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16.mai.201816.5.2018 // Les Crises

Apparences et réalités de la commémoration de Charles Maurras (2/3) : Une commémoration-célébration par un biographe faisant l’unanimité des « historiens du consensus »

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2e partie de cet article détaillé sur la commémoration de Charles Maurras – afin de faire vivre le débat historique. Nous publierons les réponses d’historiens à cet article.

I. Apparences et réalités de la commémoration de Charles Maurras

II. Une commémoration-célébration par un biographe faisant l’unanimité des « historiens du consensus »

III. – De l’urgence de la réédition des « collabos » au rôle du Haut comité aux commémorations nationales de 2011 à 2018

Apparences et réalités de la commémoration de Charles Maurras, par Annie Lacroix-Riz [2e partie]

Par Annie Lacroix-Riz, professeur émérite université Paris 7

II. – Une commémoration-célébration par un biographe faisant l’unanimité des « historiens du consensus »

« On se demande ce qui a traversé l’esprit des auteurs du registre [des Commémorations nationales] lorsqu’ils ont proposé une commémoration nationale de cet ami des nazis et soutien au régime de Vichy », a observé le journaliste Thomas Hanke le 29 janvier 2018. « On se demande [aussi] ce qui [leur] a traversé l’esprit » en sélectionnant à cet effet un historien si entiché du « maître ». Et ce alors que Jean-Noël Jeanneney, interviewé le 23 mars 2018 par Emmanuel Laurentin à la Fabrique de l’histoire, sur France Culture, deux jours après l’annonce de la démission de dix des douze membres du Haut comité aux commémorations nationales, a tenu à disculper une fois de plus son collègue Pascal Ory et lui-même – décideurs de cette commémoration contemporanéiste – de toute admiration ou « approbation » de Maurras, et reproché à Mme Nyssen d’avoir « laissé penser » qu’il en allait autrement. L’« émotion » soulevée serait illégitime, et il n’y aurait aucune ambiguïté sur le caractère « anti-républicain » du « personnage », qui avait dit souhaiter « fusiller Léon Blum dans le dos ».(( https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/lactualite-en-histoire-8, et infra.))

  • A- Olivier Dard et l’Institut d’études politiques : « les historiens du consensus » croisés contre le « fascisme français » de droite

Si la « désapprobation » de Jean-Noël Jeanneney et de Pascal Ory est sincère, ils n’ont pas lu la biographie de Maurras, supposée avoir qualifié Olivier Dard comme commémorateur. On peut même se demander s’ils l’ont ouverte : son sous-titre, Le maître et l’action, explicite sur l’admiration de l’auteur pour son héros, ne figure pas sur la première de couverture. Dans la même hypothèse d’antipathie contre Maurras, ils n’ont pas lu la fameuse « notice » qui a évacué son antisémitisme au-delà de l’Affaire Dreyfus. S’ils ont lu tout ou partie des deux écrits, ils n’en ont pas été choqués. Ils ont estimé, comme le « Haut comité aux célébrations nationales » de 2011 (dont ils faisaient déjà partie, j’y reviendrai), non seulement que Maurras méritait comme Céline l’hommage national mais que leur pair Olivier Dard était apte à fournir à la population française dans un « recueil » officiel la connaissance de base sur le nouveau commémoré. Sans parler de leur respect pour la liberté d’expression historique contre la « censure » insupportable qu’aurait constituée le brutal retrait de la notice.

Notons que l’historien avait beaucoup pour plaire à ces juges et arbitres.

Olivier Dard a fait ses études d’histoire à l’Institut d’études politiques de Paris, y a préparé sous la direction de Serge Berstein et soutenu en 1993 sa thèse « Les Novations intellectuelles des années trente : l’exemple de Jean Coutrot »((Original, Atelier national de reproduction des thèses (ANRT), université Lille III, 1994.)) , publiée sous le titre de Jean Coutrot : de l’ingénieur au prophète. Il a amorcé là une série de travaux sur des chefs du fascisme français, tous passés par l’Action française et « le maître » Maurras, tel Bertrand de Jouvenel, hitlérien d’avant-guerre et d’Occupation. Sans négliger « l’Action française, Charles Maurras et Jacques Bainville », objet de diverses codirections d’ouvrages et colloques publiés. « Il s’inscrit dans la tradition de l’histoire politique renouvelée au sein de cette institution par René Rémond et ses successeurs, dont son directeur de thèse Serge Berstein », allusion de sa fiche Wikipédia(( Jean Coutrot, Besançon, Presses universitaires franc-comtoises, 1999; Jouvenel, Paris, Perrin, 2008; https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Dard, bibliographie. Sur son intérêt pour l’OAS, infra.)) méritant précision.

Il perpétue en effet « la tradition » née dans les années 1950 à l’Institut d’études politiques sous l’égide de René Rémond, Raoul Girardet et Maurice Duverger, qui ont nié bec et ongles l’existence d’un fascisme français né de l’Action française au début des années 1920, antisémitisme obsessionnel compris. Cette équipe fondatrice a largement contribué des années 1950 jusqu’à une date récente à la formation des élites politiques. Son influence et celle de ses successeurs ont grandi au fil de la droitisation des dernières décennies, qui a institué une tutelle de fait de l’IEP sur l’histoire contemporaine((Lacroix-Riz, L’histoire contemporaine toujours sous influence, Paris, Delga-Le temps des cerises, 2012.)) : cet héritier direct de l’École libre [privée] des Sciences politiques d’avant-Libération, où Jean-Noël Jeanneney a longtemps enseigné bien qu’il ait préféré depuis 2011, en tant que membre du Haut comité, son titre d’« ancien ministre » à celui de professeur émérite , y a imposé les méthodes et problématiques de son « histoire politique ».

Et ceux qui ont un temps accompagné l’équipe fondatrice, à partir des années 1970, puis lui ont succédé, parmi lesquels Serge Berstein et Michel Winock, ont animé une campagne aussi féroce qu’elle contre l’idée même d’un « fascisme français » de droite et contre ceux qui osaient soutenir, archives originales à l’appui : que l’Action française était bien « la matrice » stricto sensu de ce « fascisme français » ; que ses éléments issus de l’extrême gauche, tels Marcel Déat et Jacques Doriot, transfuges respectifs de la SFIO et du PCF, extrêmement minoritaires, s’étaient contentés de déserter leur camp initial sans avoir forgé ce fascisme ; que ses bailleurs de fonds patronaux l’avaient dans les années 1920 porté sur les fonts baptismaux, aux côtés de la droite classique, dite aujourd’hui « républicaine », avec une ardeur fouettée en 1924 par le programme d’« impôt sur le capital » du Cartel des Gauches d’Herriot, programme pourtant strictement électoral et tôt remisé ; que ces mêmes tuteurs patronaux avaient, pendant la Crise, œuvré à l’unification des fameuses « trois droites » respectivement libérale (orléaniste), bonapartiste et conservatrice (légitimiste). La « typologie », forgée par René Rémond d’une subdivision en « trois familles héritées des conflits du 19e siècle [, qui] a fait date », note sa fiche Wikipédia((Formule de https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_R%C3%A9mond)) , avait perdu toute pertinence dans la « radicalisation » droitière des années 1930, avant que leur fusion n’éclatât aux yeux de tous à l’été 1940.((Robert Paxton l’avait d’ailleurs dit avec humour à Rémond, au cours du colloque sur Les ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, octobre 1992, Actes, Paris.)).

