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Le climat de la France au 21è siècle : actualisation des projections

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Le volume 4 du rapport « Le climat de la France au 21è siècle » a été rendu public, le 6 septembre 2014. Ce document propose une « synthèse approfondie sur les scénarios de référence à considérer pour la mise en œuvre du plan national d’adaptation français au changement climatique ». Il a été établi dans le cadre de la mission confiée par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’énergie à Jean Jouzel, en juillet 2010.

Crédits photo : Serge Zastavkin_Fotolia

Le rapport « Le climat de la France au 21e siècle »

Cet ouvrage a pour but de présenter les changements climatiques futurs en France jusqu’en 2100. » Il vise à présenter les changements climatiques futurs à l’échelle de la France, simulés à partir de deux modèles climatiques régionaux mis en œuvre par le CNRM (Centre National de Recherches Météorologiques de Météo-France) et l’IPSL (Institut Pierre Simon Laplace) en collaboration avec l’INERIS (Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques).

Le Volume 4 du rapport « Scénarios régionalisés – Editions 2014 pour la métropole et les régions d’outre-mer »

Contrairement aux volumes précédents, ce rapport ne rassemble pas les indices de températures, précipitations et vent de manière exhaustive, car ces derniers sont mis à disposition sur le portail DRIAS. Suite au projet GICC DRIAS, ce portail met à disposition des utilisateurs, des projections climatiques régionalisées sous différentes formes que ce soit des données corrigées (avec les observations), des indices ou encore des représentations cartographiques. Le présent document est destiné à fournir un accompagnement à l’analyse et l’interprétation de ces données.

Une autre nouveauté importante est que les scénarios climatiques de référence ne sont plus fondés sur les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre dits SRES (Special Report on Emissions Scenarios) comme dans les précédents rapports, mais sur les nouveaux scénarios RCP (Representative Concentration Pathway), en cohérence avec le 5e rapport d’évaluation du GIEC.

Une fine résolution horizontale est adoptée dans les simulations, nécessaire pour la régionalisation des projections, en lien avec les processus de petite échelle liés à l’orographie notamment. Pour la première fois, des projections climatiques à résolution aussi fine ont aussi été produites pour les régions d’outre-mer.

Ce rapport propose aussi une nouvelle représentation des incertitudes autour des projections climatiques des deux modèles climatiques régionaux. On s’attache ici à prendre en compte l’incertitude liée au choix des modèles via une analyse multi-modèle (voir la partie 2.3).

Les analyses sont présentées sous forme de séries temporelles, pour les saisons hivernale et estivale, en moyenne sur la France métropolitaine dans un premier temps, pour la température et les précipitations, associées à des tableaux récapitulant les valeurs d’incertitudes liées à la modélisation climatique. Nous présentons également des cartes d’indices d’extrêmes calculés à partir des données corrigées de température et de précipitations. Dans un second temps, nous nous penchons sur le changement climatique dans les régions d’outre-mer, en terme de température et précipitations moyennes, et nous nous appuyons sur l’expertise du GIEC pour analyser l’impact du changement climatique sur l’activité cyclonique.

Découvrir la version complète du rapport

Les principales conclusions du volume 4 sont les suivantes :

A l’horizon proche (2021-2050), le rapport montre (pour la métropole) :

  • une hausse des températures moyennes, comprise entre 0,6°C et 1,3°C, toutes saisons confondues, par rapport à la moyenne calculée sur la période 1976-2005. Cette hausse devrait être plus importante dans le Sud-Est de la France en été, avec des écarts à la référence pouvant atteindre 1,5°C à 2°C.
  • une augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, comprise entre 0 et 5 jours sur l’ensemble du territoire, voire de 5 à 10 jours dans des régions du quart Sud-Est.
  • une diminution des jours anormalement froids en hiver sur l’ensemble de la France métropolitaine, entre 1 et 4 jours en moyenne, et jusqu’à 6 jours au Nord-Est du pays.
  • une légère hausse des précipitations moyennes, en été comme en hiver, avec une forte incertitude sur la distribution géographique de ce changement.
  • les modèles Aladin-Climat et WRF utilisés pour les projections climatiques simulent de faibles changements des pourcentages de précipitations extrêmes. Cependant, les deux modèles se situent dans la fourchette basse d’un ensemble multi-modèle européen.

