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16.mai.201616.5.2016 // Les Crises

Comment une société sans argent liquide pourrait enhardir Big Brother, par Sarah Jeong

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Source : The Atlantic, le 08/04/2016

Quand l’argent devient de l’information, il peut informer sur vous.

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SARAH JEONG | 8 avril 2016

En 2014, Cass Sunstein – à une époque grand manitou de l’administration Obama – a écrit un éditorial plaidant pour une société sans argent liquide, sous prétexte que cela réduirait la délinquance urbaine. Son raisonnement ? Une nouvelle étude a trouvé un lien de causalité apparent entre utilisation du système de transfert électronique (EBT) des prestations sociales et baisse de la criminalité.

Dans le cadre du nouveau système EBT, les bénéficiaires de l’aide sociale pourraient maintenant utiliser des cartes de débit, au lieu d’être forcés à encaisser des chèques dans leur totalité – ce qui signifie qu’il y aura moins d’argent liquide en circulation dans les quartiers pauvres. Et moins il y a d’argent liquide dans les rues, concluent les auteurs de l’étude, moins il y a de criminalité.

Peut-être que les cambriolages, les larcins, et les agressions ont baissé parce qu’il y avait tout simplement moins à voler facilement. Peut-être, aussi, que les cartes de débit ont dissuadé les gens de dépenser de l’argent en drogues et autres produits du marché noir. Bien que rien ne les empêchait de retirer de l’argent liquide et ensuite de le dépenser illégalement, le fameux « Coup de pouce Sunsteinien » était à l’œuvre – le moindre petit bouleversement dans l’environnement des gens les a dissuadés de commettre des crimes.

L’année qui a suivi la publication de l’éditorial de Sunstein, lors d’un incident apparemment sans rapport, un étudiant de l’Université de Columbia a été arrêté et accusé de cinq infractions liées à la drogue, y compris possession avec intention de vendre. Apparemment, ses camarades et ses clients l’avaient payé via l’application Smartphone Paypal appartenant à Venmo.

Venmo opère toutes les transactions publiques par défaut. L’application dispose de l’équivalent d’une page d’information d’un réseau social où vous pouvez voir vos amis s’envoyer différentes sommes d’argent, souvent accompagnées d’un court descriptif et de smileys. Le supposé dealer demandait à ses clients d’écrire un descriptif marrant pour chaque transaction, et en le faisant, transformait sa page d’information (et celle des autres) en registre ouvert du trafic de drogue.

Rien n’empêchait vraiment les étudiants d’aller à un guichet automatique et retirer de l’argent pour l’utiliser à l’ancienne. Mais cela prend du temps et de l’énergie, alors que Venmo est présent juste dans votre poche. Les meilleurs et les plus brillants membres de l’Ivy League ont été encouragés à se balancer eux-mêmes.

Les meilleurs et les plus brillants membres de l’Ivy League ont été encouragés à se balancer eux-mêmes.

Dans une société sans argent liquide, l’argent a été transformé en nombres, en signaux, en courants électroniques. Pour faire court : l’information a remplacé l’argent liquide.

L’information est rapide comme l’éclair. Elle traverse les villes, les États et les frontières nationales en un clin d’œil. Elle passe à travers de nombreux types de dispositifs, circule de téléphone à téléphone, et d’ordinateur à ordinateur, au lieu d’être enfermée dans ces temples de marbre silencieux que nous appelons banques. L’information ne fait jamais de cliquetis dérangeant dans votre poche.

Partout où l’information est rassemblée et circule, deux prédateurs la suivent de près : la censure et la surveillance. Le cas de la monnaie digitale ne fait pas exception. Là où la monnaie devient une série de signaux, elle peut être censurée ; là où la monnaie devient information, elle donnera des informations sur vous.

* * *

Durant le printemps 2014, le département de la justice commençait à faire l’objet de critiques pour l’opération Choke Point (Goulot d’étranglement), une initiative destinée à décourager ou stopper l’activité des prêteurs sur salaire. Les finalités furent, à première vue, positives, mais les moyens hautement contestables.

A ce moment-là, le besoin de protection du consommateur n’était que trop évident, mais le prêt sur salaire était légal et l’est encore. Donc le département de la justice s’est montré créatif et a demandé aux banques et aux organismes de paiement de se plier aux politiques du gouvernement et de faire la police de manière dynamique pour les activités à haut risque. Il a été demandé aux banques de volontairement fermer toutes les sortes d’activités marchandes que les bureaucrates du gouvernement considéraient comme suspectes. Le prix de la résistance était une enquête approfondie du département de la justice. En décembre 2013, le département de la justice avait émis cinquante citations à comparaître à des banques et organismes de paiement.

Les protestations les plus véhémentes contre l’opération Choke Point sont venues des activistes pro-armes, comme l’industrie des armes à feu et des munitions qui avait été labellisée à « haut risque ». Mais les armes n’étaient qu’une industrie parmi un étrange mélange de cibles. Les ventes de tabac, le télémarketing, la pornographie, les services d’escortes, les services de rencontres, les jeux en ligne, les marchands de monnaie, les décodeurs du câble, et les « produits racistes » étaient tous explicitement listés sur le site de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) [agence fédérale américaine dont la principale responsabilité est de garantir les dépôts bancaires, NdT] en tant que « catégories marchandes associées à une activité à haut-risque ».

Les critiques de l’opération Choke Point ont vu l’initiative comme une police des mœurs, plutôt que comme une campagne de protection du consommateur. Beaucoup des industries visées – comme la pornographie – pourraient être vues comme moralement peu recommandables. Et dans de nombreux cas – comme pour les armes – de tels jugements moraux étaient hautement politisés. Un commentateur a écrit : « Alors que les cliniques pratiquant l’avortement et les groupes environnementaux sont probablement en sécurité sous l’administration Obama, si ce genre de choses perdurent, elles seront vulnérables aux mêmes tactiques si une administration différente adopte cette même approche de voyou face aux entreprises qu’elle désapprouve. »

Pour beaucoup de conservateurs, l’opération Choke Point était une nouvelle offensive libérale dans la guerre culturelle, une attaque dissimulée contre le second amendement. Il n’y a jamais eu de preuve que les armes était l’objectif premier de l’opération Choke Point, mais l’indignation s’est maintenue, alimentée par un nombre alarmant d’histoires de vendeurs d’armes à feu lâchés par les compagnies de carte de crédit ou voyant soudainement leurs comptes bancaires fermés.

