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30.juillet.201630.7.2016 // Les Crises

Une politique de non-intervention des États-Unis au Venezuela serait un changement bienvenu

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Source : Mark Weisbrot, 20/07/2016

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Cet article a été publié par en espagnol le 8 juillet 2016, dans le cadre d’un débat présentant deux visions sur la position des Etats-Unis par rapport à la situation au Venezuela. Cet article de Mark Weisbrot était suivi du texte de Ricardo Hausmann (professeur en développement économique et directeur du Centre pour le Développement International de la Faculté Kennedy de Harvard) intitulé « Le Venezuela a besoin de l’aide internationale pour se relever ».

La meilleure chose que pourrait faire le gouvernement des Etats-Unis par rapport à ce qui se passe au Venezuela serait de ne plus intervenir, et ce indépendamment des résultats politiques.

Lors de ces 15 dernières années, Washington a occasionné de gros dégâts au Venezuela avec sa stratégie acharnée de « changement de régime ». Le mois de mars dernier, le président Obama a déclaré une nouvelle fois, de façon irrationnelle, que le Venezuela représentait une « menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis », élargissant les sanctions économiques contre ce pays.

Même si ces sanctions ont une portée limitée, leurs conséquences sont importantes au niveau des prises de décisions pour les investissements, car les investisseurs savent très bien ce qui arrive habituellement aux pays qui sont dans la ligne de mire de Washington en tant que  » menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis ». Les sanctions, tout comme la pression provenant du gouvernement étatsunien, ont provoqué le refus de la part d’importantes institutions financières de prêts au gouvernement vénézuélien, alors qu’ils auraient été considérés comme peu risqués dans d’autres circonstances puisque garantis en or.

Washington était impliqué dans le coup d’Etat de 2002 contre le gouvernement élu du Venezuela. Le Gouvernement des Etats-Unis a reconnu avoir fourni « l’entraînement, des installations institutionnelles et d’autres moyens de soutien à des personnes et organisations » qui ont participé au coup d’Etat. Par al suite, il a augmenté le financement de groupes de l’opposition et continue aujourd’hui de leur attribuer des millions de dollars.

En 2013, Washington s’est de nouveau retrouvé isolé au niveau régional et mondial, en refusant de reconnaître les résultats des élections présidentielles (alors même qu’il n’y avait pas eu de doute quand au déroulement du processus électoral), et a soutenu les manifestants violents qui voulaient faire tomber le gouvernement. Washington a aussi soutenu politiquement des tentatives similaires en 2014.

Tout cela est très bien documenté et les journalistes qui couvrent le Venezuela en ont été informés, néanmoins il n’est pas aisé d’en trouver un parmi les médias les plus importants qui ait le courage d’écrire à ce sujet. Comme si l’on voulait informer au sujet de la situation en Ukraine sans jamais mentionner la Russie.

En effet, l’intervention des Etats-Unis au Venezuela, comme celle d’autres pays, a contribué a la polarisation politique et à alimenter un conflit qui dure depuis des années, en encourageant de diverses façons certains éléments de l’opposition à chercher une stratégie de changement de régime, laissant de côté la voie d’un changement politique pacifique.

Mettre en place une politique de non-intervention au Venezuela serait un changement énorme pour Washington, et constituerait un précédent salutaire. Après tout, le monde est déjà inondé de sang et de réfugiés à cause de la volonté des Etats-Unis de provoquer des « changements de régime » en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et dans d’autres pays. Pourquoi ne pas essayer une autre méthode en Occident ?

Mark Weisbrot – Center for Economic and Policy Research

Traduction par Luis Alberto Reygada (Twitter : @la_reygada).

Mark Weisbrot est co-directeur du Centre de Recherches en Economie et Politique (Center for Economic and Policy Research, CEPR), basé à Washington, Etats-Unis ; il préside aussi l’organisation Just Foreign Policy. Il est l’auteur du livre « Echec. Ce que les ‘experts’ n’ont pas compris au sujet de l’économie globale » (Akal, Madrid, 2016).