A l’horizon plus lointain (2071-2100), le rapport indique :

  • une forte hausse des températures moyennes. De 0,9°C à une augmentation comprise entre 3,4°C-3,6°C en hiver, et de 1,3°C à une fourchette comprise entre 2,6°C et 5,3°C en été, selon les scénarios utilisés. Cette hausse devrait être particulièrement marquée en allant vers le Sud-Est du pays, et pourrait largement dépasser les 5°C en été par rapport à la moyenne de référence.
  • une forte augmentation du nombre de jours de vagues de chaleur en été, qui pourrait dépasser les 20 jours au Sud-Est du territoire métropolitain.
  • une augmentation des épisodes de sécheresse dans une large partie sud du pays, mais pouvant s’étendre à l’ensemble du pays.
  • une diminution des extrêmes froids sur l’ensemble du territoire. Elle est comprise entre 6 et 10 jours de moins que la référence dans le Nord-Est de la France. Cette diminution devrait être limitée sur l’extrême sud du pays.
  • une hausse des précipitations hivernales.
  • un renforcement du taux de précipitations extrêmes sur une large part du territoire, dépassant 5% dans certaines régions avec le scénario d’émission le plus fort, mais avec une forte variabilité des zones concernées selon le modèle utilisé.

Concernant les régions d’outre-mer :

  • une augmentation de la température de l’ordre de 0,7 à 3,5°C d’ici 2100 selon les scénarios, sur l’ensemble des territoires.
  • une diminution des précipitations moyennes, en particulier pour la saison sèche sur l’ensemble des territoires.
  • une probable augmentation de l’intensité des cyclones en fin de siècle dans un contexte de stabilité ou de diminution de la fréquence des cyclones à l’échelle mondiale. Un faible niveau de confiance est accordé à l’évaluation de l’évolution de la fréquence et de l’intensité des cyclones pour un horizon proche.

Découvrir la version complète du rapport

Source : Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, le 4 septembre 2014.



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13 réactions et commentaires

  • Bouddha vert // 03.05.2015 à 02h29

    Super,

    Il semble que le sujet prenne de l’étoffe et que nous allons devoir nous constituer un fond culturel, technique qui concerne la machine climatique.
    Il est parallèlement très intéressant de découvrir que de nombreuses civilisations ce sont effondrées également à la faveur de changement de météo locale ou régionale, tout cela bien évidemment couplé à des problèmes d’accès aux ressources agro-forestière et à la complexité croissante que requière la gestion des forces nourrissant le système.

    Et pour élargir le sujet à l’actualité:
    Alors que notre électricité française ne produit pas de CO2, que l’électricité ne représente pas 24% de l’énergie que nous consommons, on se demande pourquoi notre gouvernement voudrait nous faire croire que la priorité nationale serait de « produire » de l’électricité « verte »!

    On voit qu’il nous faut changer de modèle, et on nous propose de faire 100% de notre électricité avec du PV fabriqué en chine avec du charbon et du vent dont on ne sait toujours pas stocker l’énergie…
    Il y aura certainement des révolutions technologiques mais certainement pas tout de suite capables de prendre le relais de l’histoire charbon pétrole gaz, voir l’excellente analyse de Thévard sur le PV espagnole avec une définition de l’EROEI, page3 du pdf, un délice:
    http://www.institutmomentum.org/wp-content/uploads/2014/01/La-diminution-de-l’énergie-nette.pdf

    La révolution qui nous sauvera ne sera pas technologique, ce sera celle des esprits, ou celle des survivants…

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  • patrick // 03.05.2015 à 20h30

    Pour la France c’est plutôt positif , un peu plus de chaleur , un peu plus d’eau , moins de grand froid , donc si il y a en plus du CO2 , ça veut dire de meilleures récoltes , une végétation plus abondante.
    Tout va bien pour nous , il faudra juste préparer les fossés et nettoyer les cours d’eau pour éviter les inondations.

