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15.juin.201815.6.2018 // Les Crises

De quoi John Bolton est-il le nom ? Par Jean Daspry

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Source : Proche & Moyen-Orient, Jean Daspry, 16-04-2018

Le ménage de printemps se poursuit à la Maison-Blanche. Le taux de rotation (« turn over ») des conseillers du président américain n’a jamais été aussi élevé sans parler des secrétaires d’État (l’équivalent de nos ministres). Deux pièces centrales du dispositif sont écartées d’un seul clic par un tweet vengeur de l’homme à la mèche blonde. Les mous sont illico remplacés par des durs. Le secrétaire d’État (notre ministre des Affaires étrangères), le modéré Rex Tillerson est renvoyé à ses chères études, remplacé par l’ancien chef de la CIA, le faucon Mike Pompeo, le 13 mars 2018.

Le conseiller à la sécurité nationale, le général Mc Master dont l’intervention à la conférence sur la sécurité du Munich n’a pas été appréciée en haut lieu pour sa déviance doctrinale, est remplacé par un vieux cheval de retour, bien connu pour ses foucades, John Bolton le 22 mars 2018 (prise de fonctions le 9 avril 2018). Il est le troisième à occuper ce poste en quatorze mois1. Quelques indispensables rappels s’imposent pour mieux dresser le portrait de l’homme à la moustache, du provocateur à la réputation sulfureuse. C’est bien connu, le passé éclaire le présent et parfois l’avenir. Ce que certaines élites intelligentes auraient trop tendance à oublier lorsqu’il s’agit de l’Amérique du nord et de ses dirigeants et autres hauts fonctionnaires.

UN FAUCON PARMI LES FAUCONS

Avocat de formation, John Bolton est un faucon assumé (« un faucon parmi les faucons »), un belliciste bon teint, un interventionniste déclaré, un défenseur vibrant des guerres préventives contre, l’Irak hier et contre l’Iran et la Corée du nord, éventuellement demain2. Dans ses Mémoires, Capituler n’est pas une option, John Bolton raille « les carriéristes du Département d’État formés à l’accommodement et au compromis avec les étrangers plutôt qu’à la défense des agressive des intérêts des Américains »3.

Vieux routier des administrations républicaines, il a connu son heure de gloire sous le mandat de George W. Bush (proche du vice-président Dick Cheney et du puissant sénateur Jesse Helms, nostalgique de la ségrégation raciale) d’abord comme secrétaire d’état adjoint en charge du contrôle des armements et de la lutte contre la prolifération, puis comme éphémère ambassadeur américain auprès de l’ONU (17 mois) en raison du refus de le confirmer par le Sénat.

Sous les deux présidences de Barack Obama durant laquelle il critique ses choix de politique étrangère, il consacre le plus clair de son temps à la recherche dans le cadre du très conservateur institut de recherche qu’est l’American Enterprise Institute et à la communication en tant que chroniqueur de la chaîne Fox News, chaîne favorite de Donald Trump. Il y a servi la « post-vérité » et les « fake news » avec un art consommé de la mauvaise foi. Le personnage renvoie à un caractère irascible et batailleur mais qui sait flatter les puissants pour mieux humilier les faibles. Ce qui renvoie à l’expression suivante particulièrement bien sentie dans la langue américaine : « kiss-up, kick-down ».

UN UNILATÉRALISTE DOGMATIQUE

Adepte de la « paix par la force », on le classe volontiers parmi les « poseurs de bombes ». Le radical et doctrinaire John Bolton n’apprécie ni le multilatéralisme, ni son expression la plus visible qu’est l’Organisation des Nations unies. Ne disait-il pas en 1994 que « Les Nations unies n’existent pas » ? Et d’ajouter, pour que sa pensée – toujours très claire au demeurant avec ses phrases chocs– soit parfaitement comprise : « Ce qui existe, c’est une communauté internationale qui peut être occasionnellement dirigée par la seule véritable puissance mondiale, quand cela sert nos intérêts ». Il complète utilement son propos par sa formule : « L’ONU, ça n’existe pas, l’immeuble à New York a 38 étages. Il pourrait bien en perdre dix, cela ne ferait aucune différence ».

