme à la politique du ministère de la Justice qui consiste à protéger les siens tout en détruisant la vie de ceux qui ont le courage de leur tenir tête.

Publication d’excuses

Regardez le compte-rendu original du Washington Post sur les conclusions de l’inspecteur général. Le procureur du FBI n’était qu’un « employé de bas niveau » qui a déjà été « forcé de quitter le Bureau ». Le document modifié « n’a pas affecté la validité globale de la demande de surveillance ». L’employé « a indiqué à tort qu’il avait des documents à l’appui d’une affirmation qu’il avait faite lors de discussions avec le ministère de la Justice au sujet du fondement factuel de la demande. Il a ensuite modifié un e-mail pour appuyer cette réclamation erronée. »

Mettons les choses au clair.

Premièrement, l’employé n’était pas « de bas niveau ». Les avocats entrent au FBI au niveau GS-11. C’est un salaire de départ de 69 581 $. Au premier jour de sa carrière, l’avocat serait en fait un employé de niveau moyen. De plus, les « employés de bas niveau » ne sont pas affectés à des opérations sensibles de contre-espionnage contre une campagne présidentielle d’un grand parti. Des employés seniors triés sur le volet ont cet honneur.

Deuxièmement, même si le document modifié n’a pas affecté la demande de mandat de la FISA, la déclaration n’est pas pertinente. L’avocat a commis un crime, purement et simplement.

Troisièmement, les médias disent que l’avocat a « erronément indiqué » qu’il pouvait faire une copie de sauvegarde du document. Mais ça aussi, c’était un crime. C’est ce qu’on appelle « faire une fausse déclaration » et c’est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Pour aggraver les choses, rien n’indique que le ministère de la Justice poursuivra cet avocat. « Il a déjà démissionné », nous dit le Washington Post, comme si c’était censé tout arranger. Pourquoi les grands médias protègent-ils les méfaits du FBI ? Pour les crimes du FBI ? Parce que la victime fait partie de l’équipe de campagne de Trump, et on n’est pas censés aimer l’équipe de campagne de Trump. Tout tourne autour de la Russie, la Russie, la Russie, vous vous souvenez ? Si les éléments de preuves ne le montrent pas, vous changez juste les éléments de preuves.

Siège du FBI. (Wikimedia Commons)

Lettre de Terry Albury

Nous ne devrions pas être surpris par ce genre de comportement de la part du FBI ou du ministère de la Justice poussé à l’extrême. J’ai reçu une lettre cette semaine du lanceur d’alerte du FBI, Terry Albury. C’est le courageux ancien agent du FBI qui a dénoncé le racisme systémique au sein du Bureau. Et il a gagné quatre ans de prison pour sa peine. Terry m’a écrit pour me raconter une expérience identique à la mienne, lorsque j’étais en prison après avoir dénoncé le programme de tortures de la CIA.

Il reste moins d’un an de peine à purger pour Terry. Au cours de la dernière année, il a vu des dizaines de prisonniers autour de lui être envoyés de leur prison à faible sécurité vers un camp de travail à sécurité minimale. Il s’agit de prisonniers qui ont commis des crimes violents, de prisonniers qui ont tenté de s’évader dans le passé et de prisonniers qui sont incarcérés parce qu’ils sont des récidivistes. Voici ce que Terry a écrit :

« Le 13 novembre 2018, je me suis rendu au FCI [Federal Correctional Institution, NdT] Englewood à Littleton, Colorado. En m’affectant à une prison de basse sécurité (LSP), le Bureau des prisons (BOP) a placé une variable de gestion (MGTV) sur mon cas pour contrebalancer mon score de sécurité extrêmement élevé de zéro. Parmi les variables à leur disposition, j’ai été considéré comme une « menace de sécurité plus importante ».

