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15.mars.201615.3.2016 // Les Crises

DiEM échouera, DiEM perdidi, par Frédéric Lordon

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1515Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 16-02-2016

Carpe diem par Eco Dalla Luna

Carpe diem
par Eco Dalla Luna

 

A n’en pas douter, le lipogramme est un exercice littéraire de haute voltige – en tout cas selon la lettre sacrifiée, puisque le lipogramme consiste précisément à tenter d’écrire un texte en renonçant totalement à l’usage d’une certaine lettre. Il fallait tout le talent de Perec pour affronter la mère de tous les lipogrammes en langue française, le lipogramme en « e ». Trois cents pages de livre, La Disparition – forcément… –, sans un seul « e » (Il suffira au lecteur de s’essayer à former une seule phrase qui satisfasse la contrainte pour prendre aussitôt la mesure de l’exploit). Fidèle à la tradition oulipienne, on pourrait généraliser l’exercice et demander de faire une phrase en interdisant certains mots ou groupes de mots (lipolexe ? liporème ? liposyntagme ?). Par exemple demander à Yves Calvi de faire une phrase sans « réforme », ou à Laurent Joffrin sans « moderne », Christophe Barbier sans « logiciel » (« la gauche doit changer de logiciel » – on notera au passage cet indice du désir constant de l’éditocratie que la gauche devienne de droite que jamais personne n’enjoint la droite de « changer de logiciel »), etc. Au grand silence qui s’abattrait alors sur l’espace public on mesurerait enfin le talent exceptionnel de Perec. La langue altereuropéiste elle aussi fait face à ses propres défis lipolexiques. Qu’il ne lui soit plus permis de dire « repli national » et la voilà à son tour mise en panne.

« Le repli national », l’impossible lipolexe de l’altereuropéisme

Sous un titre – « Démocratiser l’Europe pour faire gagner l’espoir » (1) – qui n’est pas sans faire penser au Robert Hue de « Bouge l’Europe » (ou bien à un reste de stage « Power point et communication événementielle »), Julien Bayou, après avoir parcouru réglementairement les évocations de notre « passé le plus sombre », nous met en garde contre « le repli national, même de gauche », et avertit que « la dynamique d’un repli sur des agendas purement nationaux » pourrait « accélérer la défiance entre Européens ». Dans une veine très semblable, Katja Kipping, co-présidente de Die Linke se dit « totalement opposée à l’idée d’un retour aux Etats nationaux » (2). Qui serait « un retour en arrière », pour ainsi dire un repli donc – national. Or, « en tant que gauche, nous devons avoir le regard tourné vers l’avenir » – oui, c’est un propos très fort. Au passage, on se demande quelles sont, à Die Linke, les relations de la co-présidente et du président, Oskar Lafontaine qui, lui, plaide franchement pour un retour au Système monétaire européen (SME), et ce faisant regarde à l’évidence dans la mauvaise direction. Moins de surprise à propos de Yanis Varoufakis, qui répète de longue date son hostilité à toute sortie de l’euro, à laquelle il donne la forme d’un refus de « l’affreux dilemme entre d’un côté notre système actuel en pleine déconfiture, et de l’autre le retour en force de l’idéologie de l’Etat-nation voulue par les nationalistes » (3).

Ce qui frappe le plus dans ces extraits presque parfaitement substituables n’est pas tant leur stéréotypie que la force d’inertie de leurs automatismes et leur radicale imperméabilité à tout ce qui se dit par ailleurs dans le débat de l’euro – et pourrait au moins les conduire à se préoccuper d’objecter aux objections. Mais rien de tout ça n’arrivera plus semble-t-il, en tout cas dans ce noyau dur de « l’autre Europe » qui se retrouve dans le mouvement DiEM (4) de Varoufakis. Tous les liens n’ont pourtant pas été rompus partout à ce point avec la réalité extérieure du débat, et il faut reconnaître avec honnêteté qu’à la suite de l’été grec, bon nombre de ceux qui tenaient la ligne altereuropéiste avec fermeté se sont sensiblement déplacés. Non pas que le débat soit tranché ni les convergences parfaites, mais au moins les exigences dialogiques élémentaires n’ont pas toutes succombé. Pas de ce genre d’embarras à DiEM, où l’automatique de la répétition a parfois des airs de canard à la tête tranchée courant droit devant soi – « repli national ».

Ça n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de dire des choses, et depuis un certain temps déjà. D’avoir fait remarquer par exemple la parfaite ineptie de l’argument « obsidional » qui fait équivaloir sortie de l’euro et retranchement du monde : 180 pays ayant une monnaie nationale, tous coupés du monde ? L’économie française jusqu’en 2002, coupée du monde ? Le Royaume-Uni, déjà hors de l’euro, peut-être bientôt hors de l’UE ? Tellement coupé du monde !

On reste plus perplexe encore du refus borné d’entendre quoi que ce soit des différentes propositions de reconfiguration de l’internationalisme, précisément faites pour montrer qu’il y a bien des manières d’en finir avec l’euro, et parmi elles certaines qui, parfaitement conscientes du péril des régressions nationalistes, travaillent précisément à le contrecarrer. Faut-il être idiot, bouché, ou autiste – on est bien désolé d’en venir à ce genre d’hypothèse, mais c’est qu’on n’en voit guère plus d’autres – pour continuer d’ânonner aussi mécaniquement « repli national » quand on explique qu’il est urgent de développer les liens de toutes les gauches européennes, mais sans attendre une impossible synchronisation des conjonctures politiques nationales, pour préparer celui qui sera en position à l’épreuve de force et à la sortie ? Faut-il être idiot, bouché ou autiste pour continuer de glapir au péril nationaliste quand on fait remarquer que les réalisations européennes les plus marquantes (Airbus, Ariane, CERN) se sont parfaitement passées de l’euro, que si l’intégration monétaire pose tant de difficultés, rien n’interdit – sauf l’obsession économiciste qui ne mesure le rapprochement entre les peuples que par la circulation des marchandises et des capitaux – de concevoir une Europe intensifiée autrement, par d’autres échanges : ceux des chercheurs, des artistes, des étudiants, des touristes, par l’enseignement croisé des littératures, des histoires nationales, par la production d’une histoire européenne, par le développement massif des traductions, etc. ? Mais à quoi sert de répéter tout ceci : dans l’ultime redoute de « l’autre euro » qu’est DiEM, on n’entend plus rien et on ne répond plus à rien – on court tout droit (comme le canard).