De la même façon, les acteurs du porno ont commencé à rapporter qu’ils étaient lâchés par le système financier de façon similaire, avec la banque Chase qui fermait les comptes bancaires personnels de « centaines de professionnels du divertissement pour adulte » au printemps 2014. Mais les effets troublants de l’opération Choke Point ne se seraient pas arrêtés là.

* * *

Eden Alexander s’est sentie malade au printemps 2014. Cela a commencé lorsqu’elle a souffert d’une sévère réaction allergique à un médicament qui lui avait été prescrit. Ensuite, lorsqu’elle a cherché des soins médicaux, les fournisseurs de soins ont refusé de la traiter, en supposant que le problème était l’utilisation de drogues illicites.

Alexander est une actrice porno. Selon elle, elle a été profilée et discriminée, et n’a pas réussi à obtenir de soins médicaux. A la fin, elle a développé une infection aux staphylocoques. Elle ne pouvait plus travailler, et elle luttait pour prendre soin d’elle-même, sans parler de ses factures médicales, son appartement, son loyer, ses chiens.

Ses amis et ses soutiens – beaucoup étaient également dans l’industrie du divertissement pour adulte – ont commencé une campagne de crowdfunding sur la plateforme GiveForward, espérant couvrir ses frais médicaux. Ils avaient récolté des milliers de dollars lorsque la campagne a été fermée et les paiements gelés.

GiveForward a dit que sa campagne avait violé les conditions de service de leur organisme de paiement, WePay : « Les conditions de WePay indiquent que vous ne pouvez pas accepter de paiements ou utiliser le service pour des choses en rapport avec l’industrie pornographique. »

Quelques heures après qu’Alexander a reçu la notification par email, et posté à ce sujet sur Twitter, elle a dû être amenée à l’hôpital en ambulance.

A différents points de la chaîne, toutes les transactions sont bloquées par des goulets d’étranglement créés par les principaux acteurs tels que Visa, Mastercard et Paypal.

La réaction initiale sur les médias sociaux a été de supposer qu’Alexander avait encore une fois fait l’objet de discriminations, et que la campagne de récolte de fonds avait été fermée à cause de l’ostracisme lié à son activité. Il s’avéra toutefois que l’un de ses soutiens avait offert en échange de photos nues des donations pour Alexander, sur Twitter. (Bien sûr, cela soulève seulement la question de savoir comment WePay a découvert ce tweet, et s’ils avaient l’habitude de surveiller les conversations sur Twitter pour toutes les campagnes où ils étaient utilisés.)

La suspension des paiements d’Eden Alexander a irrité les personnes bien intentionnées à son égard et ses soutiens. Comment pourrait-il être si difficile d’envoyer à Alexander une petite somme d’argent ? Nous vivons dans un monde où existent de multiples plateformes de crowdfunding, et chaque année amène une nouvelle récolte d’applications de transfert d’argent via téléphone mobile. Dans la société sans liquidités, les paiements sont censés circuler plus librement et facilement que jamais.

Bien sûr, l’abondance de services et d’applications mis en avant masquent l’infrastructure qui rend l’opération Choke Point possible en premier lieu. Les transactions empruntent des circuits à travers différentes couches enchevêtrées de vendeurs, d’organismes et de banques. A divers points de la chaîne, toutes les transactions sont bloquées via des obstacles créés par les principaux acteurs tels que Visa, Mastercard et Paypal : ils constituent les goulots d’étranglement d’après lesquels l’opération Choke Point a pris son nom.

Les goulots d’étranglement sont des sociétés privées qui ne sont pas seulement sujettes à la réglementation du gouvernement au niveau comptable, mais qui ont démontré une dérangeante volonté de se plier aux demandes extra-légales – si cela renforce les barrages financiers contre les organisations lanceuses d’alertes comme WikiLeaks ou le site internet Backpage, qui héberge des publicités de travailleurs du sexe, et prétendument aussi des publicités pour des trafiquants du sexe. Un peu de pression, et l’entier système financier lâche le dernier paria désigné par le gouvernement. L’opération Choke Point exploite cette tendance à grande échelle.

Il est probablement juste de dire que le gouvernement fédéral n’a jamais ciblé Eden Alexander, et que son hospitalisation était une conséquence prévisible de cette simple liste de points établie par la FDIC – la liste qui a placé la « pornographie » avec « l’escroquerie des consolidations de dettes » et « des produits garantissant l’enrichissement ».

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Mais des déclarations ultérieures faites par WePay ébauchent une relation de cause à effet entre l’opération Choke Point et l’arrêt de la campagne de crowdfunding d’Alexander, révélant l’ampleur potentielle des répercussions de telles initiatives. « WePay fait face à un examen approfondi de la part de ses partenaires et des réseaux de cartes de paiement dans le cadre de l’application d’une politique, surtout lorsqu’il s’agit d’un contenu adulte, » a écrit un représentant dans un article de blog. « Nous devons faire respecter ces politiques ou faire face à des amendes significatives ou au risque de la fermeture de centaines de milliers de marchands sur notre service. Nous sommes terriblement désolés que ces politiques s’ajoutent aux difficultés qu’Eden affronte. »

Là où le paternalisme se transmet directement par un téléphone arabe bureaucratique, des conséquences peu enviables ou mêmes inhumaines sont à prévoir. Lorsque l’on s’intéresse à la liste du FDIC des industries « à hauts risques », il est surprenant d’y trouver certaines opérant dans des secteurs carrément illégaux (ex. des « escroqueries » et des « pyramides de Ponzi ») ou profitant de vices légaux – paris, vente de tabac et pornographie.

Le système de Transfert de Bénéfice Electronique est largement bénin, et est effectivement une tentative d’offrir des services bancaires aux « non-bancarisés » – ce qui en soi pourrait amplement bénéficier à tout un segment de la population, actuellement dépendante de salaires journaliers et d’opérations monétaires en liquide. Cependant, il existe aussi une plus grande tendance, nous pousser vers un monde où une société sans argent liquide offre au gouvernement de nouvelles formes de coercition, de surveillance et de censure.

Une société sans argent liquide augure un monde de contrainte, de contrôle et de surveillance, dont les Américains les plus pauvres sont aujourd’hui pourvus en abondance.

