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9.juin.20119.6.2011
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Météo du chômage américain – Juin 2011

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Prenons des nouvelles du chômage américain, en attendant l’étude trimestrielle (la dernière est consultable ici), en observant les pertes d’emploi aux États-Unis, mois par mois, durant les plus importantes récessions du siècle passé :

Variation du taux d'emploi américain durant les récessions passées

Si nous observons le taux d’emploi (= le complément du taux de chômage), nous observons qu’après une amélioration notable depuis 10 mois, la tendance s’est inversée. Il semble toujours à craindre que nous ne soyons pas dans une franche reprise comme en 1975 [1] ou 1983 [2]) mais dans l’oeil du cyclone, prélude à une forte rechute (comme en 1980 [3])

Toutefois, nous avons également montré que l’interprétation de « l’embellie passagère » était totalement fausse. En effet, de nombreux chômeurs ont été découragés, et ne cherchent même plus d’emploi, n’étant alors plus ni employés ni comptés comme chômeurs. C’est flagrant car, alors que la population américaine augmente notablement (1 million de plus par quadrimestre), la population active stagne !

Composantes de la population américaine

Il est frappant de voir que 2 années après que la population employée ait commencé à stagner, ce fut le tour de la population active (=employés + chômeurs), dont l’évolution se déconnecte alors totalement de celle de la population totale (en violet) et de la population « hors établissement » (sans les jeunes ni les personnes en maison de retraite). Évidemment, la différence se retrouve dans la population « non active ».

Pour tenir compte de ce phénomène majeur de découragement, témoin du chômage de très longue durée, il faut donc ne pas s’intéresser au taux d’emploi (= employés / population active) mais au ratio d’emploi civil (= employés / population de plus de 16 ans hors institutions) :

Variation du ratio d'emploi civil américain durant les récessions passées

Cette fois, on constate clairement que la chute s’est arrêtée il y a 18 mois, mais que la situation stagne depuis lors – les États-Unis sont loin de se diriger vers leur niveau d’emploi passé (Pour la crise de 2007, sur le graphique 1 % = 1,5 M d’emplois en moins.)… La ressemblance de plus en plus marquée entre la situation actuelle et celle du “calme avant la tempête” de 1980 est d’ailleurs inquiétante…

Au total, le marché de l’emploi continue à se dégrader, comme le montre l’estimation du site Shadowstats, le taux global frisant désormais les 23 % :

Estimation du chômage SGS

NB. Le taux U3 est le taux officiel de chômage américain des personnes à temps plein (au sens de la catégorie 1 en France), le chiffre officiel U6 est celui de toutes les catégories, le taux SGS Alternate est l’estimation du site du taux de chômage réel.

Il faut d’ailleurs avoir à l’esprit que la forte chute a été enrayée au prix de milliers de milliards de dollars d’emprunts, et que ceci n’a pas entraîné de reprise. Cet exercice fictif touchant à son terme, l’avenir est là-encore chargé de nuages

P.S. : Je vous rappelle au passage le billet précédent sur l’historique long du chômage américain


Une des pires conséquences de la paupérisation issue de ce chômage de masse est l’explosion des personnes souffrant de malnutrition aux États-Unis. Un bon indicateur d’une « reprise » réelle du marché de l’emploi est le nombre de personnes bénéficiant de bons d’aide alimentaire (Supplemental Nutrition Assistance Program : en moyenne 134 $ par mois – soit 71 Md$ distribués tous les ans).

Bons alimentaires aux États-Unis

Comme on l’observe, près de 45 millions d’américains (15 % de la population, soit 1 américain sur 8 ) sont dans la détresse alimentaire, et la timide stabilisation observée en janvier/février 2011 est terminée. Tout ceci montre que nous sommes bien loin d’une franche amélioration. Les États les plus touchés par cette détresse alimentaire sont le Texas (3,8 millions de personnes), la Californie (3,4 millions), New-York (2,9 millions) et la Floride (2,8 millions).

Sécurité alimentaires aux États-Unis

Rappelons ainsi que 14,7 % des américains ne mangent pas suffisamment, dont 17 millions sont en danger, dont 500 000 enfants.

Cartoon alimentation

Cartoon pauvres


Cartoon chômage

Cartoon chômage

Cartoon chômage

Cartoon chômage

12 réactions et commentaires

  • Laurent // 20.05.2011 à 06h46

    Merci pour cette analyse très « pointue » de la réalité économique US…et pour les dessins !

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  • florent_k // 20.05.2011 à 09h38

    J’ai un petit commentaire sur le graphique « Sécurité alimentaire ». Après avoir lu l’article sur Rue89 à propos des déserts alimentaires au USA, je pense que obésité/sur-poids ne vont pas forcement de pair avec la sécurité alimentaire. Si dans une zone donnée, la population n’a pas accès à de la nourriture saine, il y a un taux d’obésité important, mais est-ce de la sécurité alimentaire ? On peut se sentir en insécurité alimentaire si on a pas accès à de la nourriture correcte.

    http://www.rue89.com/american-ecolo/2011/05/13/dans-les-deserts-alimentaires-americains-lobesite-prospere-203561

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  • Arno // 21.05.2011 à 01h34

    Bonjour,

    Bon, tout va bien, le bateau coule normalement :).
    J’aimerais bien savoir combien pèse le personnel dédié a la « sécurité » (interne et externe), et plus largement, tout ce qui va autour : industrie de l’armement,logistique etc..

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  • Anonyme // 10.06.2011 à 20h57

    C’est impréssionant de voir que prés de 45 millions d’américains ne mangent qu’avec des tickets repas, c’est un paradoxe, au vu des centaines de milliards de $ dépensés rien qu’en frais adminstratifs -autrement dit du virtuel, voir du gros gaspillage- par le Pentagone. Mais s’il y a bien une constante dans l’histoire c’est le fait que les classes populaires quand tout va bien, sont tous des bons citoyens faits pour les crédits, et autres consommateurs. Pendant les guerres, c’est toujours la chair à canon. C’est pas le fils Rothschild, Strauss-Kahn, Rockefeller, Carnégie, Blair où Sarkozsy qui vont crever.

    Mr Berruyer, votre étude sur l’explosion du nombre des bons alimentaires seraient encore plus interressante si on avait les chiffres par ethnies qui reçoivent ces tickets. Parce que je suspecte le système en Amérique d’être fondamentalement et structurelement rasciste. En ce sens que les hispanics, les noirs, et autres asiatiques -en résumé, les non Wasps, et non protestants-, sont des « filets sociaux » en quelques sortes qui protègent les classes moyennes blanches anglo-saxonnes. Non pas que c’est un fait voulu par les classes populaires, loin s’en faut, de toute façon contraireemnt à une idée reçue, elles n’ont pas voix au chapitre -d’ailleurs l’ont elle eu au moins une fois dans l’histoire des USA ?-, tout le monde s’en fout de ce que veut les classes populaires US, qui détestent autant que moi Washington, New York, Los Angeles, et Hollywood. Cependant le système pourrait le moment venu, utiliser idéalement ce nouveau sous prolétariat à des fins évidentes. Un complément d’information de votre part serait le bienvenu.

    Bien à vous.

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  • Anonyme // 11.06.2011 à 10h29

    Je vous remercie Mr Berruyer.

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  • Onubre Einz // 11.06.2011 à 11h44

    Merci pour cette mise au point qui confirme que la reprise américaine reste très fragile.

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  • La « reprise  américaine… celle des grands donneurs de leçons « L.I.E.S.I. // 23.06.2011 à 22h54

    […] (Source: Blog d’O. Berruyer) […]

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