Le CEPR est un centre de recherches indépendant et non partidiste, créé pour promouvoir le débat démocratique sur les sujets économiques et sociaux les plus importants qui affectent la population mondiale.

Source – New York Times en espagnol : http://www.ny-ttimes.com/es/2016/07/08/mark-weisbrot-y-ricardo-hausmann-debaten-sobre-el-futuro-de-venezuela/

La version originale en anglais est disponible ici.

Source – CEPR : http://cepr.net/publicaciones/articulos-de-opinion/una-politica-de-no-intervencion-en-venezuela-seria-un-cambio-bienvenido

Source : Mark Weisbrot, 20/07/2016


Au passage :

Dilma Rousseff innocentée par un tribunal international

Source : Lina Sankari, 23/07/2016

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Une cour symbolique composée de spécialistes du monde entier – dont la sénatrice communiste du Val-de-Marne Laurence Cohen – a écarté, à l’unanimité, le crime de responsabilité de la présidente brésilienne. Elle en conclut que la procédurede destitution est à ce titre illégale.

Le tribunal a rendu sa sentence. Mercredi, la présidente brésilienne Dilma Rousseff a été innocentée à l’unanimité par le tribunal international pour la démocratie, chargé de juger les modalités de la procédure de destitution, ouverte au Sénat pour maquillage présumé du déficit public en 2014, année de sa réélection. Installée à Rio de Janeiro, au Teatro Casa Grande, lieu historique de la résistance à la dictature, l’instance a été convoquée à l’initiative de Via Campesina, des Juristes pour la démocratie et du Front Brésil populaire, qui regroupe les mouvements syndicaux et politiques de gauche. Avocate et professeure de droit civil à la faculté de droit de Rio de Janeiro, Caroline Proner a expliqué que l’objectif était de mettre en débat l’ensemble des arguments et a insisté sur « la transparence » de la procédure menée par des personnalités internationalement reconnues. Lors de ce procès symbolique, ces spécialistes venus du Mexique, de France, d’Italie, d’Espagne, du Costa Rica et des États-Unis ont conclu que la procédure d’impeachment viole la Constitution brésilienne, la Convention interaméricaine des droits de l’homme et le Pacte international des droits civiques et politiques. Inspirée du tribunal Russell qui jugea les crimes de guerre américains durant la guerre du Vietnam, cette cour a été chargée de se documenter et de juger les différents aspects de la procédure brésilienne.

La procédure de destitution, « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques »

Si l’expertise indépendante commandée par le Sénat a également mis en évidence l’absence de crime de responsabilité commis par Dilma Rousseff, les sénateurs, fidèles au gouvernement intérimaire du libéral Michel Temer, pourraient pourtant condamner la présidente progressiste fin août. Selon le tribunal international, en l’absence de crime de responsabilité, la procédure de destitution s’apparente à « un outil putschiste utilisé par les forces antidémocratiques et les conservateurs pour renverser le gouvernement légalement élu ». Caroline Proner dénonce « le nouveau type de coup d’État parlementaire qui revêt les atours de la légalité ». Membre du jury, l’artiste argentin et Prix Nobel de la paix Adolfo Pérez Esquivel a comparé la procédure en cours aux coups d’État de 2009 et 2012 contre les présidents du Honduras, José Manuel Zelaya, et du Paraguay, Fernando Lugo. En avril, alors qu’il s’adressait aux sénateurs brésiliens, Adolfo Pérez Esquivel a lancé : « Les intérêts du peuple du Brésil et de toute l’Amérique latine devraient être placés au-dessus des intérêts partisans des élites. » Lors de son allocution, Laurence Cohen, sénatrice du Val-de-Marne (Groupe communiste, républicain et citoyen), a dénoncé « le procès politique dont la droite et la grande bourgeoisie, qui n’ont jamais supporté que 48 millions de Brésiliens sortent de la pauvreté, s’étaient fait les instigateurs afin de maintenir leurs privilèges. Cette grande bourgeoisie d’hommes blancs aisés et d’âge mûr n’est pas à l’image de la société. C’est une politique raciste et misogyne qui revient sur le devant de la scène ». En atteste les premières réformes politiques édictées par le gouvernement intérimaire de Michel Temer. L’avocate Tania Oliveira égrène : « Le retour de la privatisation rampante, le démantèlement du Code du travail, l’augmentation du temps de travail, la réduction des dépenses publiques en matière d’éducation et de santé, la discrimination envers les femmes, les Noirs, les Indiens et tout représentant des minorités et l’abaissement de l’âge de la responsabilité pénale. » Laurence Cohen a été reçue jeudi avec les autres jurés par Dilma Rousseff afin d’exposer la décision du tribunal.