EBT a poussé les plus vulnérables vers la société sans numéraire ; l’opération Choke Point a utilisé les possibilités de la société sans argent liquide pour faire appliquer ce que ses partisans considéraient comme un projet de protection des consommateurs, et ce que ses critiques ont vu comme une campagne contre le vice. Choke Point s’est propagé à travers la société, évaluant certaines industries comme « à haut risque », la FDIC a fait pression sur le secteur financier pour surveiller et sanctionner des activités légales. Finalement, cet effet a rejailli sur WePay, qui a fini par priver Eden Alexander de sa collecte de fonds.

L’épreuve d’Alexander a été rendue possible par notre marche apparemment inévitable vers la société sans argent liquide. Où les paiements électroniques règnent en maîtres absolus, les goulots d’étranglement deviennent plus importants que jamais. Nous n’avons pas toujours eu d’argent liquide en effet, les systèmes de crédit précèdent l’utilisation de l’or et l’argent comme monnaie. Mais il est juste de dire que nous voyons un avenir sans précédent dans lequel la totalité de l’activité financière sera prisonnière d’un même système comptable, celui qui peut être à la fois contrôlé et influencé par une administration étatique puissante et tentaculaire.

La société sans argent liquide augmente le risque pour les personnes vulnérables d’être en butte aux difficultés qu’Eden Alexander a rencontrées. Il semble bizarre à première vue qu’un système de protection des consommateurs aboutisse à ce qu’Alexander a subi. Mais la protection des consommateurs et la lutte contre le vice vont dans le même sens : c’est purement et simplement du paternalisme et tout particulièrement un encadrement paternaliste des pauvres.

Et lorsqu’il s’agit de lutte contre le vice ce sont particulièrement les pauvres qui ont le plus à souffrir – ils sont tenus à des normes plus élevées que d’autres et sont contrôlés et punis, s’ils s’en écartent. Les bénéficiaires de l’assistance sociale doivent subir un long et intrusif dépistage de drogues. Des femmes (souvent des femmes de couleur) qui marchent dans des lieux « de prostitution » sont harcelées ou même arrêtées parce qu’elles ont simplement des préservatifs dans leur sac à main.

Une société sans argent liquide promet un monde de contrainte, de contrôle et de surveillance – toutes choses dont les Américains les plus pauvres sont aujourd’hui pourvus en abondance, bien sûr. Pour le plus vulnérable, la société sans argent liquide n’offre essentiellement rien de neuf, elle élargit seulement la portée de l’actuel État bureaucratique paternaliste.

* * *

Les pauvres peuvent être touchés de façon disproportionnée, mais la société sans argent liquide affecte tout le monde. Les techno-libertaires relativement privilégiés ont donc longtemps craint la société sans argent liquide, la voyant comme un musée de cire électronique, une des nombreuses érosions de la vie privée de l’ère numérique. Cette crainte a donné lieu à un certain nombre d’innovations, de l’ecash de David Chaum (décrit dans son article de 1985 « Sécurité sans identification : des systèmes de transaction pour rendre Big Brother dépassé »), à l’ultra-médiatique protocole Bitcoin.

La crypto-monnaie n’est pas vraiment une priorité fédérale et, tant que c’est le cas, cela peut être un moyen de paiement officieux viable quand les organismes de paiement instituent des blocus.

Chaum s’est concentré sur le contournement des moyens de surveillance de l’argent numérique ; le pseudonyme du créateur du bitcoin (ou les créateurs), Satoshi Nakamoto, s’est attaché à enlever aux tiers de confiance le pouvoir d’empêcher ou de renverser des transactions – le même pouvoir qui permet la sorte de censure financière incitée par l’opération Choke Point. Ces crypto monnaies sont des tentatives de créer des ouvertures et des poches de liberté à l’intérieur du futur monde sans argent liquide.

Leur succès a été, au mieux, douteux. Je n’ai pas besoin de vous parler de la viabilité d’ecash. Si vous en avez entendu parler, vous la connaissez déjà ; si non, cela vous dit tout. Quant au bitcoin, plus largement adopté, la monnaie numérique a été touchée par une réglementation toujours plus sévère, concentrée sur les plateformes d’échange de bitcoins qui permettent d’échanger du bitcoin contre de la monnaie officielle. Cette tendance à la régulation a recréé les mêmes blocages et goulots d’étranglement que Satoshi Nakamoto avait tout d’abord cherché à contourner.

La crypto-monnaie n’est pas vraiment une priorité fédérale et, tant que c’est le cas, cela peut être un moyen de paiement officieux viable quand les organismes de paiement instituent des blocus. Les fournisseurs de moyens de paiement ont bloqué les accès pour WikiLeaks à la suite du Cablegate ; finalement l’organisation a été financée principalement par le bitcoin. Et quand Visa et Mastercard ont arrêté de fournir leurs services à Backpage en 2015, les travailleuses du sexe se sont aussi tournées vers le bitcoin.

* * *

En juin 2015, Thomas Dart, le shérif du comté de Cook – le plus grand comté de l’Illinois, qui inclut la ville de Chicago – a écrit une lettre ouverte aux principaux processeurs de paiement. « En tant que Shérif du comté de Cook et père et citoyen impliqué, j’écris pour demander que votre institution renonce immédiatement à permettre vos cartes de crédit d’être utilisées pour placer des annonces publicitaires sur des sites web comme Backpage.com. »

Backpage est un site Web qui héberge des petites annonces, y compris des annonces d’escortes. Il est tellement connu qu’il a été appelé « le plus grand site d’escortes de l’Amérique. » Selon plusieurs organisations contre le trafic sexuel, c’est aussi un havre pour l’esclavage sexuel. Quelques travailleuses du sexe disent cependant que les empêcher de faire de la publicité revient à les exposer à des dangers. « Avoir la possibilité de faire de la publicité en ligne permet aux travailleuses du sexe de filtrer plus soigneusement les clients potentiels et de travailler à l’intérieur, » écrit Alison Bass. « La recherche montre que quand les travailleuses du sexe ne peuvent pas faire de publicité en ligne et filtrer les clients, elles sont souvent forcées d’aller dans la rue, où il est plus difficile de dépister les clients violents et de négocier des rapports sexuels protégés (c’est-à-dire avec des préservatifs). Elles vont aussi plus probablement devoir dépendre de souteneurs exploiteurs pour trouver des clients. »

Les nuances de ce débat n’ont jamais été discutées par un organe législatif ou même une cour de justice. Visa et Mastercard ont immédiatement plié face à la lettre de Dart et le service de Backpage a été arrêté, rendant la publicité presque impossible pour les travailleuses du sexe (et aussi, dit-on, pour les trafiquants).