      +2

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    • Bouddha vert // 04.05.2015 à 10h29

      Il ne faudra pas oublier d’accueillir les millions d’habitants où les terres ne seront plus si propices à la vie!
      Ce problème est mondial, ce n’est pas une affaire de nations, il touche à quelque chose de plus profond et plus fondamental, c’est le support de tout ce qui se passe, se pense sur cette Terre, Gaya.
      Il n’est pas question de notre astre mais des conditions qui l’autorisent à supporter une vie pour les Hommes…

      De l’eau, du soleil, de la terre et des graines le tout dans un contexte de stabilité et de toxicité acceptable:
      Oubliez lunettes de soleil, short et terrasse en bord de mer ce « modèle » n’aura duré que « le temps des 30 glorieuses »

      Il n’est même pas reproductible pour les enfants de l’OCDE, alors pour les 7 milliards d’humains, il faut se réveiller!

        +1

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      • patrick // 04.05.2015 à 12h17

        rien ne prouve qu’il y aura des « réfugiés climatiques », à priori le même phénomène ( plus de chaleur , plus de CO2 ) sera assez généralisé sur la planète, et on cherche toujours la fameuse montée des eaux qui va tout submerger
        les catastrophes en cours sont surtout dues à une mauvaise gestion des espaces ( bétonnage , constructions aux endroits les plus exposés … ).
        arrêtons d’être alarmistes pour rien.

          +3

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        • Adrien // 04.05.2015 à 13h11

          > les catastrophes en cours sont surtout dues à une mauvaise gestion des espaces

          Actuellement il est indéniable que le réchauffement climatique est en cours, que le niveau des océans montent et qu’il y a des réfugiés climatiques.

          Ce ne sont pas des prévisions, mais des mesures !

          quand on dit « il y a de plus en plus de cyclone », le bétonnage n’y est pour pas grand chose… Sur les conséquences humaines c’est autre chose bien sûr.

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          • patrick // 04.05.2015 à 13h41

            Réfugiés climatiques et nbre de cyclones ?
            Sources et chiffres ?
            Montée des eaux ? Chiffres réels ?

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            • Adrien // 04.05.2015 à 14h10

              Vous n’avez pas répondu à ma question : avez-vous des données précises ? Mais je doute qu’un troll puisse fournir de telles données.

              Voici quelques chiffres, trouvé en moins de 5 minutes sur internet :

              Pour l’élévation des mers, wikipedia est une bon début :
              https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89l%C3%A9vation_du_niveau_de_la_mer

              pour le nombres de cyclones, on peut aller voir chez météo france peut-être :
              http://www.meteo.fr/temps/domtom/antilles/pack-public/cyclone/evolution_cyclones.htm

              les réfugiés climatiques ? l’IRD donne un élément de réponse :
              https://www.ird.fr/la-mediatheque/fiches-d-actualite-scientifique/386-les-premiers-refugies-climatiques-du-vanuatu-sont-toujours-menaces

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            • patrick // 04.05.2015 à 22h22

              intéressons-nous donc à Wikipédia ..
              l’article cité indique qu’en 18000 ans le niveau de la mer est monté de 120 m , soit 6,6mm /an en moyenne , d’après le même article le niveau s’élèverait actuellement de 3mm/an ce qui indique un rythme d’élévation en diminution.
              on peut se dire que 3mm/an , ça représente 30 cm/siècle , ça laisse le temps de se préparer.
              un autre article de Wikipedia est également intéressant ,
              https://fr.wikipedia.org/wiki/Niveau_de_la_mer
              ‘il explique qu’il est très difficile de mesurer le niveau de la mer , donc la mesure de 3mm/an est en gros de la fumisterie.
              en plus il contredit l’article précédent :