Selon les pratiques institutionnelles :

Lorsque le BOP estime qu’un délinquant présente un risque plus élevé que le niveau de sécurité assigné ne le laisse supposer, il peut appliquer cette variable de gestion et placer le détenu dans un établissement ayant un niveau de sécurité plus élevé. Le BOP applique généralement cette MGTV aux délinquants qui ont un long dossier d’arrestation antérieure mais peu de condamnations, aux délinquants non violents qui ont des antécédents de mauvaise adaptation en probation ou sous surveillance dans la collectivité, aux délinquants qui ont des antécédents de criminalité organisée, aux délinquants qui ont des liens importants avec l’étranger et/ou des ressources financières importantes, et aux délinquants qui ont eu des problèmes disciplinaires au cours d’une incarcération antérieure. Les détenus qui reçoivent cette MGTV sont placés à un niveau de sécurité supérieur à celui qui serait autrement exigé.

Les faits de mon cas et mes antécédents confirment qu’aucun de ces paramètres ne s’applique. De plus, une analyse des pratiques démontre clairement que je n’aurais jamais dû être placé (et continuer à être détenu) dans une LSP.

Au cours de la dernière année, j’ai constamment respecté toutes les règles de l’établissement, j’ai suivi des cours de formation approfondis parrainés par le BOP et j’ai obtenu l’appui de mon gestionnaire de cas, de mon gestionnaire d’unité et de mon directeur qui ont suivi la politique du BOP et ont autorisé le retrait de mon MGTV erroné et mon transfert subséquent dans une prison à sécurité minimale (MSP) située dans un rayon de 500 milles de ma résidence (conformément aux directives du Congrès en vertu de la First Step Act).

En autorisant ma mutation du 10 novembre 2009 à une prison à sécurité minimale et le retrait de ma MGTV, le gestionnaire de cas D. Taylor a expressément cité « le pouvoir discrétionnaire de l’équipe de l’unité décrit dans le SP P5100.08 », qui précise en outre que « lorsqu’une variable de gestion ne s’applique plus, le personnel de l’établissement supprimera la ou les variables en conséquence ». L’Énoncé de programme 5270.09 est également clair en ce sens que « l’équipe de l’unité peut recommander un transfert à sécurité plus élevée, en faisant appel à son jugement professionnel et conformément à la politique sur la désignation sécuritaire des détenus et la classification des détenus ».

Toutefois, le 30 octobre 2009, j’ai été informé que le Designation and Sentence Computation Center du DSCC avait rejeté et annulé mon transfert et ma suppression de MGTV, qui étaient légalement justifiés. De plus, ils ont unilatéralement assigné une nouvelle MGTV à mon cas (« surveillance requise ») en dépit du fait que tous les prisonniers fédéraux sont soumis à une surveillance complète par téléphone, courriel et courrier traditionnel dans chaque prison du pays (minimum, faible, moyen et élevé).

Dire que je suis tenu à une norme institutionnelle différente serait un euphémisme. Au cours de la dernière année, j’ai vu des détenus transférés dans des MSP avec neuf points de sécurité, des antécédents de violence, cinq ans ou plus à purger et des antécédents d’évasion.

Pourtant, en tant qu’homme sans aucun point de sécurité, aux antécédents de non-violence, avec moins d’un an à purger et autorisé à se rendre, j’ai été jugé inadmissible à un placement dans une MSP. Et pour aggraver le problème, tout le personnel exécutif de FCI Englewood a soutenu mon transfert et ne croyait plus que je méritais la MGTV malavisée et inappropriée de « menace plus grande pour la sécurité ».

Pour tenter de résoudre ce problème, j’ai déposé une série de plaintes administratives, ce qui équivaut à appliquer du scotch pour colmater une fuite dans le barrage Hoover. Je n’ai aucune confiance dans le processus interne, c’est pourquoi je fais appel à tous les moyens externes disponibles pour exprimer mes préoccupations. »

Le jeu est truqué, pas seulement avec Terry Albury, mais avec tout le système. Vous voulez dire à la presse que le FBI est une organisation intrinsèquement raciste ? Allez-y. Vous aurez des années de prison. Vous voulez falsifier des documents fédéraux pour prouver un point politique ? Ne vous inquiétez pas. La presse vous couvrira et il y a de fortes chances que le ministère de la Justice ne prenne même pas la peine d’engager des poursuites.

Terry Albury sera bientôt de retour à la maison, où il poursuivra la lutte pour la transparence et l’honnêteté au sein du gouvernement. Mais le combat est de taille, surtout quand les grands médias sont l’un de vos ennemis. C’est un combat que nous devrions tous être heureux de mener.