L’historien américain Robert Soucy avait présenté cette thèse sur le « fascisme français » en deux ouvrages, respectivement consacrés à sa « première vague », en 1986 (French Fascism, the first wave, 1924-1933), puis à sa « deuxième vague », en 1995 (French Fascism, the second wave, 1933-1939). Ils ont été traduits, pour le premier, au bout de six ans, pour le second, au bout de neuf : un des signes du veto de l’IEP contre tout débat sur « le fascisme français », que confirmèrent les attaques qui suivirent contre Soucy. Le premier livre avait reçu un titre partiel mais honnête, « Le Fascisme français, 1924-1933 », le second, un titre trois fois fallacieux, Fascismes français ? 1933-1939 : mouvements antidémocratiques : l’affirmation d’un fascisme unifié et de droite y était remplacée par deux absurdités, un pluriel suivi d’un point d’interrogation; un sous-titre postiche complétait l’escroquerie((Éditions américaines, New Haven and London, Yale University Press, 1986 et 1995 ; françaises Paris, PUF, 1992; Éditions Autrement, 2004.)). Soucy avait osé imputer le fascisme aux décideurs économiques; nier « l’autonomie du politique »; enjoindre les « historiens du consensus », que le qualificatif mit en rage, de recourir non seulement à la presse, aux textes idéologiques publiés, aux « témoignages » a posteriori et à la seconde main, mais aussi aux archives originales, notamment policières (base de l’histoire politique, précisément), qui ruinaient leur thèse. Ce crime de lèse-majesté exigeait représailles.

En 2006-2007, Michel Winock et Serge Berstein lui livrèrent un assaut furieux, ciblant aussi d’autres historiens anglophones, entêtés sur le « fascisme français », sa composition et sa « matrice », l’Action française, tel Brian Jenkins((Jenkins, « L’Action française à l’ère du fascisme : une perspective contextuelle », Michel Dobry, éd., Le mythe de l’allergie française au fascisme, Paris, Albin Michel, 2003, p. 107-154; et Jenkins (dir.), France in the era of Fascism. Essays on the French Authoritarian Right, New York, Berghan Books, 2005, surtout « Introduction : contextualising the immunity thesis », p. 1-21 et Soucy, chap. 3, « Fascism in France: problematising in the era of Fascism », p. 65-104.)). Serge Berstein se déchaîna en 2007 contre Soucy, un « des historiens étrangers, acharnés à vouloir démontrer l’existence d’un fascisme français », et contre l’ouvrage Le mythe de l’allergie française au fascisme, accusé d’user du « terrorisme intellectuel appliqué par les staliniens zélés en une époque qu’on voulait croire révolue ». Le summum fut atteint par la revendication de la compétence exclusive des « historiens du consensus » : « la plupart des historiens français qui s’intéressent à la question ne voient guère l’utilité de continuer la discussion avec des partenaires qui refusent les termes normaux d’un débat scientifique », eux qui pratiquent « le croisement des sources multiples » [à l’exception des archives]. D’ailleurs, « si les arguments de Robert Soucy et de ses amis paraissaient historiquement fondés, ils auraient fait autorité depuis longtemps chez les historiens français ».((Berstein, « Pour en finir avec un dialogue de sourds. À propos du fascisme français »? Vingtième siècle, n° 95, p. 243-246, cit., p. 244-245, souligné par moi; et Lacroix-Riz, « Remarques sur la bibliographie de la question d’histoire contemporaine 2007-2009 “Penser et construire l’Europe, 1919-1992” », La Pensée, n° 351, juillet-septembre 2007, p. 145-159.)) La guerre d’usure inexpiable conduite contre lui par cet aréopage a abouti en France à son effacement historiographique, d’autant plus radical que la traduction française des deux ouvrages du malheureux « historien étranger » a été rayée de la carte éditoriale : ils sont désormais introuvables, sauf d’occasion, à un prix prohibitif. ((https://www.chasse-aux-livres.fr/prix/2130419828/le-fascisme-francais-1924-1933-robert-soucy?query=Robert%20Soucy))

Ainsi avait-il été confirmé que toute relique d’analyse « de classe » était strictement bannie de l’IEP ; et que la hargne des équipes fondatrices contre la thèse d’un « fascisme français » non issu de la gauche demeurait intacte. Ce postulat vieux de plus de soixante ans n’avait probablement pas eu des fondements exclusivement scientifiques.

  • B- Le passé bonifié des contemporains de l’Occupation

Le trio initial Rémond, Girardet, Duverger de l’IEP, successeur de l’École libre des Sciences politiques au remarquable palmarès vichyste, a été largement présenté comme lié à la Résistance, qualité couramment considérée après-guerre comme valant adhésion à la démocratie et à la République. Raoul Girardet, dont le cheminement de l’Action française à l’OAS relève de la logique, aurait cependant, assure sa notice Wikipédia, comporté un glorieux passage à « la Résistance », récompensé d’une « Croix de Guerre 1939-1945 ». Mais, outre que cette haute récompense n’a pas toujours été attribuée à d’incontestables résistants, cette action résistante n’est étayée par aucune source historique. Tout au plus pourrait-on évoquer ici la « vichysto-résistance », concept dont l’IEP a fait depuis les années 1990 un usage immodéré, à la suite de Jean-Pierre Azéma((Lui disent toute leur dette Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Vichysto-Résistants de 1940 à nos jours, Paris, Perrin, 2008, p. 447, 479-480, dont les sources tardives ne révèlent que des vichysto-américains; et Barasz Johanna, « De Vichy à la Résistance : les vichysto-résistants, 1940-1944 », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2011/2, n° 242 : elle admet que pour étayer ce vocable créé très a posteriori, 1° les archives font défaut (« Les références aux “pétainistes”, “pétinistes” » et vichystes antiallemands et/ou patriotes ne sont pas abondantes, mais elles existent », mais celles mentionnées, de 1942 et surtout 1943-1944, à sa n. 21, ne sont pas citées), et 2° le concept se confond avec le « giraudisme » ne fut jamais une Résistance à l’occupant, mais un ralliement au futur vainqueur américain (Élites, passim, dont index Giraud).)). Les sources originales font des présumés « vichysto-résistants » de simples « vichysto-américains », qui ne rejoignirent au mieux de Gaulle qu’après un stage giraudiste : ladite fiche le concède((https://fr.wikipedia.org/wiki/Raoul_Girardet, aucune trace de Résistance dans la « discussion », https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Raoul_Girardet)). La fiche de René Rémond est lapidaire sur 1940-1944, à l’exception d’une recension des marques d’un catholicisme sis du côté de Vichy plus que de l’adhésion à la Résistance ou à « Témoignage chrétien ». L’hommage nécrologique de Raphaël Spina au « participant actif de l’aumônerie et de la Résistance normalienne », quoique vibrant, n’est pas plus étayé.((https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_R%C3%A9mond; https://www.eleves.ens.fr/aumonerie/en_ligne/paques07/seneve011.html: Spina, dans Histoire du STO, Perrin, Paris, 2017, sur des catholiques vichystes érigés en résistants, remplace les sources par des « témoins ».))

On dispose en revanche sur Maurice Duverger, d’archives stricto sensu, de nature à rectifier les notices officielles enflammées que son passé fasciste (le mot manque toujours), henriotiste et PPF, reconnu, n’a pas troublé. La nécrologie du « “pape” de la science politique française » rédigée par Le Monde, dont il avait été « une des grandes signatures […]. Huit cents articles entre 1946 et 1994, souvent publiés à la “une” du quotidien », est, concernant sa biographie d’avant-guerre et d’Occupation, un chef-d’œuvre d’omissions ou de contrevérités dignes de la biographie de Maurras. J’en signale en italique les passages concernés, commentés plus loin. Le très jeune homme d’origine bourgeoise, passé par le « collège catholique Grand-Lebrun, où l’a précédé François Mauriac », « adhère » à 16 ans, « fin 1933, […] à l’Union populaire républicaine, dont la figure de proue est un jeune professeur de l’enseignement libre en Gironde, Philippe Henriot, le futur ministre de la propagande de Vichy. En décembre 1936, Maurice Duverger rompt avec Henriot dont l’art oratoire, dira-t-il plus tard, le fascinait, pour rejoindre le Parti populaire français de Jacques Doriot. Le Parti populaire français (PPF) n’est pas encore le mouvement fasciste qu’il deviendra. Mais c’est déjà une formation populiste, antiparlementaire, où les antisémites donnent de la voix. Maurice Duverger est promu secrétaire de la Fédération du Sud-Ouest des jeunes doriotistes, l’Union populaire de la jeunesse française. “Tout cela, écrira-t-il dans un livre de souvenirs, était idéaliste et irréaliste. J’avais vingt ans” (L’Autre côté des choses, Albin Michel, 1977). » Il aurait d’ailleurs, « à partir de 1938, […] quitté le PPF parce “qu’il a dévié vers la droite ”», puis « se consacr[e] à sa formation de juriste [,…] voie […] choisi[e]un peu par hasard. […] En 1942, il est reçu à l’agrégation de droit public après avoir soutenu sa thèse sur L’Affectation des immeubles domaniaux aux services publics. Professeur de droit à Poitiers (1942-1943), puis à Bordeaux (1943-1955), il est nommé dans la capitale en 1955 où il enseignera jusqu’à l’âge de la retraite, en 1985. […]