              « Le dernier minimum date d’il y a environ 20 000 ans, le niveau de la mer était un peu plus de 100 m plus bas qu’actuellement. Malgré cela, le niveau de la mer semble être de nos jours à l’un des niveaux les plus bas depuis plusieurs centaines de millions d’années. »

              voilà, voilà !!
              j’attends toujours des chiffres réels et fiables 🙂

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            • patrick // 04.05.2015 à 22h45

              intéressons-nous maintenant à la vague association nommée IRD ( jamais entendu de ce machin qui doit être subventionné avec mon fric 🙂 )
              le seul exemple donné est celui des îles Vanuatu ( bon , on est loin des millions de réfugiés ) , l’article a quand même l’honnêteté d’avouer que les îles s’enfoncent toutes seules parce que les 3mm/an ne semblent pas suffisants pour expliquer le phénomène.
              encore de l’enfumage , vous avez des vraies infos ?

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              Alerter
    • Le samourai // 04.05.2015 à 17h18

      Bonjour,

      normalement il ne faut pas nourrir les trolls, mais pour son inculture:

      1)Eté pluvieux :  » Globalement, un climat plus chaud est un climat plus humide »

      Le Monde | 04.09.2007 à 19h39 | Par Chat modéré par Matthieu Auzanneau

      Caribou : Est-il déraisonnable de se dire que l’été très humide que nous avons eu peut logiquement être un signe du réchauffement (air plus chaud remontant les côtes américaines impliquant un train de dépressions plus « généreux » arrivant chez nous) ?

      Hervé Le Treut : Le temps d’une année ne peut pas être considéré comme la conséquence du réchauffement climatique, c’est toujours une perception statistique qui permet d’évaluer si le climat est en train de changer. Ce qu’on peut dire malgré tout, c’est que le fait d’avoir une situation plus humide en Europe du Nord n’est effectivement pas incompatible avec un climat plus chaud, et correspond à une situation qui peut être favorisée statistiquement dans le cadre d’un réchauffement global de la planète. Globalement, un climat plus chaud est un climat plus humide, même s’il y a beaucoup d’exceptions régionales.

      Bibi : Bonjour. Certains chercheurs affirment que les premiers effets sensibles du changement climatique apparaîtront dès 2009. Qu’en pensez-vous ?

      Hervé Le Treut : La difficulté de la question tient au mot « sensibles ». On voit des changements du climat déjà depuis une vingtaine d’années. Le problème est d’attribuer ces changements à des causes anthropiques. Le niveau de certitude avec lequel on peut attribuer ces changements aux activités humaines augmente régulièrement. Le dernier rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental des experts sur le climat) l’a chiffré à 90 %, ce qui veut dire que d’ores et déjà on est sûr à 90 % qu’une partie des changements qu’on observe est due aux activités humaines. On peut penser que ce taux de confiance va aller en augmentant.

      Caribou : Y a-t-il des chances pour que, quoi qu’on fasse, le réchauffement du climat nous échappe de toute façon ? Y a-t-il des évaluations statistiques sur un dérèglement réellement cataclysmique, même avec une concentration de CO2 estimée a priori « raisonnable » ?

      Hervé Le Treut : On n’échappera pas à un certain niveau de modification du climat, parce que le système climatique a une certaine inertie. Le réchauffement des deux décennies qui viennent est déjà fortement engagé par les augmentations des gaz à effet de serre qui ont déjà eu lieu. Le relèvement du niveau de la mer du siècle qui vient est lui déjà aussi fortement engagé. Par contre, on sait qu’en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, on échappera à des réchauffements trop forts et donc dangereux pour les écosystèmes, dangereux par leurs impacts, vers le milieu ou la fin de ce siècle. Le risque de voir une évolution climatique catastrophique avec un faible taux de CO2 ne peut pas être écarté de manière stricte, mais aucun de nos modèles ne le montre.

      Stef12 : Y a-t-il des continents ou régions du monde plus exposés que d’autres aux changements climatiques ? Pourquoi ?