La censure financière pourrait se généraliser, sans la barrière légale de tout droit ou garantie véritables.

La lettre ouverte de Dart ressemblait à l’opération Choke Point, mais d’une façon beaucoup plus floue quoique plus menaçante. Si Dart avait fait une action en justice contre Backpage, il aurait sans nul doute échoué devant le tribunal. Le shérif avait déjà perdu un procès contre Craigslist en 2009 à propos de leurs annonces de services érotiques. Bien que Dart se soit clairement identifié comme le Shérif du comté de Cook, en réalité il n’a jamais dit qu’il allait imposer une loi contre Visa, Mastercard ou même Backpage. La lettre a fait référence à la loi fédérale contre le blanchiment d’argent et à l’existence présumée de trafic sexuel sur le site web, mais c’était en substance une missive composée pour semer la peur, l’incertitude et le doute. Comme l’opération Choke Point, c’était une demande d’action volontaire, plus qu’une plainte au pénal, avec acte d’accusation ou injonction.

Peut-être que si Visa ou Mastercard avaient bataillé, Dart aurait donné suite à ses menaces voilées de la façon dont le ministère de la Justice a publié des citations à comparaître aux banques défaillantes et aux processeurs. Mais il est impossible de le savoir, car les deux entreprises ont immédiatement capitulé.

En décembre 2015, une cour d’appel fédérale en Illinois a accordé une injonction à Backpage contre Dart. L’avis, écrit par l’estimé Richard Posner, attaquait Dart pour avoir tenté « de s’opposer au libre cours des idées et opinions par « l’imposition réelle ou la menace du pouvoir de l’État ou d’une sanction » » en violation du Premier amendement.

Au tribunal, Visa a prétendu que « à aucun moment Visa n’a perçu le Shérif Dart comme une menace, » et qu’il avait simplement fait un choix volontaire d’arrêter de travailler avec Backpage. Mais, en juin, le directeur de communication de Dart avait envoyé un courriel informant Visa que le bureau du shérif allait tenir une conférence de presse sur Backpage et le trafic sexuel et que « bien entendu le ton de la conférence de presse changera considérablement si vos cadres jugent bon de rompre les liens avec Backpage et ses imitateurs. » Les mails internes entre les salariés de Visa à l’époque ont mentionné le courriel de conférence de presse de Dart comme « un chantage ».

Pour le juge Posner, les tactiques de Dart étaient déconcertantes. Elles pourraient être facilement reproduites, selon la formule « d’une contrainte gouvernementale illégale, incontrôlée, imparable, anarchique… couplée à des menaces de dénonciation de l’activité que le fonctionnaire veut détruire, car la cible de la dénonciation, réticente à reconnaître qu’elle se soumet aux menaces, au lieu de cela, attribuera l’abandon de son activité à la découverte qu’elle heurte ses principes moraux. »

Posner ne l’a pas mentionné dans sa note, mais la même tactique avait été appliquée quelques années auparavant, lorsque le sénateur Joseph Lieberman avait convaincu les fournisseurs de services de paiement de fermer les accès à Wikileaks, au moment de la publication des télégrammes diplomatiques du département d’État américain.

La septième décision sur le dispositif Backpage est une importante jurisprudence sur le Premier amendement, un correctif indispensable dans une période de blocage financier toujours plus fréquent. Mais une grande partie de la décision sur l’affaire est fondée sur la mise en évidence des tactiques maladroites du shérif Dart, sur la pression évidente que les salariés de Visa ont qualifié par écrit de « chantage ». Qu’arrive-t-il dans le cas d’une affaire plus subtile atterrissant devant un juge aux penchants moins libéraux ?

De la même façon que la monnaie papier s’évapore de nos poches et que le pays entier – et même le monde – sont peu à peu plongés dans une société sans argent liquide, la censure financière pourrait devenir invasive, libérée de tous droits légaux ou garanties significatifs.

* * *

En janvier 2011, peu de temps après la mise en place du blocus financier de WikiLeaks, le fondateur de WePay a posté un Demandez-moi tout sur Reddit, appelant son entreprise l’« anti-Paypal ». Il a écrit qu’il était particulièrement inquiet de la facilité avec laquelle PayPal a gelé des comptes recueillant des fonds pour de bonnes causes.

Cela s’est passé un mois ou deux après que les organismes de paiement – y compris PayPal – ont choisi de bloquer WikiLeaks. D’une manière prévisible, un commentateur a posé une question directe sur WikiLeaks.

« Théoriquement, vous pouvez utiliser WePay pour recueillir de l’argent de personnes dans vos cercles sociaux et en faire don à qui vous voulez, » a-t-il écrit en réponse. « Ceci dit, nous avons intentionnellement fait profil bas et nous nous sommes contentés d’observer. … Nous sommes fiers de ne pas avoir gelé de comptes, mais dans des cas extrêmes comme WikiLeaks, il y a toujours un risque d’y être contraints par les autorités. »

Quatre ans plus tard, la société a semblé avoir décidé qu’une collecte de fonds pour couvrir les frais d’hospitalisation d’une travailleuse du sexe constituait un cas extrême comme WikiLeaks.

Source : The Atlantic, le 08/04/2016

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Commentaire recommandé

Kiwixar // 16.05.2016 à 10h42

La disparition de l’argent liquide est une des facettes de la fin de la propriété privée (avec l’extortion fiscale, i.e. bien au-delà des impôts nécessaires pour assurer les services sociaux et communs, écoles, hôpitaux, retraites, invalidités, défense) : en effet, l’argent sur « votre compte » ne vous appartient pas, il appartient à la banque, sur laquelle vous avez une créance.

Cela établit une société d’esclaves : vous travaillez en échange de rien. Les crédits/débit entre l’entreprise et le salarié passent d’une ligne informatique de la banque (privée) à une autre. Tout opposant ou personne qui réfléchit trop (et « mal ») peut être annihilé d’un clic. L’effondrement d’un pays « gênant » (révolte qui tournerait bien, ou « gênant » par nature comme la Russie) par guerre hybride est simple : l’arrêt intentionnel (« problème informatique ») des moyens de paiement : en 3h les supermarchés sont vides, en 1 jours ou 2 il n’y a plus d’essence, en 1 semaine des émeutes de la faim.