Europe démocratique ou Europe anti-austérité ?

Il y a sûrement bien des réserves à garder à l’endroit du plan B, pour l’heure plan de papier dont les volontés réelles sont toujours incertaines, mais dont au moins les intentions, et les créances, internationalistes, elles, sont peu contestables. Mais peu importe, pour lui comme pour les autres, et comme pour tout le monde, ce sera le même tarif : « repli national ». Il est à craindre pourtant que l’internationalisme-contre-le-repli-national soit mal parti s’il se donne pour seul critère l’euro authentiquement démocratisé. Pour toute une série de raisons qui ont été abondamment développées ailleurs (5), l’euro démocratique n’aura pas lieu, en tout cas pas dans son périmètre actuel. Car la démocratisation de l’euro est un processus self defeating comme disent les anglo-saxons : la possibilité croissante qu’il réussisse entraîne la probabilité croissante de la fracture de l’eurozone. Et sa dynamique de succès a donc pour terminus… son échec. On voudrait d’ailleurs, comme un argument a fortiori, poser deux questions simples à Yanis Varoufakis : 1) n’a-t-il pas fait partie de ces gens qui, dès 1992 et le Traité de Maastricht, ont immédiatement vu l’indépendance de la Banque centrale européenne comme une anomalie démocratique majeure (dont on ne se guérira pas par la simple publication des minutes ou quelque autre gadget de « transparence ») ? ; et 2) pourrait-il soutenir sans ciller que les Allemands seraient prêts à abandonner bientôt le statut d’indépendance de la banque centrale ? La question subsidiaire s’ensuit aussitôt qui demande par quel miracle, dans ces conditions, l’euro des dix-neuf pourrait devenir pleinement démocratique…

Mais Varoufakis a pris une telle habitude de se mouvoir dans un entrelacs de contradictions qu’on commence à s’interroger sur les finalités réelles de son mouvement DiEM. C’est qu’en réalité il y a deux « autre-Europe-possible », qu’on fait souvent subrepticement passer l’une dans l’autre, ou l’une pour l’autre : l’Europe anti-austéritaire et l’Europe démocratique. Qu’il puisse se constituer une force politique européenne pour obtenir, au cas par cas, quelques accommodements ponctuels, peut-être même une renégociation de dette (pour la Grèce par exemple), et pouvoir ensuite clamer avoir fait la preuve que l’Europe peut échapper à la fatalité austéritaire, la chose est peut-être bien possible. Et certainement serions-nous mieux avec ces rustines que sans. Mais il faut savoir ce qu’on veut, et savoir en tout cas qu’une Europe démocratique ne consiste pas en une brassée de points de dette en moins, et qu’une faveur de déficit primaire « mais n’y revenez plus » ne remplace pas le droit à délibérer de tout – la définition la plus robuste de la démocratie (et, en passant, de la souveraineté).

Dans ces conditions, il faut dire sans ambages que toute ambition d’une « Europe démocratique » en retrait de ce critère-là – délibérer de tout – a le caractère d’une tromperie. On vante souvent la logique raisonnable du compromis, celle qui, par exemple, pour garder l’Allemagne, et « parce qu’il faut accepter de ne pas tout avoir », concèderait la banque centrale indépendante, ou bien un TSCG « détendu », ou quelque autre chose encore – qui ne voit là la destination réelle de DiEM ? Mais c’est le genre de prévisible maquignonnage qui fait bon marché des principes – derrière lesquels usuellement on s’enveloppe avec grandiloquence, avant de tout céder en rase campagne. Or le principe démocratique ne se modère pas. Ou bien tout ce qui intéresse le destin collectif du corps politique, politiques monétaire et budgétaire comprises et en tous leurs aspects, est offert à la délibération, ou bien ça n’est pas la démocratie. Ne serait-il pas cependant envisageable de trouver un groupe de pays qui, quant à eux, se retrouveraient sur cette question de principe et comprendraient formellement la souveraineté de leur ensemble de la même manière que leurs souverainetés séparées, c’est-à-dire sans restriction de périmètre ? C’est bien possible après tout. Mais ce qui est certain, c’est que ce ne seront pas les dix-neuf actuels, et notamment pas l’Allemagne. Et que, sous cette configuration réduite, à plus forte raison sans l’Allemagne, l’euro d’aujourd’hui aurait vécu.

La stratégie de la désobéissance comme vérification expérimentale

Le secteur de l’altereuropéisme qui a conservé la tête au bout de son cou – il y en a un – semble bien conscient que l’épreuve de force, sous la forme, par exemple, de la désobéissance ouverte à laquelle il appelle désormais plutôt que d’envisager la sortie « brute » et unilatérale, a toute chance de déboucher sur une rupture – au moins, de la rupture, assume-t-il maintenant la possibilité, et c’est un progrès considérable.
Ce préalable qui demande que l’abcès soit ouvert et puis qu’on voie, au lieu de claquer immédiatement la porte, on peut l’accorder tout à fait. Pour ma part je ne l’ai jamais écarté. Mais c’est que, dans l’état où était alors le débat, on en était à seulement faire entendre la possibilité de la sortie. La chose faite et l’idée d’une stratégie de la tension acquise, c’est surtout qu’on peut déjà raconter la fin de l’histoire : ça rompra. Ça rompra, car l’euro démocratique, l’Allemagne n’en veut pas – et n’en voudra pas pour encore un moment. De son point de vue à elle d’ailleurs, il n’y a dans la constitution monétaire qui porte son empreinte aucune carence démocratique. Toutes les sociétés n’ont-elles pas leurs principes supérieurs, leurs points d’indiscutable en surplomb de tout ce qui reste offert à la discussion ? L’Allemagne a les siens, et ses principes supérieurs à elle sont monétaires. C’est ainsi et nul ne pourra lui en faire le reproche. S’il y a des reproches à adresser, ils doivent aller aux inconscients qui se sont toujours refusés à la moindre analyse, qui pensent que les rapports objectifs de compatibilité, ou plutôt d’incompatibilité, sont solubles dans le simple vouloir, qui n’ont jamais mesuré de quels risques il y allait de faire tenir ensemble à toute force des complexions hétérogènes au-delà d’un certain point – notamment quand la même question, monétaire, fait à ce degré l’objet de divergences quant à l’appréciation du caractère démocratique, ou non, de son organisation : terriblement problématique pour certains, aucunement pour d’autres. Est-ce ainsi, à l’aveugle et dans le refus de toute pensée, que DiEM entreprend de « démocratiser l’euro », avec le simple enthousiasme du volontarisme en remplacement de l’analyse ?