      Hervé Le Treut : On devrait voir des réchauffements plus forts aux hautes latitudes en association avec la fonte des neiges et des glaces qui réfléchissent normalement les rayons solaires, et aussi parce que ce sont des régions où le réchauffement reste confiné près du sol. On devrait au contraire voir des changements du cycle hydrologique beaucoup plus forts dans les régions de basse latitude (proches de l’équateur), parce que le réchauffement modifie les mouvements de l’atmosphère et favorise à la fois les régimes pluvieux là où il pleut déjà et les sécheresses accrues dans les régions déjà semi-arides. Les régions littorales sont affectées par la montée des eaux et sont donc soumises à ce danger spécifique.

      Frantz : Claude Allègre dans Ma vérité dit : « Personnellement, je rappelle mes doutes sur la possibilité de prédire le climat à court, moyen ou long terme alors qu’on ne peut prédire le temps qu’il fera la semaine prochaine ». Qu’en pensez-vous ?

      Hervé Le Treut : Il n’est certainement pas question d’arriver à prévoir s’il pleuvra en 2047 sur Arcachon… mais bien d’essayer de faire des prévisions statistiques qui s’appliquent à des périodes longues et à des tendances régionales. On sait parfaitement qu’un climat d’hiver est en moyenne plus froid qu’un climat d’été, et c’est ce type d’évolution moyenne que l’on peut aussi associer à l’augmentation des gaz à effet de serre.

      Pierre : Avec le réchauffement de l’eau de mer, est-il possible que des cyclones se forment en mer Méditerranée ?

      Hervé Le Treut : Le réchauffement de l’eau de mer est l’une des causes de la naissance des cyclones. Il en faut d’autres. Et la forme des bassins océaniques joue par exemple un rôle important, tout comme les mouvements de l’air à grande échelle. Il est donc peu probable que la Méditerranée soit suffisamment grande pour abriter des cyclones tropicaux. Mais on pourra voir des cyclones tropicaux dans des régions inhabituelles, par exemple en Atlantique sud, ou beaucoup plus au nord, dans l’Atlantique nord.

      Abergot : Si la tendance actuelle se poursuit ainsi, quels changements climatiques subirons-nous dans nos contrées ? Allons nous connaître des saisons aléatoires (canicule de l’été 2003, été humide en 2007, hiver 2007 très doux…) ou pouvons-nous prévoir des changements plus « stables », si j’ose dire ?

      Hervé Le Treut : En moyenne, on peut s’attendre à un climat plus sec sur le sud de l’Europe et de la France, et au contraire plus humide sur le nord de l’Europe et de la France, avec une assez grande difficulté à tracer clairement la limite entre le Nord et le Sud. Il est certain qu’au-delà des changements moyens, on aura une perturbation des régimes climatiques auxquels on est habitué, qui se manifestera par des surprises, des événements extrêmes éventuellement plus violents. Mais cette dimension de déstabilisation chaotique du climat est très difficile à évaluer à l’échelle régionale pour le moment.

      Bolo : Quelle sera l’ampleur du réchauffement si « tout se passe bien », c’est-à-dire si on respecte les engagements de Kyoto et ceux pris par la France et quelques autres pays pour 2050 (division par quatre des émissions annuelles) ?

      Hervé Le Treut : L’objectif des traités internationaux est de maintenir le climat dans une zone « non dangereuse » qui est difficile à définir, mais que l’on a essayé de caractériser par un changement de température globale inférieur à 2 degrés. Donc l’objectif du protocole de Kyoto et de ses suites éventuelles, si tout se passe bien, serait de rester en dessous de cette barre. Cela permettrait d’avoir un impact plus faible sur les écosystèmes, sur les systèmes sociaux aussi. Cela reste un objectif approximatif, il n’y a pas de limite précise qui sépare une évolution climatique dangereuse d’une évolution climatique non dangereuse.

      Lagoye : Les climats tels que nous les apprenons à l’école (océanique, continental, tempéré…) vont-il continuer à exister en tant que tels ? Seront-ils encore pertinents ?

      Hervé Le Treut : Oui, on peut dire que cela restera des climats pertinents. Mais ce seront des climats modifiés. L’océan restera un élément de caractérisation majeur des répartitions climatiques à l’échelle de la planète. De même que la position en latitude, plus près ou plus loin de l’équateur.

      Sébastien : Le découpage de l’année en saisons deviendra-t-il à court ou long terme obsolète ?

