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1.septembre.20131.9.2013 // Les Crises

[Reprise] Syrie : la lettre ouverte de Bayrou à Hollande (+ VGE)

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TRIBUNE – François Bayrou a décidé d’écrire à François Hollande sur la situation en Syrie. Le président du MoDem juge « impensable » que le Parlement français ne soit pas consulté.

« Monsieur le Président,

Votre décision d’engager la France en Syrie est prise et l’attaque est imminente.

Je veux cependant vous dire à quel point cette décision est périlleuse. Cette décision est prise sans consultation du Parlement, à la différence de Cameron qui a respecté le refus des députés britanniques et aussi d’Obama qui a annoncé qu’il consulterait le Congrès.

Un tel pouvoir de décision sans consultation se justifie quand il y a urgence. Il est impensable quand le Parlement ne soit pas consulté.

Il y avait urgence au Mali. Il fallait agir dans la minute : vous l’avez décidé, vous avez bien fait, et je vous ai soutenu publiquement sans hésitation ni réserve.

En Syrie, la situation n’est pas la même. S’il est peu de doute qu’il existe des armes chimiques (les mêmes ont été si largement utilisées pendant la guerre de 14), les preuves indiscutables de la responsabilité de leur utilisation n’ont pas été apportées, comme l’a reconnu M. Cameron. Le fer et le feu continuent à faire des deux côtés de nombreuses victimes.

Vous créez un précédent : vous allez intervenir sans mandat des Nations unies, sans nos alliés européens, sans l’Otan, dans une action bilatérale avec les États-Unis. Ce que la France reprochait en 2003 à Berlusconi, à Blair, à Aznar, elle va l’accomplir aujourd’hui. Comment interdire à d’autres demain des interventions unilatérales?

Vous allez intervenir avec des buts incertains. Vous annoncez que vous ne voulez pas renverser Assad et peser sur l’issue du conflit!… C’est une déclaration diplomatiquement hypocrite et qui n’a pas de crédibilité.

Il ne s’agit pas d’un « avertissement » : il s’agit d’une intervention faite pour mettre à genoux le régime actuel (à bien des égards détestable) et donner la victoire à ses adversaires.

Qui sont ces adversaires? À qui s’apprête-t-on à donner la Syrie et de larges pans de la région? À des forces fondamentalistes engagées dans une entreprise globale d’instauration de l’islamisme politique, au cœur de l’affrontement séculaire et désormais brûlant entre sunnites et chiites.

Qui seront les victimes? D’abord ceux que nous frapperons directement, militaires et parfois civils ; ensuite les communautés minoritaires en Syrie, les différentes communautés chiites, les communautés chrétiennes d’Orient (qui adressent une supplique unanime pour qu’on renonce à cette attaque) ; enfin le Liban, dans l’existence et l’équilibre duquel nous avons une responsabilité historique et où des forces françaises sont engagées – et exposées – dans le cadre de la Finul…

La frappe n’est pas non plus la seule solution.

Il est une gamme de rétorsions, de poursuites et de sanctions, conduisant les coupables jusqu’au Tribunal pénal international, qui auraient le même effet dissuasif sans exposer aux mêmes risques. Et qui pourraient, elles, conduire à la seule solution que l’on doive espérer, négociation et solution politique protégeant toutes les minorités. La France a, vis-à-vis de la Syrie, du Liban et des communautés minoritaires religieuses et ethniques de la région, une responsabilité historique et affective.

Et la France a un devoir vis-à-vis d’elle-même!

Nous avons construit une image de la France au travers des décennies : de de Gaulle à Jacques Chirac lors du drame irakien, nous étions le pays qui parlait avec tous, et protégeait l’essentiel. Et ce n’était pas seulement une image : c’était notre identité et notre réalité. C’était un patrimoine pour notre pays.

Monsieur le Président, nous étions nombreux à avoir mis de l’espoir en votre modération et votre équilibre. Vous engagez la France dans une voie périlleuse.

Je souhaite me tromper, mais je voulais vous dire que vous faites courir un grand risque à l’avenir de la Syrie, aux minorités, au Liban, et à une certaine idée de la France qui ne s’aligne pas.