Cependant, que la fin de l’histoire soit connue n’empêche pas de se soumettre à une sorte de devoir d’en parcourir toutes les étapes – on évite simplement de se trouver pris de court au moment (anticipé) où les choses tourneront mal… On pourrait arguer à ce propos d’une sorte de pari, mais lucide et sans grand espoir, qui laisserait sa chance au miracle : s’il y a une probabilité même infinitésimale d’un dernier sursaut, ou bien d’une conversion inouïe de l’Allemagne, rendue au point d’avoir à choisir entre elle-même et l’Europe, alors il faut la jouer. La jouer pour s’être assuré de sa position en réalité, et ne pas l’avoir laissée qu’à une conjecture – et l’on peut consentir d’autant plus à cette sorte d’acquit de conscience expérimental qu’en l’occurrence l’affaire devrait être vite pliée…

Il entre aussi dans ce « devoir » la logique plus politique du partage public des responsabilités. Car la question démocratique sera posée à tous, et chacun sera sommé de répondre : si l’on appelle démocratie la prérogative souveraine de délibérer et de décider de tout, comment l’eurozone peut-elle justifier l’anomalie patente d’y avoir soustrait des choses aussi importantes que la politique budgétaire, le statut de la banque centrale, la nature de ses missions, les orientations de sa politique monétaire, etc. ? On verra bien alors qui répond quoi à cette question. C’est-à-dire qui est vraiment démocrate et qui ne l’est pas. À ce moment précis, ceux qui ne pratiquent pas la restriction mentale quant au périmètre de la démocratie seront entièrement légitimes à ne plus vouloir appartenir au même ensemble que ceux qui la pratiquent – puisque c’est bien là l’issue qu’on anticipe : il y aura d’irréductibles opposants à la déconstitutionnalisation des politiques économiques. Aussi, revêtus de leur plein droit à vivre sous une constitution entièrement démocratique, et d’ailleurs prévenus de longue date de cette issue, les démocrates réels pourront désigner les démocrates factices, rompre avec eux, et reprendre en main leur propre destin. L’euro sera mort, mais on saura par la faute de qui.

Mais DiEM ne veut rien voir de tout ceci. Par conséquent DiEM échouera. DiEM échouera parce que l’attente du miracle ne saurait remplacer l’analyse des complexions et des tendances réelles, c’est-à-dire, en l’occurrence, l’analyse de l’impossibilité du miracle. DiEM échouera… et en prime DiEM nous fera perdre dix années supplémentaires – puisque tel est bien l’horizon qu’il se donne à lui-même pour refaire « démocratiquement » les traités. Diem perdidi ? Si seulement : decennium perdidi oui ! Et comme toujours dans ces affaires, les dépenses temporelles sont faites aux frais des populations. On reste d’ailleurs rêveur qu’un ancien ministre grec puisse épouser avec une telle légèreté les perspectives grandioses de l’histoire longue quand son propre peuple, à toute extrémité, et dont il devrait pourtant connaître l’épuisement, ne tiendra plus très longtemps.

Pourtant, à supposer que cette douce négligence temporelle n’ait pas dans l’intervalle ouvert la voie à quelque monstrueuse alternative, DiEM, s’il échouera, n’aura pas fait qu’échouer. À part son intenable promesse, il aura produit autre chose : son mouvement même. Pour sûr, le mouvement échouera – c’est en tout cas la conjecture qu’on forme ici. Mais il restera, après l’échec, le mouvement lui-même. Un mouvement européen. Or, à qui considère avec un peu de conséquence que l’internationalisme réel consiste en le resserrement aussi étroit que possible des liens autres qu’économiques, monétaires et financiers entre les peuples européens, l’idée d’une initiative politique transversale européenne ne peut pas être accueillie autrement qu’avec joie, et ceci quel que soit son destin : elle est bonne par elle-même. DiEM échouera donc, mais pas tout à fait pour rien.

Post-scriptum : du désir collectif de bifurcation

Les illusions de DiEM mises à part, il se pourrait que le paysage de la question de l’euro à gauche soit en cours de clarification. Mais qu’en est-il au sein des populations mêmes ? Quand tout lui échappe, il reste toujours à l’éditocratie la planche de salut des sondages frauduleux. Elle en aura recueilli du monde cette planche-là, lors de l’été grec 2015 : « la population ne veut pas » – c’étaient les sondages qui l’assuraient. Mais les sondages n’assurent rien d’autre que leur propre ineptie quand ils posent à brûle-pourpoint une question à des personnes dépourvues du premier moyen, notamment temporel, d’y réfléchir, individuellement et surtout collectivement. Comme on sait les sondages de janvier 2005 donnaient le TCE gagnant haut la main – malheureusement pour eux, cinq mois plus tard, après un vrai débat… Si un sondage n’a de sens qu’après (et non avant) un débat collectif, force est de constater que, de débat sur la sortie de l’euro, il n’y en aura jamais eu d’ouvert en Grèce. D’abord parce que Tsipras n’en voulait à aucun prix, ensuite parce que la minorité de la Plateforme de gauche, qui était la plus désireuse de le porter, s’est tenue à une obligation de solidarité gouvernementale et de silence jusqu’au 13 juillet 2015 – et quand personne ne propose au pays l’ouverture d’un authentique débat politique, il reste… la bouillie des sondages.