      Hervé Le Treut : Les évolutions saisonnières seront affectées par le changement climatique, mais ne seront pas gommées par celui-ci. Le réchauffement lié à l’effet de serre tend à être un peu plus sensible en hiver, au moins dans certaines régions du monde. Ce qui a pour effet d’atténuer l’amplitude du cycle saisonnier. De même, les régimes de précipitations pourront être modifiés de manière importante, mais il subsistera des contrastes saisonniers. Il subsiste néanmoins une forte incertitude dans l’évaluation régionale des conséquences climatiques, une part de celles-ci se manifestera sous forme de surprises, d’événements inattendus.

      Totor : Quel peut être l’impact du réchauffement climatique sur la biodiversité ?

      Hervé Le Treut : Le changement climatique est l’un des facteurs qui peut agir sur les écosystèmes végétaux ou animaux, avec des effets de rétroaction possibles. Par exemple un climat qui se modifie vite défavorise des plantes qui étaient préalablement bien adaptées, qui auront tendance à dépérir et à rejeter une partie de leur CO2 vers l’atmosphère, accélérant le réchauffement climatique. Donc les deux problèmes du changement climatique et de la biodiversité sont très liés, mais ce sont des problématiques malgré tout différentes sous certains aspects. Une grande part de la perte de biodiversité est liée à d’autres facteurs que le climat : insecticides, mise en œuvre de cultures, déforestation…

      Stan : A quoi pourrait ressembler le climat et le paysage de la France en 2100, si les émissions de gaz à effet de serre n’étaient pas suffisamment réduites ?

      Hervé_Le_Treut : Il y a toute une gradation de conséquences de plus en plus fortes au fur et à mesure que les gaz à effet de serre augmentent, qui sont aussi de plus en plus difficiles à prévoir au fur et à mesure que la perturbation climatique est plus forte. Il y a un certain nombre d’éléments que l’on peut déduire assez directement des modèles : un relèvement du niveau de la mer de plusieurs dizaines de centimètres, un réchauffement qui pourra dépasser régionalement les cinq degrés en moyenne, des modifications des régimes des pluies qui seront très sensibles, la présence d’événements extrêmes tels que des canicules beaucoup plus fréquentes en été. Mais la complexité du système environnemental fait qu’une partie importante des conséquences, sur la végétation par exemple, reste difficile à apprécier. Les zones de répartition de certains arbres, par exemple le hêtre, pourront être fortement modifiées. Mais la chaîne des causes et des effets est suffisamment complexe pour que l’on ne puisse pas parler de prévisions, mais de risques à ces échelles de temps.

      Stef12 : Pouvez-vous nous donner des exemples actuels de dérèglements en rapport direct avec le réchauffement de la planète ?

      Hervé Le Treut : Il commence effectivement à y avoir des évolutions climatiques que l’on peut associer avec un haut niveau de certitude à l’augmentation des gaz à effet de serre. C’est le cas du réchauffement en Arctique, avec ses conséquences sur la fonte de la banquise et de certains glaciers, comme au Groenland. On voit aussi un relèvement du niveau de la mer de 3 mm par an qui peut être attribué pour moitié à un effet de dilatation des océans, et pour moitié à un effet de fonte des glaciers continentaux. Ces deux évolutions pouvant être rattachées à l’action humaine. Les modifications observées des régimes de précipitations commencent aussi à ressembler, à l’échelle globale, aux prévisions des modèles climatiques pour un climat plus chaud.

      Lièvre : Le Canada vient de renoncer au protocole de Kyoto. Le Japon, l’Espagne et quelques autres sont hors des clous. Le marché d’échange de droits d’émission connaît des ratés. Croyez-vous aux chances de réussite du protocole sur les émissions de gaz à effet de serre ?