John Bolton exècre les normes internationales et les structures multilatérales en charge de dire le droit surtout au peuple à la « destinée manifeste ». C’est le moins que l’on soit autorisé à dire. La diplomate américain torpille le protocole de vérification à la convention d’interdiction des armes biologiques, le qualifiant de « traité Maginot ». Il pousse au retrait du traité ABM. Il ne veut pas entendre parler d’adhésion des États-Unis au statut de la Cour pénale internationale, mettant en avant l’argument de la souveraineté internationale. Sa préférence se porte sur les accords bilatéraux ou les initiatives entre « like minded » (les bienpensants) comme la PSI (« Proliferation Security Initiative ») qu’il porte sur les fonts baptismaux. John Bolton aime bien se trouver à la tête de coalitions de volontaires, de coalitions d’idiots utiles comme il en trouve à l’Alliance atlantique.

UN VOYOU DE HAUTE LIGNÉE

Porté par une vision manichéenne, binaire du monde, il considère que la planète est divisée en deux camps, les vassaux et les adversaires.4 Il est un adepte convaincu de la méthode forte qu’il résume par la formule sans ambiguïté : « je n’utilise pas la carotte ». Simplement le bâton, peut-on ajouter ! On l’aura compris, « le diplomate le plus corrosif du XXIe siècle » impose sa vision martiale de la diplomatie. Ses échanges de nom d’oiseaux avec Kim Jong-un ne sont pas à son honneur. Mais, il y a pire encore tant John Bolton sait à l’occasion utiliser des méthodes de vulgaires mafieux pour parvenir à ses fins, pour mettre à terre ceux qui viendraient à s’opposer à ses aventures internationales les plus scabreuses.

Nous en avons un exemple particulièrement révélateur avec les déclarations de celui qui fut le premier directeur général de l’OIAC (organisation pour l’interdiction des armes chimiques basée à La Haye), le brésilien Jose Bustani. Il n’est qu’à se reporter aux propos glaçants que lui a tenus John Bolton, peu de temps avant le lancement de la guerre en Irak de 2003, pour se faire une idée précise de ce dont est capable ce personnage qui se prend pour un sheriff5. Propos que n’a jamais démentis John Bolton. Rappelons, pour tous ceux qui l’auraient oublié que John Bolton a obtenu la peu de Jose Bustani en obtenant son éviction tel un vulgaire domestique alors même que ce haut fonctionnaire international ne faisait qu’appliquer les dispositions de la convention d’interdiction des armes chimiques de 1963. Tout ceci se passe naturellement de commentaires….

Sauf à se couler dans le moule des néo-conservateurs les plus durs, de l’unilatéralisme le plus débridé, de l’idiot utile le plus servile, la France (défense et diplomatie confondues) a pas mal de souci à se faire avec l’arrivée de John Bolton au poste stratégique de directeur du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Il est le symptôme d’un vent mauvais venu de Washington et qui n’est pas prêt de s’apaiser6. Sa nomination inquiète en Asie (Chine, Corée du sud) comme partout dans le monde. Elle porte un mauvais coup à tous les hommes de bonne volonté attachés à une approche multilatérale et coopérative des relations internationales, indispensable dans ce climat de défiance généralisée. Avec un tel pyromane à la tête des affaires de sécurité à la Maison Blanche qui ne s’est jamais distingué par ses idées modérées ou ses manières douces, le monde peut être inquiet pour les mois à venir. Le passé ne meurt jamais. C’est pourquoi, de notre modeste point de vue, il n’était pas inutile de rappeler de quoi John Bolton est-il le nom ?

Jean Daspry
16 avril 2018

1 Philippe Gélie, Une équipe de faucons à la tête de la diplomatie américaine, Le Figaro, 24-25 mars 2018, pp. 8-9.
2 Gilles Paris, Bolton, un va-t-en guerre à la Maison Blanche, Le Monde, 24 mars 2018, p. 2.
3 John Bolton, Surrender is not an Option, Threshold editions, 2007.
4 Philippe Gélie, Bolton, un faucon à la droite de Trump, Le Figaro, 10 avril 2018, p. 14.
5 Mehdi Hasan, « We Know where Your Kids Live » : How John Bolton Once Threatened an International Official , www.theintercept.com , 29 mars 2018.
6 Éditorial, Un vent mauvais venu de Washington, Le Monde, 24 mars 2018, p. 21.

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Source : Proche & Moyen-Orient, Jean Daspry, 16-04-2018

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Fritz // 15.06.2018 à 06h29

De quoi Bolton est-il le nom ? De l’Amérique impérialiste et criminelle, une Amérique impunie pour l’instant, mais patience, son tour arrivera.

