Les Crises Les Crises
1.mars.20191.3.2019 // Les Crises

Les schistes bitumineux ne sont toujours pas rentables. Par Nick Cunningham

Merci 108
J'envoie

Source : Wolf Street, Nick Cunningham, 15-08-2018

Cette fois, c’était censé être différent.

Par Nick Cunningham, Oilprice.com

Cette fois, c’était censé être différent. Cette année était censée être celle où l’industrie américaine des schistes bitimineux allait prouver qu’après des années de vaches maigres, ses investisseurs commenceraient enfin à encaisser de forts dividendes suite à d’importants bénéfices.

L’Agence internationale de l’énergie a déclaré il y a quelques semaines que 2018 s’annonçait comme un tournant. « La hausse des prix et les améliorations en matière d’exploitation mettent le secteur américain des schistes bitumineux sur la bonne voie pour atteindre bilan positif en 2018 pour la première fois de son histoire », a déclaré l’AIE.

L’industrie avait réussi à réduire ses coûts à un point tel qu’elle pouvait réaliser un bénéfice – c’est ce qu’on pense – même si les prix du pétrole s’établissaient à environ 50 $ le baril. La hausse des prix du pétrole au cours de la dernière année était censée être un bonus inattendu qui aurait définitivement assuré la rentabilité du secteur.

Mais un nouveau rapport du Wall Street Journal révèle que l’industrie des schistes bitumineux est encore une fois à la traîne. En utilisant les données de FactSet, le WSJ [The Wall Street Journal] a constaté qu’environ 50 grands producteurs de pétrole américains ont dépensé au deuxième trimestre 2 milliards de dollars de plus qu’ils n’en ont gagné. Bien que les foreurs aient réussi à réduire les coûts pendant le ralentissement du marché pétrolier qui a commencé en 2014, ces gains d’efficacité ont été largement épuisés.

De plus, depuis le début de l’année dernière, une nouvelle frénésie de forage, particulièrement dans le Bassin Permien, a entraîné une remontée des coûts. De nombreux cadres du secteur avaient indiqué que les réductions de coûts étaient structurelles, qu’elles étaient verrouillées et qu’elles ne s’inverseraient pas. Mais cela semble aujourd’hui trop optimiste.

Les données financières « se sont améliorées, mais pas au point de faire gagner de l’argent », a déclaré Todd Heltman, analyste principal en énergie de la société d’investissement Neuberger Berman Group LLC, au WSJ. « On se rend compte qu’il leur faudra plus de temps que les investisseurs ne le pensaient pour atteindre la rentabilité et distribuer des bénéfices plus importants. »

Pioneer Natural Resources, un important foreur du Texas, a reconnu que les coûts augmentent plus rapidement que prévu. « Nous avons connu une augmentation plus importante des coûts que nous ne l’aurions supposé », a déclaré Timothy Dove, son PDG, aux investisseurs lors d’une communication sur les résultats financiers. Les coûts de l’électricité ont été plus élevés au Texas en mai et juin en raison du temps chaud. Les coûts de main-d’œuvre ont également continué d’augmenter.

Le problème s’aggrave pour les producteurs du bassin Permien qui n’ont pas obtenu de prix garantis pour leurs ventes de pétrole. Les coûts plus élevés se heurtent à des difficultés liées aux pipelines qui ont entraîné des rabais de plus de 10 $ le baril pour le pétrole de Midland par rapport au WTI [type de pétrole brut utilisé comme standard dans la fixation du prix du brut et comme matière première pour les contrats à terme sur le pétrole auprès du New York Mercantile Exchange (bourse des matières premières) NdT] à Houston.

Les coûts du sable, de l’eau, des équipes de forage, de l’équipement et des autres services ont tous augmenté. Le WSJ rapporte que plus d’une douzaine de sociétés exploitant les schistes ont annoncé à l’occasion de la publication de leurs résultats du deuxième trimestre soit qu’elles devraient dépenser davantage pour produire la même quantité de pétrole et de gaz, soit qu’elles réduisaient leurs prévisions de production pour cette année, soit qu’elles ne publiaient pas les chiffres de production du deuxième trimestre. Le WSJ a épinglé Noble Energy, qui a révisé à la hausse le niveau de ses dépenses prévues pour cette année, tout en admettant que sa production se situerait dans le bas de sa fourchette prévue. (Par ailleurs, Noble est également particulièrement vulnérable à d’éventuelles restrictions de forage dans le bassin « Denver – Julesburg » du Colorado, qui sera soumis à un référendum public en novembre).