      Hervé_Le_Treut : Un certain nombre d’évolutions ne sont pas forcément très encourageantes. Mais le chemin esquissé par le protocole de Kyoto reste la seule voie pour essayer de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, le problème ne se pose pas comme un problème de « tout ou rien ». Une réduction, même partielle, des émissions de gaz à effet de serre peut ralentir les évolutions en cours et épargner au système climatique de franchir des seuils de danger que l’on ne sait pas toujours situer avec précision. Donc des mesures, même incomplètement satisfaites, restent importantes et pertinentes. Le niveau actuel de CO2 dans l’atmosphère correspond aux fourchettes hautes en termes de scénario établi par exemple par le GIEC. On est donc sur un chemin dont les évolutions sont plutôt dans la partie haute des fourchettes. Si certains pays satisferont probablement aux objectifs qu’ils s’étaient donnés dans le cadre du protocole de Kyoto, d’autres sont très au-dessus de ces objectifs, et si les Etats-Unis, par exemple, voulaient réintégrer le processus de Kyoto, ils se trouveraient dans l’impossibilité complète de satisfaire leurs engagements initiaux. Le protocole de Kyoto couvre la période qui va jusqu’en 2012, l’important maintenant est de définir des objectifs pour la période après 2012, et d’y intégrer à la fois les Etats-Unis et certains pays émergents comme la Chine et l’Inde.

      Lièvre : Les émissions des pays riches occidentaux seront bientôt largement inférieures à celles de la Chine. Politiquement, il y a de quoi être pessimiste sur la capacité à lutter contre le réchauffement. En tant que citoyen très informé, et pas seulement en tant que climatologue, êtes-vous inquiet ?

      Hervé Le Treut : Oui, bien sûr, car le problème se pose de manière complexe. Effectivement, la part des pays émergents va devenir dominante. Mais si l’on rapporte les émissions de gaz à effet de serre au nombre d’habitants, elles resteront très inférieures à celles des pays occidentaux. Exemple : actuellement, un Européen émet deux à trois tonnes de carbone par an dans l’atmosphère ; un Nord-Américain, de l’ordre de six tonnes ; et un Chinois atteint juste le seuil d’une demi-tonne qu’il faudrait ne pas dépasser. Le problème se pose en termes d’efficacité globale, mais aussi en termes d’équité. Et si les pays occidentaux ne donnent pas l’exemple, il sera très difficile d’entraîner les pays émergents dans une réduction des émissions. La solution au problème ne peut passer que par un développement de pays comme la Chine, qui utilisent d’autres technologies que celles qui ont servi lors du développement des économies occidentales dans les années 1970-1980, moins consommatrices en énergie. Cela pose le problème des transferts de technologies entre le Nord et le Sud.

      Fanature : Que faire concrètement pour agir personnellement, quotidiennement sur le changement climatique ?

      Hervé Le Treut : Le premier des gaz à effet de serre affecté par les activités humaines est le CO2, qui est émis chaque fois que l’on brûle du charbon, du pétrole ou du gaz naturel. Les économies d’énergie sont donc le premier moyen de réduire les émissions des gaz à effet de serre. Une part doit être facilitée par l’action politique (transports publics plus accessibles, urbanisme adapté, etc.) ; une autre part relève de la pression des citoyens pour refuser tous les systèmes de consommation qui font un usage inutile de l’énergie : emballages inutiles, utilisation excessive de la voiture… La prise de conscience au niveau individuel ou citoyen et la transmission d’informations argumentées sur ce thème sont aussi essentiels, car c’est elles qui peu à peu commencent à avoir un impact sur la prise en compte politique du problème.

      Jph : Quelle est la part des gaz à effet de serre provenant de l’activité humaine, par rapport à ceux d’origine naturelle ?