20 réactions et commentaires

  • Tikarol // 15.06.2018 à 05h55

    Et il a servi de modèle pour le logo de KFC , c’est dire à quel point il peut empoisonner le monde !

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    • JCH // 15.06.2018 à 15h48

      Le Colonel Sanders va s’en retourner dans sa tombe!!!

        +0

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  • Fritz // 15.06.2018 à 06h29

    De quoi Bolton est-il le nom ? De l’Amérique impérialiste et criminelle, une Amérique impunie pour l’instant, mais patience, son tour arrivera.

      +27

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    • Nerouiev // 15.06.2018 à 07h08

      Je dirais même plus, il finira bien par se faire écrouer.

        +3

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      • Aladin0248 // 15.06.2018 à 07h37

        surtout que ce type me semble particulièrement vicieux 🙂

          +2

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        • Nerouiev // 15.06.2018 à 09h21

          Ce n’était qu’un vilain jeu de mot en associant Bolt et écrou.

            +3

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          • Fritz // 15.06.2018 à 12h45

            « M. Bolt est écroué et il serait bon que vous le vissiez », pourra-t-on dire à son futur avocat.

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          • Aladin0248 // 15.06.2018 à 14h38

            J’avais bien compris (vice et écrou !)

              +1

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  • Emmanuel // 15.06.2018 à 07h36

    Bienvenu à l’ère féodale : si l’article dit juste et que pour cet homme, il n’existe que deux catégories : les vassaux et les adversaires, on est vraiment mal barré. J’espère que ceux qui avaient encore un petit doute sur Trump, cette fois auront compris. Quant à nos amis américains, ceux qui ont garde encore un brin de lucidité, j »espère qu’ils vont se reveiller et vite, car ce n’est pas ce genre d’energumene qui va améliorer leurs quotidiens, sauf pour les psychopathes milliardaires. En effet, il y a danger pour la planète, et urgence à créer des contre-pouvoirs à l’échelle mondiale. …

      +11

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  • Rond // 15.06.2018 à 08h01

    Mieux que Trump, il est un parfait représentant de ces fous qui mènent le monde et pas seulement aux états unis d’Amérique. La folie, surtout furieuse, c’est mieux que le talent …
    Citoyens du monde, réveillez-vous !

      +9

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  • Max // 15.06.2018 à 08h15

    Ce qui est en train de disparaitre, c’est l’histoire écrite depuis la fin de la deuxième guerre mondiale qui prend fin.
    Tout le monde, ou presque, a très bien comprit que le monde change, que le gâteau est de plus en plus petit alors qu’il y a de plus en plus de convives, il est donc évident que la table est en mode VIP.
    Ce n’est pas seulement entre alliés de l’ancien temps, USA vs UE mais aussi a l’intérieur de l’UE entre états et en bas de la pyramide comme j’habite dans un quartier ou presque tout le monde vit des aides sociales c’est l’émergence collective de situations de surendettements.
    Et, comme, l’a si directement dit E Macron, l’état n’a plus d’argent pour les aides sociales, sauf pour la vaisselle, il applique donc sur le fond la même politique que D Trump, la différence étant que le Président des USA a mis en place une équipe de nettoyeurs pour faire le boulot, sans état d’âme.
    John Bolton est une figure emblématique de cette équipe et il y a beaucoup de John Bolton dans l’entourage de D Trump.
    Ce n’est que le commencement de bouleversements sociaux importants, mais y a-t-il le choix ?

      +4

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  • martin // 15.06.2018 à 09h04

    Bolton est un dinausore, c’est le dernier des néocons historiques. Il semble que le Donald ait laissé ces derniers venir au devant de la scène pour leur faire toucher du doigt leur propre impuissance, en particulier militaire. Le haut commandement (opérationnel) leur a fait comprendre qu’ils ne pouvaient plus espérer mieux que détruire des abribus et des locaux à poubelles. Les néocons sont au parfum, ainsi que les industriels de l’armement et par dessus tout Wall Street. Maintenant, le Donald peut tout casser, il sépare consciencieusement les Etats-Unis du reste du monde dans un mouvement de retrait généralisé. Ce faisant, il prépare les USA à la contruction d’une puissance post-dollar, dans un contexte de déglobalisation. Trump n’est pas fou, il sait qu’il vaut mieux avoir les néocons »dans la tente et qui pissent dehors, que dehors et qui pissent dedans. »
    M’est avis que c’est un champion.