Il est bien certain qu’en France, par exemple, où la situation est infiniment moins critique qu’en Grèce, les incitations à ouvrir le débat y sont encore plus faibles. C’est que les effets de la contrainte européenne, quoique très réels, n’y ont pas pris le caractère extrêmement spectaculaire qu’ils ont revêtu en Grèce ou au Portugal, et que dans ces conditions la question de l’euro reste une abstraction au trop faible pouvoir d’« embrayage ». Mais c’est au travail politique qu’il appartient de faire « ré-embrayer », c’est-à-dire de construire les problèmes, et en l’occurrence de rendre perceptibles, on pourrait presque dire sensibles, les abstractions lointaines, et pourtant opérantes, de la monnaie européenne.

En réalité, on le sait bien, l’obstacle principal à une proposition politique de sortie de l’euro est d’une autre nature : la peur. Et plus précisément la peur de l’inconnu. C’est un affect politique très général qui sert ici d’ultime rempart à la monnaie européenne, une asymétrie qui a toujours servi de soutènement à l’état des choses, et qui voit les peuples préférer un désastre connu à un espoir assorti d’inconnu, la servitude dont ils ont l’habitude à une libération risquée. La « catastrophe », voilà alors le destin systématiquement promis à ceux qui oseraient.

À DiEM, pas moins qu’ailleurs, on n’est pas feignant de l’évocation apocalyptique – « le cataclysme qu’entrainerait la sortie de l’euro », prophétise l’économiste Julien Bayou . Il n’est pas une année depuis le début de leur crise où l’on n’ait averti les Grecs du « désastre » qui les attendait si jamais leur venait l’idée de s’extraire. Mais au juste, comment pourrait-on nommer la situation où ils ont été rendus selon les règles européennes… sinon un désastre ? 25% d’effondrement du PIB, 25% de taux de chômage, plus de 50% chez les moins de 25 ans, délabrement sanitaire, misère, suicides, etc., est-ce que ce ne serait pas par hasard le portrait-type du désastre ?

La grande force de l’ordre en place, c’est qu’il tolère les désastres accomplis dans les règles, selon ses conventions

La grande force de l’ordre en place, c’est qu’il tolère les désastres accomplis dans les règles, selon ses conventions, et qu’en réalité le pire désastre n’y recevra jamais la qualification de désastre – celle-là on la réserve à toute expérience alternative et à la première difficulté qu’elle rencontrera. L’ordre en place peut avoir échoué pendant des décennies, on n’en réclamera pas moins de la politique qui rompt avec lui qu’elle réussisse dans le trimestre, sous le regard distordu des médias bien sûr, certificateurs asymétriques des « désastres ».

Alors oui, toutes les entreprises de transformation politique en général, celle de la sortie de l’euro en particulier, doivent compter avec ces effets, et d’abord avec la peur, la préférence pour le désastre connu. Aussi faut-il que le corps politique soit porté à un point de crise intolérable, pour qu’il consente enfin à révoquer ses habitudes et à envisager de nouveau des voies inédites. Ce point d’intolérable, c’est le point où même l’asymétrie est défaite, le point où le connu est devenu si haïssable que même l’inconnu lui est préféré. Où se situe ce point, nul ne le sait – sans doute très loin, à voir ce que le peuple grec a enduré sans l’avoir encore rencontré. La réduction de la distance qui nous en sépare pourtant n’est pas laissée qu’au travail des causes extérieures. Le travail politique a aussi pour effet de le déplacer, en faisant voir comme anormal ce que l’idéologie en place donne pour normal, comme… désastreux ce qu’elle donne pour habituel, comme contingent ce qu’elle donne pour naturel. Et surtout comme possible ce qu’elle donne pour impossible.

On n’a d’ailleurs jamais si belle attestation du mensonge de l’impossibilité que lorsque c’est l’ordre en place lui-même qui, pour se sauver de l’écroulement, révoque d’un coup ses propres partages allégués du faisable et de l’infaisable. Ainsi à l’automne 2008, où l’on ne compte plus les choses faites qui quelques mois à peine auparavant auraient été déclarées délirantes – procédures extraordinaires des banques centrales, nationalisations flash et massives, oubli soudain du droit européen des aides d’Etat, etc. Mais si tout peut de nouveau être envisagé quand il s’agit pour le système de se sauver lui-même, pourquoi tout ne pourrait-il pas l’être quand il s’agit de le congédier ?

Frédéric Lordon

Source : Le Monde diplomatique, Frédéric Lordon, 16-02-2016

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

asheloup // 15.03.2016 à 13h17

Une bien triste apologie du nihilisme ce commentaire…

Toute révolution a été systématiquement accompagnée d’une pensée intellectuelle sur l’avenir et le devenir de la nation. Sinon ce n’est pas une révolution, ça n’est rien de plus qu’un évènement style la crise des banlieus : une agitation stérile et sans contenu politique.

Faire un effort intellectuel, c’est faire l’effort de penser la société et d’imaginer son devenir, ce que fait très bien Lordon, et ce que vous renoncez à faire… pour le pire.

Sans idéologies on ne fait pas de politique. Et donc in fine, on est condamné à s’agiter pour rien. L’idéologie qui ne dit pas son nom, qui ne s’assume pas est la plus destructrice de toutes : l’idéologie néolibérale.

41 réactions et commentaires

  • Stella // 15.03.2016 à 05h40

    A lire ce brillant article résolument rempli de bon sens, j’ai envie de dire:
    vivement un  » Lordon président « ….

      +14

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    • P. Peterovich // 15.03.2016 à 09h01

      Oui mais non…

      Car si Lordon se présentait comme candidat à la présidence, il perdrait automatiquement ce qui le différencie et, partant, le rend précieux (car oui, l’arrivisme est une tare qu’on rencontre aussi à gauche…)

        +5

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  • Perret // 15.03.2016 à 07h58

    Excellent article. Frédéric Lordon fait preuve d’une grande clarté.
    Cela me ramène à cette question, jamais prise en compte depuis l’apparition de Siriza et qui nous aurait évité à tous d’aller de déception en déception : que penser de la relation étroite entre Tsipras (et, semble-t-il bien, Varoufakis) et Georges Soros ? Un trio infernal de pourriture intellectuelle ? Des porteurs de miroirs aux allouettes ? Des peintres en fausses fenêtres ?
    Il faut ôter à cette bande toute crédibilité et l’empêcher de nous faire perdre un temps si précieux qu’il est vital.