Périodiquement, Maurice Duverger était sommé de s’expliquer sur ses engagements politiques d’avant-guerre et ses écrits de jeunesse sous l’Occupation. L’article qui lui a été le plus reproché figure dans les numéros de juin et décembre 1941 de la Revue de droit public et de la science politique. Intitulée “La situation des fonctionnaires depuis la révolution de 1940”, cette étude en deux parties porte sur les lois de Vichy qui excluent les juifs et les femmes mariées de la fonction publique. Cet article, répétait Maurice Duverger lorsqu’on lui en faisait grief, se voulait purement scientifique, c’est-à-dire descriptif et neutre. Selon l’usage, l’auteur n’avait pas à juger du bien-fondé de ces mesures. ».((http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/12/22/maurice-duverger-professeur-de-droit-et-de-sciences-politiques-journaliste-et-editeur_4544800_3382.html#g1oYAWGwv9vm7bm2.99))

La notice passait rapidement sur le premier héros de Duverger, Henriot, un des chefs incontestés du fascisme français issu de l’Action française, catholique ultra, déchaîné contre la Révolution française, la République, son « école unique et gratuite » et ses lois, frénétique antisémite, anti-métèques, anti-maçonnique, anti-rouge, putschiste avéré depuis le 6 février 1934, associé à toutes les phases du complot contre la République, lié à Doriot de 1937 dans le cadre du « Front de la Liberté » qu’il dirigeait, pronazi de moins en moins discret et Munichois proclamé, etc. Ce qui ne l’empêchait pas, comme la plupart des ligueurs, tel Xavier Vallat, d’être membre et orateur privilégié de la droite classique, en l’occurrence de la la Fédération républicaine de Louis Marin et François de Wendel, séduite par l’efficacité de son « art oratoire ».

Le Parti populaire français (PPF), fondé par la banque Worms à l’été 1936, puis richement subventionné par tout le grand capital (Comité des Forges et son président François de Wendel inclus) fut d’emblée un « mouvement fasciste ». Et d’autant plus fondamentalement antisémite que ses vrais maîtres, hauts cadres de la banque Worms (tels Pierre Pucheu, éminent membre de son bureau politique et François Lehideux, par ailleurs directeur général de la Société anonyme des Usines Renault (SAUR) de son oncle), avaient un passé Action française. Les transfuges du PCF, apparents dirigeants du PPF, tels Doriot et Marschall, affectés à la propagande de conquête des « masses » au-delà de leur Saint-Denis d’origine s’adaptèrent d’emblée à l’antisémitisme de rigueur. Mais ce parti n’eut pas à « “dévi[er] vers la droite ”». Sa chute d’avant-guerre ne résulta pas d’une « droitisation », mais des aléas consécutifs à la défaite ouvrière du 30 novembre 1938 : celle-ci en rendit l’usage et le financement du grand patronat momentanément inutiles, et ce brutal retrait l’obligea à quitter son siège début 1939.

S’il avait alors abandonné le PPF, Duverger n’aurait fait que s’aligner sur les chefs de son bureau politique, salariés de la banque Worms, qui désertèrent en invoquant leur brusque découverte du versement de fonds étrangers et anti-patriotiques : ils s’étaient aperçus, sidérés, que Doriot avait « été “arrosé” par le gouvernement de Rome » (mais ils omirent de parler des fonds allemands)((Le choix, index de tous les noms cités, surtout chap. 6, dont p. 266-269, et 306.)). Quant à la « voie […] choisi[e]un peu par hasard » par le jeune chef PPF de Bordeaux, elle n’était, pour le moins, pas antagonique avec son activisme politique, dans cette ville que « les Allemands […] considéraient eux-mêmes […] comme la ville la plus collaborationniste de France »((Rapport de mission d’inspection de la magistrature dans le ressort de la cour d’appel Bordeaux 1er-7 octobre 1944 remis à de Menthon, sous le couvert de l’inspecteur général des Services de la magistrature, Maurice Rolland, Paris, 11 octobre 1944, BB 18, 7114, 8 BL, 493 R, Giraud, avocat général près la cour d’appel de Bordeaux, collaborateur, AN.)). Ses magistrats, conformes à ceux que Virginie Sansico a décrits, pour Lyon, font office de modèles de « la magistrature déshonorée » tant sous l’Occupation qu’après la Libération, où, presque tous maintenus en poste, ils battirent des records dans le sabotage général de « l’épuration »((Sansico, La justice déshonorée 1940-1944, Paris, Tallandier, 2015, et mon prochain livre sur la non-épuration.)). On peut juger du caractère « purement scientifique, […] descriptif et neutre » de l’article de 1941 de Duverger par le minuscule extrait qu’en reproduit la brève « discussion » de sa fiche Wikipédia : : « L’élimination des fonctionnaires juifs des administrations publiques ne constitue nullement une sanction disciplinaire prise à leur égard. Ils ne sont point révoqués à cause d’une faute qu’ils auraient commis dans l’exercice de leurs fonctions, mais parce qu’on a estimé que l’intérêt public exigeait ce renvoi. La mesure qui les frappe a donc le caractère d’une mesure de nécessité publique »((https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Maurice_Duverger)). Toutes les notices officielles, nécrologiques ou non, consacrées à Duverger, sont de la même eau que celle du Monde, telle ladite fiche. Elle cite non un extrait de l’article de 1941, mais le témoignage de novembre 1988 du doyen Georges Vedel, autre gloire de l’IEP, en défense de Duverger au procès que ce dernier intenta et gagna alors contre Actuel, hebdomadaire (du très bien informé Jean-François Bizot, héritier, pour le coup réellement anticonformiste, des Gillet de Rhône-Poulenc, précision absente de la fiche) qui avait rappelé ce lourd passé. Car, avait certifié Vedel, « loin d’approuver le principe des mesures frappant les fonctionnaires juifs et encore moins d’en favoriser l’application, Maurice Duverger en a proposé une interprétation totalement restrictive de nature à en paralyser l’effet, ce qui, dans les circonstances du moment, constituait la contribution la plus efficace qu’un juriste pût apporter à l’opposition aux textes qu’il commentait.» ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Duverger))

Duverger, admet Wikipédia, a dès l’âge de quinze ans […] milit[é] dans des groupes d’extrême droite bordelais » et, membre à Bordeaux du PPF, dirigé cinq ans plus tard son « organisation de jeunesse ». Puis, professeur de droit, il a accepté « durant l’occupation […] d’enseigner à l’Institut d’études corporatives et sociales, fondé sous l’égide((Non, « à la fin de 1934, création qui avait exigé “de ses promoteurs beaucoup de courage et une longue persévérance” car le corporatisme ne bénéficiait pas à l’époque “des appuis solides et des hautes sympathies” qu’il devait s’attirer après 1940 », écrit Steven Kaplan, qui n’a jamais traité des années 1930 avant son article « Un laboratoire de la doctrine corporatiste sous le régime de Vichy : l’Institut d’études corporatives et sociales », Le mouvement social, n° 195, 2001/2, p. 35-77, citation p. 40. Cette création fascisto-synarchique (réalité esquivée ici), assurée d’emblée d’« appuis solides et [de] hautes sympathies », s’inséra dans le plan de liquidation de la république, et Vichy, né de ces hauts « appuis » accrut logiquement le budget de l’IECP.)) du maréchal Pétain pour y former les cadres de la Révolution nationale. » Mais, l’agrégé de droit, à 25 ans, et toujours chef du PPF bordelais, n’aurait été « proche du régime de Vichy [que] pendant sa première période » et se serait « rapproché de la Résistance », affirmation ayant pour seule référence son énorme écho médiatique « après la Libération ».