      +5

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    • Kiwixar // 15.06.2018 à 11h30

      Je partage votre avis. Les rapports de bombardement US en Syrie ont été surprenants (« une pelleteuse et une mobylette », « une pelleteuse » etc). Trump veut reconstruire son pays en essayant de mettre les fous du dedans hors d’état de nuire. Tâche herculéenne : système de santé pourri, éducation minable, épidémie d’opioïdes, savoir-faire parti en Asie, etc.

      Pour reconstruire, il va lui falloir un changement de paradigme de type 1971 (fin « temporaire » de la convertibilité or-dollar), par exemple en remboursant d’un coup (« temporairement ») l’intégralité de la dette US (papier affichant « je vous dois x milliards ») grâce à du papier (« ceci vaut x milliards »), mais directement du Trésor (et non pas de la FED). Il ne pourra le faire que si le Deep State y trouve son compte. Mais après ça, autre problème : comment payer le pétrole étranger? Nous vivons une époque passionnante.

        +6

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      • martin // 15.06.2018 à 13h05

        J’ai une petite idée sur la suite:

        Lorsque le dollar va commencer à vaporiser, l’or deviendra immédiatement la base monétaire des diverses devises du monde, et assurera la liquidité internationale. (Euro-or, Yuan-or, Rouble-or etc.). Tout est prêt pour cela.

        De là, un basculement de la monnaie métal vers l’intérieur des économies devrait se produire, sans doute sur une base argent.

        Si tout se passe bien, une grande période d’activité (et NON de croissance) commencera, ce en vertu de la loi de Locke : Activité = Masse monnétaire (Or) X Vitesse de circulation de la monnaie. Les titres en papier toilettes finiront alors de se consummer en même temps que les bilans des grandes banques et les tirelires des milliardaires. Grosse redistribution du revenu, et gare aux procès.

        Cela s’appelle un Jubilé.

          +4

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      • Emmanuel // 17.06.2018 à 22h18

        Trump un champion ? Je demande a voir , sur des choses simples de la vie de tous les jours, et sur des résultats : santé et éducation, chômage (réel) , espérance de vie, …etc. En fin de compte, c’est là-dessus que se jouera sa réélection….

          +0

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  • Pierre D // 15.06.2018 à 10h14

    John Bolton raille « les carriéristes du Département d’État formés à l’accommodement et au compromis avec les étrangers plutôt qu’à la défense des agressive des intérêts des Américains »

    Tel qui raille vendredi, dimanche aura l’échine souple: https://amp.businessinsider.com/images/5b1f4afa1ae6621f008b4d72-750-375.jpg

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  • Defrance // 15.06.2018 à 10h52

    une ordure innomable au service de la finance du sang !

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  • nulnestpropheteensonpays // 15.06.2018 à 10h58

    a quand une évaluation psychiatrique obligatoire pour les prétendants aux trônes? bolton a du prendre des calottes dans la cour de récré , et se venger sadiquement sur les plus petits …

      +2

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  • Frexit // 15.06.2018 à 21h04

    Au moins les choses sont claires. Les euroatlantistes, adeptes de l’aplaventrisme, devraient déciller leurs yeux aveugles:
    1/ des millions de morts causées dans le monde par les guerres d’une Amérique voulant imposer à tout prix sa suprématie
    2/ les entreprises européennes soumises au « diktat » américain (Total, Peugeot…c’est la débâcle en Iran)
    3/ la domination du dollar et les lois extraterritoriales américaines, assimilables à du rackett (BNP, Alstom…)
    4/ le capitalisme financier anglosaxon à l’origine de la fracturation des sociétés en (très) riches et (très) pauvres (coupes dans les aides sociales : « ça coûte un pognon de dingue »)
    etc. etc.
    C’est un western à l’envers où le sheriff Bolton est le méchant coiffé d’un « stetson » noir; qui abat tous ceux qui lui résistent, au mépris de la loi…
    Les euroatlantistes, les « young leaders » sont des traitres à la France [modéré]
    Depuis son déclin, face à la montée en puissance de l’Asie, l’empire américain, tel un fauve blessé, n’en devient que plus dangereux.

      +1

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  • Ben // 18.06.2018 à 12h47

    Attention votre article est plein de coquilles! ( « avec les étrangers plutôt qu’à la défense des agressive des intérêts des Américains »; « que John Bolton a obtenu la peu de Jose Bustani ») dommage car le fond est intéressant.

      +0

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