Il y a une solution : une Banque Citoyenne obligatoire pour chaque citoyen, sur laquelle TOUS les salaires sont transférés obligatoirement, avec carte de paiement gratuite et sans frais pour les usagers, et avec frais minimes pour les commerçants (combinée avec la TVA, qui doit baisser, car injuste : ne dépendant pas des revenus). L’Etat (nous) pourrait s’y financer gratuitement.

42 réactions et commentaires

  • Sébastien // 16.05.2016 à 03h00

    Question n° 1: si l’argent liquide est réellement un moteur de trafics et délits en tout genre, pourquoi ne l’a-t-on pas supprimer ou contrôler correctement il y a 10, 20, 30, 40, 50 ou 100 ans?
    Question n° 2: Est-ce la suppression de l’argent liquide qui supprime les comportements répréhensibles ou le fait que l’on va pouvoir surveiller toutes les transactions (ce qui n’est pas dit, au passage), supprimant ainsi toute liberté et vie privée?
    Question subsidiaire et clin d’oeil à Denis Robert: est-ce qu’on ne nous prend pas pour des cons une fois de plus (qui a fait les comptes à ce sujet d’ailleurs?).

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    • bof // 16.05.2016 à 14h30

      1- parce que la technologie actuelle le permet.
      2- vous avez remarqué qu’ il y a de plus en plus de gens en prison avec pourtant de moins en moins de meurtres. A priori la raison est l’ amélioration de l’ efficacité de la police. Améliorer l’ efficacité de la répression semble avoir une influence à moins qu’ une société dans laquelle chacun ait beaucoup à perdre soit plus coercitive.
      3- changer la société rapidement peut permettre à certains de pousser leur avantage.

        +5

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  • Fabrice // 16.05.2016 à 08h26

    Le contrôle des échanges monnaitaires n’a pas de solution tant que l’organe de régulation et de contrôle est soumis (ou pas) à une justice (ou pas) libre et indépendante (ou pas). Les impasses du libertinage mondiale et heureux à nouveau si évidentes ici….est un juge moins libérale aurait fait quoi??? Cette blague! qui n’a pas son prix ici bas dans l’alcove du compte evadé!
    Un jury populaire tiré au sort peux seul avoir raison…et le moins nationalisé serait le plus légitime! …ben oui les banques et multinationales ne le sont pas…pourquoi leurs victimes ordinaires le seraient elles?

      +3

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  • PatrickLuder // 16.05.2016 à 09h16

    Le monde du crime a de toute manière plusieurs longueurs d’avance sur le monde normal … le contrôle de la population par la monnaie virtuelle a d’autres visées que le contrôle du crime organisé. En dressant un profil de chaque personne on peut théoriquement définir ses préférences, ses faiblesses et ses opinions, le contrôle peut prévoir une application plus large en définissant les personnes, par exemple comme rangées – rebelles – meneurs. Mais attention, même les meilleurs algorithmes peuvent se tromper, condamnant de manière injustifiée des personnes ou des actes, et c’est là qu’est tout le problème, quand les appareils informatiques (sophistiqués ?) désignent et condamnent des humains sans autre forme de procès …

      +11

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    • Dids // 16.05.2016 à 11h41

      Dommage pour les erreurs des algorithmes ! Sinon on pourrait envisager un nettoyage orwellien ou stalinien de la société et vivre dans une fosse à puritanisme.

        +4

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      • PatrickLuder // 17.05.2016 à 05h52

        la qualité d’une société se trouve dans l’état d’esprit de ses citoyens et non dans ses moyens de contrôle et de répression …

          +2

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  • Gribouille // 16.05.2016 à 09h26

    On dit que la nature à horreur du vide. J’en déduis qu’un monde sans billets pourrait ouvrir la voie au retour des pièces en or ou argent dans un proche avenir. Impossible à tracer, ces vieilles reliques d’un temps révolu pourraient retrouver un certain intérêt pour effectuer nos transactions en toute discrétion.

      +21

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    • Fabrice // 16.05.2016 à 10h29

      Exact gribouille. J’approuve; Un monde sans matérialisation concrète sonnante et trébuchante de l’echange, que ce soit par le troc, des haricots ou des petit bouts de métal, ne pourrait pas exister. A la réflexion, Ces infinitésimales incertitudes quand au bon règlement de sa dette ont néanmoins passés des siècles et des millenaires d’échanges commerciaux, pour la simple raison que la créance n’etait recevable que dans la monnaie locale…ou dans une forme nouvelle acceptée par les parties…donc résiliente. Je ne vois aucun moyen à ce que des bits dematerialisés soient utilisés comme monnaie courante, comme materialisation possible de la sueur du sang et des larmes.

        +2

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    • Reality // 16.05.2016 à 10h36

      Je me suis fait la même remarque …. sauf, si les transactions sur l’or sont « pistées » (ce qui est déjà un peu le cas, et de plus la taxe à l’achat est importante). On peut facilement imaginer le système imposer une déclaration régulière (tous les mois ? 6 mois ? …) aux possesseurs d’or, avec justificatifs à l’appui.

        +2

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      • Vasco // 16.05.2016 à 11h53

        Action – Réaction.
        Les marchés noirs ont un bel avenir tout comme le banditisme.

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      • Jeanne L // 16.05.2016 à 15h16

        Réality dit « imposer une déclaration régulière (tous les mois ? 6 mois ? …) aux possesseurs d’or, avec justificatifs à l’appui. »
        Moi, j’ai un louis d’or qui me vient de ma grand-mère pour faire sauter les crêpes à la chandeleur en le tenant dans la main, je ne veux pas avoir à le déclarer tous les six mois !
        mais, bon on est à la pentecôte cela laisse du temps pour aviser !