      +23

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  • Nerouiev // 15.03.2016 à 08h01

    Effectivement se priver de la lettre la plus fréquente en français semble impossible, et pourtant on peut y arriver. Ce diEM ressemble à ce parachute qui ne veut pas s’ouvrir et qui nous fait tout tenter pour enfin parvenir à son ouverture. A un moment donné il nous faudra choisir entre tenter encore de l’ouvrir ou s’en libérer pour avoir encore le temps d’ouvrir le secours. Le risque en jargon, est un écrasement sur la « carpette » si on s’en tient au carpe diem de l’euro en continu.

      +7

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  • Eric83 // 15.03.2016 à 08h33

    « Mais si tout peut de nouveau être envisagé quand il s’agit pour le système de se sauver lui-même, pourquoi tout ne pourrait-il pas l’être quand il s’agit de le congédier ? »

    Parce qu’il faudrait déjà vivre dans une démocratie réelle si l’on entend par « congédier », l’éviction par les urnes du système dominant et la mise en place d’une véritable alternative politique, comme par exemple la sortie de l’UE, de l’Euro et de l’OTAN.

    Par contre, si « congédier » admet d’autres moyens, telle l’insurrection, alors tout pourrait effectivement être envisagé.

    Une question me taraude concernant Varoufakis. Est-il sincère dans ses objectifs affichés, qui n’ont aucune chance d’aboutir et qui de plus nous font perdre un temps précieux, ou est-il un affidé du système ? Cette question vaut d’ailleurs pour ceux qui soutiennent son projet.

      +15

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    • Chris // 15.03.2016 à 17h18

      Varoufakis ministre a eu l’occasion d’entrer dans le sérail politique américano-européen (en fait, je ne devrais pas faire de différence, la politique européenne étant assujettie à Washington), ce qui lui donne accès à un fabuleux réseau et carnet d’adresses… qu’il entend exploiter pour une carrière politique fructueuse (fructueuse pour lui, cela d’entend).
      A partir de là, toutes les distorsions, inversions, perversions et autres « ismes » sont permis, et ne tranchent en aucune manière avec les postures de ses nouveaux compagnons/alter égo.

        +2

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    • ARDUS // 16.03.2016 à 09h56

      Il y a bien une hypothèse concernant Varoufakis et les tenants de l’autre Europe.

      Tout se passe comme si Varoufakis avait contruit sa vision politique sur l’idée que la Grèce ne peut s’en sortir qu’en devenant une sorte de Nebraska de l’Europe, vivant largement des transferts de l’Etat fédéral au nom de ce qu’il appelle la solidarité. A aucun moment il n’envisage qu’elle pourrait vivre de ses propres ressources en affirmant sa souveraineté dans des relations bi-latérales mutuellement profitables avec d’autres Etats. La raison de cet état de fait réside entièrement dans la perception qui est la sienne qu’il n’y a pas d’autre modèle de développement que le modèle occidental. La Grèce n’ayant pas les ressources internes pour s’y engager, il n’a d’autre moyen d’y parvenir qu’en prônant une sorte d’assistance perpétuelle de l’Europe au profit de son pays qui est évidemment une pure vue de l’esprit.

        +0

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      • Wilmotte Karim // 16.03.2016 à 18h26

        @Ardus
        L’objectif affiché par Syriza était de permettre des investissements productifs (ce qui nécessitait la fin de l’austérité).

          +0

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  • JacquesJacques // 15.03.2016 à 09h06

     » La grande force de l’ordre en place, c’est qu’il tolère les désastres accomplis dans les règles, selon ses conventions « .
    Voici une phrase qui caractérise non seulement nos institutions mais aussi la majorité des êtres humains, ici et là dans le monde : elle laisse faire face à une force qui la mène, la limite et la surveille. Une minorité d’entre nous, ici et là, avec plus ou moins de conscience, sait qu’elle doit sortir de ces conventions, créer du nouveau et s’affirmer dans un nouvel  » ensemble  » en réduisant ses différences pour ne garder que le fond qui maintient la vie sociale.L’ordre n’est jamais établi définitivement, il ne s’aperçoit pas qu’il devient désuet dans le cours des choses qui va plus vite que lui, et à la fin il rompt pour laisser la place à la reconstruction sur les décombres. Cela n’est pas désespérant malgré tout. Les groupes humains éliront ici et là d’autres meneurs qui feront bien mieux que nos dirigeants actuels embourbés dans une mondialisation financière qui a accéléré le cours des choses. La question est : cette minorité consciente aura-t-elle assez de conviction pour entrer ici et là dans l’arène politique avant que le choc financier global n’intervienne ? A priori non. Ce sera donc après. Alors pensons dès à présent à la reconstruction créative avec plus de paramètres utiles à nos vies et à la préservation de la planète.

      +18

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    • Eric83 // 15.03.2016 à 10h08

      Votre commentaire est d’une grande sagesse mais malheureusement pour les peuples la sagesse n’est pas une vertu des dominants au pouvoir.

       » Ce sera donc après ». J’aimerais partager votre optimisme d’une reconstruction créative bienfaitrice pour les peuples et préservatrice de la planète.

      Cela dépendra de ce qui restera du « avant ». Pour illustrer volontairement par des opposés, le « nouveau » monde penchera-t-il probablement vers une reconstruction sur le « modèle » Islandais ou sur celui de la Libye ou de la Syrie ?

        +8

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    • Theo Van Creyers // 15.03.2016 à 11h25

      Lamartine assimilait les révolutions humaines à des révélations divines..
      « vos enfants plus hardis y liront plus avant »
      l’Ordre établi est celui de l’Argent ; vous ne chasserez pas ce pouvoir là avec des élections. Il nous faut des décombres, Hélas.

