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10.janvier.202310.1.2023 // Les Crises

Daniel Ellsberg : « Inculpez-moi aussi comme Julian Assange »

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Daniel Ellsberg demande aux États-Unis de l’inculper dans la mesure où tout comme Julian Assange il est, de façon non autorisée, en possession de matériel classifié. Ellsberg emboîte ainsi le pas au fondateur de Cryptome.org qui a lui aussi demandé à être poursuivi, rapporte Joe Lauria.

Source : Consortium News, Joe Lauria
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Daniel Ellsberg et Julian Assange. (Real News Network/YouTube)

Le lanceur d’alerte des Pentagon Papers, Daniel Ellsberg, a indiqué au ministère de la Justice des États-Unis et au président Joe Biden qu’il était tout aussi passible d’inculpation que l’éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, pour avoir été sans autorisation en possession de documents classifiés avant qu’ils ne soient publiés par WikiLeaks et qu’il plaiderait « non coupable » parce que la Loi sur l’espionnage est inconstitutionnelle [Espionage Act : loi fédérale promulguée en 1917 Elle était destinée à empêcher tout ce qui aurait pu gêner les opérations militaires américaines comme le soutien d’ennemis du pays pendant la guerre, la promotion de l’insubordination dans l’armée américaine ou l’interférence avec le recrutement militaire, NdT].

Ellsberg a révélé cette semaine lors de l’émission d’entretiens Hard Talk de la BBC qu’Assange lui avait donné les fichiers divulgués par l’analyste du renseignement de l’armée américaine Chelsea Manning afin qu’il les sauvegarde avant leur publication par WikiLeaks en 2010.

Assange est accusé d’avoir violé la loi sur l’espionnage pour possession et diffusion d’informations classifiées et risque 175 ans de prison aux États-Unis s’il est extradé de la prison de Belmarsh, à Londres.

Ellsberg est la deuxième personnalité à se manifester ce mois-ci pour demander au gouvernement américain d’être inculpé sur les même bases qu’Assange.

« Cryptome a publié les câbles décryptés non expurgés du département d’État le 1er septembre 2011, avant la publication de ces derniers par WikiLeaks », écrit John Young dans un formulaire qu’il a soumis au ministère de la Justice et qu’il a publié sur Twitter la semaine dernière.

« Aucun responsable américain ne m’a contacté au sujet de la publication des câbles non expurgés depuis que cryptome les a publiés, a-t-il écrit. Je demande respectueusement au ministère de la Justice de m’ajouter comme coaccusé dans les poursuites engagées contre M. Assange en vertu de la loi sur l’espionnage. »

La loi sur l’espionnage de 1917 ne permet pas aux journalistes de recevoir et de publier des informations classifiées, ce qui, selon Ellsberg, constitue une violation manifeste du premier amendement et devrait être contesté devant la Cour suprême des États-Unis.

Toute personne ayant téléchargé un document classifié en provenance de WikiLeaks, Cryptome ou toute autre source, ou l’ayant mis en ligne, est susceptible d’être poursuivie en vertu de cette loi, ce qui inclut des millions de personnes dans le monde.

Recevoir et publier des informations classifiées est un travail de routine dans le cas de journalistes de grands journaux. Cinq journaux se sont associés à WikiLeaks pour publier les documents de Manning en 2010, mais seul Assange a été inculpé. La semaine dernière, ces cinq journaux ont demandé à l’administration Biden d’abandonner les poursuites contre Assange en raison de la menace que cela représente pour le premier amendement.

L’administration Obama a refusé d’inculper Assange en 2011 parce qu’elle avait compris qu’il lui faudrait alors également inculper les rédacteurs et les journalistes du New York Times pour avoir publié les mêmes documents qu’Assange. C’est le seul élément pour lequel Assange a été inculpé.

Il n’a pas été inculpé pour avoir publié des informations sur les activités de piratage de la Central Intelligence Agency en 2016, mais cela a tellement exaspéré le directeur de la CIA de l’époque, Mike Pompeo, que ce dernier a ensuite demandé que des plans soient élaborés pour kidnapper ou tuer Assange alors qu’il avait obtenu l’asile politique à l’ambassade de l’Équateur à Londres.

L’administration Trump a ensuite fait arrêter et inculper Assange en vertu de la loi sur l’espionnage en 2019. Bien que faisant partie de l’administration Obama, Biden a refusé d’abandonner l’affaire.

Lorsque ces plans ont été révélés pour la première fois lors de l’audience d’extradition d’Assange en 2020, Ellsberg a déclaré que le gouvernement traitait Assange encore plus mal que lui-même ne l’avait été et que le gouvernement aurait dû libérer Assange.

« Ce sont fondamentalement les mêmes données qui ont mis fin à mon affaire et qui ont conduit Nixon à faire l’objet d’une mesure d’empêchement [impeachment, NdT], ce qui a conduit à sa démission ! », a déclaré Ellsberg dans un courriel adressé à Consortium News à l’époque.