Timothy Dove, du groupe Pioneer, a tenté de dire aux actionnaires que la contrepartie du ralentissement de l’activité pourrait être une moindre inflation des coûts. Un ralentissement de la mise en service de nouveaux puits « ne cadre pas avec la perspective d’augmentations de coûts car la période est à la baisse du niveau d’activité », a déclaré M. Dove lors d’une communication sur les résultats financiers. « Et vous voyez certaines des grandes entreprises de services [du secteur] qui disent maintenant qu’elles n’augmenterons pas, par exemple, les parcs d’équipement de fracturation dans le bassin tant que les marges ne seront pas rétablies au-dessus de ce qu’elles sont actuellement ».

Le ralentissement des activités de forage pourrait faire baisser la pression [inflationniste], affirme-t-il. « Je pense donc que nous pourrions nous retrouver dans une situation où, si nous pouvons maintenir les prix du pétrole au niveau actuel, nous pourrions être en mesure, en 2019, de mieux maîtriser l’augmentation des coûts en général et de ceux des services en particulier par rapport à cette année, du simple fait du ralentissement dans la mise en production des nouveaux forages. »

Mais les entreprises qui revoient à la baisse leurs plans de développement ne sont pas tirées d’affaire pour autant. Lorsque les pipelines seront mis en service au cours des prochaines années, les activités de forage reprendront de plus belle. Les entreprises exploitant les schistes bitumineux s’empresseront de mettre en production – peut-être toutes en même temps – les puits déjà forés mais non équipés (PFNE), dont le nombre a explosé au cours des 18 derniers mois. « On pourrait assister à une autre période d’inflation des coûts si tout le monde essayait de réduire le nombre de ses PFNE », a dit M. Dove. « C’est pourquoi je dirais que le plus grand risque sur le plan de l’augmentation des coûts serait après 2019, vraisemblablement en 2020 et 2021. »

Bref, l’inflation des coûts que beaucoup dans l’industrie des schistes bitumineux espéraient contenir ne fait que commencer. Par Nick Cunningham, Oilprice.com

Source : Wolf Street, Nick Cunningham, 15-08-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

Jean-Do // 01.03.2019 à 07h37

Non-rentables, polluants et nécessitant des oléoducs aussi géants que contestés, cette industrie a tout faux. Il est donc indispensable que la France s’y (re)lance ! On dit « merci, Macron »

21 réactions et commentaires

  • Jean-Do // 01.03.2019 à 07h37

    Non-rentables, polluants et nécessitant des oléoducs aussi géants que contestés, cette industrie a tout faux. Il est donc indispensable que la France s’y (re)lance ! On dit « merci, Macron »

      +27

    Alerter
    • Patrick // 01.03.2019 à 11h35

      Le manque de rentabilité et les grosses pertes du secteur sont notre meilleure défense puisque les gouvernements se foutent complètement de la pollution.

        +14

      Alerter
      • bouddha vert // 02.03.2019 à 21h27

        Pas moins que l’immense majorité des consommateurs qui, sans hydrocarbures, verrons leur niveau de vie baisser.

        Le problème de l’énergie c’est qu’il n’y a pas d’alternative technologique et capitalistique à nos merveilleux hydrocarbures, qui ne coûtent rien et sont merveilleusement denses.

        Il va falloir s’y faire et ne pas attendre que les états trouvent de solution, il n’y en a pas pour assurer de continuité à notre système!

          +2

        Alerter
  • Cgrotex // 01.03.2019 à 09h17

    Non rentable oui , mais tout le système économique mondial repose sur l’énergie ! Si on Fait payer le juste prix , le commerce mondial explosera dans la foulé.
    Et en même temps , cette non-rentabilité énergétique creuse les dettes de tout les pays et les peuples doivent toujours êtres plus productives pour payer la dettes…
    L’Atlantide n’est peut-être pas un mythe du passé.
    Pensez printemps.

      +2

    Alerter
    • Leterrible // 01.03.2019 à 13h51

      … » tout le système économique mondial repose sur l’énergie « …
      Je replace ici ce truc qui pourrait être fondamental..