        +14

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  • BA // 15.03.2016 à 09h34

    Patrick a été menuisier puis maître-chien. Aujourd’hui il est biffin.

    http://www.francetvinfo.fr/economie/crise/crise-de-la-dette/quand-l-interieur-des-poubelles-devient-une-mine-d-or_1356907.html

    Pendant que les biffins fouillent les poubelles, la Banque Centrale Européenne injecte 80 milliards d’euros par mois dans le circuit bancaire.

    la BCE « crée » de la monnaie en créditant les lignes de dépôt des banques dans ses livres de comptes. « Pour ces dernières, les créances sont donc converties en argent frais, ce qui gonfle leurs réserves et leur permet, EN THEORIE, de distribuer d’avantage de crédit, à un taux plus faible », explique Patrick Artus.

    http://www.lemonde.fr/crise-de-l-euro/article/2016/03/10/la-bce-devoile-un-nouvel-arsenal-de-mesures-pour-soigner-l-economie-europeenne_4880480_1656955.html

    « EN THEORIE », explique Patrick Artus.

    Dans le monde réel, de plus en plus de biffins fouillent les poubelles.

      +32

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  • Rémi // 15.03.2016 à 11h56

    Belle question, maisune démocratisation pour quoi faire?
    Pour quoi voterais le peuple européen?
    Parce que l’est de l’europe et l’allemagne ont mis depuis vingt an des majoritées de droite au pouvoir.
    Si vous regardez le parlement européen actuel il penche nettement à droite.
    Alors espérer changer de politique en démocratisant l’europe exigera de changer l’opinion des tchéques, polonais et Allemands.
    C’est peut etre ca la vraie démocratisation de l#europe.

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  • jim // 15.03.2016 à 11h58

    Il me gonfle Lordon.
    Il ne se rend même pas compte, comme tous les idéologisés, qu’il applique parfaitement ce qu’il dénonce, à savoir :
    “Ce qui frappe le plus dans ces extraits presque parfaitement substituables n’est pas tant leur stéréotypie que la force d’inertie de leurs automatismes et leur radicale imperméabilité à tout ce qui se dit par ailleurs”.

    Toujours les mots peuple, démocratie, européen, souveraineté européenne, etc, récités comme des litanies sans substance réelle autre que celle fantasmée.

    Les idéologisés qu’il reste, et il en reste de moins en moins!, sont des boulets pour LES PEUPLES, littérallement des boulets, qui freinent la marche vers la sortie des crises grâce à et par demos.

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    • asheloup // 15.03.2016 à 13h17

      Une bien triste apologie du nihilisme ce commentaire…

      Toute révolution a été systématiquement accompagnée d’une pensée intellectuelle sur l’avenir et le devenir de la nation. Sinon ce n’est pas une révolution, ça n’est rien de plus qu’un évènement style la crise des banlieus : une agitation stérile et sans contenu politique.

      Faire un effort intellectuel, c’est faire l’effort de penser la société et d’imaginer son devenir, ce que fait très bien Lordon, et ce que vous renoncez à faire… pour le pire.

      Sans idéologies on ne fait pas de politique. Et donc in fine, on est condamné à s’agiter pour rien. L’idéologie qui ne dit pas son nom, qui ne s’assume pas est la plus destructrice de toutes : l’idéologie néolibérale.

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      • ARDUS // 16.03.2016 à 11h23

        Idéologie néolibérale dont le pire avorton est en effet cette sorte de nihilisme qui est lui-même une idéologie.

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    • Ailleret // 15.03.2016 à 18h23

      L’idéologie qui ne s’assume pas, c’est aussi l’européisme, complément de l’ultralibéralisme. Les médias ignorent ce nom, naturellement, et quand ils présentent un européiste bon teint, ils disent invariablement : « C’est un Européen convaincu ». (Mao était donc un «Asiatique convaincu » et Kadhafi, un « Africain convaincu » ?).
      Merci à Frédéric Lordon de démasquer cet européisme bêlant qui hante la pseudo-« gauche radicale », et qui nous fait perdre un temps précieux, à nous tous : de gauche, de droite et d’ailleurs.

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  • reneegate // 15.03.2016 à 12h29

    « l’automatique de répétition » est une des pustules symptomatique d’un état libéral incurable . Quant au « repli national » (répété ad libitum), les échanges universitaires n’ont pas attendus l’UE loin de là (les facs en France comptaient de nombreux Malgaches, des Syriens, …., peut être moins d’anglo saxons c’est vrai).
    Un pays comme Cuba isolé contre son gré, qui envoient systématiquement de l’aide médicale à Haiti, en Sierra Leone, n’est il pas la preuve que repli et monnaie n’ont absolument rien à voir. La crise des migrants montrent bien une Europe bien plus fermée lorsqu’il ne s’agit plus de finance et de traités commerciaux.
    Le repli connait pas, mais l’ouverture c’est un état d’esprit, un point de vue.
    « faut il être idiot, bouché ou autiste » : les autistes sont imperméables à l’ autre c’est à dire aux uns et aux autres. Ils sont de plus chacun très singuliers.Ces gens là ne sont donc pas autistes …….
    « le désastre jamais nommé » tout politique « aux responsabilités » ne dit jamais avoir perdu 400 emplois mais en avoir sauvé 20 (une bonne journée, nous sommes utiles).
    Au plaisir de vous lire encore.

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  • cording // 15.03.2016 à 13h17

    Point n’est besoin de lire la longue et parfois lourde rhétorique de Frédéric Lordon pour savoir que s’il a été impossible, comme la tentative grecque l’an dernier l’a montré de réformer l’UE en matière économique il me parait encore plus évident qu’il sera impossible de la démocratiser trop de gens trouvent intérêt à cette Europe-là à commencer les Allemands et ses alliés et séides. Ensuite parce qu’elle requiert une unanimité impossible à obtenir !

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  • gregoire barbet-massin // 15.03.2016 à 15h11

    Je serais donc le seul à dire que c’était extrêmement verbeux et que je me suis arrêté au second paragraphe. Cet article m’a donné envie de lire « la disparition » et c’est tout. Les commentaires sont intéressants cependant.

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    • jim // 15.03.2016 à 15h58

      Lisez plutôt par exemple « La vie mode d’emploi » de Perec, très astucieux et créatif roman.

      « La disparition » est amusant pour l’exercice de style -E, mais bon…

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  • faury // 15.03.2016 à 15h15

    L’autre jour je suis tombé sur un drôle de mot (dans « l’actu en patates » il me semble), une sorte d’anglicisme et d’oxymore, qui me tarabuste.

