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12.décembre.202212.12.2022 // Les Crises

Le Parti de la guerre est le véritable vainqueur des élections US de mi-mandat

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Les fabricants d’armes distribuent beaucoup d’argent pour s’assurer que, quel que soit le parti au pouvoir, ce sont bien les législateurs de ce parti là qui mènent la danse.

Source : Responsible Statecraft, Connor Echols
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le représentant Mike Rogers, R-Alabama (NASA/Bill Ingalls) ; (Digital Storm/Shutterstock) ; la députée américaine Kay Granger (Gage Skidmore/Creative Commons)

En dépit de résultats décevants lors des élections de mi-mandat, les Républicains semblent prêts à reprendre la Chambre pour la première fois depuis 2016. Cette bascule pourrait avoir un impact sur un large éventail de politiques et conduira sans aucun doute à une série d’auditions sur tout les sujets, depuis le retrait d’Afghanistan jusqu’aux relations d’affaires de Hunter Biden.

Mais quand on vient aux crédits de défense, rien ne permet de penser que les leaders du GOP [Great Old Party, Parti républicain, NdT] feront le grand écart.

Pour en comprendre les raisons, il suffit de se pencher rapidement sur deux des fonctions les plus influentes en matière de politique de défense à la Chambre : les chefs des commissions qui supervisent les dépenses et les forces armées. Les Républicains, qui devraient endosser ces rôles l’année prochaine, ont tout intérêt à ce que les dépenses du Pentagone restent élevées.

Prenons le représentant Mike Rogers (R-Alabama), qui succédera probablement au représentant Adam Smith (D-Washington) à la tête de la Commission des forces armées à la Chambre. Rogers a été l’un des principaux partisans d’une augmentation des dépenses de défense, soi-disant pour tenir compte des taux d’inflation historiquement élevés, et ce, en dépit de l’insistance du Pentagone qui affirmait que ses demandes budgétaires avaient déjà pris en compte le contexte économique.

Selon Open Secrets [Organisation publiant les sources de financement de la vie politique américaine, NdT], il aurait également reçu plus de 400 000 dollars de fabricants d’armes au cours de ce semestre, ce qui fait de lui le plus grand bénéficiaire de dons de campagne de l’industrie de la défense au cours du semestre 2022. Et la circonscription de Rogers englobe des territoires appartenant aux comtés de Calhoun et de Talladega, qui ont, l’année dernière, obtenu à eux deux plus de 200 millions de dollars de fonds pour la défense.

Certes, Rogers est à peine plus belliciste que son prédécesseur démocrate, qui a reçu plus de 300 000 dollars de la part des entreprises de défense cette année et qui se trouve être élu dans une circonscription qui a reçu 8,5 milliards de dollars au titre des dépenses pour la défense en 2021. Mais cette différence pourrait être un peu plus importante dans le cas de la Commission des crédits, qui est actuellement dirigée par la représentante Rosa DeLauro (D-Connecticut), qui se décrit comme progressiste.

Bien que sa circonscription reçoive relativement peu de fonds pour la défense, DeLauro est depuis longtemps une championne du maintien d’un financement militaire élevé. Comme l’indique clairement son site web, sa principale priorité en matière de politique étrangère est de garantir que les crédits de défense continuent d’affluer vers son État, même si cela signifie continuer de financer des programmes coûteux et controversés comme celui du F-35.

« Rosa a toujours soutenu les programmes de défense qui permettent de préserver des emplois dans le Connecticut, notamment les programmes d’hélicoptères de transport lourd Black Hawk, Marine One Presidential, Combat Rescue et CH-53K, mais aussi la fourniture de moteurs pour les avions C-17, F-22, F-35 Joint Strike Fighter et autres », explique son site. « Rosa a défendu la cause du réacteur de pointe principal de l’avion de combat Joint Strike Fighter, dont les essais et l’assemblage se déroulent à Middletown, et elle a joué un rôle de premier plan pour qu’il soit mis fin au programme de moteur de substitution.»

Son successeur le plus probable est le représentant Kay Granger (R-Texas). Granger est une fervente partisane du F-35 et du V-22 Osprey, tristement célèbre pour sa dangerosité, qui, selon elle, « font partie intégrante de notre sécurité nationale et jouent un rôle essentiel dans les stratégies offensives et défensives de notre armée ». Sa campagne a également reçu plus de 200 000 dollars de la part d’entreprises du secteur de la défense, et sa circonscription englobe certaines parties du comté de Tarrant, qui a reçu plus de 12 milliards de dollars de crédits militaires l’année dernière.

Au total, à la Chambre, 15 des 16 principaux bénéficiaires des fonds de campagne provenant de l’industrie de la défense sont membres de l’une ou des deux commissions. La seule exception à cette règle est le représentant Steve Scalise (R-Louisiane), grand favori pour prendre la tête de la majorité au nouveau Congrès.

Et ces investissements de campagne ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Selon Open Secrets, les sous-traitants dans le domaine de la défense ont déjà dépensé plus de 100 millions de dollars en actions de lobbying au cours des trois premiers trimestres de 2022, et ce chiffre ne fera qu’augmenter alors que les fabricants d’armes exercent leur ultime pression pour obtenir une augmentation du budget de la défense pour l’année prochaine.

Malheureusement pour les citoyens, ils risquent fort d’être tenus à l’écart des débats quant aux impacts de ces investissements. Comme l’a récemment rapporté Bloomberg, les commissions des forces armées tant de la Chambre que du Sénat [HASC, House and Senate Armed Services Committes, NdT] ont entrepris des négociations à huis clos concernant la Loi d’autorisation de la défense nationale [NDAA, National Defense Authorization Act, NdT] de l’année prochaine, qui « pourrait alors être adoptée par la Chambre et le Sénat sans être amendée. »

En d’autres termes, les législateurs sont prêts à abandonner le projet de Loi d’autorisation de la défense que les HASC (Commissions des forces armées de la Chambre et du Sénat) ont déjà débattu, amendé et réussi à faire passer à la Chambre en faveur d’un projet qui n’a jamais été soumis à l’examen des citoyens – il s’est passé exactement la même chose l’année dernière avec la NDAA (Loi d’autorisation de la défense nationale).

Étant donné le caractère très volumineux des projets de loi sur la politique de défense, les chiens de garde auront du mal à passer au crible le prochain projet de loi, afin d’en repérer les rubriques susceptibles d’entraîner des gaspillages, avant qu’il ne devienne loi. Mais c’est peut-être là le but.

Source : Responsible Statecraft, Connor Echols, 14-11-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Patrique // 12.12.2022 à 08h09

Dans cette république bananière à bipartisme unique, le vote a commencé il y a environ 2 mois et les résultats ne sont toujours pas connu. Peu importe les votes, le régime fera toujours la même politique. Ce n’est pas demain la veille que ce pays deviendra une démocratie.

8 réactions et commentaires

  • Patrique // 12.12.2022 à 08h09

    Dans cette république bananière à bipartisme unique, le vote a commencé il y a environ 2 mois et les résultats ne sont toujours pas connu. Peu importe les votes, le régime fera toujours la même politique. Ce n’est pas demain la veille que ce pays deviendra une démocratie.

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    • calal // 12.12.2022 à 09h34

      on peut etre un peu optimiste: une bataille culturelle a lieu aux usa comme partout en occident. Ce qui ne veut pas dire que cette bataille va etre gagne, ni meme que si elle est gagnee,cela va effectivement changer beaucoup la politique des usa. Mais on peut se rejouir qu’une partie du peuple se reveille,s’interroge sur ses chefs et sur la direction a prendre.Oui il faut faire des efforts pour etre heureux et prospere,cela ne tombe pas du ciel: comme le dit jordan peterson,le chaos(imprevisibilte) monte inexorablement.Il faut travailler pour assurer un ordre ( previsibilite)
      et reflechir pour que cet ordre soit « juste » et « bon »pour le plus grand nombre…

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      • petitjean // 13.12.2022 à 22h32

        « une partie du peuple se réveille »

        laquelle ?

        quel est le pourcentage de la population qui ne se déplace jamais pour voter ? Bref, taux d’abstention lors de cette dernière élection ?

        l’immense majorité du peuple américain ignore tout du monde qui l’entoure………………..

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  • popcorn // 12.12.2022 à 10h19

    Tout est intéressant, mais il y a tant à lire que je dois faire des choix.
    Ainsi je trouve que vous consacrez trop d’articles aux USA.
    Certes, leurs multiples et constantes interventions militaires de par le monde, conditionnent notre avenir,
    mais ne leur donnons pas plus d’importance qu’ils n’en méritent !

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    • JLM18 // 12.12.2022 à 13h56

      Malheureusement, ce pays malgré sa chute fait la pluie et le beau temps. Connaitre son évolution et grande tendance est fondamental pour imaginer l’avenir. Depuis la guerre en Ukraine, les USA se comportent comme une nation colonisatrice et terrorise l’Europe au point de détruire l’industrie Allemande suite au sabotage de NOR Stream 2 et aux sanctions….Ainsi, le positionnement des élites américaines en faveur de la guerre à outrance est donc une arme politique et économique de destruction de notre continent

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    • Castor // 12.12.2022 à 19h23

      Pour ce qui est des sites d’informations français, il y en a comme ThinkerView, Blast, Le Media et bien d’autres qui fournissent des analyses approfondies. Beaucoup de ces sites sont en accès libre, la souscription étant volontaire. Une sélection en est d’ailleurs faite dans les « Revues de Presse ».

      L’originalité de ce site est de fournir des traductions d’articles rédigés par des Américains (le plus souvent) : il n’est pas donné à tout le monde de maîtriser l’anglais. Cela permet de connaître l’actualité autrement qu’à travers les media mainstream : de la propagande à jet continu.

      En outre la presse écrite française est très pauvre. Et là nous sommes embarrassés, mais pas par le choix 🙁

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    • Koui // 12.12.2022 à 22h13

      Les USA méritent qu’on leur accorde beaucoup d’importance car ce sont nos maîtres.et.nos modeles. Leur chute est lente mais s’accélère. Quand ils vont tomber, ça faire du bruit. Tellement, qu’il n’y aura peut-être pas d’après. C’est quand même intéressant de comprendre ce qui va nous engloutir. Sinon, on peut aussi boire, rire et chanter puisqu’on ne peut rien y changer.

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      • Grd-mère Michelle // 20.12.2022 à 13h48

        La question du « modèle » est ici essentielle…
        Comment se sortir des modes, des normes plus ou moins subtilement imposées, des automatismes (langagiers, entre autres), qui nous déshumanisent, nous « programment »?

        « …on ne peut rien y changer. » Remarquez que tout change continuellement, imperceptiblement, et que chacun-e de nous est une part de ce tout.
        Donc, continuons à rire et chanter(meilleur moyen de rester humain!), tout en aiguisant nos capacités d’observation, de réflexion, de compréhension, qui nous permettront de trouver les moyens d’actions de résistance.
        Et, pour ce qui est de boire, rappelons-nous que la sur-consommation d’alcool est un des principaux assommoirs de notre nécessaire perspicacité.

          +0

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