          +3

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      • Xyloglossie // 16.05.2016 à 20h28

        Les transactions sur l’or seront pistées, et l’or probablement interdit à la possession pour les sans-dents, comme ce fut le fait aux Etats Unis pendant longtemps.
        Mais…. ça ne sera pas possible sur l’argent, métal précieux ET industriel. Donc c’est l’argent le cheval sur lequel il faut miser. Ceux qui l’ont compris transforment en ce moment leurs économies en pièces d’argent. Devinez combien a pris le cours de l’argent ces derniers mois…

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  • Durand // 16.05.2016 à 10h25

    Le monde des décideurs a tellement besoin des mafias en tout genre pour accomplir ses basses œuvres, qu’en supprimant l’argent liquide, il se tirerait une balle dans le pied…
    Bien sûr, les esprits orwelliens ravagés parles pires désirs esclavagistes ont planché sur de telles mesures !… Mais depuis que l’argent existe, le système n’a jamais pu faire mieux que ce qu’il fait déjà pour contrôler et s’accaparer la richesse de la population : l’utilisation de la planche à billet magique !

    En 1971, il fallait 35 Dollars pour se procurer une once d’or… Aujourd’hui, il en faut 1400 !
    Croyez-vous que se soit l’or qui ait augmenté ?… Pas du tout !…, c’est uniquement l’explosion de la masse monétaire en Dollar qui a été artificiellement multipliée par 40 pour couvrir les frais d’accaparement du monde par l’Amérique.

    D’autre part la mise en place d’un tel système ne serait possible qu’à la condition que le monde entier soit dirigé par un seul gouvernement totalitaire, sinon, les gens fuiraient le pays qui le mettrait en place unilatéralement.

    Priver les gens de la richesse que leur procure leurs efforts, c’est les priver de l’envie de la produire… A ce jeu, mème les puissants perdraient tout ce qu’ils ont puisqu’ils se payent sur les efforts de tous…

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    • sissa // 19.05.2016 à 21h56

      La mafia s’en sortira très bien, ne vous en faites pas. Il utiliseront des monnaies style bitcoin ou bien des monnaies de pays n’ayant pas fait disparaitre l’argent liquide( et cela sera le cas partout où 100% de la population n’a pas de compte en banque)

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  • Kiwixar // 16.05.2016 à 10h42

    La disparition de l’argent liquide est une des facettes de la fin de la propriété privée (avec l’extortion fiscale, i.e. bien au-delà des impôts nécessaires pour assurer les services sociaux et communs, écoles, hôpitaux, retraites, invalidités, défense) : en effet, l’argent sur « votre compte » ne vous appartient pas, il appartient à la banque, sur laquelle vous avez une créance.

    Cela établit une société d’esclaves : vous travaillez en échange de rien. Les crédits/débit entre l’entreprise et le salarié passent d’une ligne informatique de la banque (privée) à une autre. Tout opposant ou personne qui réfléchit trop (et « mal ») peut être annihilé d’un clic. L’effondrement d’un pays « gênant » (révolte qui tournerait bien, ou « gênant » par nature comme la Russie) par guerre hybride est simple : l’arrêt intentionnel (« problème informatique ») des moyens de paiement : en 3h les supermarchés sont vides, en 1 jours ou 2 il n’y a plus d’essence, en 1 semaine des émeutes de la faim.

    Il y a une solution : une Banque Citoyenne obligatoire pour chaque citoyen, sur laquelle TOUS les salaires sont transférés obligatoirement, avec carte de paiement gratuite et sans frais pour les usagers, et avec frais minimes pour les commerçants (combinée avec la TVA, qui doit baisser, car injuste : ne dépendant pas des revenus). L’Etat (nous) pourrait s’y financer gratuitement.

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    • geof’ // 16.05.2016 à 12h21

      bonjour, bonsoir,
      bien raisonné, Kiwixar !
      la solution, selon moi, est communiste 2.0 : on produit local/circuit court (donc écolo), du respectueux des corps et des âmes (donc plus d’exploitation), et on fait dans les pièces d’or : j’ai lu il y a peu une citation d’Ezra Pound – « on a besoin d’un moyen d’échange et un moyen de thésaurisation, mais rien ne nous oblige à ce que ce soit le même » : subtil, l’Ezra !!!
      comme un fusil dans la main, une pièce d’or, on la tient bien et personne (sauf une police-fasciste) ne peut nous la voler !!!
      Geoffrey, communiste belge

        +7

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      • Homère d’Allore // 16.05.2016 à 13h02

        Ezra Pound avait du style, c’est incontestable.

        Mais pour le « communisme » même 2.0, on peut quand-même avoir d’autres références…

        https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Ezra_Pound

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      • Kiwixar // 16.05.2016 à 13h12

        Ca ne résoud pas l’extorsion fiscale : quelque soit la société idéale que vous pourriez créer localement (avec production locale, monnaie locale, respect de l’environnement, autosuffisance), il y aura toujours un gouvernement de banquiers qui viendra vous voir et vous fera payer taxes foncières, taxes d’habitation, TVA sur vos échanges locaux, CSG et toutes les combinaisons d’acronymes qu’ils apprennent à fabriquer à l’ENA pour essorer les sans-dents.

        La solution ne peut donc être que nationale, puisque la nation permet d’établir des règles et des lois permettant un monde meilleur, et permettant la défense contre des pays voisins préférant la rapine, l’esclavage et la cannonière au travail.

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        • Durand // 17.05.2016 à 01h32

          Bravo, Kiwixar ! Commençons par retrouver la possibilité d’appliquer des solutions nationales en mettant fin à notre adhésion à l’UE et à l’OTAN…, ça sera un bon début !

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    • Louis St O // 16.05.2016 à 12h26

      « Il y a une solution : une Banque Citoyenne obligatoire »

      Pour moi c’est nationalisation des banques de dépôt, ou tout au moins une banque de dépôt nationalisée, avec versement des salaires de tous les fonctionnaires et assimilé. et de ceux qui travaillent dans le privé qui le souhaitent.

      J’y rajouterai les comptes épargne et les comptes de dev. durable.

      Suppression des garanties aux banques privées qu’elles soient financières ou de dépôts.

      Si un individu veut quand même déposer son argent dans une banque privée, il doit savoir que si la banque fait faillite il perd son argent.

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    • Pierre // 16.05.2016 à 23h05

      Il me semble que cela existait il y a quelques années: on pouvait avoir un compte au Trésor public. On peut s’interroger sur la disparition de ce service public.
      Étant entendu qu’un état ne peut faire faillite (ce qui était vrai, mais ne l’est plus)

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  • bof // 16.05.2016 à 10h56

    Alors que la plus grande délinquance est les paradis fiscaux.
    Cet argent disparaît dans des poches inconnues alors qu’il devrait retourner vers les 99% qui en manquent.
    La numérisation des moyens de paiement facilite encore plus ces évasions et optimisations fiscales.