John Kiriakou est un ancien agent antiterroriste de la CIA et un ancien enquêteur principal de la Commission sénatoriale des relations étrangères. John est devenu le sixième lanceur d’alerte mis en accusation par l’administration Obama en vertu de la Loi sur l’espionnage – une loi destinée à punir les espions. Il a passé 23 mois en prison à la suite de ses tentatives de s’opposer au programme de torture du gouvernement Bush.

Source : Consortium News, John Kiriakou, 27-11-2019

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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Commentaire recommandé

Téji // 18.02.2020 à 07h45

La définition même d’une non-démocratie. Nous ne valons guère mieux !
Quand le RIC sera effectif, et il le sera tôt ou tard, l’une des premières choses sera de mettre en place des jurys tirés au sort pour statuer sur de tels cas, après saisine des lanceurs d’alerte.

6 réactions et commentaires

  • Fabrice // 18.02.2020 à 06h50

    Le problème comme en France ce ne sont pas forcément les règles mais les individus qui sont en place qui n’appliquent pas la séparation des pouvoirs, les règles déontologiques et n’appliquent pas les sanctions contre ceux qui ne respectent pas les règles de leur poste.

    Moins les sanctions contre ceux qui enfreignent les règles sont appliqués plus les largesses deviennent grandes et au final ce qui est un crime, une corruption, une fraude deviennent une déviance bénigne.

    Notre monde se meurt de la compromission parmi ceux qui sont chargés de faire respecter et appliquer les lois et règles de fonctionnement de notre pays ou des états en général

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  • Téji // 18.02.2020 à 07h45

    La définition même d’une non-démocratie. Nous ne valons guère mieux !
    Quand le RIC sera effectif, et il le sera tôt ou tard, l’une des premières choses sera de mettre en place des jurys tirés au sort pour statuer sur de tels cas, après saisine des lanceurs d’alerte.

      +17

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    • Fabrice // 18.02.2020 à 08h14

      Il ne faudra pas oublier que ce modèle que vous proposez abouti à la chasse aux sorcières, à la terreur, à la délation de la seconde guerre mondiale, au Maccarthysme, certains trouvant avantage à la délation, le lanceur d’alerte dénonce des dysfonctionnements de notre société pas des individus spécifiquement ou alors à la marge, sinon il devient vite un delateur, un collabo.

        +3

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      • Téji // 18.02.2020 à 09h02

        Je ne crois pas avoir proposé votre « modèle » !
        Il ne s’agit pas non plus de laisser aller à tout va à la délation !
        Un délateur mal intentionné prend une amande ou finit en tôle, c’est tout !
        Sauf que dans le cas évoqué, comme dans ceux de Snowden ou autres, il n’y a pas de remise en cause des malversations de ceux qui se cachent, volontairement ou pas, derrière leur « système »…

          +6

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  • Santerre // 18.02.2020 à 11h29

    Pfffff, il a rien compris l’auteur. C’est la faute aux Russes et à l’effroyable, épouvantable, Trump. Il suffit de bouder et harceler les Russes et il faut virer Trump. C’est Trump la faute de tout. Il suffit de le dégager par n’importe quel moyen même ceux qui étaient hier encore la spécificité des droites les plus pourries et que vouaient aux gemonies les vraies gauche d’hier. Le FBI, la CIA, la NSA, c’est super, le garant de l’intérêt public comme le dit la gauche américaine d’aujourd’hui. Trump viré et hop, c’est fini, Oncle Sam devient M. Ingalls, Trump dehors et le monde redevient beau et sans danger, comme à l’époque d’Obama. Pourquoi chercher des poux à ces braves gens du KGB, pardon, du FBI et de la Gestapo, pardon , de la CIA, si c’est pour la bonne cause?

      +11

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  • Vincent P. // 18.02.2020 à 13h37

    La Loi protégeait la morale.
    On a jeté la morale.
    La Loi protège maintenant des intérêts et des profits particuliers.

    Là, on a jeté le Droit et la Justice.
    Tout va bien !

    Ceux qui croient à un avenir sans violences majeures doivent être poètes.

      +9

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