Source : Lina Sankari, 23/07/2016

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14 réactions et commentaires

  • Le modéré // 30.07.2016 à 02h33

    L’article parait naif en croyant en la non intervention des USA au Venezuela ou ailleurs au monde surtout avec le réveil de la Russie suivie de pres par la Chine. D’aprés l’article on est porté à croire que Washington aprés d’innombrables interventions dans le monde s’est résolue à se reitirer des affaires signe de son vieillissement. Elle ne pourra jamais le faire car toute sa puissance a été basée sur l’expansion et davantage d’expansion par divers moyens. Imaginons la Maison Blanche qui s’occupe simplement de ses affaires interieures. Mais celles ci ne peuvent prospérer sans marché exterieur surtout en présence de nouveaux concurrents. La rétrocession d’une partie d’Okinawa au Japon ne signifie absolument pas un désistement des prétentions qui ont toujours guidé les intérets américains hors de leur frontiére

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  • Spectre // 30.07.2016 à 02h45

    Mettre en place une politique de non-intervention au Venezuela serait un changement énorme pour Washington, et constituerait un précédent salutaire.

    Oui, mais c’est aussi faire l’hypothèse héroïque que la rationalité peut l’emporter dans la politique étrangère US. Dans les faits, un empire agonisant est davantage porté au raidissement ; il est condamné à la fuite en avant dans sa volonté de mainmise sur les espaces stratégiques, sans quoi il s’effrite naturellement (s’il lâche sur un front, d’autres s’ouvriront). D’où cette tendance à une tragique surextension jusqu’à l’épuisement final, et l’effondrement sous le poids des contradictions internes du système.

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    • Philou // 30.07.2016 à 05h50

      C’est pourquoi il faut absolument préférer Trump, plutôt isolationniste et qui présidera à une implosion type URSS, à la Clinton, cinglée néo-con qui remettra les clés de la politique étrangère à l’infernal couple Kagan (cf. Victoria Nulland), et qui voudra aller à la guerre avec la Russie, l’Iran, la Chine … »you name it » !

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      • Jean-Paul B. // 30.07.2016 à 17h31

        Bonjour,
        Donald Trump « diabolisé » par quasiment tous nos médias de révérence, m’est devenu sympathique face à la va-t-en guerre Clinton soutenue,elle, par tous les « intelligents » des deux côtés de l’Atlantique, c’est vous dire!!!

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      • Silk // 31.07.2016 à 06h31

        Vous semblez penser que Trump fera ce qu’il a annoncé.

        Le problème fondamental c’est qu’un président ne fait pas ce qu’il veut et que ses options se résument à des arbitrages entre les options que lui sont soumises.

        Même si comme vous je préfère, a priori, Trump a Clinton, c’est pour le monde, car les américains vont déguster avec un mec dont le programme va de
        la remise en cause de la séparation de l’Église et de l’État, soutien aux lois facilitant le port d’armes, opposition au mariage gay, refus de prendre en considération le changement climatique (« Notre environnement s’est amélioré », y lit-on), et construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique …
        Le début du texte adopté à l’issue de la convention républicaine commence ainsi :
        « Nous croyons en l’exceptionnalisme américain, Nous croyons que les États-Unis d’Amérique ne sont comme aucune autre nation sur terre. »
        Le texte entier est consultable ici :
        https://prod-static-ngop-pbl.s3.amazonaws.com/media/documents/DRAFT_12_FINAL%5B1%5D-ben_1468872234.pdf