      A creuser..?? : https://plus.lesoir.be/209329/article/2019-02-27/des-ingenieurs-belges-trouvent-une-source-dhydrogene-vert-inepuisable … (abonnés)
      « Des chercheurs de l’Université belge KU Leuven annoncent avoir mis au point une machine apte à séparer les molécules d’eau H2O qui se trouvent dans l’air ambiant en hydrogène H2 et oxygène O. « …
      L’astuce est que le fonctionnement de cette machine échappe au cercle vicieux de dépenses excessives d’énergie de de production..car il ne nécessite pas d’électricité produite « classiquement »….mais utilise l’ÉNERGIE SOLAIRE….!!!!
      {{{Or..les moteurs à hydrogène fonctionnent ..et rejettent ..de l’eau!. A suivre. }}}

      Lien GRATUIT et plus complet (in english..)
      https://nieuws.kuleuven.be/en/content/2019/belgian-scientists-crack-the-code-for-affordable-eco-friendly-hydrogen-gas
      Vraiment à suivre me semble-t’il.

        +1

      Alerter
      • bouddha vert // 02.03.2019 à 21h32

        Le problème de nos consommations ce sont les volumes, produire suffisamment d’hydrogène pour remplacer nos hydrocarbures est une douce illusion.
        De plus fabriquer les PV qui assureront l’opération ne se fera pas sans hydrocarbures et pas sans ressources métalliques immenses.
        Imaginer que cette technologie permettra à 7.5 milliards d’humains de disposer des moyens d’un smicard français est là aussi ce bercer d’illusions, alors on continue? Chiche!!

          +1

        Alerter
  • Ours Bleu // 01.03.2019 à 09h50

    D’abord correction, il ne s’agit pas de « schistes bitumineux » mais probablement d’Oil Shale (mauvaise traduction?) que l’on traduit en France par gaz et huile de schiste; même si cette traduction est fausse et est un contresens géologique (hydrocarbures d’argile serait plus approprié).
    Sur le fond, il y a beaucoup de différences entre opérateurs à l’intérieur d’un bassin et d’un bassin à l’autre, certains sont très rentables avec un baril à 50$ et de bonnes production d’huile par rapport au gaz et d’autres ne s’en sortent pas car ils produisent très peu d’huile qui est plus valorisée que le gaz aux USA.
    Donc nuances, les opérateurs privés auraient fait faillite depuis longtemps si il n’y avait pas de rentabilité…. Certains sont tombés mais pas tous!

      +5

    Alerter
    • Patrick // 01.03.2019 à 11h40

      il semblerait quand même que ceux qui sont rentables le soient essentiellement grâce à des acrobaties comptables plutôt que grâce à l’extraction de pétrôle.
      Les pertes cumulées du secteur avoisinent les 300 milliards de dollars avec une montagne de dettes qui ne seront jamais remboursées, ça va saigner.

        +3

      Alerter
      • Ours Bleu // 01.03.2019 à 11h43

        Vous avez peut être raison… Mais si le baril reste au dessus de 60$ je pense que beaucoup s’en sortiront.. Et si en plus ils commencent à exporter le gaz, il y aura encore plus de rentabilité.
        Je ne parierais pas pour de grands saignement dans cette industrie avec un environnement Trumpien!

          +2

        Alerter
    • Myrkur34 // 01.03.2019 à 12h01

      Si j’ai tout compris, les schistes bitumineux c’est dans l’Alberta et dans le permien au Texas , c’est du pétrole de schiste. C’est comme pour le blé et maïs, le corn et le wheat, beaucoup de bizarrerie entre l’anglais et l’américain.
      A se demander si les dettes des uns ne font pas les profits des autres qui s’en fichent puisqu’il y a le pot commun.
      Car à part nous claironner que les states sont devenus exportateurs de pétrole.(Mais à quel prix?)

        +0

      Alerter
      • Ours Bleu // 01.03.2019 à 12h10

        C’est plus compliqué, en Alberta il s’agit de Sables Bitumineux qui est une vrai saloperie à produire pour l’environnement… bien plus que les HydroCarbures d’Argile (HCA) du bassin Permien.Pour l’exportation c’est pour le gaz et ça a commencé…

          +2

        Alerter
      • Patrick // 01.03.2019 à 13h29

        Dans l’Alberta ce sont des « sables » bitumineux , ça s’extrait à la pelleteuse, ça coûte cher à traiter pour en extraire le pétrole et ça détruit l’environnement.
        Aux USA c’est de l’huile de schiste, il faut forer et pour le reste … ça coûte cher et ça pollue