Les poursuites engagées contre Ellsberg pour avoir divulgué les « Pentagon Papers » se sont soldées par un vice de procédure après que les « plombiers » [affaire du Watergate, NdT] du président Richard Nixon se soient introduits dans le cabinet du psychiatre d’Ellsberg pour tenter de le salir en volant ses dossiers médicaux ; Nixon a fait mettre Ellsberg illégalement sur écoute ; le gouvernement a déclaré avoir perdu ces écoutes lorsqu’il lui a été demandé de les produire au procès ; et le gouvernement a alors tenté de corrompre le juge en charge de la procédure à l’encontre d’Ellsberg en lui offrant le poste de directeur du FBI.

Joe Lauria est rédacteur en chef de Consortium News. Il a été correspondant à l’ONU pour le Wall Street Journal, le Boston Globe et de nombreux autres journaux, dont The Montreal Gazette et The Star of Johannesburg. Il a été journaliste d’investigation pour le Sunday Times de Londres et journaliste financier pour Bloomsberg News. Il a commencé sa carrière professionnelle à 19 ans comme pigiste pour le New York Times. On peut le joindre à l’adresse joelauria@consortiumnews.com et le suivre sur Twitter @unjoe.

Source : Consortium News, Joe Lauria, 07-12-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Jean // 10.01.2023 à 08h45

@James Whitney,

Personnellement, si j’étais Julian Assange, je ne demanderai pas d’asile politique à la France car j’aurai toujours à craindre que ce pays me trahisse pour me livrer aux américains. Il est vain de s’illusionner, nous ne sommes plus un pays souverain et à ce titre nous ne serions pas en mesure d’assurer la protection d’un ennemi de l’Empire.

8 réactions et commentaires

  • James Whitney // 10.01.2023 à 07h17

    Bravo Daniel Ellsberg.

    Mais que fait Macron ?

    J’ai lu qu’un grand nombre de Français ont demandé au gouvernement de France d’offrir l’asile à Julien Assange. Je les rejoins.

    Je m’efforce de ne pas dire …

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    • Jean // 10.01.2023 à 08h45

      @James Whitney,

      Personnellement, si j’étais Julian Assange, je ne demanderai pas d’asile politique à la France car j’aurai toujours à craindre que ce pays me trahisse pour me livrer aux américains. Il est vain de s’illusionner, nous ne sommes plus un pays souverain et à ce titre nous ne serions pas en mesure d’assurer la protection d’un ennemi de l’Empire.

        +29

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      • znotbruz // 14.01.2023 à 06h39

        La France n’est pas à l’abri d’un Assange bis, ceci explique peut-être cela…de plus faut arrêter avec ce délire naïf d’intellos parigot patapouf et autre humanistes d’opérette qu’est l’idée d’un pays des droits de l’homme (n’oublions pas que Paris est un véritable nid d’espions et la France un pays qui baigne dans la corruption depuis des lustres) chez nous et ailleurs protéger les réfugiés politiques ça ça veut surtout dire garder un oeil sur ce qu’ils font, hors Assange ne fait plus rien, il est cuit… quand au prestige de la France j’ai bien peur que la vie d’un homme n’y puisse rien changer, c’est du vent, de la com, du pipo, des vieux cons qui se congratules

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        • znotbruz // 16.01.2023 à 19h06

          Assange a besoin d’exister plus, c’est un symbole de vérité mondialement connue, qui ne pèse plus que le poids de sa « notoriété »
          Du parfum bio « odeur d’Assange » à une campagne fun à destination des jeunes, de nos jours il y a mille façons d’exister plus

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          • znotbruz // 16.01.2023 à 19h31

            Les outils sont gratuits je ne vois pas pourquoi on se gène chez les Assandiens, un manque de creativité peut etre?

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  • Grd-mère Michelle // 10.01.2023 à 13h27

    Courageux et encourageant, cette démarche!
    Mais… Pourquoi avoir attendu plus de 10ans pour se manifester, alors que J.Assange s’étiolait déjà dans l’ambassade de l’Equateur, et surtout depuis bientôt 4ans que les maltraitances qu’il subit à la prison de Belmarsh sont connues…?

    Enfin, si cela conduit à mettre en cause(et peut-être à annuler?) « l’Espionnage Act », grâce au soutien de ses pairs/journalistes enfin « concernés », son martyr n’aura pas été vain.

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    • Castor // 18.01.2023 à 05h11

      Probablement en raison de l’initiative du directeur de Cryptome, John Young. Ce dernier n’étant pas aussi connu que Daniel Ellsberg, il a en outre pris un risque plus important.

      On ne peut qualifier de « courageux » des hommes qui prennent autant de temps à se décider. Ceci étant dit, c’est probablement une bonne chose qu’ils ont faite. Ils ont leur conscience pour eux.

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  • Castor // 18.01.2023 à 05h13

    A lire l’article le gentil Obama aurait abandonné l’idée de traduire J. Assange en justice. C’est en 2010, alors qu’Obama est au pouvoir, qu’Assange est poursuivi pour viol en Suède. Il apparaît immédiatement aux défenseurs de Julian Assange qu’il s’agit d’une manoeuvre pour justifier son extradition aux Etats-Unis. Sous les auspices de l’administration Obama.

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