C’est en effet seulement d’alors que date ce présumé rapprochement, pas amorcé dans « la [dernière] période » de Vichy, pas même, à la connaissance de l’occupant, après le débarquement du 6 juin 1944. Une « note » du 16 juin « sur l’institut d’études corporatives et sociale », incluse dans un « dossier 5 » des 16-30 juin 1944 rédigé pour Abetz par deux de ses collaborateurs, dont le Dr Karl Epting champion de la collaboration intellectuelle d’avant-guerre et d’Occupation à l’Institut allemand de Paris, qui disposait d’une puissante antenne à Bordeaux , atteste:

1° que ledit institut était sous direction effective allemande : ses « dirigeants […] sont tous des hommes très sûrs, très éprouvés et parfaitement conscients de leur tâche. La politique sociale qu’ils propagent selon les directives de l’administration centrale de l’institut est parfaitement conforme aux conclusions du Congrès de Bad Salzbrunn » congrès nazi de mars 1944 auquel avaient assisté « les économistes et théoriciens pronazis venus de toute l’Europe [occupée] »((« Quisling economists and social theorists », dépêche Associated Press d’avril 1944 citée par Dan Plesch, America, Hitler and the UN, Wartime Origins and the future UN, London, I.B.Tauris, 2010, p. 150-151 et n. 21.)) « et [elle] souligne la nécessité de la mise en œuvre d’une entente européenne en matière sociale, basée sur les principes de la communauté, de la personnalité et du rendement [Leistungsprinzip] ».

2° que l’IECF avait des activités et des effectifs impressionnants justifiant une sérieuse étude contemporaine : « un corps professoral et administratif de 470 personnes dont 84 à titre permanent », 1 823 étudiants à Paris et dans la région parisienne, 2 782 en province, « près de 5 000 […] associés aux centres créés dans les services extérieurs [,…] plus de 18 000 personnes » participant à ses séances régulièrement organisées en province); et que Bordeaux y était représenté par deux « délégués départementaux », dont « M. Duverger [Maurice], 21, rue Goya, Bordeaux ».(( Note citée, « Dossier 5 » cité, W3, 355, archives de Berlin, bordereau 3004, Berlin 12 mai 1948, reçu à Paris le 18 mai 1948, AN. W3, 347-359, correspondance interallemande Paris-Berlin 1940-1944 dite « archives de Berlin », transférée à Paris en 1947-1948, exceptionnelle source sur Vichy, voir Industriels et Élites (index Epting).)).

  • C-Olivier Dard plébiscité par l’historiographie dominante

La contestation par Olivier Dard de la pertinence des archives policières et judiciaires pour l’étude d’hommes politiques, publicistes, idéologues étroitement liés au capital financier ne pouvait choquer le vivier intellectuel qui l’a nourri, puis agréé et promu. Sa méthodologie n’a pas troublé davantage l’historiographie dominante extérieure à l’IEP, qui a de longue date abdiqué la problématique socio-économique en général, le marxisme en particulier, et a apprécié la contribution du refrain de « l’autonomie du politique » à la démolition de l’histoire « de classe », si vulgaire. Une partie de ce milieu n’est classée ni à droite ni à l’extrême droite, bien que la seule étiquette de « communiste » lui suffise pour disqualifier un enseignant-chercheur ou un chercheur comme « historien communiste » et à le bannir de toute session académique, de toute revue universitaire, etc. Or, la communauté académique était, au moins en histoire contemporaine, informée de l’intérêt que suscitait Olivier Dard chez l’extrême droite en général et l’Action française en particulier, et pas seulement à l’IEP et dans toutes les universités où Olivier Dard a été recruté. Ils étaient notoires bien avant que ne les eussent rendus publics : 1° la notice sur Maurras et ses suites; 2° l’annonce de sa participation au colloque « européen » blanc-aryen de l’institut Iliade du 7 avril 2018, au titre explicite « Repentance, ahurissement, avachissement… Stop ou encore? “Fiers d’être Européens!” ((https://metamag.fr/2018/01/10/5eme-colloque-de-linstitut-iliade-le-7-avril-2018/; https://humanite.fr/sites/default/files/files/documents/du_dossier_maurras-olivier_dard_a_la_chasse_aux_sorcieres_wikipedia_france_0.pdf ; infra sur le colloque lui-même)). Cette communauté ne s’est jamais émue d’attaches qui posent un problème dans la mesure où elles entraînent un rejet sans légitimité scientifique de sources incontestables (mais compromettantes) sur « le fascisme français ».

L’unanimité s’est donc faite sur la pertinence de la croisade de l’historien contre les « conspirationnistes », communistes et fascistes mêlés, les premiers étant la cible plus que les seconds. Elle se s’est jamais démentie depuis l’ouvrage de 1998 La synarchie ou le mythe du complot permanent qui lui a valu l’assentiment académique général((La synarchie, Paris, Perrin.)). Ce brûlot s’inspire explicitement de la problématique exposée douze ans auparavant dans Mythes et mythologies par son prédécesseur Raoul Girardet((Mythes et mythologies, Paris, Seuil, 1986.)), ancien militant de l’Action française passé au soutien de l’OAS, et un des chefs du combat contre la thèse subversive d’un « fascisme français » de droite. Olivier Dard y tape à bras raccourcis sur « le mythe de la synarchie », fondée par douze grands banquiers et/ou industriels, eux-mêmes puissants membres et infatigables financiers de l’Action française, renforcés ensuite par des dizaines puis centaines de leurs pairs issus du même moule politique. Leurs idéologues en étaient eux-mêmes adhérents, sauf ceux que « la synarchie-qui-n’existe-pas » avait, dans les années 1930 de la Crise, recrutés dans la gauche anticommuniste, syndicale, politique franc-maçonne. Il fallait désormais conquérir les masses au-delà des inspecteurs des Finances, des polytechniciens, des centraliens et des normaliens : on ne pouvait avec des hauts fonctionnaires et des membres de conseils d’administration séduire les prolétaires, les employés, les enseignants, voire les cadres de l’industrie, dont les « gens très bien » (Alexandre Jardin) redoutaient alors la radicalisation.