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  • Horzabky // 16.05.2016 à 11h06

    Un monde sans argent liquide ne le resterait pas longtemps. À la place, on aurait, par exemple, des jetons de casino : vous les achetez tout ce qu’il y a de plus légalement, avec votre carte de crédit. Ensuite, vous les utilisez pour acheter des marchandises. Le commerçant, en fin de semaine, va au casino se faire « rembourser » les jetons. En échange de ces jetons, le casino crédite le compte bancaire du commerçant du même montant (sur lequel il prélève une commission).

    Si vous voulez acheter de la drogue, vous payez votre dealer en jetons de casino. Anonymat garanti.

    J’ai déjà vu des chèques-restaurants utilisés comme monnaie d’échange.

    Pour empêcher toutes ces dérives, il faudrait mettre un policier quasiment derrière chaque citoyen. Mais ça coûterait beaucoup plus cher que de continuer à avoir de l’argent liquide…

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    • dupontg // 16.05.2016 à 18h17

      Et derriere les policiers on mettra qui?

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  • bof // 16.05.2016 à 11h43

    Alors que la plus grande délinquance est les paradis fiscaux.
    Cet argent disparaît dans des poches inconnues alors qu’il devrait retourner vers les 99% qui en manquent.
    La numérisation des moyens de paiement facilite encore plus ces évasions et optimisations fiscales.

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  • Homère d’Allore // 16.05.2016 à 11h54

    Au risque d’être très minoritaire, je vais plutôt défendre ici la suppression de l’argent liquide.

    Non pas que je sois partisan de cette mesure, en elle-même. Elle porte en germe un contrôle absolu des échanges. Et les « jetons de casino », tickets restaurant et autres quasi-monnaies seraient aussi très vite dématérialisés. C’est d’ailleurs en cours pour les tickets restaurant.

    Non, si je suis, in fine, favorable à cette mesure, c’est parce que, de façon dialectique, elle peut amener à la suppression de la monnaie tout court.

    C’est à dire de tout échange. Et la mise en place d’une société basée sur la prise au tas et le bon de consommation.

    Comme nous baignons dans un mode de production et de consommation basé sur l’échange, il nous est très difficile d’imaginer une société sans échange. Celle-ci a pourtant existé à travers l’Histoire.

    L’exemple le plus connu est celui du Paraguay Guarani des Jésuites. On peut aussi penser à Barcelone en 1936-37.

    Bien sûr, pour passer d’une société où l’échange est la règle à une société sans échange, ça ne se passe pas sans heurts.
    Mais si l’action est facilitée par le débranchement d’un système virtuel, c’est sans doute plus facile que de faire la chasse aux pièces de métal.

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    • Owen // 16.05.2016 à 16h23

      le roman « La nuit des temps », de R Barjavel décrit le monde de Gondawa:
      – crédit égal pour tous (une clé dans sa bague, variante de la carte bancaire),
      – pour disposer des biens produits par des usines de propriétés collectives (que préfigurent l’automatisation et la robotisation des process),
      – un temps de travail obligatoire pour tous (1 journée/hedbo dans le roman, je crois), pour compléter ce que les usines ne peuvent faire encore (sinon, malus sur son crédit).
      – augmentation du crédit en fournissant du travail supplémentaire selon compétences (médecine, gestion, maintenance, R&D, arts, informations…).

      On peut intégrer, en plus, un coût écologique dans le prix du bien national. Et l’économie financière n’aura plus d’objet…

      Les progrès des sciences et technologies approchent à grands pas cette utopie.
      Mais humainement, on s’y éloigne de plus en plus.

      C’est le paradoxe de la Tour de Babel/la Cité du Soleil dans « Spartacus », d’Arthur Koestler. Et ses nombreux essais ont tenté de résoudre, en vain, cette bifurcation.

        +4

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      • Homère d’Allore // 16.05.2016 à 17h53

        « Les progrès des sciences et technologies approchent à grands pas de cette utopie. Mais, humainement, on s’y éloigne de plus en plus. »

        Vous avez brillamment résumé, Owen, le principal paradoxe de notre temps et du mode de production capitaliste en général.

        Ce dernier développe de façon exponentielle les capacités de production collective. Aujourd’hui, contrairement à il y a deux siècles, personne ne peut dire d’une quelconque marchandise « c’est moi qui l’ai faite ! ».
        Toute production, y compris intellectuelle, est le fruit d’un travail collectif socialisé.

        En revanche, si la production est socialisée, la consommation est, elle, de plus en plus individualisée et le partage des biens produits, depuis 25 ans, tend vers une inégalité croissante.
        Cette dernière entraîne la non-solvabilité de nombreux consommateurs qui, lorsque sont épuisés les artifices du crédit, entraîne à son tour, une récession.

        C’est la raison pour laquelle Les Crises reviennent, sauf lorsque la surpopulation relative a été réduite par un massacre du type guerre mondiale, seule cure de jouvence du système.

        Pour éviter celle-ci, il faudra bien abandonner ce mode de production. Mais ça demandera pas mal de Spartacus.

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  • Django // 16.05.2016 à 11h54

    Les élites, banquiers et mondialistes richissimes en tous genres ne laisseront jamais faire ça. Ce sont les premiers à se balader les poches pleines de cash dans leurs vies quotidiennes (pas devant les médias), à se refourguer des valises de billets, à toucher au trafic de drogue, pots-de-vin, etc.

      +5

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  • Nicolas // 16.05.2016 à 12h04

    Je ne sais pas si tous les lecteurs français savent que les prêteurs sur salaires sont des institutions qui prêtent (contre des chèques post-datés) de l’argent au pauvres pour 2 semaines, jusqu’à leur prochain salaire, avec des intérêts qui correspondent à quelque chose comme 500% par an.
    D’ailleurs ce merveilleux phénomène n’a pas d’article en français sur Wikipedia
    https://en.wikipedia.org/wiki/Payday_loan
    Ni même d’ailleurs le terme plus général « loan sharking »
    https://en.wikipedia.org/wiki/Loan_shark

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  • Astatruc // 16.05.2016 à 12h24

    Ces  » goulots d’étranglement  » marchent rudement bien, bizarre qu’ils n’aient pas été mis en place pour isis, daesh , al qaïda en Syrie…..