          +1

        Alerter
    • Suzanne // 01.03.2019 à 17h58

      Pour clarifier tous ces termes, ce serait peut-être bien de parler de pétrole ou de gaz « de roche-mère ». En effet, cela fait bien comprendre d’où il vient, et pourquoi c’est si difficile de l’extraire. Le pétrole est en effet créé d’abord dans la roche mère, profonde, puis migre vers le réservoir, plus proche de la surface. Dans le réservoir, on a donc une sorte de poche liquide, c’est pratique de le pomper. Dans la roche-mère (c’est-à-dire lorsque le processus de migration vers le haut n’a pas encore eu lieu), d’abord c’est plus loin, et ensuite le pétrole et le gaz sont intimement imbriqués dans l’environnement de roche. J’avoue que j’admire énormément la prouesse technique derrière le fracking, mais bon, si c’est pour que les puits s’arrêtent au bout de deux ans, ou que l’environnement soit chaque fois dévasté, alors non.

        +0

      Alerter
  • Locksman // 01.03.2019 à 10h35

    Je suis surpris par tant d’amateurisme. Si j’ai bien compris aucun foreur n’a tenu compte de ses concurrents et ils se retrouvent tous à vouloir acheter les mêmes outillages et les mèmes ressources en grandes quantités en même temps, si bien que le prix de toutes ses denrées explosent, a tel point qu’ils n’arrivent même pas à équiper tous les puits qu’ils ont déja foré.
    Finalement la hausse des coûts de production est dû à la hausse des couts du matériel de production qui n’a pas été pris en compte correctement.
    Et s’y on ajoute le fait que les puits sont moins productif que les prévisions le laissaient envisager, ca n’augure rien de bon.

      +4

    Alerter
    • Jean-Do // 01.03.2019 à 13h02

      C’est ça le capitalisme financier, coco: « du fric, du fric vite et sans réfléchir, de toute façon c’est pas nous qui paierons » ni le trou financier, ni la dette écologique. Face je gagne, pile les peuples perdent.

        +4

      Alerter
  • Patrick // 01.03.2019 à 11h18

    Donc :

    – fracturation hydraulique , ça perd du pognon à grosse giclée , ça fore plus vite des dettes que des puits
    – le pétrole conventionnel : ça baisse doucement ..
    – les sables bitumineux du Canada ?? ça n’a pas l’air top non plus

    je pense qu’il est grand de mener une opération humanitaire de grande envergure pour aller installer la démocratie au Vénézuela 🙂

      +26

    Alerter
  • Le Rouméliote // 01.03.2019 à 16h07

    Mais rassurons-nous, l’éolien et l’électricité solaire ne sont pas rentables non plus et gonflent abusivement nos factures d’électricité. Tout va bien !

      +4

    Alerter
  • kasper // 02.03.2019 à 06h03

    On comprend mieux l’importance de mettre en place un gouvernement comprador… heu non, de rétablir la démocratie au Venezuela…

      +1

    Alerter
    • vert-de-taire // 04.03.2019 à 09h35

      En comparaison des vrais coûts du nucléaire c’est de la roupie de sansonnet.

        +1

      Alerter
  • Bouddha Vert // 02.03.2019 à 21h44

    De mémoire en tenant compte de l’épuisement des puits traditionnels, il faudra trouver d’ici 2025 l’équivalent de la production de 2 Arabie Saoudite pour assurer une production constante, ce qui sera déjà une catastrophe pour maintenir le système existant sans en accorder à ceux qui n’ont, ni bagnole, ni chauffage ou clim et qui rêvent de prendre l’avion et de manger du bœuf.
    Tant que l’on considérera les travaux du GIEC comme des opinions de catastrophistes et pas comme des faits ça continuera et vue ce que j’ai lu de commentaires à ce sujet sur ce blog je pense qu’on est dans une belle merde et que tout cela se terminera dans le meilleur des cas par un fascisme dur au nom de l’écologie.

      +4

    Alerter
    • vert-de-taire // 04.03.2019 à 09h49

      OUI
      Et de fait rien ne se passe, fuite en avant sans espoir de changement.
      SAUF révolution, sortir du capitalisme !

      Pas de solution autre qu’effondrement.
      brutal ou non mais certain.
      avec très probablement dictature, car comment maintenir la sûreté du patrimoine ?
      Car enfin les ultrariches ne sont pas plus bêtes que n’importe-qui
      Que préparent-ils pour maintenir leur pouvoir à part la fuite déjà préparée par nombre d’entre-eux ?

        +0

      Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications