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Dans la peau de Julian Assange

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Comme vous le constatez, nous sortons une sélection des billets les plus importants que nous avons consacrés à Julian Assange depuis l’année dernière.

Comment ne pas être indigné face au traitement inhumain d’Assange – dénoncé même par l’ONU – et par le silence complice des médias, qui étaient bien contents en 2011 de vendre du papier grâce au travail de Wikileaks. Défendre avec acharnement ses sources ? So XXe siècle..

Mais le pire est quand même cette incroyable extraterritorialité du Droit américain, car Assange est Australien et n’a commis aucun crime sur le sol Américain, quoiqu’essaie d’en dire l’administration Trump… Il ne manque plus que la Russie passe une loi condamnant toute personne ne publiant pas des informations sensibles nécessaires à la sécurité de la Russie pour que, si vous avez les informations Wikileaks : si vous les publiez, extradition direction Washington et si vous ne les publiez pas, direction Moscou ? Avant que nous soyons tous extradés à Rihad pour tâter du fouet, car nous respectons peu les lois de ce charmant pays… ?

Bref ce qui arrive à Assange est très inquiétant pour la liberté de la presse, la protection des lanceurs d’alerte et du droit d’asile. Espérons que la justice européenne sera à la hauteur de ce défi.

Olivier Berruyer, 12 avril 2019

(Article suivant initialement publié le 30 octobre 2018)

Source : ContraSpin, Suzie Dawson,

Certains journalistes auraient consulté un almanach pour Washington DC la nuit des élections de 2016, et auraient commencé cet article par quelques mots pittoresques et imagés sur les vents glaciaux qui soufflaient sur la capitale en attendant les résultats avec impatience.

Mais j’ai plus de respect que ça pour mes lecteurs.

J’irai donc droit au but.

Cette élection

En 2016, un candidat accusé de prédation sexuelle en série s’est présenté à la présidence des États-Unis contre l’épouse notoirement corrompue d’un Président précédemment poursuivi en procédure d’impeachment – également accusé de prédation sexuelle à répétition.

Que ces faits à eux seuls n’aient pas suffi à invalider la totalité de la campagne témoigne de l’audace avec laquelle le pouvoir corrompu opère en Occident et de la façon dont le public est conditionné à consommer les produits pervers issus de ses machinations sans scrupule.

Possiblement les élections les plus controversées dans l’histoire récente, le prédateur en série inculpé à gagné.

Durant la campagne, le rédacteur en chef de Wikileaks Julian Assange a décrit les deux candidats de manière appropriée comme « le choléra contre la blennorragie ». Edward Snowden a lancé un sondage sur Twitter demandant à ses abonnés s’ils voteraient plutôt pour « un méchant calculateur », « un monstre irréfléchi » ou « littéralement n’importe qui d’autre ». 67% ont choisi le dernier. Or, ceux qui ne voulaient pas être forcés de faire un choix biaisé entre Clinton et Trump, sont devenus les voix oubliées, la majorité silencieuse ; largement exclus des débats sans fins, insipides, des médias mainstream sur le résultat.

Les descriptions de Julian et Edward étaient de parfaites métaphores des candidats à la présidence ; des personnages de dessins animés qui, mis ensemble et présentés comme un choix démocratique légitime, tournent en dérision le concept entier de représentation politique.

Malheureusement, cette imposture n’était pas aussi irrégulière qu’elle pouvait sembler lorsqu’on la considérait sous cet angle simpliste. Les fautes morales étaient affaires courantes dans une « démocratie » moderne. Peu importe qui gagne, le public mondial allait être soumis à la continuité des mensonges flagrants d’Obama et des trahisons populistes de sa plate-forme pour « l’espoir et le changement ».

Les concurrents pour le leadership sont les vrais stars de la TV, (maintenant, tout-à-fait littéralement) d’un théâtre intergénérationnel renouvelable : Un exercice de quatre ans dans le rétablissement massif des droits du public, où deux aspirants figures de proue bidimensionnelles promettent de réaliser les rêves de leur population. On vous dit ça quand vous votez, que le candidat de votre choix commencera par mettre fin aux guerres et ramener la transparence dans le gouvernement, investir dans les infrastructures ou assurer les droits humains et l’égalité pout tous- et pourtant une fois élu, le vainqueur se tourne vers la caméra en douce, comme Kevin Spacey dans House of Cards et dit : « Vous ne pensiez pas vraiment que je ferai ça n’est-ce pas ? »

Pendant ce temps, les médias et le pouvoir de l’argent qui tirent leurs ficelles ignorent l’évidence flagrante et travaillent fébrilement à donner une apparence de crédibilité à la procédure. En tandem, les grandes sociétés de données et de médias sociaux en ligne avec le gouvernement utilisent de plus en plus de technologies détestables pour remodeler l’histoire humaine en temps réel.

Ce révisionnisme historique industrialisé exige l’excoriation de la réputation publique des vertueux, l’aseptisation des compromis et la manipulation constante de la mémoire vivante des deux.

Ce sont les principes fondamentaux de la fabrication du consentement. Ils ne font pas que nous mentir ; ils préparent déjà les mensonges qu’ils diront à nos arrière-petits-enfants à naître.

Ce sont certaines de ces couches de conneries inventées et courantes que cet article a l’intention d’éplucher.

Au cœur du problème, il y a une bataille entre authenticité et mensonge sur une large échelle. Avec la plupart d’entre nous pris en sandwich quelque part entre les deux avec, en tête et au centre, WikiLeaks. Parce que WikiLeaks est le dernier vestige disponible d’une vérité publique vérifiable et non falsifiée.

C’est pourquoi ils sont haïs par ceux qui craignent les révélations que WikiLeaks facilite et pourquoi la réputation publique de WikiLeaks est dénigrée chaque jour. C’est pourquoi toutes leurs colonnes de soutien sont systématiquement sapées et pourquoi Julian Assange est assassiné si lentement sous nos yeux.

Nous, les citoyens, sommes leur dernière ligne de défense. Une partie de la protection de WikiLeaks – et en fin de compte de nous-mêmes – consiste à comprendre la nature implacable des opérations psychologiques employées contre eux ; que les épreuves infligées par les ennemis du progrès humain ne sont pas seulement des atteintes à la réputation ou financières mais aussi physiques, que pour ceux qui mènent cette guerre sans merci pour la vérité en notre nom, c’est une question de vie ou de mort.

Et c’est pourquoi nous devons combattre.

C’est pourquoi nous devons dire la vérité à leur sujet.

Abrutir de paroles

Il y a quelque chose d’un voyeurisme morbide sur la majeure partie des conversations à propos de Julian Assange, qui se passent dans le monde de l’activisme et du journalisme ces derniers temps.

Alors que beaucoup de leurs critiques les plus sévères professent hypocritement leur soutien idéologique au plus célèbre rédacteur du monde, trop peu d’entre nous agissent de manière conséquente pour le libérer. Beaucoup d’autres sont piégés, provoqués ou incités à débattre sans fin dans nos cercles sociaux ce que je ne peux décrire que comme des choses plutôt frivoles – ce qu’a dit Assange sur tel ou tel ou à qui, ce que pense Assange de ceci ou de cela, ce qu’a fait ou n’a pas fait Assange – pendant que son corps décline lentement face au reste du monde.

Intentionnellement, ces débats créent des fissures sociales et des points de rupture. Elles constituent à la fois une distraction par rapport à l’urgence évidente de s’attaquer aux circonstances plus vastes de sa dégradation apparemment inévitable et une tactique dilatoire, créant un prétexte qui nous empêche d’agir et qui sert à justifier notre inaction.

Parce que ne rien faire est une option facile et tentante. Agir demande du courage. Du sang, de la sueur, des larmes.

Le manque d’effort cohérent pour faire pression sur les forces puissantes qui persécutent Julian, se combine à l’absence de création d’un mouvement significatif pour y parvenir. L’absence d’unité de vision pour sauver la vie de quelqu’un qui a lui-même sauvé la vie de beaucoup d’autres, y compris quelques uns qui nous tiennent le plus à cœur, nous laisse à la contemplation des abysses de l’échec moral le plus grand de cette génération.

Ce que nous faisons collectivement, c’est l’incarnation de la phrase de Bob Marley : « Combien de temps vont-ils tuer nos prophètes pendant que nous restons à côté à regarder ? » Sauf que, de façon encore plus perverse, nous ne faisons pas que regarder. En tant que communauté et société, nous disséquons déjà Assange comme un cadavre. Nous nous partageons ses os comme des vautours, alors qu’il s’accroche encore à la vie.

C’est odieux et ignoble à regarder.

Dépouiller la cible

L’histoire d’Assange est allée bien au-delà de ce qu’il y a dans les livres, films ou légendes : un homme qui change le cours des médias, de la politique, de la technologie, de la société, pour toujours.

Comme si être la cible d’une chasse à l’homme du Pentagone en 2010, n’avait pas envoyé Assange assez loin dans la liste noire du Deepstate, en 2017, Wikileaks a été déclaré cible prioritaire par la CIA.

Oui, cette agence tristement connue pour avoir détruit les vies de millions de gens en se livrant à toutes les sortes de comportements malfaisants répertoriés dans l’histoire de l’humanité, y compris un nombre incalculable d’assassinats et la déstabilisation active de douzaines de pays, utilise maintenant ses conférences de presse pour annoncer que la cible qu’elle vise, n’est pas un despote, ni un marchand d’armes, ni un criminel de guerre ou un trafiquant de drogue – mais un directeur de publication.

Un journaliste

Si le caractère sacré de l’ambassade dans laquelle Julian réside demeure intact, c’est uniquement dû à la mince persistance du peu de lois internationales encore respectées qui en garantissent l’existence. Dans un climat géopolitique où presque tous les pactes internationaux ont été violés, même ce sanctuaire offert par la Convention de Vienne sur les relations consulaires et le peuple équatorien ne peut être tenu pour acquis.

Incapables à court terme de s’emparer directement de son corps physique, les pouvoirs qui, pendant des années, ont ouvertement menacé la vie d’Assange se sont plutôt consacrés à saper d’autres aspects de son existence : ses relations, ses finances, les organisations auxquelles il est associé, ses réalisations, sa réputation, sa capacité à communiquer et même les affaires intérieures du pays qui lui a donné refuge.

Une partie de la technique du diviser pour régner consiste à diviser les alliés naturels. Nous le voyons dans la détermination à rompre les relations entre nos plus importants informateurs afin qu’ils ne puissent jamais devenir une force unie.

Manning, encouragée à prendre ses distances avec Snowden parce que Snowden n’est pas resté pour faire face à des accusations et/ou à la torture et/ou la mort. Brown, poussé à détester Assange. Et ainsi de suite.

Effacer les archives

Une partie de la sape d’Assange et de Wikileaks (et bien sûr pour toute autre cible), est de leur dénier toute réalisation. Des récits sont élaborés et circulent pour les dépouiller rétrospectivement de leurs réalisations, pour en réduire leur signification.

On peut observer cela dans les tentatives constantes de minimiser les efforts de Wikileaks pour défendre et organiser le soutien à Chelsea Manning et autres lanceurs d’alertes.

Mais il y a des exceptions intelligentes qui n’hésitent pas à apporter des soutiens là où ils s’imposent.

Le prétendu « hacker » anglais Lauri Love, qui a fait échoué par une victoire historique, une tentative d’extradition vers les États-unis, a été prompt pour créditer Julian Assange et la Fondation Courage.

L’hommage de Lauri à ceux qui ont consacré des années de leur vie à le soutenir est louable et les efforts déployés pour affranchir ce dernier de la menace d’extradition ont créé un précédent juridique important.

En revanche, une grande partie de l’histoire numérique détaillant la genèse de la campagne pour libérer Chelsea Manning a disparu. Bon nombre des principales contributions de ses supporters initiaux ont été effacés des archives.

Les comptes Twitter @freebradley & @savebradley ont été suspendus

Les sites Web originaux de la campagne de soutien, standwithbrad.org et bradleymanning.org sont tous deux en panne. Freebradley.org ressemble à ceci :

Privatemanning.org ressemble à ça :

Le site Web actuel du réseau de soutien officiel de Chelsea Manning possède des archives de nouvelles qui ne remontent qu’à 2016. Toutes les mises à jour précédentes ont disparu ou n’ont en fait jamais été copiées sur ce nouveau site. Une perte de six années d’activités de sympathisants, de publications, d’actions et de mises à jour.

Et ce n’est pas tout ce qui a disparu. De courts liens vers des informations d’une importance capitale, comme celles qui suivent, ont également été supprimés. (Certains sont disponibles par l’intermédiaire des services d’archives ; beaucoup ne le sont pas)

L’histoire vraie est sur le timeline Twitter de WikiLeaks. Depuis le jour même où Manning, après avoir été trahie sans pitié par Adrian Lamo, un agent du FBI, a été arrêtée :

Sunshine Press est la maison d’édition de WikiLeaks. Preuve que dès le moment où Manning a été arrêté, WikiLeaks se mobilisait déjà en sa faveur.

Le réseau de soutien Bradley Manning fut bientôt établi :

Quelques jours après son arrestation, WikiLeaks avait lancé la première campagne de lettres en faveur de Manning – alors qu’elle était encore dans une cage au Koweït :

Moins d’une semaine après son arrestation, WikiLeaks était déjà en train de démystifier les calomnies des médias dominants sur Manning :

WikiLeaks a dépassé ce que l’on pouvait attendre de n’importe quel site d’informations, dans son soutien à sa prétendue source harcelée :

Quelque chose que je n’ai encore jamais vu quelqu’un d’autre arriver à faire : même la fameuse semaine de fin août 2010 où Julian Assange était en train de subir ses propres attaques contre la loi et la diffamation publique, WikiLeaks était toujours en train de tweeter sans relâche des annonces de soutien à Manning :

La censure du réseau de soutien par les entreprises a débuté tôt avec WikiLeaks, qui a annoncé en septembre 2010 que le groupe Facebook de 10 300 membres de Manning avait été bloqué par l’entreprise de médias sociaux.

Malgré cela, trois mois à peine après la création du réseau de soutien par WikiLeaks, 20 villes manifestaient en solidarité avec la lanceuse d’alerte :

L’équipe juridique exemplaire de WikiLeaks a pris publiquement la défense de Manning :

Si vous pensiez que Paypal et/ou Pierre Omidyar ont mal fait en coupant le financement de WikiLeaks, vous serez probablement encore plus furieux de découvrir qu’ils ont aussi par la suite coupé le financement du Réseau de soutien à Manning :

…trois semaines après que WikiLeaks eut coordonné les appels à la Maison Blanche pour la libération de Manning :

L’avocat de Manning s’est plaint qu’elle n’était pas traitée comme les autres prisonniers.

Le « traitement spécial » de Manning par les autorités préfigure sinistrement le cas de Julian Assange. Des années plus tard, les courriels des procureurs britanniques obtenus à la demande de la journaliste italienne Stefania Maurizi en vertu du FOIA [Freedom of Information Act , NdT] révéleraient qu’ils avaient dit à leurs homologues suédois : « Ne pensez pas que l’affaire est traitée comme toute autre demande d’extradition ».

Pendant ce temps, le Guardian était occupé à incriminer Manning, bien avant le procès. Leur justification pour ce faire était la trahison antérieure de la confiance de Manning par l’informateur du FBI Adrian Lamo.

Une fois que WikiLeaks a commencé à diffuser le hashtag #freebrad, il s’est rapidement transformé en d’innombrables milliers de tweets. Il m’a fallu plusieurs heures pour lire l’histoire du hashtag de 2011-2013. Le simple volume de contenu est impressionnant.

Peu de temps après, Manning a été nominé pour le prix Nobel de la paix. WikiLeaks l’a maintenue ingénieusement dans la conscience publique en comptabilisant chaque jour qu’elle passait en détention provisoire.

WikiLeaks ne manque jamais une occasion de remporter une victoire ironique : fin 2012, ils encourageaient les gens à voter pour Manning afin de devenir la personne de l’année du Guardian. Bien sûr, ils ont réussi à obtenir suffisamment de soutien pour elle, et elle a gagné :

À la mi-2012, le réseau de soutien adressait directement une pétition à Obama :

Beaucoup de citoyens courageux, de journalistes et d’ONG qui ont apporté un soutien décisif à Manning dans ces premiers temps ont été oubliés, comme par hasard. Mais en particulier, l’histoire de Twitter montre que la rédactrice en chef de FireDogLake, Jane Hamsher, le journaliste Kevin Gozstola, et une foule de bénévoles et de partisans satellites de WikiLeaks se sont surpassés année après année au profit de Manning.

En outre, il convient de noter un flux continu d’infographies talentueuses et de mèmes de SomersetBean, concepteur pro-WikiLeaks, jusqu’à ce jour.

En janvier 2013, les choses prenaient un tournant sinistre. Alors que le Réseau de soutien s’investissait collectivement dans cette noble cause, le FBI, comme on pouvait s’y attendre, les sapait à chaque occasion :

Cependant, en février, les vociférations croissantes en faveur de Manning, directement attribuables aux efforts du réseau coordonné à l’origine par WikiLeaks, étaient devenues trop fortes pour être ignorées :

En avril de la même année, Manning était de nouveau en lice pour le prix Nobel de la paix, cette fois nominée par 36 000 partisans :

Quoi qu’il en soit, le 30 juillet 2013, Manning a été désastreusement condamnée pour 20 chefs d’accusation.

Au total, le compte Twitter principal de WikiLeaks a envoyé plus de 800 tweets en faveur de Chelsea Manning entre la date de son arrestation en 2010 et la date de sa condamnation en 2013. Le décompte ne comprend que les tweets contenant le terme de recherche du nom sous lequel elle était connue à l’époque, et seulement jusqu’à la fin de son procès. Les références à elle en tant que Pfc [private first class, grade dans l’armée américaine, NdT], ou similaire, n’ont pas été incluses dans la recherche, et donc dans le calcul du total. Il y a eu d’innombrables centaines d’autres tweets de soutien par WikiLeaks depuis.

De quelle publication grand public peut-on s’attendre à un tel niveau de soutien dédié et cohérent pour ses sources ? Les efforts de WikiLeaks pour libérer Manning – une source qu’il n’avait pas balancée – sont sans précédent dans l’histoire des médias modernes, mais cela est rarement, voire jamais, reconnu.

Dans la quasi conclusion de son récent article à succès sur WikiLeaks, Micah Lee de The Intercept (anciennement de Electronic Frontier Foundation, actuellement de la Freedom of the Press Foundation) s’est efforcé d’éloigner davantage Manning de WikiLeaks en martelant la phrase souvent répétée selon laquelle Manning avait préféré divulguer ses informations au New York Times ou au Washington Post, plutôt que sur WikiLeaks. Aucun des deux médias grand public n’avait répondu à ses tentatives d’entrer en contact avec eux.

Cependant, il est très douteux que l’une ou l’autre de ces entreprises, même si elle avait répondu, aurait atteint le niveau de portée et d’impact global des fuites de Manning que WikiLeaks a atteint. Il est tout aussi douteux qu’ils se soient lancés dans une telle aventure pour tenter de limiter les dégâts causés à Manning par le traître Lamo. Il est peu probable non plus que les médias grand public se seraient engagés, avec leurs ressources financières, dans une campagne pluriannuelle visant à obtenir l’appui du public pour la dénonciation. Probablement pas, on l’aurait laissée croupir dans cette cage au Koweït.

Mais la relation de WikiLeaks avec Manning et ses partisans n’est pas le seul héritage à être activement supprimé par Lee et ses acolytes.

Le Mic Drop [fait de lâcher son micro à la fin d’une performance ou d’un discours jugé particulièrement réussi par la personne qui l’a réalisé, NdT]

Les tentatives de dissocier d’Assange, à titre posthume, le très talentueux développeur Aaron Swartz et son projet maintenant connu sous le nom de SecureDrop, ont été extrêmement publiques.

Revenez quelques années en arrière avant la déclaration de Micah Lee ci-dessus, et vous découvrirez que le matériel marketing de la Freedom of the Press Foundation a fait la promotion de SecureDrop comme – accrochez-vous – « un Wikileaks dans chaque salle de presse », donnait précisément ce titre à la vidéo de lancement de la technologie.

La salve d’ouverture de la présentatrice lors de l’événement de lancement a réitéré le point suivant : « C’est SecureDrop – un Wikileaks dans chaque salle de rédaction… La Freedom of the Press Foundation est une fondation à but non lucratif qui a été fondée en décembre 2012. Elle a été créée à l’origine pour récolter de l’argent pour WikiLeaks, mais elle a maintenant élargi sa portée… »

À l’origine, il n’y avait pas de pomme de discorde à ce sujet : WikiLeaks est à l’origine de l’invention de SecureDrop et a été le principal bénéficiaire de la Fondation.

Jusqu’en décembre 2016, le tweet par défaut généré lors d’un don à la Fondation pour la liberté de la presse était « Je soutiens un journalisme sans compromis comme @WikiLeaks. Joignez-vous à moi et à @FreedomofPress pour changer le monde ! Liberté.de.la.presse »

Même les bénéficiaires survivants de SecureDrop, à savoir le confident de Lamo, Kevin Poulsen, et par association, le développeur Micah Lee (maintenant si désireux de séparer le concept de ses racines WikiLeaks) étaient à l’origine francs sur sa création.

Micah Lee a déclaré ouvertement que SecureDrop – qui a acquis un référentiel de Github [un stockage centralisé et organisé de données, NdT] du projet préexistant de Swartz connu sous le nom de DeadDrop, puis l’a renommé – était un moyen de rendre accessible à tous une technologie du type WikiLeaks :

« Quand j’ai entendu parler de DeadDrop pour la première fois, ça m’a semblé être un projet très beau et excitant. WikiLeaks faisait la une des journaux à l’époque et il semblait que c’était un peu en train de démocratiser tout ça ». Micah Lee

Ceci est cohérent avec l’affirmation de Kevin Poulsen selon laquelle il souhaitait standardiser la technologie de la boîte de dépôt sécurisée dans toutes les salles de rédaction :

« Il n’y avait pas de moyen standard pour les sources de fournir des conseils et des documents sécurisés à un journaliste, alors j’ai voulu développer une solution et je suis allé voir Aaron… » Kevin Poulsen

Dans la foulée de la tentative du Wall Street Journal de 2011 de créer un espace de stockage sur cloud sécurisé, on a demandé à Aaron Swartz à la télévision en direct : « Pensez-vous que WikiLeaks a vraiment changé les règles du jeu au cours de la dernière année, maintenant que nous voyons cette course aux armements des journalistes pour savoir qui peut créer son propre site de fuites, ou je suppose alternatif, plus rapidement ? »

Il a répondu : « Oh, clairement, je veux dire que c’est une énorme consécration pour WikiLeaks. Nous sommes passés de tous ceux qui disaient qu’ils devraient être enfermés en prison, au point où chaque journal et chaque organe de presse veut avoir son propre site WikiLeaks ». (non souligné dans l’original)

Les faits sont on ne peut plus clairs : comme le dit Aaron, WikiLeaks était la raison pour laquelle les salles de rédaction voulaient avoir accès à la même technologie. Comme Micah l’a dit, SecureDrop apporterait la technologie WikiLeaks au monde entier. Comme Kevin Poulsen l’a décrit dans le New Yorker, il avait besoin d’Aaron pour le faire, et l’a contacté via James Dolan.

Malheureusement, les deux principaux développeurs de SecureDrop, Aaron Swartz et James Dolan, ne sont plus parmi nous. Les deux se seraient suicidés. Aaron Swartz a été honoré par Kevin Poulsen dans une notice nécrologique.

M. Poulsen est également un ancien journaliste de Wired et un ancien spécialiste de la technologie de la Freedom of the Press Foundation. Les circonstances de son bref passage au sein de l’organisation ou les raisons de son départ sont inconnues. Sa participation n’est mentionnée que par une liste du personnel de Freedom of the Press, aujourd’hui disparue.

Plus important encore, Poulsen est aussi le journaliste auquel Adrian Lamo, le mouchard du FBI, a divulgué les journaux de discussion privés de Chelsea Manning, ce qui a entraîné sa capture et sa torture.

Lamo s’était présenté à Manning comme étant à la fois un journaliste et, c’est le comble, un prêtre, et a déclaré que Manning pouvait donc être doublement assuré de la confidentialité de leurs communications. Une trahison inadmissible de sa confiance.

Les rapports partiels de Poulsen sur les historiques ont été fustigés par WikiLeaks, par Glenn Greenwald et aussi par FireDogLake qui a analysé plusieurs versions différentes qui ont trouvé leur chemin dans la sphère publique, et qui a découvert des divergences majeures.

Dans ces circonstances, il faut s’émerveiller de la façon dont Poulsen est devenu un gardien autoproclamé de l’héritage d’Aaron Swartz. Surtout quand il ne reconnaît pas les faits les plus élémentaires à son sujet : qu’Aaron était un défenseur très connu de WikiLeaks jusqu’à sa mort, et un bénévole pour WikiLeaks.

Réécrire l’histoire

Comme Poulsen, après le décès d’Aaron Swartz, d’autres personnes qui lui ont rendu hommage ne font aucune mention de WikiLeaks.

Certains nient activement que son appartenance a eu un impact sur le travail d’Aaron : par exemple, Anil Dash.

Ceux qui font le rapprochement sont promptement dirigés vers la « belle » notice nécrologique de Poulsen sur Aaron, qui, quel que soit son mérite, a fini par servir d’histoire officielle.

Comme par hasard, la notice nécrologique de M. Poulsen sur Swartz ne contient aucune référence à l’organisation du lanceur d’alerte. (Poulsen a une longue et acrimonieuse histoire avec WikiLeaks, car ce dernier croit que son adaptation des récits du journal de discussion Lamo-Manning avait pour but direct de mettre WikiLeaks en accusation par association). Il n’y a pas non plus de mention de WikiLeaks dans la nécrologie écrite par Cory Doctorow dans Boing Boing.

La nécrologie du Guardian omet également la relation avec WikiLeaks. Il en va de même pour celle du Time Magazine. Idem, pour le LA Times, le Boston Globe, The Economist, The Telegraph et le New York Times.

Tous les articles qui précèdent attribuent la cause de la mort d’Aaron uniquement au stress découlant de l’enquête du DOJ [Department of Justice] sur le piratage par Swartz de la base de données JSTOR [à la fois un système d’archivage en ligne de publications universitaires et scientifiques et une bibliothèque numérique payante, NdT] au MIT. Il n’y a aucune mention d’un quelconque statut antérieur en tant que personne d’intérêt pour les agences de renseignement ciblant WikiLeaks.

Aaron est apparu 13 fois sur RT [Russia Today], faisant souvent l’éloge public de WikiLeaks. Pendant toute la période où le rédacteur en chef a fait l’objet d’une chasse à l’homme mondiale et d’une enquête « gouvernementale » d’une « ampleur et d’une nature sans précédent ». Cela n’est jamais mentionné.

Seul Rolling Stone nomme WikiLeaks – et très brièvement. « WikiLeaks l’a présenté comme un allié », ont-ils écrit à propos de Swartz. Pourtant, c’est Swartz qui s’était déclaré à maintes reprises et abondamment comme un allié de WikiLeaks, bien avant le piratage du JSTOR qui est devenu le motif officiel de sa persécution implacable par les autorités policières.

L’effet global n’est pas seulement de rendre WikiLeaks non pertinent pour le récit reconstruisant la vie d’Aaron, mais de détourner l’attention des agences de renseignement qui traquaient le personnel et les sympathisants de WikiLeaks à travers le monde. Le public est plutôt amené à croire que l’intérêt du FBI pour lui était lié à l’affaire du MIT.

La colère du public face au décès prématuré d’Aaron Swartz a donc été dirigée contre l’université et les procureurs du ministère de la Justice, plutôt que contre l’ensemble de la communauté du renseignement américain. L’oblitération généralisée des liens de Swartz avec WikiLeaks cache un facteur qui a contribué de façon importante aux circonstances qui ont conduit à sa mort.

J’ai confirmé avec WikiLeaks qu’Aaron n’était pas seulement un fan, un partisan ou un défenseur public.

Il travaillait directement avec eux.

Mais je le savais déjà, grâce aux indications d’un autre bénévole de WikiLeaks, dont le travail important et la contribution sont également en train d’être retirés des archives publiques. Dans ce cas-ci, alors qu’il est encore en vie.

Jacob Appelbaum

L’histoire oubliée

Lors du Hackathon [désigne un événement où un groupe de développeurs volontaires se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, sur plusieurs jours, NdT] de la Journée Aaron Swartz en 2015, Jacob Applebaum a donné un témoignage crucial sur ses contacts avec Aaron, et leur relation avec WikiLeaks. Il a parlé d’une histoire qui a été pratiquement effacée ; les véritables raisons pour lesquelles Aaron Swartz était un ennemi de l’État. Bien sûr, ce n’est pas parce qu’il a téléchargé des documents de JSTOR.

« Aaron et moi avons travaillé sur différents projets qui se chevauchaient et je le respectais beaucoup. Certains des sujets soulevés étaient légers, mais d’autres étaient très lourds et très sérieux. Le sujet de WikiLeaks était important pour nous deux. En novembre 2009, bien avant que je ne parle publiquement de mon travail avec WikiLeaks, j’ai présenté Aaron à quelqu’un chez WikiLeaks qui ne sera pas nommé. Si nous avions un moyen sûr et facile de communiquer, si un système de communication avait existé qui réduisait ou éliminait les métadonnées, j’aurais probablement pu le faire sans laisser de traces. Mais nous ne l’avons pas fait. Vous n’êtes pas le premier à le savoir – le FBI et la NSA le savent déjà. Moins d’un an plus tard, Aaron m’a envoyé un courriel pour me faire part de ses sentiments. Ce courriel dans son intégralité est simple et son manque de cryptage était intentionnel. Le 10 juillet 2010, il a écrit « Juste FYI – faites-moi savoir si je peux faire quelque chose pour WikiLeaks ». Est-ce que cet e-mail a fait d’Aaron un ennemi de l’Etat ? Aaron s’est-il inquiété ? 2010 a été une année extrêmement difficile. Le ‘gouvernement américain contre tout le monde’ – l’enquête sur tous ceux qui sont associés à WikiLeaks – s’est intensifié. Tellement de personnes à Boston ont été ciblées qu’il était effectivement impossible de trouver un avocat sans conflit. Tout le monde avait peur. Une vague de froid passa sur tout et elle fut suivie par des cœurs endurcis pour beaucoup… le sentiment de paranoïa était écrasant mais prudent. Le sentiment dominateur de l’oppression à venir était écrasant… nous avions tous l’impression que nos jours étaient comptés dans un sens ou dans l’autre. Grands jurys, inculpations imminentes, menaces, listes noires politiques. Aucun d’entre nous ne se sentait libre de parler de quoi que ce soit…

Peu après qu’Aaron fut trouvé mort, WikiLeaks a révélé trois faits : Aaron avait secondé WikiLeaks. Aaron avait communiqué avec Julian et d’autres personnes en 2010 et 2011. Et Aaron avait peut-être même été une source. Je ne pense pas que ces questions ne soient pas sans rapport avec la persécution d’Aaron et il est clair que les poursuites musclées des États-Unis ont poussé Aaron à s’ôter la vie. Comme c’est triste qu’il ait été abandonné par tant de gens dans ce moments de détresse. Est-il vrai qu’il n’y avait aucun lien ? Est-il vrai que les procureurs américains ont poursuivi Aaron si durement à cause de quelques scripts Python et de quelques PDF ? Non, clairement pas…

Quand nous avons eu plus de détails sur les procureurs américains, nous avons appris qu’ils considéraient Aaron comme un extrémiste dangereux pour des raisons indéterminées… » – Jacob Applebaum

En plus de la révélation clé qu’Aaron a offert ses services à WikiLeaks, un mois à peine avant le début de la chasse à l’homme du DoD, Jacob fait quelques autres révélations très importantes.

Premièrement : Lorsque l’on considère toute cette histoire oubliée, qu’il s’agisse du soutien de Manning, du travail d’Aaron pour WikiLeaks, du fait que WikiLeaks ait inspiré SecureDrop, que Julian Assange ait participé à la fondation de la Freedom of the Press Foundation, (autre fait nié par Micah Lee) ou d’autres facteurs connexes, il faut comprendre que le FBI, la CIA et la NSA connaissent parfaitement l’importance de WikiLeaks, sa véritable contribution et ses réalisations très concrètes.

C’est pourquoi WikiLeaks et tous ceux qui y sont associés sont ciblés. C’est pourquoi la vérité est occultée ou carrément effacée.

Le public est soumis à ce récit historique blanchi à la chaux, pour l’empêcher de découvrir à quel point WikiLeaks mérite nos éloges et notre soutien. Le véritable dossier historique existe dans les bases de données des agences de renseignement et est conservé par l’élite, qui cherche ensuite à fabriquer une nouvelle réalité pour le public.

Passons rapidement à cette même journée Aaron Swartzen 2017 et où la cible confirmée de la NSA de XKeyscore [programme de surveillance de masse créé par la NSA et opéré conjointement avec les services de renseignements britanniques, canadiens, australiens et néo-zélandais, services dont la coopération historique en matière de partage de l’information a entraîné le surnom des « Five Eyes », NdT] et du FBI, Jacob Appelbaum, n’apparaît pas. Il est maintenant persona non grata, excommunié de la communauté activiste après avoir fait l’objet d’un scandale d’agression sexuelle qui rappelle étrangement les accusations portées contre Julian Assange.

Subvertir l’héritage

Ce n’est qu’une fois la cible neutralisée, que ce soit par l’enfermement, la capitulation, la diffamation ou la mort (peu importe ce qui arrive en premier) que leur héritage pourra être partiellement reconnu et restauré. Mais seulement pour qu’il puisse être récupéré et manipulé en fonction des objectifs de la force neutralisante.

Le groupe révolutionnaire de rock-rap Rage Against The Machine a repris des fragments de textes du FBI tirés des fichiers Cointelpro dans leur chanson à succès Wake Up en 1991. C’est devenu plus tard le thème musical des films Matrix.

L’enregistrement comporte une voix en boucle imitant celle d’un agent du FBI : « Grâce au contre-espionnage, il devrait être possible d’identifier les fauteurs de troubles potentiels et de les neutraliser. »

Ce fut la méthode employée contre le Dr Martin Luther King Jr, Malcolm X et Nelson Mandela, parmi d’innombrables autres.

Comme l’a souligné David Swanson, candidat au prix Nobel de la paix, lors d’un épisode de #AntiSpyBill en 2017, et comme l’a plus tard validé Cynthia McKinney dans cette même série, le Dr King n’était pas seulement le militant et organisateur des droits civiques qu’on nous encourage à garder en mémoire. Il était en fait un ardent militant pacifiste, antimilitariste, anti-impérialiste et anticapitaliste.

En ne reconnaissant qu’une seule composante de son travail et en instituant une fête nationale pour « célébrer » cet aspect limité, sa mémoire a été à la fois aseptisée et confisquée par l’establishment.

Plutôt que de reconnaître que King s’est opposé à absolument tout ce que le statu quo représente, ils peuvent prétendre qu’il n’a fait que s’opposer à une facette de la société et prétendre que les États-Unis ont progressé comme conséquence directe. En réalité, l’écrasante majorité des problèmes auxquels King a consacré sa vie n’ont pas été réglés, mais se sont même aggravés au fil du temps depuis que l’État qui célèbre maintenant sa mémoire l’a tué. Telles que l’inégalité économique systémique, l’incarcération massive, la montée du complexe militaro-industriel et la politique étrangère de Washington qui ressemble au comportement d’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Si nous ne reconnaissons pas ces tactiques, c’est ce que nous pouvons nous attendre à voir se jouer encore et encore, avec les souvenirs de nos héros d’aujourd’hui. Nous l’avons déjà vu avec Swartz ; si nous n’identifions pas le processus d’assainissement en cours et n’intervenons pas en conséquence, le jour viendra où nous le verrons avec Snowden, et avec Julian Assange.

La veuve noire

Il n’a pas fallu beaucoup de recherches pour trouver les liens entre les gardiens autoproclamés de l’héritage d’Aaron Swartz et l’agenda pour le dissocier de WikiLeaks.

Voici Quinn Norton, l’ex-partenaire de longue date d’Aaron. Quinn est journaliste et est également l’auteure de son propre point de vue sur la mort d’Aaron.

Quinn a posté environ 140 tweets sur WikiLeaks, dont 65 sont de nature désobligeante. Elle a nommé Julian Assange 40 fois dans ses tweets, dont environ 22 fois de façon également désobligeante.

Malgré la nature secrète du travail d’Aaron et de WikiLeaks, Quinn s’est longtemps fait passer pour un témoin oculaire en raison de sa proximité avec Aaron.

Même lorsqu’elle a été directement mise en face de l’évidence, Norton a insisté sur le fait que l’adoption par les médias grand public de plates-formes de dénonciation sécurisées ne découlait pas du fait que WikiLeaks avait mis en place sa propre plate-forme de dénonciation sécurisée en premier.

On pourrait supposer qu’elle ne faisait que protéger l’héritage de Swartz, ne voulant pas diminuer sa mémoire ou lui ôter tout le mérite pour son travail sur SecureDrop.

Mais au contraire, elle a souvent décrit la couverture posthume de Swartz comme étant exagérément favorable.

Ce n’est pas souvent qu’un proche d’un être cher disparu se plaint que sa mémoire publique lui donne une trop bonne image.

Elle se plaignait amèrement qu’Aaron ait été élevé au rang d’icône par la communauté infosec [Information security].

Comme cité plus haut dans cet article, Jacob Appelbaum a suggéré qu’Aaron Swartz n’était pas seulement un bénévole et un défenseur de WikiLeaks, mais une source. D’autres l’ont également suggéré dans le passé, et la possibilité a été reconnue par WikiLeaks lui-même : que ses contributions ont été faites de telle manière qu’il ne pouvait être identifié comme la source, mais étant donné la nature des fuites et sa proximité de l’organisation, cela ne peut être écarté.

Pourtant, bien que l’œuvre de toute la vie d’Aaron ait été de soutenir le droit du public de savoir, Quinn affirme catégoriquement qu’il n’était pas un lanceur d’alerte.

Alors que WikiLeaks était dans le feu de l’action pour organiser le réseau de soutien Manning, Quinn était utilisée pour réhabiliter l’image d’Adrian Lamo, l’indic du FBI, au sein de la communauté activiste.

L’essentiel de son entrevue avec l’informateur Adrian Lamo contenait une allégation de Lamo selon laquelle Poulsen avait fait une sélection minutieuse des journaux de discussion Manning afin de la protéger. Ironiquement, l’entrevue a été menée alors que Manning était torturée dans une cage au Koweït en conséquence directe des actions de Lamo.

Lamo affirme en outre avoir fourni à WikiLeaks une partie des journaux de discussion qui ont ensuite été publiés dans la publication Boing Boing de l’ami d’Aaron Swartz, Cory Doctorow, dans un article publié par Xeni Jardin, co-fondateur de Boing Boing et ancien membre du conseil de la Freedom of the Press Foundation. Norton écrit que Jardin ne voulait pas confirmer sa source, mais j’ai confirmé avec WikiLeaks que cela ne s’est jamais produit : Lamo n’a pas, comme il le prétend, soumis les logs à WikiLeaks, et ils ne les ont pas transmis à Jardin ou Boing Boing.

Alors que Norton devenait un canal de diffusion de la désinformation de Lamo, l’organisation militante d’Aaron Swartz, Demand Progress, menait la même année une campagne pour soutenir WikiLeaks.

Voici un autre point de repère incroyable dans la suppression de l’attachement de Swartz à WikiLeaks de son image publique.

Le commentaire acide de Norton sur Swartz, Assange et Manning, dans le sillage direct du décès d’Aaron, a fait sourciller la communauté.

Mais la véritable raison du mépris généralisé pour Norton avait été la révélation qu’elle avait coopéré avec les autorités et signé un accord d’immunité pour donner sur son compagnon d’alors, Aaron Swartz.

La famille d’Aaron, qui « n’a jamais aimé [Norton] », était furieuse.

Le père d’Aaron, Robert Swartz, a dit à Larissa MacFarquhar du New Yorker que la trahison de Quinn avait été dévastatrice pour Aaron, qui a essayé de la défendre devant sa famille, malgré tout.

Bien qu’on ait dit à la famille de Swartz que le témoignage du grand jury de Norton n’avait pas été utile à l’accusation, et que Norton raconte cette partie de l’histoire en détail dans cet article, elle admet également à quel point sa coopération antérieure avec le procureur avait été préjudiciable à Swartz.

Quinn, pour sa part, impute à son avocat le fait qu’elle a cédé aux pressions des autorités. Malgré le fait qu’elle n’a jamais été accusée de quoi que ce soit, et qu’elle a coopéré volontairement.

Norton se décrit à maintes reprises comme une journaliste en technologie qui veillait sur des sources sensibles qu’elle voulait protéger.

Norton n’explique pas clairement pourquoi, si tel était le cas, elle ne savait pas qu’elle ne devait jamais parler aux autorités sans la présence d’avocats, et encore moins les laisser entrer dans son appartement pour une conversation informelle, comme elle le faisait avec les services secrets. Bien qu’elle prétende être déjà arrivée à « s’attendre à des descentes, à de la surveillance et à des menaces de la part d’hommes puissants qui ne pouvaient distinguer les bons des mauvais dans mon monde », elle déclare seulement qu’elle était « sous le choc et dans le désarroi » :

En fin de compte, sa relation avec Swartz n’a pas survécu aux manquements flagrants à la confiance et les deux se séparèrent.

Après la mort d’Aaron, Norton a partagé cette déclaration de la compagne suivante d’Aaron, Taren Stinebrickner-Kauffman.

Là où l’intérêt personnel et le manque d’empathie convergent, l’ignorance abonde. Aaron n’est pas le seul diseur de vérité que Norton voit d’un mauvais œil :

Norton a clairement fait bonne impression sur Lamo, qui, en octobre 2017 encore, « applaudit » son travail sur son compte Medium [plateforme internet de blog créée en août 2012 par Evan Williams et Biz Stone, les fondateurs de Twitter et Blogger, NdT]. En effet, à ce jour, Norton défend toujours la cause de Kevin Poulsen au sujet de sa collaboration avec Lamo. Dans une diatribe récente et bizarre sur Twitter, Norton affirme sa conviction que Glenn Greenwald devrait s’excuser auprès de Poulsen. Glenn avait publiquement cherché à demander des comptes à Wired au sujet des extraits des journaux de discussion de Manning.

Mais pourquoi Poulsen aurait-il droit à des excuses ? L’enquête de Greenwald avait depuis longtemps confirmé que des « portions substantielles » des logs retenus par Poulsen et Wired contenaient « un contexte et des informations essentiels sur ce qui s’était réellement passé ».

Les conjectures verbeuses à la source de la colère de Norton sont plus qu’étranges : elle accuse Greenwald d’être comme un « gay respectable des années 80 et 90… » qui, selon elle, avait des préjugés contre les personnes bisexuelles et transgenres.

Cela malgré le fait que Greenwald ait en réalité été positif dans la presse écrite à la suite de l’épique démonstration de courage de Manning qui s’est présentée comme transgenre le lendemain de sa condamnation.

Depuis le jour de son annonce, Greenwald a manifesté un soutien indéfectible à la transition de Manning. Les attaques de Norton contre lui sont illogiques et mal fondées.

Ce type d’hystérie est fréquent chez les détracteurs les plus en vue de WikiLeaks. Le fil qui les relie est une combinaison de trahison et d’avantages.

Une période de soutien idéologique initial est nécessaire pour que la trahison soit efficace. L’avantage peut être mesuré à la fois économiquement et dans la devise ultime du vampire d’énergie : l’attention.

Un guide pour débutants pour les drames électroniques

Plus que jamais, non seulement nous sommes entraînés, mais nous sommes activement incités à détester Julian Assange. A le ridiculiser, à le calomnier, à le juger. Dans certains milieux, vous pouvez gagner une grande reconnaissance sociale simplement en étant prêt à vous engager dans un gigantesque club d’abrutis pour calomnier Assange

Le manque d’empathie pour la gravité de l’état de Julian est saisissant, mais surtout lorsqu’il vient d’autres cibles connues qui ont aussi énormément souffert.

En décembre 2017, j’ai eu une engueulade plutôt publique avec Barrett Brown sur Twitter. Il en est résulté que lui et des cohortes ont utilisé leur plateforme Pursuance Project pour générer une petite quantité de supports négatifs à mon sujet, notamment plusieurs vidéos You Tube et Facebook, un blog et une émission radio pour présenter leur version de l’histoire.

Je me suis fait un point d’honneur de ne pas mêler mes propres organisations et plateformes de publication à la bagarre, par principe et dans l’espoir que cela pourrait encourager une réflexion personnelle de la part de Barrett.

J’ai refusé les invitations des médias, je n’ai pas discuté de la question sur d’autres plateformes de médias sociaux en dehors de Twitter, et à ce jour, je n’ai même pas regardé les diatribes vidéo de Barrett me concernant sur YouTube ou Facebook ni lu le blog du Pursuance Project.

Les titres et les descriptions contenaient tellement d’inexactitudes que je ne ressentais pas le besoin de m’exposer au contenu et que je ne croyais pas qu’il pouvait en résulter quelque chose de bon.

J’ai décidé d’attendre d’en parler quand je le voudrais et dans le contexte plus large qui avait conduit au désaccord en premier lieu : Les attaques constantes de Barrett contre Julian Assange. C’est pourquoi j’aborde enfin le sujet.

Le besoin obsessionnel de Barrett Brown, bénéficiaire de la Fondation Courage, de s’attaquer à Julian à la moindre occasion est évident : Entre le 18 septembre 2017 et février 2018, il y a 81 tweets de Brown en référence à Assange. 80 d’entre eux le critiquent. (Les tweets qui ne font pas directement référence au nom d’Assange ne sont pas inclus dans le total.)

Le premier des 80 tweets est le suivant :

En revanche, WikiLeaks a 47 tweets sur Barrett, qui font tous la promotion de son travail et exhortent à le soutenir.

Dans de nombreux cas, y compris celui qui précède, les critiques de Brown à l’égard d’Assange sont manifestement sans fondement.

Comme je l’ai fait remarquer à Barrett à l’époque, la pratique connue depuis longtemps de la surveillance à « deux bonds » [non seulement le suspect est surveillé, mais ceux qui sont entrés en contact avec lui, la surveillance peut être « two hops », « three hops », etc…NdT] rend impossible qu’un membre du gouvernement de Trump soit pris pour cible sans que Trump soit pris par défaut dans le filet.

Il est vraiment déconcertant de voir Barrett, que j’ai toujours considéré comme un étudiant avancé dans le domaine des pratiques de surveillance, incapable de reconnaître l’évidence de l’implication des deux bonds.

La règle des deux bonds est publique depuis de nombreuses années (il y a des vidéos de moi qui la couvrent remontant à 2014) et je ne suis certainement pas la seule à avoir soulevé ce point. C’est ce qu’explique ici l’ancien directeur technique de la NSA, William Binney :

C’était loin d’être le seul exemple où Barrett faisait des affirmations complètement erronées au sujet d’Assange.

Brown est s’est fait hameçonner par la canne à pêche géante d’une fausse nouvelle de Julia Ioffe de The Atlantic, un hameçon, une ligne et un plomb :

La sphère des médias alternatifs a démystifié le papier en quelques minutes. Ce faisant, Caitlin Johnstone m’a fait part de certaines de mes propres observations sur la mise en pièces :

Caitlin et moi n’étions pas les seuls journalistes à souligner le manque de pertinence de l’article de The Atlantic. Glenn Greenwald en était un aussi, et Barrett Brown était « furieux » à ce sujet, selon un profil récent de Greenwald par le New York Post :

En novembre, The Atlantic a publié une correspondance Twitter de 2016 dans laquelle un représentant de WikiLeaks donnait des conseils à Donald Trump Jr. pour sa campagne. Greenwald a ridiculisé la coordination, insinuant que Julian Assange ne faisait que jouer aux échecs en 4-D, comme d’habitude. Barrett Brown – un autodidacte pro-transparence qui a passé plus de quatre ans dans une prison fédérale pour avoir diffusé des données piratées et qui a remporté un prix du National Magazine pour ses essais pour The Intercept écrits pendant son incarcération – était furieux. « Il ne semble pas s’engager dans les révélations qui ne cessent de sortir sur la Russie et les gens de Trump », dit Brown. « Je pense qu’il ignore ces choses en faveur de l’argument moins difficile que certaines personnes qui soutiennent le récit Trump-Russie écrivent des conneries. »

Brown n’a pas l’air de penser qu’il pourrait malencontreusement en faire partie.

Brown s’est joint au chœur de ceux qui viennent d’être mentionnés en faisant la fausse allégation qu’Assange avait tenté de s’attribuer le mérite du travail d’Aaron Swartz – une allégation que j’ai déjà démontée dans cet article.

Fait significatif, Brown avait précédemment affirmé la croyance que son propre ciblage par les autorités n’était pas dû à ses activités autour du piratage de Stratfor [Strategic Forecasting, Inc., plus couramment appelé STRATFOR, est une société privée américaine qui œuvre dans le domaine du renseignement, NdT], mais était le résultat de sa « défense active de WikiLeaks… »

La description faite par Brown d’avoir été pris pour cible pour avoir soutenu WikiLeaks renforce notre argument antérieur selon lequel l’implication de Swartz dans WikiLeaks (plutôt que le piratage de JSTOR) était la véritable cause de sa persécution par les autorités.

Malheureusement, Assange n’a pas été la seule cible de la colère de Brown.

L’animateur de l’émission de radio en question était bien sûr Randy Credico, et la plateforme était la série « Countdown to Freedom » de Randy qui interviewait les principaux supporters de WikiLeaks (dont moi-même et Barrett) pour son émission « Live on the Fly » sur WBAI [station de radio américaine affiliée au réseau de radiodiffusion Pacifica Radio,Ndt].

Cependant, cela aussi a été rapidement démonté, et le même jour, Barrett a retiré sa déclaration.

Il est amusant de constater qu’à l’origine, Roger Stone avait lancé ces allégations à nul autre endroit que sur InfoWars.

Les tweets de Barrett étaient accompagnés de multiples monologues vidéo sur Assange (un modèle qu’il reprendra plus tard quand il me dénigrera) affichés sur le compte Facebook de Barrett. Il est à noter qu’Assange n’a jamais répondu de la même façon à Brown sur l’une ou l’autre plate-forme, ni retourné son hostilité.

Le seul exemple d’Assange mentionnant quoi que ce soit, même vaguement critique sur Barrett du tout, était le tweet ci-dessous sur mon exclusion sans cérémonie du projet Pursuance pour avoir défendu Julian.

Pour cette seule question tweetée au sujet de la situation, Brown a déclaré que Julian avait « calomnié » le projet Pursuance. Il s’en est suivi une autre diatribe vidéo de Barrett sur Facebook, et d’autres tweets rageurs.

Ironiquement, dans la description de la vidéo, Brown affirme que la racine du problème, c’est que j’ai « dit que notre développeuse principale me « menaçait » pour lui avoir posé une question sur Twitter ».

Ce que Brown a omis de mentionner dans sa petite description du scénario, c’est que la « question » (faussement sous-entendue comme un événement singulier) a été posée à la fin d’une série de tweets provenant dudit développeur, Steve Phillips. En réalité, les réprimandes que j’ai essuyées sont le fruit de plusieurs mois de diffamation d’Assange, de la part de Brown et de Phillips, et ont été inséminées dans le Projet Pursuance en cours d’élaboration.

La demande de Julian sur le « drame électronique » était sobre et modérée : une seule question sur Twitter.

Mais d’autres se sont excités , car le coordinateur de Pursuance, Raymond Johansen, a fait appel à moi pour calmer les choses.

Honnêteté intellectuelle

Pour comprendre toute l’histoire, nous devons aller dans les coulisses des 80 tweets négatifs de Barrett sur Assange.

Humilier et discréditer Julian, déconsidérer systématiquement ses réalisations et saper son héritage était encouragé par Phillips, le comparse de Barrett, sous couvert d’un nouveau slogan : « l’honnêteté intellectuelle ».

Finalement cette novlangue s’est répandue dans l’espace public.

Pendant des mois, cette formule précise a été répétée à maintes reprises dans les coulisses de la plateforme d’organisation du Pursuance Project de Barrett Brown : une rencontre MatterMost non codée où un bottin de militants expérimentés du monde entier était réuni.

Le lieu devait servir à coordonner le partage de notre travail et la construction de Pursuance (et c’était le cas au départ). Cependant, la conversation a rapidement été gâchée par des surenchères récurrentes et malveillantes pour critiquer Julian (un réfugié politique) à mort.

Les démarcations ont rapidement été tracées entre les quelques acteurs qui voulaient détourner l’espace pour se complaire dans le dénigrement de WikiLeaks, et les quelques partisans acharnés et bruyants qui refusaient de rester assis tranquillement pendant que les coups de poignard dans le dos se succédaient.

La majorité des membres – tous des militants expérimentés et accomplis –, ont simplement levé les yeux au ciel et se sont tenus à l’écart du drame jusqu’au ce qu’il ne devienne inévitablement un spectacle public comme il l’a fait en faisant boule de neige.

L’administrateur du serveur, Steve Phillips, développeur principal de Pursuance, était l’un des principaux antagonistes. La proximité de Barrett, ou le désir de cimenter sa position à ses côtés, semblait être un facteur de motivation pour participer aux rituels anti-WikiLeaks d’« honnêteté intellectuelle ».

Ceux d’entre nous qui répugnaient à faire sans relâche de la psychanalyse de salon autour d’une personne détenue arbitrairement depuis six ans – et ce sans qu’on puisse en voir la fin, sont devenus de plus en plus désillusionnés par l’environnement. Alors que je contredisais les récits anti-Assange de Barrett et Steve sur Twitter et en privé dans Pursuance, il était tout à fait clair que ma présence était de moins en moins bien accueillie par eux.

En effet, il m’a été confirmé après mon exclusion éventuelle qu’ils avaient discuté entre eux pour savoir s’ils pouvaient se débarrasser de moi (et donc de mes contre-récits gênants) bien avant de finalement fabriquer un prétexte pour le faire effectivement.

C’est dans ce contexte que Steve m’a envoyé son tweet « pour la troisième et dernière fois », un coup de semonce clair sous-entendant qu’il me ferait bannir si je ne capitulais pas devant ses exigences d’analyse critique d’Assange. Mais si le gouvernement américain, avec toutes ses forces et ressources, ne peut pas me forcer à tourner le dos à WikiLeaks, du diable si cela allait arriver parce que Steve le voulait. J’ai donc fait dénoncé son comportement pour ce qu’il était précisément : menaçant et autoritaire.

Alors que Barrett s’attribuait le mérite d’avoir « ordonné » l’interdiction, Anna Burkhart, la « directrice des opérations » de Pursuance, qui me semblait être une figure marginale puisque je n’avais jamais eu de contact avec elle auparavant, a rapidement dépeint mon excommunication comme un exercice pour veiller à… oui, vous avez deviné… l’« honnêteté intellectuelle ».

Être exclu d’une plate-forme qui risquait de devenir un croisement entre un culte de la personnalité et une dictature de pacotille, ne me dérangeait pas du tout. Mais le fait que mon accès à des messages directs de nature personnelle entre moi et d’autres militantes et militants ait été révoqué sans préavis ni consultation, oui, c’est sûr.

Le fait d’empêcher un activiste exclu d’accéder à ses propres communications a soulevé des questions légitimes quant au monopole de Steve sur la gestion des données des utilisateurs, en tant qu’administrateur unique du serveur.

Steve m’a refusé l’autorisation de récupérer mes données, me proposant plutôt des solutions bizarres et inappropriées comme d’aller chercher le texte brut dans la base de données et me le transmettre par l’intermédiaire de tiers – une violation évidente de la vie privée. J’ai refusé.

L’utilisation des plateformes de publication de Pursuance pour me dénigrer auprès de leur public était un abus de pouvoir organisationnel important. Steve a refusé de l’admettre et a encore une fois invoqué leur mantra d’ « honnêteté intellectuelle ».

En revanche, j’ai tenu à ne pas entraîner mes propres affiliations organisationnelles dans le drame. Au lieu de me précipiter vers le forum de l’Internet Party, ou vers Kim Dotcom, et de dénoncer le mauvais traitement, j’ai limité mes opinions à mon compte Twitter personnel.

Pour couronner le tout, la diffamation publiée sur le blog du Pursuance Project était accompagnée d’une carte de partage sur les médias sociaux affichant une image du dénonciateur de la CIA John Kiriakou, qui ne savait apparemment pas que son image était utilisée à mauvais escient pour appuyer une attaque contre un militant banni, par association.

Ma seule déclaration publique a été celle-ci :

SupporterGate

Il n’est pas possible de nuire de manière significative à Assange sans aussi viser idéologiquement sa base de soutien, il était donc inévitable que je sois visée d’une manière ou d’une autre.

Malheureusement, je ne suis pas la seule.

Une femme au foyer et une bibliothécaire qui assistent à des veillées périodiques pour Julian à Londres, ont récemment été choquées de se retrouver parmi un groupe de supporters de WikiLeaks repéres par des journalistes de The Intercept.

Sentant qu’il y avait quelque chose de louche, l’une des dames a voulu garder toute la correspondance avec Cora Currier, journaliste de l’Intercept, dans l’arène publique et l’a déclaré en des termes très clairs en publiant leur échange sur son blog :

Bien que le premier contact public semble inoffensif, les captures d’écran du DM [DM sur Twitter équivaut message privé ou MP, NdT] de Cora qui a suivi a paru menaçant à l’autre personne impliquée qui s’est parfaitement rendue compte du déséquilibre de pouvoir entre elle-même et les journalistes grand public qui disposent d’une énorme audience :

Cette présomption sape la prémisse de base de l’ensemble du texte. Ce facteur n’aurait pas dû être négligé par les rédacteurs de The Intercept.

Certains des messages attribués à Assange ont été envoyés à des dates et heures où il lui était physiquement impossible d’en être l’auteur.

Si Currier avait demandé aux partisans impliqués s’ils croyaient parler à Julian Assange, cette fausse déclaration aurait pu être évitée. Mais elle ne l’a pas fait. Au lieu de cela, la formulation de ses questions a tenté de susciter des commentaires incendiaires sous prétexte d’offrir un droit de réponse. Alors qu’elle aurait dû vérifier les fondements de son histoire.

J’ai exprimé mon désaccord avec les journalistes de The Intercept qui mettent des citoyens ordinaires sur la sellette comme ceci, juste parce qu’ils sont des partisans de WikiLeaks.

Il semblerait que le fait d’avoir montré les dents ait eu un certain effet : À leur crédit, au moment où l’article a été publié, The Intercept avait déjà expurgé les noms des membres du public pris dans le coup de filet.

Malheureusement, cela n’a pas évité de blesser les gens. Les partisans ont estimé que la formulation de l’article était sans fondement et ont été particulièrement attristés d’être dépeints par Lee et Currier comme ayant pris part à la misogynie, à l’anti-féminisme et à l’antisémitisme.

Une des femmes m’a dit :

« C’était une attaque évidente pour porter atteinte à la solidarité et au travail des supporters de WL. L’article nous salit par ses prétentions farfelues nous présentant comme participant à une cabale de misogynie/fascisme/antisémitisme que je trouve extrêmement offensante car je sais que chaque personne dans ce chat soutient une grande diversité de valeurs humanistes progressistes, dont beaucoup de femmes, dont beaucoup ont une ascendance juive. Les affirmations de l’article sont si étranges et négatives, si méprisantes et moralement répréhensibles. »

L’article avance peu preuves sur l’antisémitisme qu’il attribue à Wikileaks . Lee et Currier s’appuient sur un commentaire dans lequel WikiLeaks affirmait que le travail d’un journaliste était mauvais, « mais » qu’il était juif. Celui qui était à la tête du compte WikiLeaks ce jour-là insinuait clairement qu’il hésitait à appeler le journaliste en question, de peur que toute critique ne soit détournée comme étant antisémite. C’est la plus grande des ironies que leur suspicion ait été confirmée, non par le journaliste qu’ils ont évoqué, mais par Micah Lee, à sa place.

Une autre des femmes ciblées par Lee et Currier m’a dit :

« J’ai été offensée d’être accusée de transphobie et d’attaquer les féministes, parmi d’autres calomnies. J’ai essayé d’être claire dans mes propres tweets : je suis seulement gênée par la version fanatique du féminisme qui agit comme si tout désaccord avec eux sur quoi que ce soit vous rend misogyne et que toute accusation portée contre un homme, quelle que soit la vérité, la preuve ou la simple réalité, doit être prise pour parole d’évangile… J’ai toujours considéré être une humaniste et une individualiste, qui se concentre sur une justice égale, un traitement équitable devant la loi et toutes ces choses qu’on essaie d’utiliser pour diviser un groupe d’Homo sapiens de l’autre. »

Les sympathisantes blessées par l’article de Lee et Currier ne sont pas les seules proches de WikiLeaks qui s’indignent des accusations constantes et injustes portées contre elles.

Stefania Maurizi, journaliste d’investigation très respectée, a également fait part de sa vaste expérience avec WikiLeaks. Quand Micah Lee a sauté sur l’un de ses tweets, elle a répondu en des termes très clairs :

Dans ses messages directs d’origine, Currier n’avait pas mentionné aux partisans à qui le « nous » faisait référence dans ses demandes de renseignements. Bien qu’il soit plus probable qu’improbable que cette dernière tentative de saper le soutien à WikiLeaks a été faite par nulle autre que Micah Lee.

Deux jours avant la parution de l’article, j’y avais fait allusion :

Bien sûr, c’est précisément lui qui est apparu en signature et qui a ensuite mené une campagne pour recueillir la reconnaissance du public pour les retombées.

Le pire article de tous les temps

J’avais pensé que mon résumé ci-dessous des problèmes de l’article de Lee et Currier était une liste choquante de fautes professionnelles éditoriales.

Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que ces pratiques journalistiques bâclées seraient bien dérisoires par rapport à ce qui a été mis au jour depuis.

Il s’avère que les dommages causés par l’œuvre de Micah et Cora ne se sont pas limités à WikiLeaks et ses partisans.

L’absence de vérification consciencieuse dans leur article a entraîné une attaque très préjudiciable à la capacité des militants consciencieux d’obtenir un soutien de premier plan pour les fonds de défense juridique des lanceurs d’alerte.

Dans cette affaire, William McNeilly, le dénonciateur du Trident nucléaire.

Lee et Currier ont écrit :

Voici les messages directs WikiLeaks qu’ils étaient en train d’interpréter :

Si Lee et Currier avaient été plus consciencieux dans leur méthodologie, ils auraient découvert que le tweet amplifié par le député écossais Paul Monaghan faisait partie d’une campagne visant à obtenir le soutien pour le lanceur d’alerte McNeilly. Les révélations de McNeilly portaient sur une incurie dangereuse à bord du navire nucléaire Trident, stationné en Écosse.

Lee, Currier et leurs rédacteurs en chef ont négligé de localiser ou d’obtenir le tweet réel qui avait été retweetté par le député :

C’est ce qui précède qui a été célébré par le supporter de WikiLeaks, et auquel WikiLeaks a dit « soyez le troll que vous voulez voir dans le monde ». Ils n’encourageaient pas les gens à être des trolls, mais suggéraient plutôt que le type de troll qu’une bonne personne voudrait voir dans le monde est celui qui agit en faveur des lanceurs d’alerte, plutôt que celui qui les ridiculise, les souille ou les met en danger.

La sympathisante dont la requête avait attiré l’attention du député m’a dit qu’elle était extrêmement contrariée par la faute professionnelle de Lee et Currier, car la décontextualisation a causé un préjudice matériel :

Ma campagne très modeste en faveur de la collecte de fonds pour le lanceur d’alerte William McNeilly en faisant la promotion de son fonds de défense juridique d’urgence de la Fondation Courage n’a jamais été mentionnée. Le fait de sortir de son contexte mon action modeste en tant que militante pour la transparence, sous-entend que le fait de partager ma modeste joie d’être re-tweetée par quelqu’un au sein de l’establishment politique qui est suivi par bon nombre de ses électeurs et qui pourrait être poussé à apporter son concours au Legal Defence Fund de McNeilly, ne constitue en soi qu’une tentative de manipulation sans mérite. Les campagnes politiques sont parfaitement légitimes. Faire passer le mot pour la cause que vous soutenez est conforme à la démocratie participative.

Malheureusement, les dommages causés par Lee et Currier vont bien au-delà de la contrariété des femmes. Leurs fausses déclarations ont directement conduit les députés à lancer des appels aux députés pour qu’ils ne retweetent plus les partisans de WikiLeaks – ce qui a porté un coup aux tentatives futures de fournir une aide urgente aux lanceurs d’alertes qui courent des risques.

L’effet papillon de l’effort de Lee et Currier d’ajouter un autre coup bas sur WikiLeaks à leur palmarès, est que leur article a été immédiatement utilisé pour un sujet de discussion conservateur visant à dénigrer le soutien anti nucléaire au Parlement national écossais – une violation directe des idéaux progressistes dont Lee et Currier disent être animés.

Autrement dit, un but contre son propre camp.

L’affirmation de Currier et Lee selon laquelle les partisans de WikiLeaks visaient le député sur les médias sociaux sous-entendait que c’était là une conduite répréhensible et a nui à un des principes les plus fondamentaux du militantisme : faire appel aux représentants démocratiques. La tactique même qui a récemment libéré Lauri Love, bénéficiaire de la Fondation Courage, de la menace d’être extradé vers les États-Unis.

Après des efforts acharnés de la part des militants, 73 membres du Parlement britannique se sont exprimés en faveur de Love, avec un impact énorme. Leur soutien a été obtenu grâce au même type de technique sur les médias sociaux dans laquelle les partisans de WikiLeaks étaient engagés au nom de William McNeilly, dénonciateur de Trident.

Ce scandale est révélateur de l’ensemble : Les messages entre WikiLeaks et ses sympathisants ont été pris au pied de la lettre par Lee et Currier, qui se sont peu souciés de savoir ce qui se passait vraiment derrière le message. Le duo n’a pas mesuré les impacts négatifs potentiels de leur cadrage [ou « framing », technique de communication qui consiste à affiner ses messages selon une grille d’écriture pertinente afin que ces derniers produisent l’effet final recherché, NdT] au-delà des dommages de surface causés à la réputation de WikiLeaks.

Seules les parties susceptibles de discréditer davantage WikiLeaks ont reçu des portions significatives du nombre de mots. Dans les messages de Currier aux sympathisantes de WikiLeaks, on leur demandait seulement leurs déclarations sur des sujets litigieux tels que l’EFF, Jacob Appelbaum ou l’avocat d’un accusateur d’Assange. Aucune tentative n’a été faite pour offrir à ces dames une chance de contextualiser des conversations telles que celles qui précèdent – ce qui a donné des résultats désastreux.

Aucune considération n’a été accordée à l’éthique ou aux dangers de compromettre le travail futur des défenseurs des droits humains.

La négligence de Lee et Currier est à notre détriment à tous – The Intercept, WikiLeaks, dénonciateurs, députés, causes progressistes et le grand public.

Quand la tromperie cause des dommages réels à la capacité des gens de bien d’effectuer des changements positifs dans ce monde, elle devient un acte de sabotage. À mon avis, Lee et Currier ont franchi cette ligne.

La liberté d’impressionner

Au cours des cinq dernières années, Micah Lee a envoyé un seul tweet pour informer les gens sur le TPP [accord de Partenariat Trans-Pacifique, NdT]. Néanmoins, l’accord commercial diabolique est devenu un autre point de référence pour ses attaques contre WikiLeaks. Dans ce qui deviendra un thème courant, Micah a accusé WikiLeaks de « s’attribuer le mérite » du « mouvement populaire contre le TPP ».

Le tweet de WikiLeaks n’a rien fait de tel. Comme Micah le saurait, s’il : a) avait effectivement cliqué sur le lien qui s’y trouve, ou b) connaissait l’histoire du mouvement.

Le lien WikiLeaks contenait l’analyse experte des chapitres divulgués par nul autre que la Dre Jane Kelsey – l’universitaire néo-zélandaise qui a mené le mouvement contre le TPP depuis 2008/2009. Kelsey a travaillé sans relâche aux côtés de ses homologues internationaux au Japon, en Corée du Sud, aux États-Unis et dans d’autres pays pour coordonner les efforts contre le TPP, ce qui a finalement entraîné le retrait des États-Unis de l’accord.

Le mouvement d’opposition de la Nouvelle-Zélande au TPPA, mené par la coalition de Kelsey It’s Our Future NZ, était le plus important par habitant au monde (par ordre de grandeur). Elle a écrit des articles d’opinion dans les médias néo-zélandais sur l’importance des publications WikiLeaks des chapitres du TPP, et comment les organisateurs du mouvement comptaient sur les fuites pour obtenir des informations sur le contenu des accords.

De plus, WikiLeaks a directement impliqué Kelsey et d’autres universitaires du monde entier pour analyser les documents divulgués et publier leurs conclusions en même temps que les divulgations. Un service inestimable pour l’humanité.

J’aimerais vraiment que mon article se limite à parler de Micah en train de se ridiculiser à propos du TPP. Malheureusement, sa propension à diminuer sans s’être informé le travail extrêmement important de ceux qu’il salit a éclaboussé d’autres organisations auxquelles il est associé.

En particulier, la réputation de la Fondation pour la liberté de la presse a été traînée dans la boue ces derniers temps. Ceci est dû aux accusations encore plus nombreuses portées contre Julian Assange et WikiLeaks par Micah Lee, que je peux maintenant confirmer comme étant fausses.

La preuve est dans la chronologie de Micah sur Twitter. Pour aller au fond de la catastrophe, il suffit de se promener dans le parcours de l’histoire.

Micah tweete au sujet de WikiLeaks depuis juillet 2010, soit près de deux mois après l’arrestation de Manning.

Voici le premier de ses 230 tweets sur Wikileaks :

Alors qu’il avait initialement soutenu l’organisation de dénonciation, Micah a envoyé au moins 62 tweets très critiques et/ou diffamatoires sur WikiLeaks. Le tournant s’est produit en décembre 2016. Juste après l’élection. En revanche, WikiLeaks en a envoyé 2 sur Micah.

62 tweets distincts de Micah datant de décembre 2010 nomment explicitement Julian Assange. Quelque part entre 36 et 45 sont très critiques et/ou diffamatoires, selon votre tolérance pour les niveaux d’acrimonie de Micah. Julian Assange parle de Micah une fois.

Le premier mensonge de taille avancé par Micah Lee remonte à plus d’un an. Il a affirmé que Julian Assange mentait sur son implication dans la création de la Fondation pour la liberté de la presse. L’accusation a été largement diffusée :

La clé pour démystifier Micah par ses propres tweets date d’avril 2012 :

Bien sûr, quand vous lisez l’article ci-dessus, vous découvrez la preuve que l’allégation de Micah contre Julian est fausse :

La citation du Guardian mérite d’être répétée :

« Des soutiens basés aux États-Unis sont en pourparlers avec Assange pour établir une fondation basée aux États-Unis… »

Une fois le premier mensonge de Lee écarté, quelque chose d’autre qu’il avait répété à maintes reprises ne cessait de résonner dans ma tête et m’a conduit à une découverte encore plus conséquente.

Selon l’article du Guardian, John Perry Barlow (cofondateur de l’Electronic Frontier Foundation et parolier des Grateful Dead) a été le premier à se joindre au groupe Freedom of the Press, qui a ensuite fait appel à Daniel Ellsberg, le divulgateur des Pentagone Papers.

Heureusement, en 2012, Micah avait également tweeté un lien vers cet article de Forbes, citant Daniel Ellsberg sur la raison pour laquelle la Fondation a été créée.

Ce que cet article révèle devrait envoyer des ondes de choc parmi les communautés WikiLeaks et FPF, ainsi que parmi les organisations apparentées.

Parce que cela bouleverse complètement le récit officiel sur la récente décision du conseil d’administration de la FPF de rompre ses liens financiers avec WikiLeaks.

La justification de la FPF pour la rupture : qu’elle n’avait fourni qu’un canal pour les dons en raison du scandaleux « blocage bancaire » de Visa, Mastercard et PayPal contre WikiLeaks.

Les membres du conseil d’administration de la FPF ont affirmé qu’en l’absence de preuves récentes de la poursuite du blocage, le canal de financement pouvait être fermé, et c’est ce qu’ils ont fait.

Mais la citation d’Ellsberg par Forbes en 2012 révèle une motivation complètement différente pour mettre en place le canal de financement : ce n’était pas seulement pour aider WikiLeaks, mais pour protéger le public.

« Beaucoup de gens hésiteraient à juste titre à envoyer de l’argent à WikiLeaks parce qu’ils pensent qu’ils pourraient être interrogés, mis sur liste noire ou poursuivis en justice », dit Ellsberg, citant des politiciens comme Joe Biden et Sarah Palin qui ont parfois comparé WikiLeaks à une organisation terroriste. « De cette façon, l’anonymat de la personne sera préservé. C’est comme WikiLeaks lui-même. WikiLeaks a facilité les fuites anonymes. C’est pour faciliter les dons anonymes. » [emphase ajoutée]

C’est un rappel éclatant des vraies raisons de la création de la FPF elle-même – ce n’était pas seulement pour aider des organisations de médias comme WikiLeaks. Il s’agissait de protéger ceux qui souhaitaient les soutenir, mais qui craignaient de le faire, en protégeant les donateurs d’éventuelles conséquences juridiques.

Il semble que Micah en était bien conscient en 2012, en tweetant le titre d’ArsTechnica selon lequel la FPF agirait comme un « intermédiaire financièrement protégé pour WikiLeaks » :

Mais en 2017, il chantait un air très différent. Dans une série de tweets, il continue de résumer la question comme étant celle du blocage bancaire, laissant entendre qu’il n’y a pas d’autre raison de maintenir le service.

Tout comme nous avons montré plus tôt que le réseau de soutien Manning était surveillé par le FBI, les donateurs du fonds juridique de Barrett Brown étaient également surveillés. Les avoirs de Kim Dotcom ont été saisis et ses fonds gelés. Les comptes de Julian Assange ont également été gelés pendant son séjour en Suède. Tous les dénonciateurs, de nombreux journalistes dissidents (y compris moi-même) et leurs partisans ont été victimes d’ingérence financière.

La tactique numéro un des services de renseignement est de s’en prendre aux ressources de leurs cibles. De les appauvrir par tous les moyens.

Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a annoncé lors de sa première conférence de presse en 2017 que WikiLeaks est une cible prioritaire. Par la suite, la survie même de l’organisation, jusqu’à ce jour, est en jeu, tout comme la vie de ceux qui se sont engagés à leurs côtés.

À ce stade, nous devons demander cui bono [à qui profite le crime, NdT] ? Qui gagnerait à dépouiller les donneurs de WikiLeaks de leur anonymat et à les exposer potentiellement à une poursuite judiciaire ?

Couper le canal des dons anonymes risque de mettre en danger les partisans de la liberté de la presse dans le monde entier.

Sacrifice (et Love)

Peu après la sortie de Risk, le documentaire de Laura Poitras sur Julian Assange et WikiLeaks, j’ai lu toutes les critiques que j’ai pu trouver, avant de regarder enfin le film moi-même.

La plupart des critiques se répétaient les unes les autres ; le récit à sensation du conflit entre le producteur et le sujet était une bouchée trop savoureuse pour la laisser passer.

Lors de la projection en avant-première de Risk à Cannes en 2016, Poitras est apparue aux côtés de Jacob Appelbaum et Sarah Harrison, minimisant toute suggestion de conflit entre elle et Julian Assange.

Question : « Nous croyons, d’après les médias, qu’en faisant ce documentaire, vous avez eu en quelque sorte une série de divergences d’opinion avec M. Assange et que vous n’étiez pas en bons termes pendant que vous faisiez le film. C’est vrai ? »

Laura Poitras : « Je suis curieuse de savoir quelle est votre source. Je veux dire que je suis très favorable au travail de WikiLeaks et je pense que dans le travail que j’ai fait et le travail que WikiLeaks a fait, que nous sommes préoccupés par des choses similaires et très préoccupés par ce que le gouvernement américain fait au niveau international. Lorsque nous avons commencé à faire des reportages sur les documents d’Edward Snowden, l’une des premières choses que les médias grand public ont faites a été ce modèle de comparaison et je pense qu’il s’agit vraiment d’une sorte de tentative des médias grand public de séparer les gens et je pense en fait que, vous savez, Edward Snowden est venu après, je veux dire que ce qu’il a fait est venu après, longtemps après Chelsea Manning et ce n’est pas pour comparer les deux, c’est en fait pour regarder ce qu’ils révèlent, et je pense donc que, vous prenez un récit et euh, en quelque sorte pour suivre ce que disent les grands médias alors je suis en désaccord avec cela. »

Toujours à Cannes, Jacob a révélé que certains des reportages les plus importants sur les documents Snowden avaient été réalisés en collaboration avec WikiLeaks et avaient reçu le soutien total de Julian Assange :

Jacob Appelbaum : « Tous les reportages qui ne sont pas montrés dans ce film comme par exemple l’histoire sur le téléphone de Merkel où nous avons révélé que la NSA espionnait la chancelière Merkel ainsi que beaucoup d’autres reportages, y compris d’autres relations médiatiques, tout le temps que j’ai travaillé avec Laura à Berlin ces trois dernières années nous étions directement soutenus comme WikiLeaks, ces choses que nous faisions étaient soutenues directement par Julian avec la compréhension que parfois la meilleure chose à faire est de s’associer et de ne pas mentionner WikiLeaks dans la signature parce que la chose la plus importante est de diffuser les nouvelles et les faits. Et le fait est que Julian est un prisonnier politique qui est diabolisé dans la presse. »

C’est extrêmement intéressant parce que les détracteurs de WikiLeaks les accusent de s’attribuer le mérite du travail des autres. Au contraire, ce qui précède révèle que WikiLeaks ne s’attribue pas le mérite des réalisations majeures qu’il a contribué à réaliser.

Poitras a remonté le film en une créature très différente, en écartant un grand nombre de ses participants. Elle a ensuite renversé ses dénégations à Cannes et admis ses conflits personnels avec Julian. (Elle a également révélé sa relation personnelle avec Jacob Appelbaum.)

La version révisée du film laisse beaucoup de questions sans réponse. J’ai pu combler certaines lacunes en regardant d’innombrables courts métrages d’interviews avec Poitras et d’autres personnages, mais les trous les plus béants qui pourraient ne jamais être comblés sont les heures innombrables d’images tournées par Poitras et jamais publiées.

Poitras a laissé des pièces importantes du puzzle sur le plancher de la salle de montage.

Il y a eu deux moments de révélation très subtils qui m’ont profondément émue. Chacun était simple mais poignant et émouvant : Le premier, la main de Sarah Harrison frottant le dos de Julian, montrant une tendresse qui a transformé ma vision de son expérience à l’ambassade toutes ces années.

Il n’y a rien de plus parfait dans ce monde que l’amour authentique, et le fait que Julian y ait participé est un cadeau inestimable.

Cet aperçu de la relation entre Sarah et Julian redéfinit le sacrifice et le risque que Sarah a dû consentir lorsqu’elle est allée à Hong Kong pour aider Edward Snowden.

Sur l’échiquier du Grand Maître, c’était la reine de Julian qui était envoyée sur le terrain de jeu. C’était un coup à enjeux élevés pour une victoire à enjeux élevés. Elle dénote une volonté de faire des sacrifices personnels là où les principes l’exigent. Les ramifications juridiques du sauvetage d’Ed ont séparé physiquement Sarah et Julian l’un de l’autre et ont élevé leur statut de cible aux yeux des gouvernements qui les ont persécutés.

Le prix de leur victoire a été de trois longues années sans ce tendre contact. Jamais une seule fois ils n’ont reconnu le sacrifice ou ne se sont plaints.

Cette relation historique n’est que rarement pleinement reconnue par la presse.

Bien que Julian soit dépeint comme le personnage principal de WikiLeaks, il a eu une femme intelligente, courageuse, accomplie et belle qui a travaillé avec lui à chaque étape du processus.

Sarah, seule à Berlin. Photo par Jacob Appelbaum

Le deuxième passage de Risk qui m’a marquée, a été extrêmement bref mais suffisant : le regard de Christine Assange quand elle se tourne vers la caméra alors que Julian quitte la chambre d’hôtel déguisé, pour se rendre à l’ambassade d’Équateur et chercher asile.

Le courage de Julian est au minimum de deuxième génération. Mais ce n’est pas tout : il y a un élément de dédain. C’est comme si Christine savait trop bien que la caméra est un outil à la fois bénéfique et traître.

Il y a un manque de cohérence dans Risk. Alors qu’il condamne Assange, à certains moments il le disculpe involontairement.

« Il semble presque certain que ce sera Hillary contre Trump. En gros, ce sera Hillary contre Trump, à moins que l’un d’eux n’ait un AVC ou ne soit assassiné. C’est donc un assez mauvais résultat dans les deux sens. Dans le cas d’Hillary nous avons une belliciste avérée qui veut nous attraper, et dans le cas de Trump, nous avons quelqu’un qui est extrêmement imprévisible. » – Julian Assange, dans Risk.

Dans une vidéo de promotion d’Associated Press, Laura accrédite la clairvoyance de WikiLeaks en tant que précurseur des plateformes sécurisées de dénonciation :

Laura Poitras : « Julian est quelqu’un qui, je pense, a compris que c’était une nouvelle ère pour le journalisme, et qu’il y aurait un besoin d’outils pour protéger les sources, utiliser le cryptage, créer cette plateforme pour communiquer anonymement, nous ne savions pas cela en 2006 non ? Que le gouvernement allait être en mesure de contrôler votre téléphone et si une source vous appelle, n’est-ce pas ? De telle façon qu’il ne suffise pas pour un journaliste de dire que je protégerai mes sources, étant donné que le gouvernement est capable de comprendre qui vous avez rencontré et où. »

Une capture d’écran tirée de Risk dit :

« En 2006, Wikileaks a créé un système de soumission en ligne qui permet aux sources de déposer des documents de façon anonyme. »

Les démonstrations de sexisme dont on parle beaucoup dans le film sont une arme à double tranchant. En dépeignant Julian comme un sexiste, le film a supprimé l’importance et les réalisations des nombreuses femmes qui travaillaient à ses côtés, diminuant leur pertinence et minimisant leur contribution aux événements décrits.

Melinda Taylor, avocate de Wikileaks, explique :

« Le contenu a été sélectivement révisé et sorti du contexte et il montre des personnes qui n’ont jamais accepté d’être dans le film… si vous montrez un documentaire sur WikiLeaks, vous devriez parler de la protection des sources, vous devriez parler de la surveillance gouvernementale, ce qui était le but réel du film, ou ce qu’on leur a fait croire que le film allait être… WikiLeaks est la star du documentaire mais il a été monté de telle façon que vous pourriez croire qu’Assange est WikiLeaks et qu’il n’y a personne d’autre. Les femmes ont été complètement écartées de son processus, elles ont été dépouillées de toute influence, elles ont été montrées comme des sous-fifres serviles… »

L’hypocrisie de Risk qui prétend dénoncer le sexisme tout en réduisant les femmes de ses scènes à l’insignifiance, a conduit à un résultat direct merveilleusement karmique : dans son sillage, le monde a appris beaucoup, beaucoup plus sur les femmes des WikiLeaks.

Pour améliorer les intérêts des femmes, il faut être prêt à les honorer. Le cinéma de Poitras, très centré sur l’homme, a totalement raté cette occasion.

Mais il ne s’agissait pas seulement d’attitudes à l’égard des femmes ou du féminisme. Il semble qu’au moment de redécouper le film dans sa deuxième incarnation, Poitras croyait beaucoup au Russiagate, et en l’allégation spécifique (maintenant largement démystifiée) que Roger Stone était la clé pour prouver qu’il y avait un canal de communication parallèle pour WikiLeaks. Dans sa tournée promotionnel et partageant une scène avec Jeremy Scahill, Poitras a déclaré au sujet des #DNCLeaks :

Laura Poitras : « Il était clair que ça allait être important, [WikiLeaks] était sur la scène mondiale d’une manière qu’il n’avait pas connue depuis 2010, je pense, c’était évident, à ce même niveau. Je suppose que j’avais besoin de comprendre un peu ce qui s’était passé. Jeremy et moi venons d’en parler, il vient de faire une interview avec Julian pour The Intercepted, le podcast de Jeremy. Là où en sont les choses, ou ce que nous croyons être exact, c’est qu’il y a eu un piratage effectué par la Russie, qu’une certaine quantité a été soumise à WikiLeaks par un intermédiaire ou un agent et que Julian nie que sa source soit un acteur étatique. »

En réponse à une question d’un autre membre de l’auditoire, Jeremy Scahill a dit : « Je pense que les vies qui ont été positivement influencées par WikiLeaks sont trop nombreuses pour les compter ».

C’était une reconnaissance bienvenue, venant après que Scahill avait précédemment dénoncé Julian comme « sexiste », et qu’il avait malicieusement, et à tort, dit qu’Assange pouvait être comparé à Bill Clinton.

« Ce serait très intéressant de voir un film qui comparerait ainsi les vies de Julian Assange et de Bill Clinton… »

Comme personne ne riait, Scahill a vite renoncé à sa pitoyable tentative d’humour avec un « …non, je suis désolé » et est rapidement passé à autre chose.

L’incapacité apparente des soi-disant défenseurs des femmes à faire la différence entre la violence physique et délibérée d’un viol réel, comme le viol de Juanita Broderick par Bill Clinton, comparé aux désaccords sur les préservatifs ou, dans le cas d’Appelbaum, le lavage de dos non consensuel, le baiser dans un bar, aux blagues douteuses ou aux propositions, déstabilise et est pour tout dire déprimante pour celles d’entre nous qui sommes des survivantes.

Les comportements sexuellement dommageables et d’autres aspects de la culture du viol peuvent et doivent être dénoncés et déplorés, sans qu’il soit nécessaire de les assimiler au viol. La propension des progressistes à le faire affaiblit et amoindrit le vécu des victimes de viol et la gravité de la situation. Il semble qu’il s’agisse d’une autre fonction du privilège de banaliser des termes comme « viol », « violeur » et « violeur en série » sans comprendre les répercussions de cette pratique.

Le viol est une agression contre les cinq sens. Pendant une longue période de temps par la suite, elle vous rend presque incapable de vivre dans votre corps, de vivre dans votre vie. Incapable de préserver vos perceptions sensorielles ou de les rétablir dans leur fonctionnement d’avant le viol.

Décrire faussement un comportement sexuel problématique commun à l’ensemble de la population comme un « viol » rabaisse et fragilise les survivantes, tout comme élargir injustement la définition de ce qui constitue un violeur, ou marquer chaque homme comme un violeur par affiliation. A cause de cela, beaucoup d’hommes qui ne sont pas des violeurs ont du mal à faire face à ce qu’il faut changer. Cela les dissuade de s’engager de manière significative sur des questions légitimes. Cela encourage un retour de bâton inévitable et contre-productif, qui n’aurait pas dû se produire.

J’ai été la première à enquêter sérieusement sur JakeGate, à une époque où c’était anathème de le faire, bien avant que la presse européenne ne fasse de même. Je l’ai fait parce que j’ai instantanément reconnu que ce que le site Web de diffamation présentait comme des récits de victimes, contenait des différences marquées par rapport aux attributs communs des témoignages de victimes.

Comme je creusais au fond de ce labyrinthe, j’ai trouvé des dizaines d’autres éléments alarmants derrière ce qui se passait avec les activistes et les organisations impliquées, comparés à ce qu’ils présentaient en surface.

Certains aspects sont liés au travail extrêmement important que Laura Poitras et Jacob Appelbaum faisaient ensemble, avant que leur relation n’implose.

Les critiques d’Appelbaum dénoncent l’idée qu’on devrait encore se souvenir de lui pour avoir fait « du bon travail ». La vérité, c’est qu’il n’a pas seulement fait du bon travail. Il a fait un travail vital, crucial et essentiel que très peu d’entre eux, si ce n’est aucun, se sont engagés à continuer.

Il a travaillé avec des victimes de Guantanamo. Il a dénoncé une technologie de surveillance que personne d’autre n’avait. Il a voyagé dans le monde entier, aidant des militants et des journalistes en danger à échapper aux attaques dont ils faisaient l’objet de la part de leur gouvernement.

Dans la vidéo ci-dessus, Poitras et Appelbaum étudient des noms de la liste des cibles à éliminer de la NSA provenant des fichiers Snowden.

Durant les dernières années de son engagement public, Appelbaum plaisantait régulièrement en disant que s’il était tué, ce serait un meurtre. Alors qu’il souriait et riait en le disant, il y avait une sombre vérité sous-jacente à son humour sardonique. Car s’il n’avait pas été neutralisé, castré socialement, comme il l’a finalement été – s’il n’avait pas été rendu persona non grata par les communautés mêmes qu’il travaillait à isoler du ciblage gouvernemental – il aurait très bien pu être tué.

La facilité avec laquelle l’empire américain peut ajouter un nom à la liste des assassinats est mise en évidence dans cette même présentation de Poitras et Appelbaum. Alors que la barre de l’inclusion est beaucoup plus basse dans une zone de guerre, seuls les naïfs croient que les assassinats cautionnés par l’État de certains journalistes et dissidents ne se produisent pas aussi en Occident.

Nous nous précipitons vers un avenir où des drones militarisés seront déployés au-dessus de la tête de tous les citoyens occidentaux. Là où il n’est pas inconcevable que l’exécution extrajudiciaire de « menaces à la sécurité nationale » se produise sur notre propre sol avec peu de bruit, tout comme elle se produit déjà au Yémen, en Somalie, au Pakistan, en Afghanistan, en Syrie, en Irak et Dieu sait dans combien d’autres pays.

C’est à ce niveau de menace pour les droits de l’homme que nous sommes confrontés. Être honnête au sujet des risques de l’activisme, c’est aider les gens à comprendre pourquoi ils doivent s’engager dans la lutte pour empêcher ces risques de s’aggraver et de se propager.

La plupart des dissidents occidentaux n’atteindront jamais le niveau idéal d’un Julian Assange ou d’un Jacob Appelbaum. Reconnaître les menaces qui existent pour certains d’entre nous, donne aux gens les moyens de mieux nous comprendre et nous soutenir.

Une partie de notre devoir de vigilance envers les autres militants est de partager avec eux toute l’étendue de nos connaissances sur les systèmes et méthodes utilisés contre nous, tout comme Appelbaum l’a toujours fait.

Pourquoi le film Risk porte un tel titre va de soi. Les risques sont réels.

Tous ceux qui ont participé aux reportages de Snowden étaient en danger – personne ne l’était plus que Snowden lui-même. De même, pour tous ceux qui sont impliqués dans WikiLeaks – il en est de même concernant Julian. Tout comme tous ceux qui ont été impliqués avec Kim Dotcom, ou tous ceux qui sont pris pour cible par les échelons supérieurs de l’Empire américain.

Pour parler clairement on ne pourra pas s’en protéger. C’est un simple fait de notre existence.

Mais il existe aussi différents types de risques.

« Je n’arrive pas à croire ce qu’il me permet de filmer… » dit Laura de Julian, dans Risk.

Mais Assange ne la laissait pas seulement filmer. Il avait l’intention de divulguer la véritable histoire de WikiLeaks au public : Poitras ne devait être que le vecteur.

Laura le reconnaît lors d’une projection promotionnelle : « En fait, je pense qu’il voulait qu’il y ait un témoignage enregistré de ce qui se passait. »

Le film couvre des événements marquants d’une énorme valeur historique : Julian vivant en résidence surveillée, travaillant sur des publications de masse, comparaissant devant le tribunal, se déguisant et se précipitant à l’ambassade de l’Équateur, engageant des conversations avec des avocats, des diplomates, des célébrités et sa mère.

C’était censé être le point central du film. C’est la raison pour laquelle le personnel de WikiLeaks a donné son consentement.

À 13’53 dans la vidéo de la projection, Laura parle de ses conflits avec Julian au sujet du montage final : « Je trouve quelque peu ironique qu’il essaie de censurer le contenu du film étant donné la mission idéologique de WikiLeaks. »

Après de nombreuses heures de réflexion, j’ai réalisé que le film de Poitras est l’illustration du débat sur ce qui devait être conservé.

Assise dans sa salle de montage, Poitras en était la gardienne. En refusant de permettre aux parties concernées d’avoir leur mot à dire à ce sujet, elle conservait le contrôle sur les aspects de leur vie et de leurs relations qu’on allait laisser transparaître, et sous quel éclairage.

Le modèle WikiLeaks serait de simplement diffuser toutes les séquences. Le modèle de la réalisation d’un film est de prendre les images filmées, puis de les monter pour en faire un récit, de les habiller et de les diffuser. On parle de la réalisation de films comme d’un art.

Ainsi, les événements sont vulnérables devant les décisions créatrices du cinéaste, bien avant qu’ils ne soient soumis à l’interprétation du public. Le sens de l’humour très acerbe, très farfelu, très australien d’Assange, devient inconvenant aux yeux d’une réalisatrice libérale américaine. Même si, en tant que spectateur, je reconnais son esprit acerbe pour ce qu’il est au fond, il m’a été présenté comme autre chose. Le montage en a fait une information de troisième main. Moins de témoignages, et plus de téléphone arabe [c’est un jeu dont l’objectif est de faire passer, en chuchotant, un message d’une personne à l’autre. Bien que l’objectif du jeu soit de faire passer le message sans le déformer en cours de route, une partie du plaisir est que, quoi qu’il en soit, celui-ci finit généralement par être déformé, NdT]. C’est devenu un script.

Ces points de vue contrastés sont au moins très humains. Deux façons de refléter un même tout quel qu’il soit. La lumière réfractée, dont Poitras aime à remplir ses cadres ; les rayons de soleil et l’ombre… deviennent des représentations de la différence d’opinion.

Cela, on peut le pardonner. C’est à l’appréciation du spectateur.

Moins pardonnables, sont les mensonges flagrants et les contrevérités.

Mensonges flagrants et contrevérités.

Pour des raisons inconnues, la lanceuse d’alerte du FBI Sibel Edmonds a une longue expérience dans la critique des autres lanceurs d’alerte et de ceux qui font la promotion de leur travail. Daniel Ellsberg, Glenn Greenwald et, en particulier, Edward Snowden figurent sur sa liste de cibles.

Sa structure d’édition Newsbud publie des articles et des vidéos ridiculisant tout ceux mentionnés ci-dessus et bien d’autres encore.

Récemment, Edmonds a interviewé Whitney Webb de MintPress News (révélation : j’ai écrit pour MintPress pendant plusieurs années) sur sa récente série d’articles sur les liens entre Pierre Omidyar, PayPal, The Intercept, Glenn Greenwald et la Freedom of the Press Foundation.

Les articles sont présentés comme une défense de WikiLeaks, mais le font en attaquant tous ceux qui sont mentionnés plus haut.

Edmonds présente le travail de Webb comme étant un « journalisme d’investigation solide », bien qu’il ne soit guère plus qu’un agrégat de faits circonstanciels provenant des archives publiques et réunis dans un récit désobligeant.

L’entrevue Edmonds/Webb contient un certain nombre de déclarations fausses.

À 15’20 dans la vidéo, Webb donne le coup d’envoi en suggérant que The Intercept n’a été lancé que pour faire des articles sur les documents de Snowden : « Au fil des ans, il est apparu que considérer les fuites Snowden et tout le reste comme leur unique base s’est avéré faux, ils ont eu beaucoup d’autres articles qui sont sortis et qui n’ont rien à voir avec ces documents… »

L’annonce du lancement de the Intercept à partir de 2014 contredit Webb : « Notre mission centrale est de demander des comptes aux factions gouvernementales et corporatives les plus puissantes et, pour ce faire, nous ferons des reportages sur un large éventail de questions ».

Webb poursuit en parlant des documents de Snowden : « Un document est sorti à la fin de l’année dernière et c’était l’une des premières publications sur Snowden que The Intercept avait sortie depuis très longtemps. »

Dans l’une de ses nombreuses attaques contre Glenn Greenwald sur Twitter, Webb a déclaré :

En 2017, The Intercept a publié jusqu’à 600 documents de Snowden, avec près d’une douzaine de rapports personnels basés sur ceux-ci.

L’affirmation contraire de Webb trahit son ignorance totale. Tout ce que Webb aurait eu à faire pour se renseigner sur le sujet, c’est de visiter leur site Web et cliquer sur « Documents ». Son incapacité à le faire démontre une totale incompétence.

Edmonds et Webb ajoutent à cela de multiples affirmations (également couramment diffusées sur les médias sociaux) que The Intercept a délibérément dissimulé le fichier auquel Webb fait référence.

« Le document qui a été publié était un document de la NSA… The Intercept a gardé au chaud ce document pendant quatre ans et demi à l’époque. »

Webb n’a aucune base lui permettant de faire cette affirmation : il est impossible d’étayer toute intention de la part de The Intercept de supprimer la divulgation d’un document en particulier.

Julian Assange a contextualisé la question de la raison d’être fondatrice de The Intercept et a souligné qu’aucune intention de rétention d’un document spécifique ne peut être invoquée :

L’accent mis par Edmonds et Webb sur Omidyar et PayPal (qui, je pense, est tout à fait valable) devient rapidement de la calomnie pure et simple à l’encontre de Glenn Greenwald et Edward Snowden.

À 4’40 dans la vidéo, Sibel remet en question la véracité de l’ensemble des fuites de Snowden tandis que Whitney glousse sans arrêt.

Sibel déclare que « la naissance de The Intercept était basée sur ce qu’on appelle le cas Snowden, les prétendues fuites Snowden, disons le comme ça. Et Glenn Greenwald. Il y a prétendument un lanceur d’alerte qui divulgue prétendument plus de 500 000 pages et qui ne les divulgue pas. Il donne et remet cette information à ce prétendu journaliste d’investigation Glenn Greenwald… » [nous soulignons]

Le langage répétitif de Sibel est une tactique de manipulation courante qui rappelle la programmation neuro-linguistique : Elle n’a aucune preuve tangible que les fuites de Snowden n’étaient pas des fuites, aucune preuve que Snowden n’est pas un lanceur d’alerte, aucune preuve qu’il a divulgué 500 000 pages (Greenwald & Snowden eux-mêmes ont quantifié les archives comme étant beaucoup moins que cela) et il est sûr et certain qu’elle n’a aucune preuve que Glenn Greenwald n’est pas un journaliste d’investigation. Surtout étant donné ses nombreuses années de journalisme d’investigation avant les révélations de Snowden.

À 9’00, Webb se disperse en essayant de dépeindre les liens tacites de Booz Allen Hamilton avec le réseau Omidyar comme étant en quelque sorte liés aux fuites Snowden. Elle dit : « Les relations Snowden-Omidyar Booz Allen Hamilton… ils ont été appelés l’agence d’espionnage la plus rentable, James Clapper était un ex-directeur… si vous vous souvenez de l’histoire de Snowden il y a des années, Snowden travaillait pour Booz Allen Hamilton… même si le rythme des fuites s’est fait à une vitesse de tortue, Snowden ne s’est pas du tout plaint… »

Cela implique que Booz Allen Hamilton a en quelque sorte profité des fuites, comme s’il s’agissait d’une évolution positive pour eux d’être humiliés à l’échelle mondiale pour avoir vu un de leurs employés compromettre leurs systèmes, extraire des milliers de documents top secrets et les transporter au-delà des frontières internationales.

Pendant ce temps, dans la réalité, les actions de Booz Allen Hamilton ont chuté dans le sillage immédiat des révélations de Snowden. On se demandait ouvertement si l’entreprise survivrait au scandale.

Ceci, pour dire que ce que Webb a décrit comme « l’agence d’espionnage la plus rentable » n’était pas une aubaine du tout. C’était une catastrophe fiscale imminente.

De manière incroyable, Webb et Edmonds font référence à plusieurs reprises à un communiqué #GIFiles qui a révélé les efforts de l’opérateur en renseignements HB Gary pour discréditer WikiLeaks, en ciblant Glenn Greenwald en raison du soutien qu’il leur apportait. Quelques minutes après avoir présenté cela comme une preuve des menaces auxquelles WikiLeaks fait face, Edmonds s’attaque à Greenwald, suggérant qu’il était une sorte de roi du porno gay en cavale du gouvernement américain, caché au Brésil. Des rumeurs malveillantes diffusées par nul autre que le FBI immédiatement après le reportage de Greenwald sur Snowden.

Webb a essayé de se défiler après ces allégations farfelues, en les mettant toutes sur le dos d’Edmonds. Ca a été anéanti comme un navire qui sombre.

Julian Assange a qualifié les attaques d’Edmonds contre Glenn de « calomnieuses ». Je ne pourrais pas être plus d’accord.

L’inanité de faire référence au complot de HB Gary pour saper le soutien de Greenwald à WikiLeaks, avant d’attaquer Greenwald sans merci, semble avoir échappé tant à Edmonds qu’à Webb.

Heureusement, Julian et Glenn ont une tonne de respect mutuel bien mérité et ils sont là depuis trop longtemps pour tomber dans l’arnaque diviser pour régner d’Edmonds.

Webb et sa litanie de mensonges au sujet de Glenn et de The Intercept semble inépuisable. Elle a surtout repris des critiques légitimes sur Pierre Omidyar – un membre du club des milliardaires – et les a étendues telles quelles à tous ceux qui lui sont vaguement liés.

Glenn ne l’entendait pas de cette oreille et a démonté tout cela en deux secondes

Malheureusement, les inepties de Webb ne se sont pas limitées à l’émission de Sibel Edmond. Elle a fait une autre prestation lamentable dans l’émission de Stranahan.

A 7’20 de l’interview, elle a failli réussir à soulever un point clé, mais elle n’avait toujours pas assez bien appris ses leçons pour ne pas se tromper. Webb dit de la Freedom of the Press Foundation : « les membres de son conseil d’administration sont presque tous des contributeurs de The Intercept ou des gens comme Edward Snowden. »

La majorité des membres du conseil d’administration de la Freedom of the Press Foundation (FPF) ont un point commun très important. Mais ce n’est pas The Intercept. Il s’agit de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) [ONGI de protection des libertés sur Internet basée à San Francisco, NdT]

Sur les neuf membres du conseil d’administration de la FPF, cinq (au minimum) ont des liens directs avec la EFF.

John Perry Barlow, bien sûr, a été cofondateur de l’EFF. Rainey Reitman est l’actuel directeur de l’activisme à l’EFF. Micah Lee était technologue à l’EFF. Trevor Timm, directeur exécutif de la FPF (essentiellement le directeur opérationnel), est également un ancien membre du EFF. Laura Poitras a travaillé avec l’équipe juridique de l’EFF. Il existe d’autres liens directs avec la EFF au sein du personnel de la FPF et de son conseil consultatif technique.

C’est la véritable preuve irréfutable qui met en contexte la décision du conseil d’administration de la FPF de cesser de financer WikiLeaks – et non les connexions à The Intercept, comme le prétend Webb. (Des informations plus critiques sur la EFF figurent plus loin dans cet article)

A 12’45 dans l’interview de Stranahan, Webb fait de nouvelles affirmations inexactes sur le reportage Snowden de The Intercept. Elle déclare maintenant que « trois articles par an sont parus sur ces documents ». Comme cela a déjà été démontré, c’est manifestement faux.

À 13’00, Webb affirme que « comme l’a mentionné la lanceuse d’alerte du FBI Sibel Edmonds dans mon article, elle a dit en 2013 que beaucoup des fuites Snowden contiennent des informations qui sont très accablantes pour Paypal, et que la connexion de Paypal au gouvernement américain, la NSA, la CIA et le ministère du Trésor fait que Greenwald a changé sa position en ce qui concerne les fuites, depuis qu’il a été employé par The Intercept ».

Cette insulte d’Edmonds remonte à 2014.

En s’en prenant à Glenn Greenwald et à The Intercept, Edmonds et Webb s’attaquent à la seule organisation médiatique qui publie encore les documents et à la seule organisation à s’être lancée dans la publication en masse de fichiers Snowden.

Edmonds et Webb ne se contentent pas de produire des travaux attaquant Greenwald et The Intercept, elles critiquent aussi la Freedom of the Press Foundation.

Mais à quelle fin ?

Tout comme pour l’entretien post-électoral, les récits dominants sur la décision de la FPF de couper les vivres à WikiLeaks sont issus de deux lignes strictement diamétralement opposées :

  1. La Freedom of the Press Foundation est bien et WikiLeaks est mauvais (promu par Micah Lee/les membres de laEFF )
  1. WikiLeaks est bien et la Freedom of the Press Foundation est mauvaise (promu par Whitney Webb/Sibel Edmonds)

Parmi ces deux postulats ci-dessus quel que ce soit celui que vous avez cru jusqu’à présent, ils servent le même objectif.

La vérité ne peut être trouvée qu’en regardant de plus près comment la décision de couper les vivres à WikiLeaks a été prise.

Ce faisant, nous verrons qu’il existe une troisième façon de voir la situation. Une voie du milieu.

La théorie des jeux et la voie du milieu

Comme Greenwald l’a dit récemment à propos du RussiaGate : les partisans devraient le mener jusqu’à sa conclusion logique et se demander de quoi il s’agit ?

Il en va de même pour la FPF. Quel est le résultat net si nous prenons la position de Micah Lee ? Quel est le résultat net si nous adoptons celle Sibel Edmonds and Whitney Webb ?

Ces deux résultats sont utiles aux services de renseignement.

Dans la version des évènements de Micah Lee, la Freedom of the Press Foundation a décidé à l’unanimité de couper le financement de WikiLeaks car il n’y avait aucune preuve que le blocus bancaire soit demeuré en vigueur.

Edmonds et Webb allèguent que la Freedom of the Press Foundation a coupé le financement de WikiLeaks parce qu’ils reçoivent des fonds du milliardaire Pierre Omidyar.

Les deux exposés négligent de mentionner que la question était en fait une pomme de discorde qui a donné lieu à un long débat au sein de la FPF. Un conflit interne qui comprenait la démission d’un membre du conseil d’administration et qui a pu présenter un problème existentiel pour l’organisation.

L’article de novembre 2017 Free Press Group Ready To Cut Off WikiLeaks, de Kevin Poulsen et Spencer Ackerman qui a admis être un admirateur de Petraeus, a précédé l’annonce officielle par la FPF disant que la décision avait été prise.

L’article tente de justifier l’action imminente de la FPF en faisant un certain nombre d’allégations sur WikiLeaks qui ont été réfutées. Y compris des déclarations farfelues comme « WikiLeaks a fait cause commune avec des forces d’extrême droite, principalement Donald Trump et Vladimir Poutine » et pose une question dangereuse et imprudente : demander si WikiLeaks est « devenu autre chose, quelque chose de moins journalistique pendant les élections ? »

WikiLeaks a gagné son statut journalistique plus que toute autre organisation médiatique sur terre, ayant pris des risques personnels et enduré des épreuves à un niveau sans égal dans sa génération. La tentative tacite de ces journalistes de dépouiller rétrospectivement WikiLeaks de ses protections journalistiques est lâche et sournoise.

Poulsen et Ackerman minimisent également de façon drastique l’importance de la réduction du financement de la FPF pour WikiLeaks, en écrivant : « L’effet pratique de ce changement est que les donateurs de WikiLeaks en Amérique pourraient ne plus être en mesure de demander une déduction fiscale. »

Comme nous l’avons démontré plus tôt dans cet article par le biais des déclarations originales de Daniel Ellsberg sur les raisons du canal pour les donations, les implications pour les supporters de WikiLeaks vont bien au-delà de cette simplification.

Poulsen et Ackerman attribuent des messages directs à Julian Assange, sans preuves suffisantes. Leur seule « preuve » : le même tweet lié plus tard par Lee et Currier à Assange, tweet dans lequel Assange suggère que Donald Trump envisage « notre offre d’ouvrir une ambassade de style hôtelier à Washington avec des suites de luxe pour les lanceurs d’alerte ».

Une blague évidente que de nombreux journalistes ont fait semblant de prendre au pied de la lettre.

C’est franchement idiot que l’utilisation du mot « notre » dans le tweet ci-dessus soit la base de la conclusion de Poulsen, Ackerman, Lee et Currier disant que tous les messages des comptes WikiLeaks sont envoyés par Julian Assange.

Le destinataire des messages, Xeni Jardin, les a partagés avec le Conseil d’administration de la FPF à la suite des élections de 2016. Jardin a démissionné de son poste de membre du conseil d’administration en décembre 2016 et a dit à Poulsen et Ackerman qu’elle s’était sentie « sans soutien ». Leur article dit que « Micah Lee était le seul membre du conseil d’administration de la réunion à convenir que le moment était venu de couper les liens » (avec WikiLeaks).

Il a fallu « un débat d’un an entre les directeurs de la Freedom of the Press Foundation » avant qu’une déclaration du directeur exécutif de la FPF Trevor Timm ne confirme que le consensus sur la question du financement de WikiLeaks avait finalement été atteint en octobre 2017.

Plusieurs autres chiffres provenant de l’article confirment que la question a divisé le Conseil d’administration. Il a fallu redéfinir la question de savoir si le blocus bancaire existait toujours, afin de justifier la décision de se couper de WikiLeaks.

Cela fait voler en éclats l’idée que la décision était liée de quelque façon que ce soit au financement de la FPF, aux liens avec The Intercept ou à Pierre Omidyar. Sinon, pourquoi aurait-il fallu un an pour y parvenir, après la perte du membre du conseil d’administration qui avait initialement soulevé la question ?

De façon plutôt amusante, Micah Lee a dit à Poulsen et Ackerman : « Protéger la liberté de la presse pour les rédacteurs avec lesquels nous ne sommes pas d’accord est important… mais cela ne signifie pas que WikiLeaks devrait pouvoir harceler les membres de notre conseil sans conséquences. »

On peut se demander si les quelques messages directs reçus par Jardin peuvent être considérés comme du harcèlement ; comme on pouvait s’y attendre, le harcèlement public de Micah Lee à l’égard de WikiLeaks et de Julian Assange, qui s’est prolongé beaucoup plus longtemps, est complètement ignoré.

Snowden lui-même est subtilement ciblé par l’article, qui par deux fois fait allusion à des sources anonymes qui laissent échapper l’opinion présumée de Snowden à leur égard :

« Snowden, racontent des sources proches de lui à The Daily Beast, a senti depuis longtemps qu’Assange a emmené WikiLeaks loin d’une vision positive et constructive de ce que Snowden croit que WikiLeaks pourrait ou devrait être. » – Poulsen/Ackerman

« Plusieurs membres du conseil d’administration, dont Snowden, ont été peu à peu déçus par WikiLeaks. Snowden considère depuis un certain temps qu’il s’est éloigné de ses missions méritoires de transparence et de responsabilité, ont déclaré au Daily Beast des sources familières avec sa pensée. » – Poulsen/Ackerman

Comme Assange, Snowden fait très attention dans ses apparitions publiques de ne jamais parler au nom d’une autre personne. Il est extrêmement peu probable que, pour divulguer des informations sur ses opinions, il utilise nulle autre personne et nul autre endroit, que Kevin Poulsen, l’ami proche d’Adrian Lamo, informateur du FBI, ou The Daily Beast, affilié à Chelsea Clinton.

Ceux qui sont proches de Snowden ou d’Assange sont connus pour protéger farouchement leur vie privée, par nécessité et par respect.

Cela signifie que d’autres personnes impliquées dans la FPF font référence à Snowden pour essayer de consolider leurs propres positions, et Poulsen/Ackerman masquent l’identité de ces personnes.

Le message caché de leur article est le suivant : « Vous ne nous ferez peut-être pas directement part de vos commentaires, mais d’autres le feront, Snowden. Vous êtes sur un bateau qui prend l’eau. »

Edward Snowden est un homme assez intelligent pour chiper les secrets les mieux gardés de la NSA sous leur nez, s’assurer qu’ils deviennent des nouvelles mondiales et rester en vie pour tout déballer . Il est la dernière personne sur terre qui aurait besoin qu’on lui dise de rester près de ses amis et encore plus de ses ennemis.

En tant que président du conseil d’administration, le rôle de Snowden est de préserver la capacité de l’exécutif à fonctionner sans heurts, au service de l’intégrité de l’organisation. Ayant traîné pendant un an et ayant déjà subi la perte d’un membre du conseil d’administration, il est probable que le drame lui a causé plus d’une migraine.

Les problèmes interpersonnels et les conflits idéologiques entre les membres du conseil d’administration peuvent être devenus la première menace existentielle sérieuse pour cette organisation.

S’il s’agissait de maintenir leur capacité à aller de l’avant en tant que groupe ou de risquer l’implosion, le vote unanime final pour couper les liens avec WikiLeaks aurait pu être moins sur WikiLeaks et plus sur la protection de la viabilité de la FPF comme affaire en activité.

C’est la troisième façon – la voie du milieu – de voir la situation. Il ne s’agit pas de FPF et de WikiLeaks qui seraient respectivement « mauvais » ou « bons ».

Il s’agit d’une organisation avec des conflits internes et des forces multiples qui la tirent dans des directions différentes, sous pression pendant une longue période pour couper les liens avec une autre organisation assiégée et attaquée.

Comme la plupart des choses dans la vie, la situation est complexe et pleine de nuances.

Nous devons voir au-delà les récits trop faciles présentés par des gens comme Poulsen, Ackerman, Lee, Currier, Edmonds et Webb.

Les fans de WikiLeaks ne doivent pas être bernés au point de montrer leur soutien en attaquant d’autres personnes qui sont en réalité des supporters WikiLeaks.

Et les partisans de la Fondation pour la liberté de la presse ne doivent pas non plus être poussés à s’en prendre à une institution médiatique ciblée par l’État.

Choisir l’un ou l’autre camp dans ce combat est préjudiciable aux deux.

Sauvons-nous nous-mêmes

Tout au long de l’histoire, il n’y a jamais eu d’institutions établies pour nous sauver ou faire progresser notre société, mais des citoyens ordinaires se sont unis pour s’entraider et réaliser des changements.

Le soutien des ONG est généralement réactif et rarement proactif. Ils ne se lèvent que pour ceux qui sont dans leur sphère d’intérêt politique ou de relations publiques. (Ou pour ceux qui, de manière indépendante, ont atteint un niveau de conscience publique de leur situation qui, s’il était ignoré par l’ONG, porterait gravement atteinte à leur réputation).

En outre, presque sans exception, les ONG acceptent de l’argent de ces mêmes gouvernements et entités militaires qui sont à l’origine des problèmes que les ONG prétendent résoudre.

Rachael Tackett, spécialiste de la recherche de la FOIA [Freedom of Information Act, loi d’accès à l’information, NdT], m’a récemment décrit cela comme le « complexe industriel des ONG ».

Tackett a chercher à me contacter après m’avoir vu tweeter sur l’Electronic Frontier Foundation (EFF). Elle m’a orienté vers son analyse d’octobre 2017 de leur financement, qui inclut de l’argent provenant du fonds « Internet Freedom » du département d’État, par le biais du projet « Radio Free Asia » du Broadcasting Board of Governor’s Cold War [agence indépendante du gouvernement des États-Unis pour la guerre froide chargée du contrôle des radios et télévisions internationales financées par le gouvernement américain NdT], une tristement célèbre aile de propagande étrangère du gouvernement américain.

Tackett écrit :

« L’Electronic Frontier Foundation (EFF), très médiatisée, est présentée comme la championne des libertés civiles numériques et de la lutte contre la surveillance massive exercée par le gouvernement américain. L’EFF reçoit aussi de l’argent de ce même gouvernement qu’elle prétend combattre. »

L’EFF a expliqué la source de financement en déclarant que les contributions ne proviennent pas « directement » du gouvernement américain, mais qu’elles « émanent » de ce dernier. Sa source directe en est, Radio Free Asia, qui est notoirement opaque.

Tackett explique que « puisque Radio Free Asia a omis de déposer les rapports de transparence, l’argent que Radio Free Asia a donné à l’EFF n’apparaît pas sur USASpending.gov, le site du gouvernement américain consacré à la transparence des financements ».

Et Tackett continue :

L’EFF soutient également que l’argent de Radio Free Asia est alloué à des projets spécifiques plutôt qu’à des fonds généraux. Mais cet argument ne tient pas la route : La façon dont l’argent est dépensé est moins importante que le fait que l’EFF est un mandataire du département d’État.

Ce qui est le plus préoccupant, ce sont les dispositions du Congrès concernant le financement en question :

L’EFF n’accepte pas seulement l’argent du gouvernement ; il reçoit des fonds explicitement consacrés à la promotion de la sécurité nationale et des intérêts de la politique étrangère des États-Unis.

Bien qu’elle se considère comme une organisation militante, l’EFF a été prise pour cible par les activistes de Bay Area [ou baie de San-Francisco, zone où se trouvent de nombreux groupes de militants et d’activistes, NdT] pour leurs liens avec Google et d’autres entreprises.

Le siège de l’Electronic Frontier Foundation [EFF], ciblé par les activistes

Regardez les biographies du personnel actuel de l’EFF et vous trouverez des diplômes en relations internationales, un ancien employé de Twitter, plusieurs anciens employés de Google, un ancien employé du ministère du Commerce et plusieurs employés de la Maison-Blanche d’Obama.

La lecture de la page du comité consultatif révèle que le programme de bourses Google Public Policy place les membres du personnel directement dans l’EFF.

Yasha Levine, auteur et journaliste de Surveillance Valley, parle de l’EFF lors d’un récent entretien en podcast :

« C’est un groupe de réflexion d’entreprise. Il s’agit d’un groupe de réflexion d’entreprise dont l’objectif principal est d’apparaître comme une organisation de terrain, mais qui, en réalité, roule entièrement pour ses sociétés donatrices. C’est donc un groupe de façade… il représente les intérêts de ses commanditaires, car il est entièrement financé par la Silicon Valley et, bien sûr, il va représenter ses intérêts. Mais son pouvoir réside dans sa capacité à nous convaincre qu’il se soucie de nos intérêts et de ceux des Américains moyens… »

Malheureusement, Levine poursuit en affirmant que l’EFF ne critique jamais Google et n’attire jamais l’attention sur les implications de la surveillance dans le secteur privé. Cette affirmation est contredite par une simple recherche dans les comptes de médias sociaux de l’EFF.

Mais c’est loin d’être une exonération de la relation étroite entre Google et EFF. Un commentaire sur la page du podcast indique ce qui suit :

Julian Assange a déjà écrit un livre entier – When Google Met WikiLeaks [Quand Google a rencontré WikiLeaks, NdT] – sur les liens profonds entre Google et le Département d’État, suggérant qu’ils sont essentiellement une seule et même entité.

Regardez les biographies des membres du conseil d’administration de l’EFF et vous découvrirez :

  • un ex-développeur du White House Science and Technology policy de l’administration Obama [Bureau de la politique scientifique et technologique pour la Maison Blanche NdT] ainsi que de l’ancien Department of Health and Human Sciences [département de la Santé et des Services sociaux NdT], et ancien directeur technique (CTO) du Forum économique mondial, véritable noyau de la mondialisation à l’échelle planétaire.
  • un ex-vice-président et chef du contentieux de Verizon Communications, une importante société de télécommunications spécialisée dans les programmes d’espionnage au pays, également conseillère auprès du G8.
  • Shari Steele – Ancienne directrice exécutive de l’EFF depuis 15 ans, épouse célèbre d’un mandataire – de son propre aveu – de la NSA (vous pouvez lire son blog sur elle). Shari est passée de l’EFF à Tor en décembre 2015 et en l’espace de six mois, elle a supervisé l’évolution de l’ensemble du conseil du projet Tor. Bien qu’ayant changé de poste pour Tor, elle reste au conseil d’administration de l’EFF.

Les liens avec le Forum économique mondial (WEF) sont particulièrement intéressants. Fondé par un ancien membre du comité directeur de Bilderberg, le Forum réunit des élites financières de l’industrie et du gouvernement pour planifier l’avenir de l’humanité. Ils prônent ouvertement le transhumanisme, le corporatisme et la globalisation.

L’adhésion au WEF commence à 50 000 $ pour une personne et à 500 000 $ pour une entreprise. Par an.

Lors de la réunion du WEF à Davos, John Perry Barlow, cofondateur de l’EFF, a rédigé sa célèbre Déclaration sur l’indépendance du cyberespace en 1996.

En effet, le WEF a immortalisé le défunt Barlow dans cette poignante notice nécrologique, qui proclame à grands cris l’ouverture et la liberté sur Internet jusqu’à ce que vous arriviez à ce qui est écrit en petits caractères.

Après s’être montré lyrique à propos de ses idéaux, le récit change pour les miner :

« Il existe un consensus général sur le fait que la voie sur laquelle nous nous sommes engagés n’est pas durable. Mais il n’y a pas de solution miracle ici. Nous voulons être en mesure d’exploiter des renseignements à grande échelle pour mettre fin au trafic d’êtres humains, tout en protégeant la vie privée de la grande majorité d’entre eux. »

Dans ce qui précède, « renseignement à grande échelle » est un euphémisme pour la surveillance de masse.

Peu de temps après, la notice nécrologique propage l’idée que les craintes des utilisateurs quant à la maîtrise de leurs propres données ne sont pas pertinentes à l’ère de l’information :

« On peut se disputer toute la journée pour savoir « à qui appartiennent mes données » – mais dans un monde Internet, comme les données sont un bien non exclusif et reproductible à l’infini, est-ce que la question a un sens ? »

La nécrologie cite :

« Cindy Cohn, directrice exécutive de l’Electronic Frontier Foundation et collaboratrice de longue date de Barlow’s, admet qu’il a été « parfois présenté comme un homme de paille pour une sorte de techno-utopie naïve qui croyait que l’Internet pouvait résoudre tous les problèmes de l’humanité ». »

Tout en continuant à présenter Internet comme le creuset des décisions collectives de millions d’utilisateurs, l’article admet tacitement :

« Les gouvernements ont bien compris le pouvoir qu’offre un média aussi omniprésent, à la fois en termes de collecte de renseignements et d’influence. »

Il ne peut plus y avoir de doute quant à la manière dont l’EFF couche avec le gouvernement. Les programmes du département d’État ne sont pas les seules entités gouvernementales à avoir reçu des factures de l’EFF.

Les employés de l’EFF et/ou de l’organisation dans son ensemble ont une longue histoire d’engagement direct auprès des agences de renseignement qu’ils s’efforcent de tenir pour responsables.

Sachant que le fondateur de l’EFF, John Perry Barlow, était un ami précieux de Julian Assange, j’ai été extrêmement surprise de découvrir à quel point les relations de l’EFF avec la communauté du renseignement étaient étendues et profondément enracinées depuis longtemps. Je l’ai appris de la bouche même de Barlow.

Dans un très long article paru dans Forbes en 2002 intitulé Why Spy ? [pourquoi espionner ?], Barlow raconte ses plus de dix ans de contrats avec la CIA et la NSA.

Je ne vais pas tenter de régurgiter tous les points importants ici car il y en a trop – il faut simplement le lire dans son intégralité. Barlow s’y montre dans toute sa complexité – fustigeant la bureaucratie et le secret, mais admirateur du général Michael Hayden. Critique des agences de renseignement, mais pourtant depuis longtemps bénéficiant financièrement d’eux.

Je ne prétends pas juger Barlow. Mon instinct me dit que Julian en saurait beaucoup plus que moi sur John Perry et sur la valeur de tout ce qu’il a apporté, tant sur le plan personnel que professionnel.

Mais je peux dire ceci : Suite au décès du développeur de SecureDrop James Dolan, j’ai discuté de ce que j’avais appris sur Barlow avec un important supporter de WikiLeaks sur un forum non crypté.

Cette personne a fait remarquer que bon nombre de nos amis de longue date qui militent pour la protection de la vie privée avaient des liens avec les services de renseignement ou avaient travaillé pour eux. J’ai répondu que le test décisif de la légitimité de Barlow serait de savoir s’il était devenu ou non une cible. Car on ne peut pas agir contre les intérêts des agences de renseignement, sans tomber dans leur ligne de mire.

De toutes mes années d’activisme, je n’avais jamais entendu un seul mot de travers à propos de l’EFF. Je n’étais pas non plus au courant d’une campagne de diffamation visible contre eux, telle que celle qui a été menée d’innombrables fois contre d’autres militants et organisations. J’ai supposé que l’absence d’attaques institutionnelles contre l’EFF suggérait que l’organisation n’était pas une cible. J’ai fait remarquer que je ne connaissais pas Barlow personnellement, mais que ceux qui le connaissaient seraient en mesure de déterminer rapidement s’il devait payer le prix de ses critiques à l’égard des agences et pour son soutien à Snowden, Julian et WikiLeaks.

C’était en janvier. Le 9 février, la Freedom of the Press Foundation et d’autres organismes annonçaient le décès de M. Barlow, dont on savait qu’il était très malade depuis un certain temps. A l’occasion du 22e anniversaire de la Déclaration sur l’indépendance du cyberespace dont il est l’auteur.

L’EFF a quatre procès en cours contre la NSA :

First Unitarian contre NSA : L’affaire de l’EFF contestant la surveillance des métadonnées téléphoniques par la NSA

Jewel contre NSA : L’affaire de l’EFF contestant la surveillance de masse de la NSA

Hepting contre AT&T : L’affaire de l’EFF qui contestait la complicité d’AT&T dans l’espionnage illégal de la NSA [AT&T le plus grand fournisseur de services téléphoniques locaux et longues distances et de xDSL des États-Unis et le 2e opérateur de services

Smith contre Obama : L’appel de l’EFF auprès de l’ACLU concernant la contestation par une infirmière de l’Idaho de la surveillance des métadonnées téléphoniques de la NSA. [ACLU: Union américaine pour les libertés civiles, NdT]

Étant donné que son ex-directrice juridique, Shari Steele, couche littéralement avec un entrepreneur de la NSA, il est difficile d’ignorer la possibilité tenace que, par procuration et par l’entremise de l’EFF, ces poursuites pourraient effectivement être la NSA qui poursuit la NSA.

L’EFF a également rassemblé un calendrier complet des révélations d’espionnage de la NSA, sans aucune mention de l’implication et des liens de l’EFF avec la NSA. Il convient de noter en particulier leur commentaire détaillé des événements de l’année 2002 – l’année au cours de laquelle Barlow et Hayden se sont le plus étroitement côtoyés. Cette relation n’est pas divulguée.

Indépendamment de ce qui se passe au sommet de l’organisation, il est très clair pour moi qu’au bas de l’échelle, des militants talentueux de la protection de la vie privée sont recrutés pour travailler sur des projets légitimes et pour donner du crédit à l’EFF.

Rachael Tackett, chercheuse à la FOIA, en a également discuté avec moi, en précisant que :

« Je voulais aussi redire que certaines personnes de l’EFF pourraient croire qu’elles font le bien et qu’elles essaient de faire ce qu’il faut. La critique des organisations à but non lucratif aux États-Unis est encore un point de vue très rare, surtout en dehors de la scène anarchiste plus radicale. Si vous vous engagez auprès de certaines personnes aux États-Unis qui travaillent pour des organisations à but non lucratif (en particulier les employés de niveau intermédiaire et inférieur), certaines d’entre elles n’ont peut-être aucune idée de qui sont leurs bailleurs de fonds. Il se peut aussi qu’ils ne comprennent pas les critiques à l’égard de la culture du secteur non lucratif. Elles pourraient être très désorientées par les raisons au nom desquelles quelqu’un critiquerait leur organisation. »

Il n’y a pas si longtemps, j’aurais partagé leur confusion.

Les moments déterminants pour mon propre éveil à la double vocation des organismes sans but lucratif se trouvent dans le témoignage de Chelsea Manning à son audience en cour martiale et dans les documents de Snowden.

De la première, j’ai appris qu’un outil d’anonymat de réseau fortement promu auprès des militants du monde entier sous prétexte de les protéger, fait en fait partie de la chaîne de destruction créée par les logiciels militaires américains.

Pour être juste, le Projet Tor divulgue ce fait sur son site web, mais utilise un langage très différent pour le faire.

Les pratiques de ciblage militaire sont décrites comme étant dirigées contre les « insurgés », et Tor est présenté comme protégeant les militaires, plutôt que comme les aidant à tuer des gens.

Par définition, la guerre mondiale contre le terrorisme, telle que l’ont décrite George W. Bush et de nombreux dirigeants d’agences de renseignement depuis, élargit dramatiquement la définition de qui peut être considéré comme un ennemi et où. Le monde entier est un champ de bataille, nous a-t-on dit après le 11 septembre et c’est précisément ce qu’il est devenu.

Dans la myriade de pourparlers et de discussions dont j’ai été témoin sur les avantages de Tor au fil des ans, je n’ai jamais entendu parler franchement du fait que l’utilisation répandue de Tor aidait la capacité de l’armée américaine à masquer son trafic de meurtres.

Grâce à notre projet #DecipherYou pour étudier les documents de Snowden, nous avons appris comment la NSA utilise certaines organisations à but non lucratif comme couverture pour ses activités, et comment elle cible d’autres.

À ce stade, il semble que les ONG soient forcées soit d’être complices de l’Empire pour prospérer, soit d’être prises pour cible pour avoir maintenu leur intégrité.

Avec 99 % en bas de l’échelle et 1 % en haut de l’échelle, il est assez clair dans quelle catégorie se situe la EFF .

J’ai conçu la diapositive suivante pour résumer les relations entre les personnes mentionnées dans cet article dans le contexte des relations de l’EFF avec la FPF et SecureDrop.

Tous les acteurs clés impliqués dans le développement de SecureDrop ont une relation hostile avec WikiLeaks ou sont décédés.

La majorité des membres du conseil d’administration de la FPF entretiennent des liens extrêmement étroits avec l’EFF.

Compte tenu de toutes les preuves présentées dans cet article, il ne peut plus être acceptable que l’EFF conserve une telle influence sur la Freedom of the Press Foundation, si cette dernière veut rester indépendante.

Origine

Le titre, Dans la peau de Julian Assange, est un hommage à mon film préféré de tous les temps, Dans ma peau de John Malkovich. (Sa place de numéro un dans mes affections n’est revendiquée que par Leaving Las Vegas).

Dans le film, des zombies qui se détestent eux-mêmes et obsédés par les célébrités mettent leur vie en péril pour traverser un portail, entrer dans la conscience de Malkovich et vivre par procuration à travers lui pendant une période limitée, avant que la réalité ne frappe et qu’ils ne soient crachés, couverts de merde, sur le côté du péage du New Jersey.

Bien que l’intrigue ne soit pas la raison pour laquelle je l’ai choisie comme formule pour cet article, je ne peux m’empêcher d’être amusée par les parallèles évidents avec les critiques dirigées contre Assange.

Le fantastique design personnalisé en tête de cet article, réalisé par @SomersetBean, reflète le design de l’affiche de Being John Malkovich. Il parodie les détracteurs d’Assange – souvent cachés derrière des masques, et essayant toujours d’entrer dans sa tête.

La performance de John Cusack, membre du conseil d’administration de la Fondation de la liberté de la presse, dans Being John Malkovich est, à mon avis, l’une des meilleures de sa carrière. Il incarne habilement un marionnettiste dérangé et torturé, fatigué de son quotidien mondain, frustré par ses rêves inassouvis et obsédé par un béguin sur son lieu de travail, qui transforme l’accès à l’existence intérieure de Malkovich en un joli profit avant que sa fixation ne le consume complètement.

Cet article a monopolisé mon temps pendant plus du tiers d’une année. La phase de recherche a duré des mois. La phase d’écriture a duré plus de deux semaines consécutives de 12 à 20 heures par jour. L’article s’étend maintenant sur plus de 15000 mots et les lecteurs pourraient avoir besoin de le lire en plusieurs fois.

Les centaines d’heures investies l’ont été pour une raison très grave :

Je crains que Julian Assange ne meure lentement sous nos yeux pendant que nous nous disputons à propos de ses tweets.

Bien que Julian n’ait jamais demandé notre pitié – bien au contraire, il écarte régulièrement toute discussion sur ses souffrances – je refuse en toute conscience de garder le silence face à la dégradation physique évidente qui résulte de sa détention arbitraire injuste et illégale.

Les injonctions du médecin

Nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas été prévenus.

Plus de quatre ans après le début de la détention arbitraire de Julian à l’ambassade de l’Équateur, WikiLeaks a publié les conclusions du personnel médical qui l’a examiné, afin d’évaluer les effets physiques et psychologiques de son incarcération sans précédent.

Selon un expert en « traumatologie et psychosociologie » qui a évalué Assange, la situation de Julian « équivaut à la situation d’un prisonnier détenu indéfiniment mais sans les soins de santé normaux d’un prisonnier… »

Les effets néfastes vont bien au-delà de ceux dont nous avons souvent entendu parler – le manque de soleil et la carence en vitamine D qui en résulte, les blessures non diagnostiquées et donc non traitées à l’épaule, le manque de soins dentaires (il y a deux ans et demi, Julian avait besoin d’un traitement d’un canal et ne l’a toujours pas eu), ou le fait de ne pouvoir respirer que de l’air recyclé.

Il y a des effets psychologiques sur Julian que nous n’aurions pu que deviner, mais que les rapports médicaux mettent à nu.

Pour celui qui est traqué par les agences de renseignement les mieux financées et les plus vicieuses du monde, révéler des éléments ouvrant une nouvelle voie pour une attaque personnelle peut représenter une menace mortelle. Selon le rapport, Julian était « particulièrement réticent » à faire allusion à « toute vulnérabilité ou crainte concernant une éventuelle dégradation de ses facultés cognitives ou émotionnelles… en raison de sa situation… »

Cette incapacité à se confier librement à des professionnels de la santé ou à admettre toute l’étendue de ses propres souffrances aux autres personnes qui l’entourent l’empêche d’y faire face de manière pertinente (si cela est de toute façon possible).

Le médecin rapporte : « M. Assange a réitéré qu’il craignait que l’information médicale le concernant ne soit utilisée contre lui et qu’il ne puisse paraître « faible » dans sa situation actuelle. »

Cela exacerbe son isolement mental tout en contribuant à la perception publique de Julian comme étant en quelque sorte invulnérable ou surhumain. Il n’est donc pas perçu avec autant d’empathie qu’il devrait l’être, et les demandes publiques en faveur d’une résolution humaine de sa situation n’ont pas encore atteint le niveau d’urgence qu’elles méritent.

Le rapport médical se poursuit : « Il existe des preuves cliniques suggérant que M. Assange souffre d’altérations significatives de son sens du temps, de l’espace et des perceptions internes de son corps par rapport à l’environnement extérieur. Ces changements sont tous conformes aux restrictions liées à ses conditions de vie actuelles. »

Bien que la perception que Julian a de lui-même soit affectée par son espace personnel limité et ses contraintes physiques imposées à son corps, il est pleinement conscient de l’ampleur des forces d’oppression déployées autour de lui au-delà des murs de l’ambassade.

Les forces de police, y compris du personnel de lutte contre le terrorisme, comptent jusqu’à 100 postes à plein temps, disposant de « trois réseaux de surveillance » autour de l’ambassade, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Les incidents et les intrusions menaçants abondent, allant d’officiers en civil armés de mitraillettes à un cambrioleur en herbe qui tente d’escalader la façade de l’immeuble, en passant par la livraison d’une enveloppe contenant de la poudre blanche.

Des menaces de mort constantes et des appels à l’assassinat de Julian ont été la matière de la déclaration de la semaine dernière d’un juge de la Cour municipale affilié au MI6 selon laquelle Julian ne pouvait que s’exposer au soleil sur le balcon du premier étage de l’ambassade, déclaration à la fois d’une ironie répugnante et insultante pour l’intelligence du public.

Le rapport psychosocial dit : « Le système de surveillance cité par M. Assange est une source constante de pression psychologique. C’est un rappel omniprésent de sa vulnérabilité fondamentale dans ses relations avec les autorités. »

Julian lui-même est pleinement conscient de la nature paradoxale de la surveillance agressive exercée sur sa personne, et il en a parlé : « le travail de toute ma vie a été au service de la lutte pour la liberté et le droit à la vie privée. Maintenant, je n’en ai plus. »

Le rapport reprend ce point dans le contexte de ses effets néfastes sur le sentiment d’identité et de soi de Julian ; il souligne que l’intensité de la surveillance exercée sur un militant de la protection de la vie privée crée des facteurs de stress supplémentaires : « La surveillance décrite plus haut dans ce rapport peut être considérée comme incompatible avec l’éthique et l’identité de M. Assange alors qu’il est lui-même pratiquement sous un microscope et, en tant que tel, elle est à la fois traumatisante et destructrice pour sa personnalité. »

Les effets de la détention illimitée sont énumérés ci-dessous :

  • Anxiété chronique
  • Stress physiologique et cardiovasculaire
  • Risque de dépression et de suicide
  • SSPT syndrome de stress post traumatique
  • Changements de la personnalité
  • Perte de l’espoir
  • Insomnie
  • Privation sensorielle

Julian a parlé de la façon dont ses perceptions sont altérées.

« …les murs de l’ambassade sont aussi familiers que l’intérieur de mes paupières. Je les vois, mais je ne les vois pas ». Il a commenté comment il lui était de plus en plus difficile de voir comment les objets se relient les uns aux autres ou de saisir l’écoulement du temps. « Rien n’est avant ou après quoi que ce soit. Il y a un ensemble décroissant de points de référence ».

Même le sommeil n’apporte aucun répit, car des policiers lancent des objets non identifiés à la fenêtre de sa chambre au milieu de la nuit et ont accédé à l’appartement situé au-dessus de l’ambassade.

Être soumis à ce qui précède est déjà assez grave, mais l’éprouver en étant violemment attaqué, diffamé et dénigré par une presse négative dans le monde entier, subir toutes les insultes imaginables, être dénoncé comme violeur, pédophile, nazi, chauvin, misogyne, narcissique, agent secret, imposteur et antisémite, voir ses anciens alliés et amis s’éloigner et leur soutien s’effriter suite aux campagnes de propagande noire incessante, est inconcevable et à une échelle sans précédent.

L’irrévérence totale des détracteurs de Julian à l’égard de la réalité de sa condition physique – et dans certains cas, la moquerie ouverte qui en découle – en accentuent l’indécence.

Ils sont devenus les hommes de l’ère moderne qui encouragent les spectateurs à acclamer et à célébrer la torture approuvée par l’État au Colisée.

Loin d’être le narcissique comme il est dépeint, une connaissance de l’image que Julian a de lui-même contredit cela, il se soucie plus des autres que de lui-même. Le rapport révèle :

Ceci, de la part d’un homme dont le rapport conclut : « vit dans un état chronique d’insécurité sanitaire » et a averti dès décembre 2015 que « les effets de la situation sur la santé et le bien-être de M. Assange sont graves et les risques vont très certainement s’aggraver, pouvant potentiellement mettre sa vie en danger si les conditions actuelles persistent ».

Faire état d’une évidence

Les sombres avertissements du médecin au sujet de ces risques pour la santé d’Assange sont flagrants pour tout le monde.

Lors de sa dernière apparition en direct, Assange est toujours aussi perspicace, érudit et brillant. Mais il souffre visiblement des effets physiques toujours aggravés de son emprisonnement de 7 ans.

Après plus d’une demi-décennie sans air frais à respirer, il tousse et se racle la gorge constamment. Il lutte pour maintenir le flux cognitif – briser et réformer ses pensées, luttant avec acharnement pour exprimer ses idées. Il est évident pour tout spectateur que sa vision a été affectée. Nos yeux ont besoin d’une exposition régulière à de courtes et longues distances, ainsi qu’à des changements de lumière naturelle, pour maintenir leur santé. Avec seulement quatre murs rapprochés à regarder, Assange fait face à une cécité partielle, ainsi qu’à une foule d’autres effets négatifs en raison de son emprisonnement injuste.

Bien qu’il y ait d’innombrables fils de discussion et tweets sur les médias sociaux qui circulent chaque jour à propos de Julian et WikiLeaks, peu d’entre eux semblent faire mention de la possibilité sérieuse et grave que, plongés dans notre complaisance collective, nous pourrions les perdre à jamais.

La plupart du temps, ils sont plutôt remplis de théories de conspiration pure et simple (Julian est mort sous la garde de la CIA/etc.) ou de conjectures sans fin recomposées sur ses tendances personnelles, opinions, bizarreries ou relations.

Même dans les cercles plus intellectuels de la Twitosphere, une myriade de comptes bidons d’Assange sont dotés d’une légitimité imméritée grâce aux retweets de journalistes classiques établis, portant les marques de contrôle « vérifié » en bleu.

Pendant ce temps, les détracteurs les plus virulents souhaitent ouvertement la ruine, la mort et la destruction d’Assange.

Et encore une fois, les appels à son assassinat proviennent de comptes Twitter ‘vérifiés’.

Mais ceux qui prétendent que le monde se porterait mieux sans WikiLeaks, pourraient bientôt avoir à regretter leur ignorance si un jour vient où les mêmes systèmes et ressources qui ont si âprement cherché à le détruire sont libérés de tout obstacle et lâchés sur de nouvelles cibles.

WikiLeaks est le barrage qui retient la marée des moyens des services de renseignement utilisés pour les cibler. Si nous continuons à ne pas traiter les fissures dans le rempart, le jour viendra où le barrage éclatera et nous nous retrouverons noyés dans le déluge.

Il faut donner quelque chose, et ce quelque chose, c’est nous

Pour changer les choses, nous devons nous impliquer et implorer ceux qui nous entourent de s’impliquer aussi, a dit Edward Snowden au monde entier dans un AMA [Ask Me Anything : terme a la mode sur Internet,utilisé pour décrire un échange entre un utilisateur qui le lance et tous les autres utilisateurs qui posent leurs questions, NdT] sur Reddit la veille de Noël.

C’est ce que nous faisons, ceux d’entre nous qui chérissent notre humanité, nous, les militants : nous nous impliquons. Nous nous impliquons tellement que nous faisons passer nos principes avant notre bien-être, notre conscience avant nos intérêts, notre compassion avant nos ambitions personnelles.

Même lorsque cela entraîne beaucoup de sacrifices et apparemment peu de récompenses.

L’armée, en revanche, enseigne aux soldats à être indifférents. A se détacher psychologiquement de leur humanité. L’obéissance aveugle et le conformisme, qui sont en eux-mêmes de minuscules morts de l’individu, ne peuvent coexister avec la pensée indépendante. On apprend aux soldats à abdiquer mentalement leur volonté, à ne pas penser, mais simplement à réagir d’une manière inculquée. À laisser les autres – leurs supérieurs – penser pour eux. À abandonner le contrôle de leur propre vie, une action à la fois.

Là où les activistes se concentrent sur la guérison de nos sociétés brisées et sur leur évolution, les soldats se concentrent simplement sur une mission qui leur a été assignée par des bureaucrates privilégiés et obscurs qu’ils n’ont jamais rencontrés : saper, affaiblir et vaincre un ennemi.

De plus en plus, les militants risquent d’être socialement manipulés pour devenir les soldats de l’Empire. À tel point que les frontières entre ceux qui ont eux-mêmes été pourchassés et ceux qui les ont poursuivis s’estompent. Et les mêmes partisans des structures de pouvoir établies qui soutiennent les militaires se joignent maintenant aux militants et se désignent eux-mêmes comme la Résistance.

Au fur et à mesure que les opinions politiques et les positions des dirigeants des services de renseignement et des leaders d’opinion de l’activisme fusionnent, nous abandonnons les rênes du progrès social à ceux qui sont le plus déterminés à le limiter.

Il n’y a pas de façon plus simple de décrire cette nouvelle Résistance qu’en partageant la biographie d’un de ses leaders autoproclamés.

« J’aide à mener #TheResistance »

Fini le temps où des combattants de la liberté comme Mandela étaient à la tête des combats du peuple ; maintenant, nous avons d’anciens chefs d’agences de renseignements, des stars d’Hollywood et des millionnaires qui financent des politiciens notoirement corrompus, qui se décrivent eux-mêmes comme chefs de la résistance.

J’ai été mortifiée lorsqu’un militant de longue date (et très persécuté) et pilier des nouveaux médias m’a expliqué très franchement pourquoi certains militants opposés à Trump choisissaient sciemment de coucher avec les mêmes agences de renseignement qui avaient essayé de détruire leur vie dans les années précédentes.

Pour le paraphraser, il a dit : « nous devrions poursuivre nos objectifs communs pour faire tomber Trump, alors nous pourrons nous occuper d’eux après ça. »

À mon avis, en plus d’être moralement odieuse, cette façon de penser à court terme que l’ennemi de mon ennemi est mon ami est de la pure folie. Elle est aussi extrêmement dangereuse. Pourtant, c’est ce qui se passe tout autour de nous : les militants légitiment et facilitent les objectifs des agences mêmes qui détruisent la vie des militants, dans l’espoir vain d’atteindre des objectifs politiques communs à court terme.

C’est la pente glissante d’un marché avec le Diable. Si, comme c’est inévitable, cela devait mal tourner, et que les agences en sortent encore plus puissantes et bien ancrées dans leur position dans le gouvernement, ce sont ces mêmes militants qui paieront le prix ultime pour avoir marché sur un air qui a assuré leur suprématie.

Car les agences de renseignement ont des objectifs encore plus ambitieux que de subvertir l’activisme à des fins politiques. Comme nous l’avons appris en étudiant les documents de Snowden, leurs tentacules se sont déjà étendus à tous les domaines imaginables de notre vie.

Mais ce n’est pas suffisant pour ces Maîtres de l’Univers autoproclamés : Leur stratégie « Collect it all » [ramassons tout, NdT] ne concerne pas seulement nos communications, nos perceptions actuelles ou notre avenir collectif.

Ils cherchent aussi à devenir les conservateurs du passé, à contrôler notre héritage.

Comment Wikipedia édulcore les fausses nouvelles

J’ai prouvé que l’histoire bien vivante de la participation de Julian Assange au réseau de soutien de Chelsea Manning, d’Aaron Swartz et de la Freedom of the Press Foundation a été modifiée pour fausser ses contributions de façon négative.

Le révisionnisme ne s’arrête pas là. L’examen de la biographie sur Wikipédia d’Adrian Lamo, l’indic du FBI, montre le contraire : il est édulcoré en tant qu’ « analyste de la menace » qui a « indirectement signalé » Manning, et il faut aller à la moitié de la page pour trouver plus de contexte sur ses activités d’informateur.

Par comparaison, un examen rapide de la biographie sur Wikipedia de WikiLeaks montre la rapidité avec laquelle les fausses nouvelles générées sur l’organisation de lanceurs d’alerte sont intégrées dans le dossier officiel.

La réputation académique de WikiLeaks dans son ensemble est donc sujette à une manipulation et une censure flagrantes.

L’importance historique de WikiLeaks se reflète dans la longueur de son profil Wikipédia : la page compte plus de 10 000 mots. Le contenu, cependant, a été fébrilement micro-arrangé au profit de ses persécuteurs.

Deux exemples classiques de cela apparaissent dans le 3ème paragraphe, dans le résumé même de ce que WikiLeaks est supposé être : oui, vous l’avez deviné. L’article de Julia Ioffe sur Atlantique et l’article de Micah Lee et Cora Currier sur Intercept.

Les postulats de base pour les deux ont été démontés, mais ils sont classées aux numéros 20 et 21 des 370 liens sources qui forment l’épine dorsale de la page.

Il n’y a aucune mention ou référence aux déconstructions cruciales qui discréditent l’un ou l’autre article. Pourquoi ? Parce que les articles dont les mensonges ont été perpétrés par des organisations financières avec des comités de rédaction sont recevables pour Wikipedia – un outil encyclopédique utilisé par des millions d’étudiants et d’enseignants dans le monde entier.

Mais les articles publiés par des sources indépendantes ne le sont pas. Même lorsque ces derniers font preuve d’une plus grande valeur analytique que les premiers.

Par ce mécanisme, les mensonges sont gravés de façon indélébile dans les livres d’histoire, tandis que la vérité en est censurée.

Les opinions des agences de renseignement sont encore mieux classées que les autres calomnies habituelles envers WikiLeaks.

Le lien source de Wikipedia au numéro 22 va encore bien plus loin, en essayant de dépeindre Assange et WikiLeaks comme étant des sympathisants de Poutine et de la Russie.

L’article du New York Times en question tente de minimiser les communiqués de WikiLeaks qui ont des implications pour les deux.

Il affirme : « Dans l’analyse de M. Assange, on remarque cependant l’absence de critique d’une autre puissance mondiale, la Russie, ou de son président, Vladimir V. Poutine, qui n’a guère été à la hauteur de l’idéal de transparence de WikiLeaks ».

Il faut ensuite lire le 20ème paragraphe de l’article avant qu’il n’admette, à contrecœur, que WikiLeaks a publié des informations préjudiciables à la Russie.

Mais l’auteur minimise ce fait en le limitant aux fuites du CableGate de Manning – « une cachette pour les câbles du département d’État » et en ignore l’importance en la présentant comme étant « beaucoup plus dommageable pour les intérêts des États-Unis que pour ceux de la Russie ».

En réalité, 660 036 documents WikiLeaks citent la Russie et proviennent de 19 versions distinctes de WikiLeaks – pas seulement du CableGate.

L’affirmation selon laquelle tous ces éléments sont plus dommageables pour les États-Unis que pour la Russie est non seulement complètement absurde, mais il est prouvé qu’elle est fausse.

Un exemple très pertinent : Nous savons, d’après les divulgations de l’« Équipe de piratage » de Wikileaks, que la société italienne de surveillance mercenaire vendait sa technologie à une agence militaire russe :

La même divulgation contient également des informations sur les activités de la Russie en Ukraine, un sujet extrêmement litigieux pour le gouvernement russe.

Bien sûr, ce n’est pas nouveau pour ceux d’entre nous qui se sont donnés la peine de lire ce que les documents WikiLeaks ont à dire sur la Russie.

Caitlin Johnston a également réduit en bouillie la théorie de la conspiration WikiLeaks-est-Pro-Russe et, ce faisant, a puisé dans les recherches originales de mon article de 2015 sur le même sujet.

La triste réalité est que ceux qui s’intéressent vraiment à la vérité sur la Russie en matière de preuves en trouveront exponentiellement plus dans les communiqués de WikiLeaks qu’ils n’en trouveront jamais dans les articles à succès sur Julian Assange.

Dans leur zèle pour aligner WikiLeaks sur la Russie et Poutine, ces mêmes critiques ignoreront également le fait que je souligne cette information sur les renseignements militaires russes alors que je vis dans des circonstances extrêmement précaires à Moscou, engagée dans le processus de demande d’asile temporaire en raison de menaces de mort.

Le fait que j’attire l’attention sur cette vérité à mes propres risques et périls ne convient pas à leur récit.

C’est une histoire d’émancipation

Le véritable héritage de Julian Assange est une leçon en matière de gestion de soi-même.

Il ne s’est pas assis et n’a pas attendu que le monde meilleur qu’il espérait se matérialise miraculeusement. Il n’est ni utopiste ni idéaliste. Il savait qu’il devait le créer.

Julian l’a fait en examinant le passé, en regardant vers l’avenir et en façonnant le présent.

Il est extrêmement pragmatique dans sa pensée, mais en plus intuitif pour la stimuler ; une combinaison rare.

Ses écrits passés sont le plus proche aperçu de son monde intérieur auquel nous pourrions ne jamais avoir accès, à part les manifestations de ces espoirs et rêves qu’il raconte et qui transparaissent dans ses actions.

C’est ce qu’il a fait – sans relâche – en dépit et à cause des sombres perspectives que l’humanité s’est créées.

Julian n’est pas l’agent d’une nation – il est un agent du changement.

L’immobilisme est son ennemi. Même en étant réduit à l’immobilité à l’ambassade depuis plus de 2 000 jours, Assange ne se laisse jamais paralyser, ni lui, ni WikiLeaks, ni la société. Il y a toujours un nouveau jour. Il y a toujours du progrès, de l’élan vers l’avant. Une nouvelle initiative, une autre divulgation. Il y a toujours du changement.

Le reconnaître, c’est vraiment comprendre ses actions autour de l’élection de 2016. De par leur conception, les options limitées offertes par le système électoral étaient peu prometteuses. Le seul « choix » était, comme il nous l’avait prévenu, entre « le choléra et la blennorragie ».

Devant un tel dilemme, que ferait un homme de changement ?

Indépendamment de sa haine pour WikiLeaks et de ses menaces contre Assange, permettre la perpétuation de l’élite dirigeante que représentait Hillary Clinton, n’aurait jamais plu à Julian. Il s’en est pris à eux toute sa vie, parce que ce sont eux qui ont mené la société dans ce désordre, et la plupart en profitent.

Il n’a pas pu guérir la maladie à lui tout seul, mais il nous a offert le bref répit d’un changement de maladie. Car le changement fait de la place. Même si ce qui remplace le statu quo est tout aussi lamentable, ou pire – le changement apporte des opportunités.

Ça a toujours été à nous de prendre les rênes.

Ça l’est encore.

Quand Trump a été élu, j’ai dit en privé : « On a gagné six mois ». Je parlais de la IIIe Guerre mondiale. La simple logistique d’un changement de régime américain a donné au monde une pause temporaire dans le carnage.

Combien de vies ont été épargnées au cours de cette fenêtre temporelle ?

Si Clinton était arrivée, nous aurions assisté à une intensification immédiate du nombre de morts et de destructions.

WikiLeaks est une organisation pacifiste. Je suis toujours étonnée par ceux qui ne reconnaissent pas ce simple fait. Julian fait partie d’une lignée de militants pacifistes.

Quand Lady Gaga lui a demandé comment il se sentait, il a répondu : « Je me fiche de comment je me sens ». Quand quelqu’un s’approche de sa souffrance personnelle, il détourne l’attention vers ceux qui, sur cette planète, ne termineront peut-être pas la journée sans être fusillés ou sans qu’une bombe ne soit larguée sur eux.

Je l’ai vu le faire à maintes reprises au cours d’entrevues au fil des ans, chaque fois qu’on abordait la question des épreuves qu’il vivait. « Et les Irakiens ? », demande-t-il. « Et les Syriens ? »

Ses détracteurs prétendent que WikiLeaks met des vies en danger, pour vous distraire de la réalité : WikiLeaks sauve des vies. C’est le véritable but de son existence. Cela va au-delà des nombreux dénonciateurs et journalistes qu’il a vaillamment combattus pour sauver et protéger. WikiLeaks existe pour mettre fin aux guerres. Faire monter les enjeux politiques si hauts pour les gouvernements et le complexe militaro-industriel qu’ils peuvent influencer les décisions relatives au déploiement, au retrait et à l’affectation des ressources. Exactement ce qu’on reconnaît aux fuites de Manning le mérite d’avoir fait.

Le pouvoir personnel de Julian est profondément enraciné dans sa solidarité avec la souffrance des autres et son action personnelle pour y remédier, plutôt que dans son intelligence aiguë, sa maîtrise de la philosophie ou ses capacités techniques, souvent louées.

Pendant que vous parlez sur le dos de Julian Assange, il sauve un autre lanceur d’alerte. Il facilite d’autres divulgations.

Nous apportant, sur un plateau, la véritable histoire qui nous est cachée.

Les lâches le détestent.

Les corrompus le craignent.

Les braves l’aident.

Ça commence par ceci

Parfois, nous entendons des choses, on nous dit des choses, nous croyons des choses, nous savons des choses – mais on ne les intègre toujours pas, jusqu’à ce que nous les ressentions. Alors, ça fait « tilt ». Nous pouvons alors commencer à voir les choses plus clairement.

Alors nous pouvons les changer

Touchez les murs que vous regardez depuis six ans et qui se referment autour de vous. Sentez les jours sans fin se transformer en mois et en années.

Imaginez que vous voyez vos enfants grandir sur un écran. Que vous entendez par l’intermédiaire d’un câble passer les anniversaires, les mariages et les funérailles auxquels vous ne pouvez jamais assister. Imaginez que vous craignez constamment pour la sécurité de toutes les personnes qui vous sont chères.

Imaginez maintenant que vous savez qu’en dépit de toutes les humiliations et les épreuves, la différence que vous faites dans le monde peut sauver des millions de personnes.

Sentez la volonté qui est en vous, de vous battre quoi qu’il arrive.

Imaginez que vous êtes Julian Assange.

Et maintenant ? Un appel à l’action !

Les conclusions de cet article ont de multiples implications multiples et sérieuses. Nous devons travailler ensemble pour corriger les injustices.

1. Mettre en place une « équipe d’intervention d’urgence » composée de membres du public qui peuvent se réunir en masse à l’extérieur de l’ambassade de l’Équateur si nécessaire.

Parfois, pour obtenir justice, nous devons prendre les choses en main. Nous demandons au groupe de travail WikiLeaks de former un groupe d’action auquel les personnes qui veulent aider Julian peuvent s’inscrire et qui peut être déclenché en cas d’une menace imminente pour Julian Assange. Par exemple, si la police de Londres viole le caractère sacré de l’ambassade et tente de l’arrêter, ou tout autre risque immédiat pour le bien-être d’Assange. Si elle est activée, une alerte d’urgence sera envoyée à tous les membres du groupe d’action, leur demandant de se réunir immédiatement à l’ambassade.

2. Envoyez un courriel à Freedom of the Press Foundation et demandez-leur d’agir immédiatement pour rétablir le canal des dons anonymes à WikiLeaks.

Envoyez un courriel poli à info@freedom.press ou utilisez le formulaire de contact sur leur site Web pour leur envoyer un message. Texte suggéré :

« Daniel Ellsberg, membre du conseil d’administration de la FPF, a déclaré en 2012 que le but du canal de don anonyme de la FPF à WikiLeaks était de fournir une protection juridique aux membres du public qui souhaitent faire un don à WikiLeaks. La cessation du service par la FPF expose potentiellement les particuliers à des poursuites judiciaires. Je vous demande respectueusement d’agir immédiatement pour rétablir le canal de dons à WikiLeaks, au service du bien public. »

3. Envoyez un courriel à The Intercept pour vous plaindre des pratiques journalistiques irresponsables de Micah Lee et Cora Currier et demander que leur article soit modifié en conséquence.

Envoyez un courriel poli à betsy.reed@theintercept.com, rédacteur en chef de The Intercept. Texte suggéré :

« Comme en témoigne l’article ‘Being Julian Assange’ de Contraspin.co.nz, les actions irréfléchies des journalistes de The Intercept Micah Lee et Cora Currier ont eu pour effet de nuire à la capacité future des militants en faveur de la transparence de demander aux députés de sensibiliser le public et de soutenir financièrement ceux qui dénoncent les actes de corruption. Il s’agit d’une violation de l’intérêt public et la réputation de The Intercept s’en est trouvée matériellement entachée. Je vous demande respectueusement de prendre des mesures raisonnables et rapides pour sanctionner ces journalistes en conséquence. »

4. Partagez cet article !

Nous vivons un ère orwellienne de suppression de l’information, c’est à vous de disséminer tout cela sur Internet si vous voulez aider à réaliser le changement.

Clarification 9/03/18 : Cet article comprenait initialement un appel à l’action pour que WikiLeaks mette en place un comité éditorial chargé de publier les travaux des médias indépendants afin qu’ils puissent être inclus dans Wikipedia. WikiLeaks est évidemment déjà un éditeur à part entière avec un comité de rédaction complet. Ils ont à leur crédit plus de dix ans de publications professionnelles, irréprochables et impeccables. L’intention était seulement de suggérer la création d’une publication et d’un conseil d’administration supplémentaires et séparés pour examiner et publier des travaux qui n’existent actuellement que dans la blogosphère et qui sont donc ignorés par Wikipédia. La formulation originale de l’appel à l’action était ambiguë et peu claire et a donc été supprimée.

[Rétractation 12/03/18 : Cet article contenait à l’origine une phrase qui disait « Hammond, a appris à haïr Snowden pour avoir plus de médiatisation ». Après mûre réflexion, j’ai décidé de retirer cette ligne dans son intégralité et les raisons pour lesquelles je l’ai fait et le contexte plus large dans lequel elle a été rédigée sont expliquées sur ce lien.]

Note de l’auteur : un grand merci à Elizabeth Lea Vos, rédactrice en chef de Disobedient Media, qui a passé des dizaines et des dizaines d’heures sans relâche à réviser et à corriger cet article pour moi. Son aide et son expertise ont été d’une valeur inestimable pour la rédaction de la version finale.

Écrit par Suzie Dawson

Source : ContraSpin, Suzie Dawson, le 08-03-2018

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

Bertrand // 30.10.2018 à 11h12

J’avais lu ce pavé très bien documenté en VO à l’époque : merci beaucoup aux traducteurs d’avoir fait le boulot et aux Crises d’aider à le diffuser. Cette « affaire » Julian Assange dépasse de très loin son cas personnel (qui serait déjà scandaleux) et représente une clé pour comprendre notre monde et démasquer les faux gentils. WikiLeaks est primordial, c’est bien pour ça qu’ils ne reculeront devant rien pour essayer de l’abattre.

17 réactions et commentaires

  • Bertrand // 30.10.2018 à 11h12

    J’avais lu ce pavé très bien documenté en VO à l’époque : merci beaucoup aux traducteurs d’avoir fait le boulot et aux Crises d’aider à le diffuser. Cette « affaire » Julian Assange dépasse de très loin son cas personnel (qui serait déjà scandaleux) et représente une clé pour comprendre notre monde et démasquer les faux gentils. WikiLeaks est primordial, c’est bien pour ça qu’ils ne reculeront devant rien pour essayer de l’abattre.

      +62

    Alerter
    • Catalina // 31.10.2018 à 07h03

      Il doit y avoir pas mal de hackers mais apparemment, ce sont des collabos du système.

        +5

      Alerter
  • Jean // 31.10.2018 à 10h50

    Un article sur la situation actuelle de Julien Assange :

    Julian Assange intente une action en justice contre le gouvernement équatorien

    https://www.wsws.org/fr/articles/2018/10/25/assa-o25.html

      +12

    Alerter
  • Traroth // 31.10.2018 à 15h00

    J’avoue que je découvre les liens entre Aaron Swartz et Wikileaks. Ça donne un éclairage troublant à son suicide…

      +8

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  • Schwartz // 12.04.2019 à 08h00

    Démocratie… Droits de l’Homme… Liberté d’expression… Liberté de la presse… pleurs !

      +7

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  • cover // 12.04.2019 à 08h17

    Pour comléter le sondage sur les crises,voici ce que j’attends de ce site, avoir rapidement des informations pour agir :
    -Comment envoyer des messages de soutien à Assange via son avocat ?
    -L’adresse de l’ambassade du royaume uni en France
    – Où envoyer des messages en Angleterre, 10 downing street, à la reine ?
    -L’adresse du président Français pour envoyer un courrier de demande d’asile ?
    Merci d’avance !

      +14

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    • Lalaz // 12.04.2019 à 10h23

      D’accord avec vous: donnons-nous des moyens d’action et de protestation !

        +6

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    • Bats0 // 12.04.2019 à 10h40

      Bonjour,
      « Comment envoyer des messages de soutien à Assange via son avocat ? »
      Demander à Juan BRANCO, s’il peut vous communiquer l’adresse de la boite mail de Julian Assange… Sinon effectivement voir avec Olivier BERRUYER s’il pouvait l’avoir, et nous la communiquer.
      Merci pour votre attention à propos du sort que subit Julian ASSANGE.
      Voir à ce sujet même si ce dernier n’est pas récent :
      https://www.youtube.com/watch?v=uBaAvHxdShw
      et
      https://www.youtube.com/watch?v=uk86XReh5Ro
      Plus récent : https://www.youtube.com/watch?v=uk86XReh5Ro

        +5

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      • Bats0 // 12.04.2019 à 12h13

        J’ai déjà publié ce post sur un autre billet « La crucifixion de Julian Assange – Ce qui arrive à Assange devrait terrifier la presse. Par Chris Hedges », mais me suis aperçu trop tard qu’il datait.
        Une explication ce matin de Juan BRANCO par téléphone à l’antenne de la radio avec BERCOFF :
        https://www.youtube.com/watch?v=kXna6cqRJwo
        Merci à l’équipe des traducteurs du site pour leur dévouement, et bien sûr merci à Olivier BERRUYER pour tout son temps employé à nous informer depuis tant d’année.
        Pour ceux qui voudrait lire le pdf de Juan :
        https://urlz.fr/9du1

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  • DVA // 12.04.2019 à 11h21

    Bref,WikiLeaks and co , sont indésirables…et plutôt que de s’interroger sur le contenu de ce que ces organisations dévoilent…nos institutions préfèrent les faire taire!? Inquiétant !

      +2

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  • hannah // 12.04.2019 à 11h35

    trop d’infos nuit à l’info …car merci pour tout ce « pavé » MAIS à quoi cela SERT -IL SI rien n’est fait pour sauver Assange et tous les autres à venir de cette pourriture mondiale instituée? d’autres commentaires demandent la même chose MAIS nulle part de réponse et il faudrait se bouger PARTOUT. ??????????????????????????????????

      +1

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    • Mario // 12.04.2019 à 15h16

      Bonjour Hannah …
      .
      Soyez confiante, car même si certains lanceurs d’alertes sont arrêtés, disparaissent ou son tués(faux suicide, etc.), ils sont remplacés rapidement par des communautés de gens tout aussi motivés et outillés !!!
      .
      TOUT s’accélère et les pièces se mettent en place.
      .
      PERSONNE ne peut plus se cacher de ses crimes, en général parce que toute notre civilisation en prend acte – même les pays pauvres ont internet – et en particulier parce que des poursuites judiciaires internationales sont dirigées vers des élites criminelles qui se sentaient intouchables.

        +3

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  • Catalina // 12.04.2019 à 13h07

    Pauvre homme qui va subir la torture structurée des monstres américains…..mourir serait sas doute moins dur….quand on voit les sadiques soi disant femmes qui officient et qui se délectent d’humilier des êtres humains….des malades mentales psychopathes, typiques aux usa et à Israel.

      +5

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    • Caton l’Ancien // 12.04.2019 à 18h56

      Mais non enfin, il ne risque 5 ans de prison, d’ailleurs, il était sot de se calfeutrer 7 ans pour éviter 5 ans de prison…

      Pourquoi douter des éléments de langage et de la sincérité des honnêtes USA ?

        +2

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  • Jules Vallés // 12.04.2019 à 19h04

    Ah la la la, comment ils nous ont fait pleurer sur le sort de ces pauvres dissidents soviétiques ,spécialement Soljenitsyne et Sakharov, on les a soutenus (à juste titre) contre vents et marées, tous unis, les défenseurs du «  »monde libre » », journalistes, politicards, capitalistes de tous les pays… et maintenant J.Assange, comment dire…???
    La chanson de J.Dutronc, peut-être: l’opportuniste (je retourne ma veste!)

      +6

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  • moshedayan // 12.04.2019 à 19h17

    J’invite les visiteurs du site à regarder brièvement – surtout les officiels et « officieux » du renseignement, de la sécurité…, à lire mon commentaire à l’article « Pourquoi les censeurs détestent Assange… »
    Ils ont du souci à se faire à l’avenir –
    l’extra-territorialité – méthode acceptée par l’Occident…
    à ces « experts » sécurité et renseignements de bien réfléchir… à ce que leurs gouvernements ont enclenché comme conséquences.
    Salut à eux…! on va se marrer je crois
    Et merci au site pour son travail

      +2

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  • Jérôme // 13.04.2019 à 09h23

    Certes, Assange n’a pas le talent scientifique d’un Sakharov ou le talent littéraire d’un Soljenytsine.

    Certes Assange n’est même pas un dissident parce qu’il n’est pas un citoyen états-unien persécuté par les autorités états-uniennes.

    Assange est autre chose. Assange incarne un militant persécuté par une puissance impérialiste étrangère. Publier en toute légalité des informations qui vous sont transmises est devenu un crime de lèse-majesté contre les USA. L’Exceptionalistan a lancé une fatwa contre Assange comme les islamistes ont pu le faire contre les auteurs de caricatures ou de propos leur déplaisant.

    Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat d’Obama, demandait à ses conseillers : « Can’t we just drone him ? »

    C’est cela les USA : le mal tellement infatué de lui-même qu’il s’affiche crânement sans scrupule. « Où que vous soyez sur la planète, taisez-vous et soumettez-vous, sinon … »

    Jamais les régimes totalitaires nazi ou communiste n’ont osé lancer de telles accusations ni émettre de mandat d’arrêt international contre des militants étrangers les critiquant et publiant des données compromettantes à leur endroit.

      +4

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