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  • Louis St O // 16.05.2016 à 12h38

    Ce qui me fait le plus peur, c’est lorsque j’ai lu qu’un ancien président du FMI (Je crois celui qui était avant DSK- dont je ne me souviens plus du nom) déclarait qu’il travaillait avec une équipe sur une monnaie mondiale unique!!!

    Quand on voit comment on peut mettre à genou un pays en bloquant sa monnaie (Chypre – Grèce)

    et qu’il n’aurait même pas la possibilité de créer sa propre monnaie – ç’a fait peur !!!

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    • Xyloglossie // 16.05.2016 à 20h49

      La monnaie unique mondiale, ce sera le DTS du FMI, probablement avec 40% d’or dans le panier, raison pour laquelle plusieurs pays en achètent tant chaque mois et demandent la livraison. Les préparatifs vont bon train, tout devrait être près pour 2018 environ. Avant cela il faut que le dollar s’effondre. On est sur la bonne voie…
      Voici un vieil article de 2011 qui explique bien la théorie: http://www.mondialisation.ca/un-nouveau-bretton-woods-pour-une-monnaie-mondiale-bas-e-sur-les-dts/24528

        +4

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  • noDJ // 16.05.2016 à 12h49

    Les banques sont déjà au centre de la délinquance financière (blanchiment d’argent dans les paradis fiscaux), en retirant l’argent liquide on va peut-être diminuer un peu la petite délinquance mais on donne plein pouvoir à la grande.

    La suppression de l’argent liquide est une aubaine pour les banques :
    1) Plus de risque de faillite bancaire suite à un retrait massif de liquidité.
    2) Plus besoin de fond propre pour créer de l’argent par les dettes. La banque privée qui a déjà le pouvoir exorbitant de créer la monnaie scripturale (90 % de la monnaie pleine) par la dette, s’accapare ainsi la totalité du « pouvoir régalien » (sic) de battre monnaie. L’argent électronique équivaudra à la monnaie pleine.
    3) Capacité de contrôle de la vie d’un pays et de ces citoyens, en traçant toutes les activités commerciales. Big brother = Big banker !
    4) Capacité de falsification des comptes, des uns et des autres, en toute obscurité. La corruption No limit !
    5) Capacité de chantage, ou de mise à mort, d’un pays ou d’un particulier en bouclant un/des compte/s. Bonjour le totalitarisme !

    Après le « To big to fail » et le « To big to jail », voulons-nous vraiment entrer en « Bancocratie », le totalitarisme par les grandes banques américaines ?

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  • alexk // 16.05.2016 à 13h40

    Advantage de la suppression Du cash :plus de panique bancaire ou les deposant réclame leur argent en liquide ! Plus d’accés à LA monnaie primaire de banque central.

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  • Krystyna Hawrot // 16.05.2016 à 16h56

    Article très intéressant quand on se souvient que Varoufakis n’a pas pu mettre en oeuvre son « plan B » (sortie de l’Euro par la création d’une drahme électronique) parce que tous les informaticiens du ministère du budget grec travaillent pour la Troïka..; étaient des agents de la BCE! Pour avoir essayé de « pirater » le système informatique de son propre ministère Varoufakis est toujours poursuivi ppour « haute trahison »! En conclusion les informaticiens sont et ont toujours été des mercenaires du système, pire que ses soldats et ses flics. D’ailleurs on n’a jamais encore vu une grève d’administrateurs de serveurs…

      +3

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  • thmos // 16.05.2016 à 17h23

    Pour constater un coup d’état il fallait se rendre jusqu’au DAB pour se rendre compte de la violence de nos « démocraties » – Chypre, Grèce …- la disparition des billets nous permettra d’éviter la rue , livraison à domicile … Déjà l’ UMP évoque un vote électronique pour les « français de l’étranger » seulement … comme le braquage se joue à moins d’un point … la politique des petits pas vers la falaise

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    • Kiwixar // 17.05.2016 à 00h49

      Les Français vivant à l’étranger peuvent voter de manière électronique depuis de nombreuses années déjà (au moins 2012).

        +0

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  • SanKuKai // 16.05.2016 à 18h04

    L’objectif de la fin de l’argent liquide serait donc de lutter contre la délinquence. Vraiment?

    La délinquence, grosse ou petite, a toujours su s’adapter. Comme solution, Ils ont déjà le bitcoin et ils trouveront surement autre chose.
    Par contre les petites gens honnêtes n’auront plus que la délinquence pour les aider à se retrouver une vie privée.

      +6

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  • SanKuKai // 16.05.2016 à 19h22

    Sinon, comme alternative locale il y a le Time Banking. Ca marche pas mal en UK.
    Les gens s’échangent du temps et l’accumulent sur un compte de temps. Pour les retraités qui n’ont pas d’argent c’est super.
    Par exemple, les petits vieux qui ont plein de connaissances à donner peuvent au final les échanger localement contre des services à la personne basiques.

    La video explicative (en anglais):
    https://www.youtube.com/watch?v=aB8ifVJ34JU

    Mais apparement le gouvernement en UK n’apprécie pas vraiment. Ils ont coupé les subventions à l’entreprise caritative (« Charity ») qui s’en occupe: (Article en Anglais encore, désolé)
    http://timebank.org.uk/press-release/government-pulls-the-plug-on-timebanks-funding

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  • Lea_ // 17.05.2016 à 00h10

    « En 2014, Cass Sunstein – à une époque grand manitou de l’administration Obama – a écrit un éditorial plaidant pour une société sans argent liquide, sous prétexte que cela réduirait la délinquance urbaine.  »

    On nous prend vraiment pour des imbéciles. Un seul et unique but de la suppression du cash est de pouvoir nous tondre comme des moutons:
    – taxation à volonté de nos comptes par le système bancaire
    – taxation à volonté de nos comptes par l’état
    – taxation à volonté de nos comptes par Bruxelles
    Ne pouvant plus retirer nos avoirs en monnaie sonnante et trébuchante, nous deviendrions des proies idéales à tous les abus des décideurs financiers et politiques.

      +5

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  • Francois // 17.05.2016 à 18h31

    La démocratie directe est une arme redoutable contre l’Europe

    http://www.huffingtonpost.fr/chantal-ingham/union-europeenne-referendum-democratie-directe_b_10004072.html?utm_hp_ref=france

    Nous vous inquiétez pas, la ploutocratie s’occupe de tout.

      +0

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