La synarchie ou le mythe du complot permanent est un livre essentiellement fondé sur l’écrit officiel et la seconde main, selon l’usage de l’IEP. La méthode, qui eût naguère scandalisé, ne fit pas ciller des historiens méprisant les « positivistes » empilant les annotations d’archives qui n’ont rien à apprendre aux esprits supérieurs, voire perturbent leur problématique. Nul ne trouva donc à redire dans le veto d’Olivier Dard contre les milliers de documents originaux, de toutes origines, auxquels il contestait toute valeur, au motif que, des années 1930 à l’après-Deuxième Guerre mondiale, ils seraient « de basse police ». On trouvera ci-joint un minuscule échantillon d’une « synarchie-qui-n’existe-pas » mais qui a fait l’objet d’enquêtes policières et d’instructions judiciaires depuis 1937 (après l’assassinat de Navachine)((Outre tous mes op. cit. à la note 21, présentation synthétique dans mes deux articles « La synarchie de l’entre-deux-guerres à l’après-Libération » : 1e partie, « La direction de la synarchie (1922-années 1930) », La Raison, n° 562, juin 2011, p. 17-21; 2e partie, « La stratégie putschiste de la synarchie (1933-1939) », La Raison, n° 568, février 2012, p. 17-20, articles ci-joints (PDF). Le premier article fournit, sources à l’appui, des éléments essentiels sur Henri Chavin, présenté par Olivier Dard comme un loufoque manipulé par des cagoulards fous. Fasciste, antisémite, collaborationniste, assurément, Chavin l’était, ce qui habilita ce haut fonctionnaire de l’Intérieur (préfet sous la République) à une remarquable promotion sous Vichy : nommé « directeur général de la Sûreté nationale » 21 août 1940, et, en sus, le 16 février 1941, « secrétaire général à la police » (titre que porterait aussi Bousquet), « c’est à dire chef supérieur des Renseignements généraux […], des services de Police criminelle […et ] du service de renseignements politiques et locaux ». Cette triple fonction fait du « rapport Chavin » un document essentiel, et une des bases de l’instruction des procès des ministres de Vichy. Voir note 53 sur la liste des documents présentés.)). L’historien du « mythe de la synarchie » avait vraisemblable motif personnel à nier l’existence du « Mouvement synarchique d’empire » (MSE) : les principaux héros de ses biographies, disciples du « maître », étaient issus de l’Action française, qu’il fréquente assidûment ; les recrutés « à gauche », qui n’y avaient pas appartenu, étaient synarques, tel le leader SFIO Charles Spinasse, grand ami et ministre de Léon Blum, embauché par la banque Worms dès le début des années 1920(( On comparera la présentation de ce sous-héros de la thèse de Dard sur Coutrot, objet de nombre de ses travaux, dont « Charles Spinasse, du socialisme à la collaboration », L’Information historique, volume 58, mai 1996, p. 49-64 », avec outre Choix et Munich, index Spinasse, « Léon Blum haïssait-il la finance? 1936 et avant », http://www.historiographie.info/documents/partie1finance.pdf et /partie2finance.pdf)).

L’appui unanime qu’a reçu Olivier Dard des historiens issus d’une institution universitaire naguère respectueuse des archives ne peut s’expliquer que par la droitisation générale du corps, l’expiation d’un passé parfois progressiste, la dépendance grandissante à l’égard des financements extérieurs, notamment patronaux et européens, tous facteurs qui ont aboli l’étude scientifique des élites de l’argent. Comment désormais agréer la seule idée que celles-ci aient fomenté un « complot contre la République », sous la houlette de leur fraction financière la plus concentrée, regroupée en « synarchie »((Quelques copies d’archives sur « la synarchie-qui-n’existe-pas ». Noms cités, pour la plupart des personnages de premier plan Abetz, (hauts magistrats de la Haute Cour de Justice ; hauts fonctionnaires de la police ; Raymond Brugère, ambassadeur de France et secrétaire général du Quai d’Orsay (deuxième personnage du ministère des Affaires étrangères) en septembre-octobre 1944, cf. index de mes op. cit. à la note 21.1. Traduction télégramme 674 Abetz sur synarques, Paris, 27 février 1941, 3 p., 3W, 222-2. Original télégramme 674 Abetz sur synarques, Paris, 27 février 1941, 3 p., 3W, 222-3. Rapport Chavin, mai 1941, 18 p., 3W, 192-4. Guérard, chef synarque, 28 février 1942, 2 p., 3W, 192-5. Perquisition Boudet, synthèse sur 95 fiches synarques, 19 septembre 1944, 2 p., 3W, 192-6. 95 fiches synarques, 19 septembre 1944, 5 p., 3W, 192-7. Audition Pétain sur synarchie par Béteille, 3 p., 19 mai 1945, 3W, 192-8 (1,2). Brugère, extrait Veni, vidi, Vichy sur synarchie, 1945, 4 p., 3W, 192-9. Audition Pierre Vallé sur synarchie, 14 décembre 1945, 1 p., 3W, 192-10. Présentation couverture 5 auditions diverses sur synarchie, 1945, 1 p., 3W, 192))?

Qu’on écoute l’échange distingué, sur le thème « Être député sous la Troisième République » du 21 juillet 2012, entre Jean-Noël Jeanneney, responsable de l’émission « Concordance des temps » sur France Culture et héraut, comme tout l’IEP, de « l’autonomie du politique », et Jean Garrigues, professeur à l’université d’Orléans et président du Comité d’histoire parlementaire et politique, pour mesurer l’interdit académique qui pèse sur l’arrosage politique patronal : « la collusion » ou « la proximité des députés avec le monde des affaires », qui eût dû, au vu des archives, constituer l’essentiel du sujet, ne fut qu’effleurée. L’auditeur fut rassuré au surplus par l’affirmation de l’invité que, si la question s’était –à peine – posée alors, il y avait en revanche aujourd’hui des « garde-fous »((https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/etre-depute-sous-la-troisieme-republique, vers 48 minutes.)). « Garde-fous » que contredit le dossier, un moment émergé, bientôt enterré, de la corruption de syndicats, d’universitaires, publicistes, hommes politiques, etc., pour un montant « 16,5 millions d’euros, retirés en liquide du compte de l’UIMM entre 2000 et 2007 » par Denis-Gautier Sauvagnac, délégué par le syndicat patronal à « la fluidification des relations sociales »((Benoît Collombat et David Servenay, dir., Histoire; Guillaume Delacroix, Enquête sur le patronat. Dans les coulisses du scandale Medef-UIMM, Paris, Plon, 2e édition, 2012; Lacroix-Riz, Histoire contemporaine, p. 74-75, 78; mine en ligne (taper UIMM fluidification, etc.))).

Le « complot contre la République », ses décideurs synarchiques et ses exécutants cagoulards meublent une gigantesque correspondance administrative, policière et judiciaire entre 1935-1937 et les décennies d’après-guerre. C’est ce crime de « trahison » (« atteinte à la sûreté intérieure et/ou extérieure de l’État », etc.), « infraction punie de la peine de mort en vertu des articles 75 et suivants du Code Pénal »((« Ordre d’informer » du ministre de la Guerre (André Diethelm) contre les soixante ministres et secrétaires d’État de Vichy encore vivants « coupables de trahison, infraction punie de la peine de mort en vertu des articles 75 et suivants du Code Pénal », Paris, 13 septembre 1944, souligné et en majuscule dans le texte, F1a, 3309, correspondance générale, octobre 1944-mai 1945 et dossiers individuels de ces ministres, AN.)) et non pas la Collaboration qui constitua le fondement juridique, certes vite abandonné, des poursuites des ministres de Vichy par la Haute Cour de Justice((Outre mes op. cit., « Mise en perspective du procès Pétain », postface aux Minutes du procès Pétain, Paris, Les Balustres-MRN, 2015, p. 389-398; « La défaite de 1940 : l’interprétation de Marc Bloch et ses suites », in Scissions syndicales, réformisme et impérialismes dominants, 1939-1949, Montreuil, Le Temps des cerises, 2015, p. 9-46; et livre annoncé.)). Mais « le complot contre la République » de l’entre-deux-guerres est désormais assimilé au « complotisme ou au conspirationnisme », concept qui a envahi le champ académique autant que le médiatique et ligote désormais tout esprit critique.

Olivier Dard entretient l’intimidation, par exemple en 2012, via la réédition de sa Synarchie et via Vingtième Siècle, revue qui a répandu la pensée congrue de l’IEP et mené la danse du scalp contre Soucy et sa problématique du « fascisme français »((Dard, « Mythologies conspirationnistes et figures du discours antipatronal », Vingtième Siècle, n° 114, avril-juin 2012, p. 137-151.)). L’historiographie bien-pensante l’a donc érigé en pionnier ou référence scientifique unique et bloqué tout débat sur la question. L’avis, en 2009, de Michel Margairaz, professeur d’histoire économique contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, second temple de l’Alma Mater, est significatif de cette unanimité : « parmi les responsables politiques, le mythe d’une “synarchie” ourdie par Jean Coutrot [non, par ses patrons de la banque Worms] a bien été déconstruit », par Olivier Dard, précise-t-il((En note infra-paginale, se référant à « La synarchie […] et du même, Jean Coutrot […] », « Les politiques économiques sous et de Vichy », http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=09&rub=dossier&item=92#_ftn39 »)).