François Bayrou. »

Source : Le JDD

En bonus : Valéry Giscard d’Estaing : « Je suis contre l’intervention en Syrie »

L’ancien président de la République estime que la France doit respecter le Conseil de sécurité de l’ONU et agir de concert avec l’Union européenne. Entretien.

Le Point : La France soutient l’intervention américaine en Syrie. Avez-vous été consulté par François Hollande ?

Valéry Giscard d’Estaing : Non, je n’ai pas été consulté. Si je l’avais été, j’aurais dit que je n’étais pas favorable à la participation de la France à l’opération militaire américaine envisagée contre la Syrie.

Pourquoi ?

D’abord, parce que les faits – qui a utilisé des gaz chimiques contre des civils ? – ne sont pas clairement établis. Nous ne savons pas qui et pourquoi de tels gaz ont été utilisés. La Syrie traverse actuellement une situation chaotique et il fallait attendre le retour des inspecteurs de l’ONU avant que la France se prononce sur son éventuelle participation. Ensuite, parce que toute action militaire extérieure française doit se faire dans le cadre de l’ONU. La Russie et la Chine sont membres du Conseil de sécurité de l’ONU, comme la France. Ces deux pays ont le droit de s’opposer à une telle intervention. La France se doit de respecter le Conseil de sécurité et doit rappeler qu’une décision du Conseil est nécessaire avant une telle opération […].

Source : Le Point

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16 réactions et commentaires

  • Casquette // 01.09.2013 à 13h16

    Je vois qu’ Olivier est très , mais alors très opposé à cette guerre ! 😉

     » vous allez intervenir sans mandat des Nations unies, sans nos alliés européens, sans l’Otan »

    Si Hollande est prêt à s’asseoir sur l’avis des 3 instances internationales dont la France est membre c’est que d’autres intérêts sont en jeu , le tout est de savoir s’ils sont nationaux , internationaux ou privés ,or tout ça n’est pas très clair.
    Sur l’influence prépondérante des EU il y’a quand même une question qui me tracasse l’esprit : ont-ils réellement besoin de notre armée pour balancer qqs bombes ?
    Ou alors notre pays leur sert d’alibi ? « voyez, on était pas seul dans le coup »…

    ps : 2 guerres en 1 an , « flamby » fait encore plus fort que Chirac et Sarkozy en 10 fois moins de temps.

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    • guillaume // 01.09.2013 à 20h50

      C’est ce qui fait la qualité de ses analyses. Il y a quelques mois, Olivier (peut être plus au fait de l’économie que de la géopolitique) s’étonnait de la réaction de certains commentateurs lorsqu’il reprenait la position des médias mainstream sur la question syrienne. Il s’est visiblement renseigné avec attention, s’est plongé dans la complexité de cette problématique et, aujourd’hui, il est à l’avant garde de la critique sur le sujet.

      Merci Olivier pour ton travail!

      Des proches (pas des imbéciles) se sont fait conquérir par la propagande ; ceux qui voyaient leur fierté il y a dix ans dans la non participation à la guerre d’Irak sont parfois ceux qui veulent intervenir en Syrie…

      Merci aussi aux nombreux commentateurs, ce site est visiblement un bastion de résistance au matraquage médiatique.

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      • ploi // 01.09.2013 à 22h20

        Faut reconnaître qu’ils sont balèzes.

        Je suis tombé tout-à-l’heure sur la PT (Propagande Télévisée) de 20h de France2. J’y ai vu un petit reportage où on ne voit que des rebelles (je pense c’est au hasard) qui ne rêvent que de nous voir bombarder la Syrie, un petit bébé tout mignon contraint de dormir sous une tente par la faute à Bachar tout seul, un imam déçu des promesses non tenues de notre bon François (moi qui croyais qu’il n’y avait qu’aux électeurs français que Hollande racontait n’importe quoi…)…

        Si vous voulez profiter de ce merveilleux et très objectif reportage, c’est ici vers 14min05 :
        http://www.francetvinfo.fr/syrie-l-inquietude-des-refugies_401785.html

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  • Dan // 01.09.2013 à 14h53

    L’ancien président de la République estime que la France doit respecter le Conseil de sécurité de l’ONU et agir de concert avec l’Union européenne. C’est une position digne d’un vrai chef d’état respectueux de la France ,rien à voir comme actuellement avec une politique de fosse à purin !