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    • Le modéré // 30.07.2016 à 11h53

      L’agonie dont vous parlez revet une distinction particuliére dans le corps de l’empire. Au lieu de mourir à petit feu comme l’exige la nature, il est au contraire pris de soubresauts pour frapper tout ce qui est à sa portée et méme en dehors. Mais ses concurrents sont à l’affut de son effondrement comme lui méme suivait attentivement et patiemment l’écroulement des anciens empires ( l’Espagne ,l’Angleterre, Austro-hongrois, France)

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  • PatrickLuder // 30.07.2016 à 04h48

    Le problème à toute hégémonie est toujours financier => hélas, l’utilisation d’une monnaie virtuelle ex nihilo ne donne aucune limite au monde actuel. Seule la destruction des ressources donnera une limite à notre monde de folie.

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  • Feubeuh // 30.07.2016 à 05h59

    « les investisseurs savent très bien ce qui arrive habituellement aux pays qui sont dans la ligne de mire de Washington en tant que ” menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis”.
    En même temps, en sachant que depuis 15 ans ils peuvent se faire nationaliser du jour au lendemain et perdre tout leur investissement, ça n’aide pas…
    Et puis depuis l’élection de Maduro, il y a eu les législatives ou le parti gouvernemental s’est fait laminé, et sans l’intervention de la justice pour invalider 4 députés, le référendum révocatoire aurait déjà eu lieu. Là il est clair que le pouvoir commence à perdre complètement les pédales…
    On pourrait également parler de la corruption endémique du Venezuela.

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  • Le modéré // 30.07.2016 à 11h59

    « On ne le savait mais c’est mieux quand c’est écrit dans le NT » Bien dit car les paroles et réfléxions s’estompent graduellement (elles creusent par elles mémes leurs propres tombes) mais les écrits restent surtout lorsqu’ils sont largement partagés

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  • Vincent P. // 30.07.2016 à 14h07

    La gestion de leur hégémonie par les E.U (pour Élites de l’Usure) me donne vraiment le sentiment d’assister en direct à la suite de « La stratégie du Choc ». A ceci près que les constitutions des Chicago boys de Friedman étaient imposées aux peuples Sud-Américains par la dictature militaire, seule méthode permettant de faire plier face à l’inacceptable.
    Désormais, c’est par le truchement des lobbies corrupteurs instillés dans la farce de la représentativité qu’ils tiennent les appareils politiques.
    Mais le résultat est le même!
    Et n’ayons pas la faiblesse de nous croire à l’abri: lorsque nos autoroutes, nos aéroports, nos industries de production d’énergie, et à court terme tout ce qui ressemble à un service public se trouvent bradés; lorsque petit à petit toute forme de souveraineté se trouve anéantie et toute velléité de souverainisme affublé d’une banderille estampillée « extrémiste »… C’est bien la même mécanique mortelle!
    D’ailleurs, en ce qu’elle nous est moins violemment infligée, c’est même bien plus dangereux, car pour combien ce délitement des Nations, voire du Juste en général, passe-t-il désormais pour normal ou inéluctable?
    Il va nous falloir envisager plus qu’observer notre prison finir d’être bâtie!

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  • Roman Garev // 30.07.2016 à 14h26

    Sur ces entrefaites la compagnie russe « Rosneft » vient de signer avec la PDVSA de Venezuela quatre contrats à $20 milliards au total : http://ria.ru/economy/20160729/1473125460.html
    Cet investissement pourrait contribuer à sauver l’économie du pays.

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  • politzer // 30.07.2016 à 16h23

    Bjr
    S imaginer que l imperialisme yankee va.lâcher le morceau c est comme croire au père Noël. Et Trump ne pourra rien faire contre wall Street et le complex militaro industriel dont l agressivité et les guerres de conquêtes sont leur raison de vivre

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  • some // 30.07.2016 à 21h44

    voir aussi BBC.Our.World.2016.Going.Hungry.in.Venezuela

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