Ce dernier a trouvé le même appui sur tous les thèmes de ses travaux, Maurras inclus, et sur sa sélection arbitraire des « sources » vu l’évolution ultra droitière de l’histoire de l’Occupation, de Vichy, de la Résistance et de l’épuration. Parmi les acquis de la mise à l’écart des fonds originaux figurent les concepts creux de « vichysto-résistance » et d’« antisémitisme d’État », « français », pas « racialiste », pas exterminateur, débonnaire, présumé être celui du brave Maurras.

Peu importe que ce fameux « antisémitisme d’État » ou « français » ou « catholique », leitmotiv de l’historiographie cléricale((Exposé-débat sur « la face cachée du Vatican », 19 décembre 2017 et 25 janvier 2018, https://vimeo.com/247929150 et https://vimeo.com/253161897)) ait aboli les frontières avec le « racialiste » ou « ethnique » au moins depuis la première grande crise systémique du capitalisme (1873-1914). Celle-ci a unifié l’antisémitisme et l’antijudaïsme supposé s’en distinguer, et assuré en France, après la débâcle de 1882 de l’Union générale, fugace banque « catholique », le triomphe de La France juive d’Édouard Drumont (1886) puis de son quotidien (1892), La Libre Parole((Jean Bouvier, Le Krach de l’Union générale (1878-1885), Paris, PUF, 1960.)).Qui lit la prose de La Croix, organe assomptionniste vatican, de la Civiltà Cattolica du RP Rosa, vraie voix officieuse du Vatican, et de Maurras et consorts sur l’Affaire Dreyfus, comprend qu’il n’y a qu’un « antisémitisme moderne ». Mais le distinguo clérical a balayé les travaux scientifiques antérieurs ((Raul Hilberg, La destruction des juifs d’Europe (tiré d’une thèse achevée en 1954), dont chap. 2 (« Les précédents ») sur l’histoire antisémite de l’Église romaine et la comparaison entre « Droit canonique » et « mesures nazies », Paris, Gallimard, 1991, vol. 1, p. 13-33; Paxton et Michael Marrus, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 1981, dont chap. II, « Les origines de l’antisémitisme de Vichy »; David Kertzer, Le Vatican contre les Juifs. Le rôle de la papauté dans l’émergence de l’antisémitisme moderne, Robert Laffont, Paris, 2002; Lacroix-Riz, Vatican, passim.)).

Comment être choqué, sur pareil terreau, par l’affirmation qu’« pétainiste convaincu [est] demeuré » de 1940 à 1944 parfaitement « antiallemand et antinazi ». Depuis des décennies, à partir du postulat IEP que Vichy n’a rien d’un « fascisme français » avant sa « dérive » lavalienne de 1942 voire avant la nomination de Darnand au « secrétariat du maintien de l’ordre » (janvier 1944), se sont accumulés les travaux dépréciant la Résistance active et glorifiant la « vichysto-résistance ».

Peu avant que n’éclatât le scandale de la notice d’Olivier Dard, Pascal Ory avait apporté sa caution à la transcription télévisuelle de l’ouvrage de 2008 de Simon Epstein, « économiste et historien israélien » d’origine française, Un paradoxe français: antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance((Paris, Albin Michel, 2008, sans sources originales, et ((https://fr.wikipedia.org/wiki/Simon_Epstein.)). Après avoir bénéficié dès 2008 d’une ample campagne médiatique validant le « paradoxe » de vichystes résistants et de collabos de gauche, M. Epstein a dirigé deux « documentaires » diffusés les 3 et 10 décembre 2017 sur France 3, secondé par deux historiens approbateurs : Olivier Wieviorka, qui centre ses travaux et ceux de ses doctorants sur la résistance intérieure active – à écrasante majorité communiste, au vu des archives – militairement inutile, voire ridicule, et sur la libération de la France et de l’Europe occidentale par les seules armées américaines((Voir, outre ses propres travaux, mentionnés par https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_Wieviorka, la thèse de Claude Barbier, son disciple, qu’il a publiée dans la collection qu’il dirige chez Perrin (Le maquis de Glières. Mythe et réalité, Paris, Perrin, 2014) : l’affirmation aussi provocatrice que fantaisiste résumant l’ouvrage « la bataille des Glières n’a pas eu lieu » a valu à l’intéressé un grand écho médiatique : Jean-Marie Guillon, « De l’histoire de la Résistance » à l’histoire des Glières, un enjeu symbolique et scientifique », postface à la réédition Vivre libre ou mourir. Plateau des Glières, Haute-Savoie 1944, Annecy, Association des Glières/La Fontaine de Siloé, 2014, p. 209-237. https://blogs.mediapart.fr/edition/les-controverses-d-un-village-francais/article/081116/la-resistance-sous-loccupation-oubliee-ou-mythifiee.)) ; Pascal Ory, pionnier de « l’histoire culturelle », qui s’est dans les années 1970 intéressé aux textes publics des collaborateurs((Ory, Les Collaborateurs. 1940-1945, Paris, Éditions du Seuil, 1976 (réédition 1997), que Thomas Fontaine et Denis Peschanski, auteurs de La Collaboration Vichy Paris Berlin 1940-1945, Paris, Tallandier, 2014, phare de la Doxa historiographique sur la question, célébré par les Archives nationales à l’occasion de la grande exposition parisienne de 2014-2015, selon eux « l’ouvrage de référence » (bibliographie « Pour en savoir plus », p. 307), et La France allemande. 1933-1945. Paroles du collaborationnisme français, Paris, Éditions Gallimard, 1995 (1977). Vision partielle et partiale de « la Collaboration », Élites, passim.)). Epstein s’est concentré sur les grands « vichysto-résistants » issus de l’Action française ou le subtil distinguo entre « antisémitisme d’État [français] » et antisémitisme hitlérien.

Ses deux adjoints se sont réservé le cas, 1° de « la gauche » devenue brusquement « collabo » en 1940, sous l’effet du traumatisme de la Grande Guerre et du pacifisme consécutif qui l’auraient frappée comme toute la population française, dirigeants politiques compris. Ainsi s’expliquerait en dernière analyse la Débâcle du printemps et de l’été 1940; 2° des communistes trahissant le camp de l’antifascisme entre le 23 août 1939 de la signature du pacte germano-soviétique et le 22 juin 1941 de l’attaque allemande de l’URSS.

Les trois intervenants ont pareillement négligé les fonds originaux de la période 1919-1944, pourtant largement ouverts à la consultation depuis les années 1990((https://www.francetvpro.fr/france-5/communiques-de-presse/quand-lextreme-droite-resistait-9973879 , https://www.france.tv/documentaires/histoire/344097-quand-la-gauche-collaborait-1939-1945.html ; critique sur Radio Galère, 14 janvier 2018, Marseille https://youtu.be/_jJ7MymFOFM)).))

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Commentaire recommandé

R.C. // 16.05.2018 à 10h50

A chaque fois c’est la même chose: lorsque les commentaires ne plaisent pas, c’est le lectorat du site qui est pointé du doigt.
Sauf à vouloir un site politiquement correct (un de plus), il faut admettre que des sujets complexes appellent des analyses et des jugements complexes dont certains peuvent étonner ou détonner. Ce n’est pas pour autant que ces derniers seraient faux.
Pour une vision péremptoire et lourdement manichéenne de la société française, on peut toujours se référer à BHL, c’est une ressource inépuisable… (son auto-agrément l’autorise en outre à déterminer qui est facho et qui ne l’est pas !)