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    • Casquette // 01.09.2013 à 15h21

      Facile quand on est plus aux affaires !
      vous pensez sincèrement que Sarkozy aurait dit non aux américains et aux qatariens ?

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      • dany // 01.09.2013 à 20h30

        Bien entendu…C’est pourquoi les Français ont voté Hollande…Pour pas qu’il fasse la même chose…

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        • step // 02.09.2013 à 10h58

          pas sûr que la « volonté des francais » ait quoique ce soit à voir avec la politique de la france, que ce soit politique interne ou extérieure. Nous sommes une monarchie républicaine censitaire (par le financement de l’offre politique), ne l’oublions pas.

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  • FLURY // 01.09.2013 à 16h14

    Cette affaire de l’arme chimique semble être un leurre. Pas un mensonge délibéré type Bush en Irak, mais un leurre néanmoins dangereux. Ce ne sont pas les 500 victimes gazées qui sont une tragédie, ce sont les 100000+500 qui constituent un crime contre l’humanité. Ne faisons pas du gaz un leurre d’indignation en nous lançant dans une guerre dont nous ne maîtrisons aucun paramètre et encore moins celui de la sortie, essentiel.(Cf Libye et Irak). Il fallait commencer plus tôt, différemment et mieux. Ce n’est pas maintenant qu’il faut jouer au justicier divin.En tout état de cause, il est essentiel que le Parlement vote, si la gauche et FH veut bien se souvenir de ce signifie la démocratie. A cet égard, je partage la position de F.Bayrou. Il y a effectivement un arsenal de mesures à prendre: gel des avoirs des dignitaires du régime, blocus, pression de l’otan et du conseil de sécurité sur la Russie pour la mettre en demeure, dans un délai très court, d’organiser des négociations et des élections démocratiques puisque semble t-il, c’est l’option dont elle se prévaut, etc. En revanche, l’interview de Haytham Manna, qui fait de la Russie un acteur vertueux déployant des efforts considérables pour une sortie politique me fait doucement rigoler et décrédibilise totalement ses propos. Suspect, ce monsieur, c’est le moins qu’on puisse dire.

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    • step // 02.09.2013 à 11h04

      A mon avis, il sait que la russie est un acteur régional incontournable et que l’insulter serait juste contre productif. En politique, il n’est pas besoin d’aimer pour épargner, il suffit parfois de ne pas pouvoir faire sans.
      On a tous nos partenaires géopolitiques qu’on aime pas mais dont on ne peut pas se passer. On évite toujours de lancer des boulettes en papier sur quelqu’un qui tient un flingue.

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  • FLURY // 01.09.2013 à 16h20

    Toute cette agitation aussi parce que nous n’avons aucune politique commune européenne. Ne parlons pas de l’indigence et de la vacuité allemande. Tant qu’elle reste assise sur ses excédents, le derrière sur les sièges moelleux des grosses berlines polluantes et qu’elle lance des centrales à charbon également polluantes comme alternative à la dépendance énergétique, tout va bien pour elle. Triste, pitoyable et si décevante Allemagne.

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    • step // 02.09.2013 à 11h04

      tiens quand je parlais de partenaires….

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  • Patrick Luder // 01.09.2013 à 18h05

    Bayrou et Giscard d’Estaing n’ont aucun poids décisionnel,
    mais le parlement français pourrait faire une pression suffisante,
    pour faire intervenir et respecter les décisons
    et des Nations, et de l’OTAN et du parlement Européen.

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  • Yves // 01.09.2013 à 18h42

    Bravo Bayrou, reste au moins encore un démocrate en France 😉

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  • Léonard // 01.09.2013 à 19h52

    On en pensera ce qu’on voudra, mais ce que je trouve saisissant c’est l’irruption (inattendue) de la démocratie dans cette affaire. Et à dire vrai, je n’ai pas l’impression que la France se soit montrée très performante dans ce domaine.

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  • Le Républicain // 01.09.2013 à 21h53

    Je trouve curieux et surprenant cette colère épidermique qui est à des années lumières de l’analyse et de la réflexion.
    C’est avec des comportements comme cela que l’on attise les haines et que l’on déclenche les guerres.
    Il est nécessaire de rester calme et maître de ses nerfs.

    Cordialement.

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