    Worldxit.

    Après les infamants Grexit puis Brexit, le Worldxit me parait un excellent retournement de la pensée.

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  • Charles // 15.03.2016 à 16h32

    Certes, la fin de la dictature du capital (= une révolution sociale) dans un pays européen implique la souveraineté monétaire, mais cela n’empêche pas de lutter contre cette dictature dans l’ensemble de l’Europe, au contraire.
    C’est ce que défend de façon convaincante Michel Husson dans cet article:
    Europe. Plan B: de la pensée binaire, ou comment faire du surplace.
    A lire ici: http://wp.me/p5oNrG-k9i

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  • Andrae // 15.03.2016 à 18h21

    Les nouveaux dirigeants pan-Européens tiennent à l’Euro mordicus à cause de sa force symbolique – qui joue fort dans le public et n’est contesté qu’à ‘droite’ en gros, mettons – et pcq leur position en dépend!

    La mort de l’Euro c’est la déchéance de l’UE. Les maitres, les USA, veulent aussi conserver l’Euro mais par là, principalement, l’UE. Obama s’est positionné publiquement contre un Brexit, par ex. l’Euro permet également une domination de certains pays périphériques.

    L’adhésion à l’Euro est renforcée par le fait que cette monnaie est un fait accompli, et pas touchée directement (dans le discours) par les crises graves *visibles* que subit l’UE:

    Grèce, le néolibéralisme mange ses propres enfants – Ukraine, aventure horrifique peu dévoilée – opposition, sanctions contre la Russie, un désastre – crise des migrants, non respect de Schengen qui est mort – chute possible de Merkel – austerité, chomage, pauvreté – dettes, démographie – etc.

    Varoufakis et consorts ne cherchent qu’à s’allier avec le pouvoir dominant du jour. Inconsciemment, peut-être, laissons cette ouverture.

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  • Lea_ // 15.03.2016 à 21h55

    « En réalité, on le sait bien, l’obstacle principal à une proposition politique de sortie de l’euro est d’une autre nature : la peur. Et plus précisément la peur de l’inconnu. »

    Cette peur est largement entretenue par les Institutions financières, économiques et même médiatiques, alors même que ces derniers n’ont – pour la plupart d’entre eux – aucune culture monétaire/financière.
    Etonnamment, lors de l’introduction de l’euro, monnaie unique, personne n’avait peur de l’inconnu…

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  • Renaud // 15.03.2016 à 22h56

    On en a pas un peu (ou beaucoup) marre de constater presque partout cette politique qui n’a plus de portée et sert l’usure contre les sociétés angoissées sous l’amoncellement des confusions et de l’ignorance qui ne cessent de s’empiler les unes sur les autres !?

    De toutes façons la domination accrue du monde contemporain par les — dettes —,
    — La Dette —, ce poison mortel, quelque soit les partis au -soit-disant- pouvoir qui nous assomment d’ennuis, fait que l’argent reste notre « maître » et l’usure triomphe encore et toujours.
    Quand va-t-on devenir suffisamment lucides pour avoir prise sur cette situation ?

    Ci-après, cette vidéo de 13 minutes est un audiovisuel d’un autre âge (1962) heureusement numérisée, mais, plus d’un demi siècle après, son contenu n’a pas pris une seule ride.
    Au contraire ! Ce contenu est de plus en plus d’actualité. — Cette explication à elle seule contient par contraste la réforme ou la réponse possible fondamentale —, saine, durable et toute naturelle à une situation mensongère et délétère au plus haut degré, aux conséquences funestes par la détérioration des rapports entre les hommes qui ne nous lâchera pas si notre lucidité ne s’affine pas :
    Voici la vidéo :

    https://www.youtube.com/watch?v=MWGWmRONV9M

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    • Renaud // 16.03.2016 à 01h26

      Curieux le lien de la vidéo du message ci-dessus n’est pas passé malgré les apparences
      J’espère qu’il va passer cette fois :

      https://www.youtube.com/watch?v=MWGWmRONV9M

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      • Renaud // 16.03.2016 à 02h00

        Apparemment le lien n’est encore pas passé alors que de mon côté tout paraît normal.
        Pour y accéder quand-même, taper sur Google ceci :

        – Louis Even – 1962 – L’arnaque (et la trahison) de la dette publique –

        Le lien devrait être ainsi accessible

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  • Michel Martin // 16.03.2016 à 10h23

    « Or le principe démocratique ne se modère pas. Ou bien tout ce qui intéresse le destin collectif du corps politique, politiques monétaire et budgétaire comprises et en tous leurs aspects, est offert à la délibération, ou bien ça n’est pas la démocratie. »
    D’accord avec cette affirmation. Toutefois, une imprécision mine cette affirmation, c’est celle du « destin collectif du corps politique ». De quel corps s’agit-il au juste? De quel périmètre de décisions s’agit-il? De quels collectifs s’agit-il? Il faudrait que Frédéric Lordon entre un peu plus dans le détail pratique de cette belle déclaration de principe démocratique.
    Le principe de subsidiarité existe dans les principes de la construction Européenne, mais sans doute est-il trop peu ou mal utilisé. La subsidiarité pourrait consister à développer une structuration par le bas en travaillant à permettre de prendre les décisions collectives au plus bas niveau d’organisation possible et de ne monter d’un cran que s’il est avéré que c’est nécessaire. La subsidiarité, c’est le contraire de la bureaucratie, c’est que les acteurs qui prennent des décisions soient en prise avec ces décisions, avec les conséquences de leurs décisions. De cette façon, il est possible d’envisager une démocratie participative très poussée, mais sur un périmètre d’action réduit. Dès que le périmètre de participation à la prise de décision s’étend, le principe démocratique se dilue et devient vite impraticable, c’est le drame de la démocratie participative.