26 réactions et commentaires

  • Fritz // 16.05.2018 à 08h26

    Charles Maurras ? Hmmm… C’est bien celui qui est resté libre alors qu’il avait été condamné à « quatre ans de prison dont deux ans de prison ferme » ?

      +12

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    • Veloute // 16.05.2018 à 10h47

      Non, ça c’est (à ce qui se dit) Cahuzac. 😛

        +9

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  • Constantinople // 16.05.2018 à 09h15

    Sacrée soupe historique. Le ressentiment de l’auteur transpire à chaque ligne de ce texte.
    Le raisonnement qui consiste à dire que les Doriot et Déat venus de la gauches pour fonder des partis explicitement fascistes ne sont pas l’âme du mouvement mais seulement des instruments, dans le seul but de disculper la gauche du fascisme et de confondre fallacieusement fascisme et extrême-droite est vraiment tiré par les cheveux. Pour rappel, Bertand de Jouvenel vient du parti radical (comme Alain, grand pacifiste et antifascisme qui s’est découverts des penchants collabo). Pour rappel également, Mussolini vient du socialisme révolutionnaire. Ce sont sans doute des détails.

      +11

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    • Sandrine // 16.05.2018 à 10h42

      On ne fait pas assez souvent la différence entre fascisme et nazisme. Le fascisme musolinien n’etait pas raciste à son début (il ne l’est devenu qu’à la veille de la seconde guerre mondiale par opportunisme politique).
      Le racisme, qui est la transposition biologisante du préjugé aristocratique d’ancien régime est une inclination psychologique profondément de droite.
      Or le cœur du nazisme est le racisme. Le fascisme quant à lui est avant tout basé sur le nationalisme et la volonté d’étouffement de l’idee de lutte des classe; son côté nationaliste le rattache plutôt à la gauche – mais une gauche qui aurait oublié qu’on ne peut pas enfermer ensemble dans un poulailler renard et poules…

        +14

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    • degorde // 16.05.2018 à 15h53

      Le véritable distinguo n’est pas sémantique. La différence entre le régime de Mussolini et celui d’Hitler est que le second est un régime authentiquement totalitaire ce que n’était pas le régime italien pendant longtemps. Ainsi par exemple aussi tard qu’en 1938 on a pu lire dans la grande presse italienne une polémique entre le Pr G. Gentille, théoricien du fascisme italien, et d’autres universitaires. C’était impensable en Allemagne dès le printemps 1933.

        +3

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  • Ben // 16.05.2018 à 10h05

    Cette série d’articles sur Maurras est très intéressante et parfaitement pertinente au vu de l’actualité politique et médiatique. Cependant je note la tonalité complaisante de pas mal de commentaires sur ce personnage, dont la responsabilité est assez souvent atténuée ou diluée. [Modéré). Cela n’enlève évidemment rien à la qualité du travail fait par O.Berruyer.

      +8

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    • R.C. // 16.05.2018 à 10h50

      A chaque fois c’est la même chose: lorsque les commentaires ne plaisent pas, c’est le lectorat du site qui est pointé du doigt.
      Sauf à vouloir un site politiquement correct (un de plus), il faut admettre que des sujets complexes appellent des analyses et des jugements complexes dont certains peuvent étonner ou détonner. Ce n’est pas pour autant que ces derniers seraient faux.
      Pour une vision péremptoire et lourdement manichéenne de la société française, on peut toujours se référer à BHL, c’est une ressource inépuisable… (son auto-agrément l’autorise en outre à déterminer qui est facho et qui ne l’est pas !)

        +28

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      • Ben // 16.05.2018 à 14h15

        L’antisémitisme est certes un sujet complexe. En revanche, le recul historique qu’on peut se permettre d’avoir sur la période dont Maurras fut une figure éminente me paraît très facile à établir. Les sources sont nombreuses et les archives accessibles. Ce qui est intéressant dans votre commentaire multi recommandé par un certain lectorat (et non pas LE lectorat), c’est de constater à quel point la complaisance envers des individus comme Maurras facilite le travail de gens comme Dard. C’est ainsi que le révisionnisme peut tranquillement se faire sa place dans l’espace public.

          +4

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        • Fritz // 16.05.2018 à 18h38

          Où voyez-vous de la complaisance dans le commentaire de R.C. ? Il ne se prononce pas sur le personnage de Maurras, lequel a été condamné par la Justice française à une peine de prison EFFECTIVE (c’est incroyable qu’il faille ajouter ce genre d’adjectifs aujourd’hui, après la prison « ferme », la prison « souple », la prison « molle » …) : réclusion criminelle à perpétuité et dégradation nationale.

          Mais bon, vous direz peut-être que je fais partie d’un « certain lectorat » complaisant, révisionniste, nauséabond, etc.

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          • Ben // 16.05.2018 à 20h24

            Le sujet est Maurras. Pas autre chose. Si vous voulez jouer au casuiste, libre à vous. À chacun sa morale. Ce blog est aussi le rendez-vous des petits fachos, qui ont bien le droit de s’exprimer du moment qu’ils respectent la loi et la charte du blog.

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            • Alfred // 16.05.2018 à 21h29

              Vous semblez regretter la fréquentation bigarrée des crises alors que c’est probablement un de ses points forts. C’est l’unique point de rencontre d’opinions très diversifiées qu’il reste à ma connaissance sur le net francophone (grâce la modération en particulier). Tous les autres « endroits » que j’ai pu fréquenter ont sombré dans un ennui monochrome (différent d’un site à l’autre) où l’on ne sait que penser la même bouillabaisse ou s’insulter. J’apprécie ici par exemple de sauter au plafond récemment sur 1/3 des commentaires d’un Christian Gédéon (désolé ?) de m’ agacer sur un autre tiers et d’être d’accord sur un derniers tiers. Pareil dans le domaine économique.
              Il est très domageable pour notre démocratie que ce genre d’endroits disparaisse et notre pays se fracture en blocs qui s’ignorent, s’enferment dans la pensée automatique et se montent le bourichon chacun dans leurs coins. C’est pourtant ce qui se passe partout.

                +13

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            • Ben // 16.05.2018 à 22h21

              Cher Alfred
              J’apprécie aussi l’aspect « bigarré » de ce blog. Mais il est question ici d’un sujet d’actualité que je trouve préoccupant. Je vous conseille l’entretien d’Annie Lacroix-Riz avec Aude Lancelin sur Le Media )ou Youtube) et sa conclusion sur l’actualité de l’antisémitisme, dont on ne peut pas dire qu’elle trouve son inspiration chez BHL. Ça me rappelle aussi une réflexion d’Emmanuel Todd lors de l’affaire Charlie, qui disait craindre qu’au bout de ce délire médiatique sur l’islam, ce soit finalement l’antisémitisme qu’on verrait resurgir comme un diable de sa boîte.

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              Alerter
            • Alfred // 17.05.2018 à 09h03

              @ ben. Merci pour votre réponse. Je comprends mieux vos réactions. Je vous avoue que je ne partage pas du tout votre inquiétude. Ou plutôt que devant les multiples catastrophes qui se dessinent j’en trouve de plus probables et plus vastes.
              Cependant nos préoccupations peuvent se rejoindre car si notre pays se dirige comme je le crains vers une balkanisation (dans le cadre d’un effondrement économique notamment), une montee de l’antisémitisme n’en serait que plus à craindre.

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            • Ben // 17.05.2018 à 10h50

              L’antisémitisme à ceci de particulier qu’il s’agit d’un marqueur fort de la barbarie de notre temps. Si notre système s’effondre (et c’est loin d’être improbable), soyez sûr que les fachos seront de la partie pour la course de vitesse qui s’ensuivra. Ces barbares pourront féliciter ceux qui auront fait sauter les digues. Le problème de l’antisémitisme n’est pas un problème communautaire. J’estime que cela questionne avant tout sur les bourreaux avant de questionner sur les victimes.