      Hervé Le Treut : Le premier des gaz à effet de serre naturel est la vapeur d’eau, qui n’est pas modifiée directement par les activités anthropiques, mais il accompagne les changements climatiques et amplifie considérablement les évolutions futures du climat. Car dès qu’il fait plus chaud, il y a plus de vapeur d’eau. Les gaz directement affectés par les activités humaines sont le CO2, dont la concentration atmosphérique a augmenté de plus de 30 % depuis le début de l’ère industrielle, le méthane, qui a plus que doublé, certains oxydes d’azote, l’ozone des basses couches de l’atmosphère, certains fréons, qui ont tous connu des évolutions exponentielles dans les dernières décennies. Les teneurs en gaz à effet de serre dépendent de grands cycles naturels qui sont déséquilibrés par les activités humaines. Ce déséquilibre peut paraître marginal : par exemple, les émissions de CO2 dans l’atmosphère sont de 7 milliards de tonnes de carbone par an, comparé à un cycle naturel qui brasse chaque année 150 milliards de tonnes de carbone. Mais il correspond à un effet systématique qui vient perturber un système climatique resté très stable depuis la fin de la dernière glaciation. C’est pour cela que l’effet cumulé est aussi important, avec cette augmentation déjà constatée de plus de 30 % du CO2.

      Guy : Y a-t-il un impact du changement climatique sur le gulf stream ?

      Allan : Faut-il craindre un changement d’état des hydrates de méthane qui se trouvent au fond des océans ?

      Hervé Le Treut : Les évolutions océaniques sont des évolutions lentes et imparfaitement prévisibles. Tous les modèles convergent cependant pour dire que les systèmes de courants de l’Atlantique nord auront tendance à se ralentir de plusieurs dizaines de pour cent d’ici à la fin de ce siècle. Ce qui peut entraîner un certain refroidissement de l’Atlantique nord. Par contre, contrairement au film Le Jour d’après, les continents voisins de l’Atlantique, dans tous les modèles, continuent de se réchauffer. On a donc un effet qui est surtout important et grave pour les écosystèmes marins, avec des effets probablement plus faibles sur les régions continentales. De même, il est difficile de prévoir la vitesse à laquelle le fond des océans va se réchauffer. L’effet sur les hydrates de méthane du fond de l’océan, qui sont des cristaux de glace qui emprisonnent un méthane susceptible de se libérer et donc de renforcer le volume des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, reste difficile à prévoir dans le détail quant à son échéance. Mais un réchauffement prolongé devrait à terme déstabiliser ces hydrates.

      Chat modéré par Matthieu Auzanneau

      La suite + tard.

      Bonne fin de journée.

        +0

      Alerter
      • soleil // 23.05.2015 à 12h09

        c’est un peu tard de penser au climat. Est ce utile ?

          +0

        Alerter
  • manfred // 04.05.2015 à 08h21
  • BA // 05.06.2015 à 08h02

    Vendredi 5 juin 2015 :

    Ralentissement du réchauffement climatique depuis 1998 : un leurre.

    Une nouvelle analyse des températures relevées à la surface du globe remet en question le pic du réchauffement climatique au XXIe siècle décrit dans plusieurs études, dont le dernier rapport des experts du GIEC. Le rythme de la hausse est au contraire aussi important.

    Selon l’étude publiée jeudi dans la revue américaine Science, aucune diminution discernable du réchauffement n’a été relevée entre la seconde moitié du XXe siècle – période de montée des températures liée aux activités humaines – et les quinze premières années du XXIe siècle, durant lesquelles ce phénomène paraissait se stabiliser.

    Les chercheurs de l’agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA) ont analysé des relevés de températures provenant de milliers de stations d’observations météorologiques à terre et en mer, sur des navires et des bouées. Ils ont conclu que les températures au XXIe siècle n’avaient pas plafonné.

    Tout au contraire : le rythme d’accroissement sur cette période est au moins aussi important que lors des cinquante dernières années du XXe siècle. D’après les climatologues, ces résultats et d’autres tendent à indiquer que le ralentissement du réchauffement depuis 1998 n’est qu’une illusion.

    Selon leurs analyses, le monde s’est réchauffé à un rythme de 0,086 degré Celsius par décennie entre 1998 et 2012, soit deux fois l’estimation de 0,039 degré du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

    Entre 2000 et 2014, les chercheurs de la NOAA ont estimé la montée des températures mondiales à 0,116 degré en rythme décennal, soit une valeur proche de la période 1950 à 1999 (0,113 degré de hausse par décennie).

    http://www.romandie.com/news/Ralentissement-du-rechauffement-climatique-depuis-1998-un-leurre_RP/599928.rom

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