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  • Renaud // 16.03.2016 à 11h01

    Michel Martin @ le 16 mars 2016 à 140h23.
    Il y a un exemple de démocratie participative à nos portes et qui applique le principe de Subsidiarité, c’est la constitution Helvétique où la Subsidiarité est pratiquée même si, à ma connaissance, le mot :Subsidiarité n’y figure pas; mais l’essentiel c’est que la Subsidiarité soit pratiquée. Quant à la Subsidiarité de la « construction européenne » (qui est plutôt une démolition et un mourroir de chaque nation), c’est un leurre, un misérable leurre langagier. La réalité lugubre de l’ « Europe » parle d’elle-même.
    La vidéo ci-dessus (Renaud 16 mars à 2h00) j’espère qu’elle est accessible ouvre vraiment la voie au principe de Subsidiarité, alias Démocratie Économique, alias Crédit Social.

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    • Michel Martin // 16.03.2016 à 13h54

      la vidéo ne passe pas, essayez de donner l’url en clair.

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  • Julie // 16.03.2016 à 15h31

    De mon expérience, seule l’EU a réussi à donner des bourses de recherche dans des conditions de transparence acceptable à des jeunes chercheurs français ces dernières années. Autrement, ils sont livrés au pouvoir absolu des mandarins et des amitiés politiques de ces derniers.
    C’est pourquoi il vaudrait mieux réformer l’eu de l’intérieur, mais bien sûr en dégageant les 30 000 eurocrates de Bruxelles et en intégrant les parlements nationaux comme l’a proposé Varoufakis. Au fait qui a vu que le parlement européen a condamné les ventes d’armes à l’Arabie saoudite? Evidemment, ils n’ont aucun pouvoir… En attendant, Chomsky lui-même soutient Diem.
    http://yanisvaroufakis.eu/2016/03/15/noam-chomsky-joins-diem25/
    Je n’apprécie en rien de payer des impôts pour que l’est de l’Europe fascisante en profite, mais une vraie réforme de l’eu devrait aussi inclure des gardes-fous permettant d’exclure immédiatement les états qui ne respectent pas les droits de l’homme.

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    • Torsade de Pointes // 16.03.2016 à 20h06

      Julie : « seule l’EU a réussi à donner des bourses de recherche dans des conditions de transparence acceptable à des jeunes chercheurs français ces dernières années. Autrement, ils sont livrés au pouvoir absolu des mandarins et des amitiés politiques »

      Mais bien sûr. La transparence, la jeunesse, l’avenir, l’intelligence (dont le « chercheur » est la plus parfaite incarnation) sont du côté de l’UE — ou de l’EU, puisque vous préférez utiliser une autre langue. À l’inverse, les mandarins, la sclérose intellectuelle, la corruption, le passé, bref le rance et le moisi, sont du côté de l’État national.

      Figurez-vous que nous connaissions déjà cette ritournelle, totalement éculée, et qu’il était donc inutile de venir la rabâcher ici.

        +2

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      • Julie // 17.03.2016 à 19h11

        Je vous parle de mon experience et de celle des gens autour de moi; à moins d’avoir fait normale sup ou agrégé (mieux vaut être passé par les classes prépas pour ça, avec ce que cela veut dire aujourd’hui de « reproduction des élites ») d’être italien/allemand/américain selon le type de profil dont un mandarin a besoin pour booster ses recherches et parce que vous ne risquez pas de savoir comment fonctionne les prud’hommes, impossible aujourd’hui d’entrer au cnrs en sciences humaines. La différence de fonctionnement des institutions, du mandarinat, et de la recherche en sciences dures et sciences humaines est absolument scandaleuse. Vous connaissez l’Académie des Belles-Lettres? Le Collège de France? vous savez comment fonctionne ces institutions (avec nos impôts) où « Messieurs les Professeurs » croient qu’ils ont le droit de décider qui accède ou non à la bibliothèque, ou d’annoncer des découverts qui en réalité sont publiées dans des langues obscures depuis des décennies?

        A part des bourses de l’EU au sortir de la thèse et la fuite aux USA, je ne vois aucune des personnes pourtant brillantes dont j’ai pu voir évoluer la carrière trouver un poste en France. Vous trouvez ça normal?

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      • Julie // 17.03.2016 à 19h51

        au fait, entre les admirables noms de régions qu’on nous propose et le nouveau nom du salon du livre (« Paris-Livres » sur le modèle de « Paris-Plages ») et autres « Mastères », vous m’expliquerez à quoi servent vos institutions chéries que le monde entier nous envie, hein…

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  • anne jordan // 16.03.2016 à 19h09

    HMMM ..
    à creuser , me semble t il , le mot  » NATIONALISME .
    Lordon ne fait que l’effleurer , mais ici , sur ce blog , il ya des idées souvent qui pourraient être développées comme  » remèdes à la peur , à la haine et à la résignation  »
    A vos claviers !

      +0

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  • Renaud // 16.03.2016 à 20h38

    Michel Martin @ le 16 mars 2016 à 13h54

    L’URL que j’avais mis :

    https://www.youtube.com/watch?v=MWGWmRONV9M

    fonctionnait normalement, mais pas une fois transmis dans – les Crises – il n’apparaissait plus, je ne sais pas pourquoi.

    Voici en principe 2 autres possibilités d’accéder à cette vidéo (émission TV, 13 minutes, Québec-Canada, 1962)

    http://dailymotionfile.com/v_x2pn0xd

    En cas de non fonctionnement de ces liens taper sur Google ceci :

    Louis Even – 1962 – L’arnaque (et la trahison) de la dette publique

    et ouvrir le (ou l’un des liens) qui apparait sur la page Google.

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  • Alberto // 17.03.2016 à 07h27

    Even sur la dette, voilà son lien :

    https://www.youtube.com/watch?v=MWGWmRONV9M

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  • Krystyna Hawrot // 17.03.2016 à 22h36

    Je suis d’accord avec Lordon. Comme Varoufakis a perdu de son mordant et refuse de travailler désormais avec des politiques de gauche qui commencent à réfléchir sur la sortie de l’Euro (Mélenchon), je me demande s’il n’y a pas eu une petite fondation derrière les fagots pour financer son Diem – Rosa Luxembourg;, Ebert, Soros, ou Young Leaders… Ca sent à plein nez, une structure qui sort de nulle part avec plein de sous et composée uniquement d’un type qui a été ministre mais n’a jamais été dans un parti…

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