                +1

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  • Sandrine // 16.05.2018 à 11h28

    Il me semble que J.N. Jeanneney fait partie de la liste des American Young leader.

      +3

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  • Mr K. // 16.05.2018 à 12h34

    Des mots manquants dans le texte.

    Quatrième paragraphe en partant de la fin du texte, extrait : « Comment être choqué, sur pareil terreau, par l’affirmation qu’« pétainiste convaincu [est] demeuré »… »
    Il manque visiblement le nom propre après  » qu’ « .

    Paragraphe suivant, 5ème ligne : « …originales, et. « , le « et  » suivi du numéro de note de bas de page 39.
    Il manque une partie du texte après le  » et « .

      +1

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  • Mr K. // 16.05.2018 à 13h01

    Comme toujours les travaux d’Annie Lacroix-Riz s’appuient sans aucun doute sur des références solides.

    Que ceux qui contestent les conclusions de ses travaux ne s’attaquent aucunement à ces références de manière construite est sans aucun doute brevet de qualité.

    Ce qui me frappe le plus dans ce qu’elle décrit, par exemple au fil de cet article, c’est que tout cela suinte « la vraie vie ».

    Qui peut croire un seul instant, dans la vraie vie, à une « autonomie du politique » et à des « forces économiques » hors sol, en apesanteur?

    Tous les jours notre période contemporaine nous hurle le contraire.
    Qui possède et contrôle les grands médias? Quelles forces économiques ont fait Macron roi? …

      +19

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    • Le Minotaure // 16.05.2018 à 19h32

      J’ai tendance à être d’accord avec Annie Lacroix-Riz sur Maurras (et plus généralement sur la défaite de 1940 et l’occupation). Pour autant, quand j’ai lu cette historienne sur un sujet que je connais très bien (les famines soviétiques de 1932-1933), je me suis vite rendu compte que l’empilement de notes de bas de page ne faisait pas tout. Sur ce sujet elle disait littéralement n’importe quoi, quoique avec beaucoup d’aplomb. Bref j’ai dévoré ses premiers ouvrages à une époque, et j’ai maintenant beaucoup plus de distance vis-à-vis de ses travaux.

        +8

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      • Fritz // 16.05.2018 à 19h57

        C’est l’ennui avec les historiens à thèse. Leur érudition, réelle et respectable, est au service de leur conviction, indiscutable.

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        • Fritz // 16.05.2018 à 23h14

          Je suis très partagé envers Mme Lacroix-Riz (que j’ai connue il y a plus de trente ans, à l’université du Mirail). D’un côté, une chercheuse acharnée, non conformiste et courageuse, qui va aux archives comme on va au charbon. De l’autre, une vision unilatérale et parfois paranoïaque. Je me demande ce qu’elle peut nous dire sur les massacres de Katyn et d’ailleurs, ou sur le transfert de Lénine autorisé par les élites militaristes du IIe Reich (le fameux « wagon plombé » de 1917).

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          • Mr K. // 17.05.2018 à 09h29

            @ Fritz

            A part des affirmations gratuites vous avez quoi en magasin?

            « Vision unilatérale et parfois paranoïaque » dites-vous, vous êtes sérieux là?

            Ces jugements gratuits à l’emporte pièce en disent beaucoup sur vous et quasiment rien sur Mme Lacroix-Riz.

            Au fait, tous les chercheurs titulaires de l’université sont « à thèse ».

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      • Mr K. // 16.05.2018 à 23h29

        @ Le Minotaure

        C’est curieux, je vous voyais sans sabots, mais après ce commentaire façon « j’embrasse pour mieux étouffer », j’avoue mes doutes.

        Qu’avez vous lu en particulier d’Annie Lacroix-Riz sur les famines soviétiques de 1932-1933?

        Je crois me souvenir qu’elle ne les nie pas.

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        • Le Minotaure // 17.05.2018 à 00h07

          Elle dit que c’est une « disette » et non une famine, et dit qu’elle n’a pas fait plusieurs millions de morts . Elle appuie ses affirmations sur une critique d’un texte du démographe Alain Blum (« Naître, vivre et mourir en URSS ») en travestissant les propos de ce dernier.

          En résumé celui-ci, reprenant les chiffres de chercheurs russes sur la démographie soviétique, signale comme seule limite que ceux-ci concentrent l’essentiel du déficit démographique relevé sur la décennie 1930 à la seule année 1933, tout en acceptant leurs conclusions. ALR s’écrie qu’il est absurde de concentrer tous les « décès » d’une décennie sur une seule année. Or le « déficit démographique » n’est absolument pas la même chose que le « total des décès ». J’ai du mal à savoir si ALR fait cette confusion (grossière et répétée dans plusieurs articles) sciemment ou de bonne foi, mais ça fait vraiment ridicule pour quelqu’un qui a quelques notions de démographie. De plus il y a énormément de travaux démographiques sur cette famine (tant en Ukraine que dans le reste de l’URSS), basés sur les recensement soviétiques aussi bien que sur les registres de mortalité de l’époque. On sait que 5 à 6 millions de personnes sont mortes en URSS pendant la famine de 1932-1933, dont 2,6 à 3,5 millions dans la seule RSS d’Ukraine.

          Sur Katyn il faut lire ce qu’elle dit dans sa préface au livre de G. Roberts « Les guerres de Staline », livre qu’elle a eu le mérite de faire publier en français par Delga, car c’est un ouvrage important et bien plus nuancé que la présentation qu’en fait Annie Lacroix-Riz.

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          • Mr K. // 17.05.2018 à 08h09

            @ Le Minotaure

            Désolé de vous répondre de la sorte, mais j’aimerais pouvoir me faire mon propre avis, directement.

            Donnez moi les références du ou des textes sur lesquels vous vous appuyez pour écrire votre critique d’Annie Lacroix-Riz concernant les « famines soviétiques de 1932-1933 ».

            Ce sujet m’intéresse parce qu’il est raisonnable, et même sain et normal, de poser la question de l’influence éventuelle que peut avoir un engagement politique public (militante communiste) dans des écrits académiques.

            Je remarque quand même qu’Annie Lacroix-Riz est spécialiste de l’entre-deux-guerres en France. Ses ouvrages sur cette période sont bétonnés de citations référencées, et absolument pas contestés de ce point de vue.

            Le sujet dont nous parlons, les famines soviétiques (plus Katyn, si vous voulez), ne relève pas à proprement parler de son domaine de compétence habituel, ce qui aurait peut-être pu induire du subjectif. En tout cas je me pose aussi la question.

            Je vous trouve rapide, voire déloyal, quand à partir de questions qui se posent tout à fait à la marge de son travail, vous en profitez pour induire un doute général.

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  • Nanker // 16.05.2018 à 22h37

    « Sacrée soupe historique »
    Non un texte dense, dur à lire, et passionnant comme tout ce qu’écrit ALR.

    « Le ressentiment de l’auteur transpire à chaque ligne de ce texte »
    Non elle rappelle seulement quelques vérités, ignorées du plus grand nombre qui croit que l’Histoire est une discipline neutre, transparente, alors que c’est un champ de bataille (feutré) où les fictions commodes sont souvent préférées aux laides vérités que l’on sort (trop peu souvent) du placard.

    Rappelons que sans ALR l’image que Louis Renault aurait laissé à la postérité serait celle d’un gentil industriel français, un patron social et non-politisé, injustement mis en prison à la Libération et mort trop jeune victime de la haine des méchants communistes.

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  • ALM // 17.05.2018 à 09h24

    C’est passionnant!
    Quel dommage que je ne sois pas historien de cette période: ALR cite les archives, il faudrait un autre historien, de l’autre bord politique, qui réponde et analyse l’utilisation de ses archives.
    Un remake de la confrontation Cochin/Aulard du début du XXième siècle, en somme.
    Ce duel n’avait pas tourné à l’avantage de l’historien de gauche, je me demande ce qu’il en serait cette fois-ci!

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