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5.juillet.20235.7.2023 // Les Crises

Feux de forêt : la ville de New York savait que la fumée arrivait, mais n’a pas suffisament protégé les habitants

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Après la pire journée de pollution de l’histoire des États-Unis, liée aux fumées de feux de forêt, les critiques ont dénoncé la réaction « insuffisante » de la ville.

Source : Truthout, Lylla Younes , GRIST
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Vue de l’horizon brumeux de la ville de New York recouvert par la fumée des incendies de forêt canadiens, le 7 juin 2023. LEV RADIN / PACIFIC PRESS / LIGHTROCKET VIA GETTY IMAGES

Lundi soir, les météorologues du centre du service national de météorologie d’Upton, dans l’État de New York, ont remarqué quelque chose d’inhabituel sur les images satellite. Un épais mur de fumée provenant d’une série d’incendies de forêt ayant éclaté en Nouvelle-Écosse se déplaçait vers le sud en direction de l’État de New York. Après avoir examiné la configuration des vents et la vitesse de déplacement du panache, les météorologues ont prévu qu’il entrerait dans la ville la plus densément peuplée du pays le lendemain matin. Comme prévu, les New-Yorkais se sont réveillés mardi dans un air gris qui s’est épaissi au cours de la journée. Dans la soirée, la ville sentait comme un feu de joie. Le lendemain après-midi, l’air était devenu orange.

En termes d’exposition d’un Américain moyen à la fumée,les chercheurs de Stanford ont analysé les chiffres, et ont découvert que le mercredi 7 juin avait été la pire journée de pollution due à la fumée des feux de forêt de l’histoire du pays. La qualité de l’air s’est effondrée dans tout l’est des États-Unis, touchant des villes telles que Charlotte, Philadelphie ou Chicago. Mais aucune ville n’a connu un air aussi mauvais que la Grosse Pomme. L’indice de qualité de l’air (IQA) a atteint 484 dans certains quartiers de Brooklyn, soit près du double de la valeur horaire la plus élevée enregistrée à San Francisco au cours de la saison des incendies de 2020 en Californie. Lors d’une conférence de presse qui s’est tenue mercredi après-midi, la gouverneure de l’État de New York, Kathy Hochul, a parlé d’une « crise sanitaire et environnementale » et a exhorté les habitants à prendre des précautions. Le maire de New York, Eric Adams, a déclaré que la situation était « alarmante et préoccupante » et a demandé à la population de se masquer et de rester à l’intérieur.

Mais les défenseurs des droits humains et les experts en santé publique interrogés par Grist ont décrit les efforts des autorités comme lents et confus. Les opérations pour distribuer des masques ont eu lieu bien après que la pollution se soit abattue sur la région des trois États. Alors que l’augmentation de la température mondiale provoque des incendies plus puissants et plus fréquents à travers le continent, les experts alertent que même des villes comme New York qui n’ayant jamais été confrontées à la fumée des incendies doivent intensifier leurs efforts de préparation aux situations d’urgence pour assurer la sécurité des personnes vulnérables.

« La réponse de la ville de New York a été insuffisante, décevante et franchement problématique », a déclaré, lors d’une interview, Lincoln Restler, membre du conseil municipal représentant le nord de Brooklyn. La ville avait été alertée à l’avance de la pollution imminente par l’Etat et les autorités fédérales, a-t-il ajouté, mais « il n’y a pratiquement eu aucune communication, hormis un tweet, pendant les 36 heures qu’a duré cette crise ».

La fumée des feux de forêt constitue un risque majeur pour la santé publique, car elle contient des particules fines qui peuvent se loger dans les tissus pulmonaires et d’autres polluants qui peuvent affecter le système respiratoire. Sur le court-terme, l’exposition à ce type de pollution est associée à des taux plus élevés d’hospitalisation pour asthme et crises cardiaques. Comme la plupart des menaces en matière de santé publique, elle n’affecte pas tout le monde de la même manière. Les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement vulnérables à l’exposition, en particulier s’ils vivent dans des zones où le taux de pollution est déjà disproportionné.

À New York, il s’agit d’endroits comme le sud du Bronx, où la combinaison du trafic autoroutier et du camionnage lourd à proximité des entrepôts contribue à un air malsain de manière chronique. Selon l’école de santé publique Mailman de l’université Columbia, le quartier présente l’un des taux d’asthme les plus élevés du pays, et les patients noirs et latinos représentent plus de 80 % des cas d’asthme dans la ville.

« Les personnes qui vivent dans des zones déjà fortement polluées sont exposées de manière chronique et cumulative, et cette exposition intense à court terme vient s’ajouter à leur exposition à long terme », explique Jennifer Vanos, professeure associée à la School of Sustainability de l’Université de l’Etat de l’Arizona, qui étudie les chaleurs extrêmes et la pollution de l’air.

Les autorités municipales savent où vivent les New-Yorkais les plus vulnérables et auraient dû faire davantage cette semaine pour les protéger, a déclaré Eddie Bautista, directeur exécutif de la New York City Environmental Justice Alliance, une organisation à but non lucratif qui œuvre en faveur de la santé environnementale dans les quartiers défavorisés. Il a évoqué un programme que son organisation a poussé la ville à adopter au plus fort de la pandémie de COVID-19, et qui consistait à distribuer des climatiseurs aux ménages à faibles revenus afin qu’ils puissent rester au frais et se tenir à l’écart de la société pendant les vagues de chaleur. Il a demandé à voix haute pourquoi les agences locales n’ont pas pris des mesures comparables cette semaine, comme une distribution rapide de masques N95 aux personnes âgées.

« Comme beaucoup d’autres, je suis vraiment stupéfait de la lenteur de la réaction, a-t-il déclaré. Nous nous préparons maintenant à faire face à je ne sais quelle augmentation du nombre d’admissions aux urgences au cours de la semaine prochaine. »

De plus en plus de recherches confirment ses craintes. En 2020, des chercheurs de l’université de Colombie-Britannique à Vancouver ont constaté que la pollution due aux feux de forêt entraînait une augmentation du nombre d’appels d’ambulance pour des cas liés à de l’asthme dans l’heure suivant l’exposition. Une autre étude du ministère californien de la santé publique a constaté une augmentation des arrêts cardiaques chez les personnes âgées de 35 ans et plus après les incendies de forêt. Les experts ont déclaré à Grist qu’il faudra des semaines pour comprendre si les taux d’hospitalisation dans la ville ont augmenté à la suite de l’exposition à la fumée.

Mercredi soir, la ville a annoncé les lieux où les habitants de New York pourraient se procurer gratuitement des masques N95 jeudi. Mais certains travailleurs et défenseurs des droits de l’homme ont déclaré que le message arrivait trop tard. Gustavo Ajche, un livreur à vélo et fondateur de Los Deliveristas Unidos, un collectif de livreurs indépendants, a déclaré à Grist qu’il avait fait sa tournée comme d’habitude mardi, mais qu’à la fin de la journée, il s’était senti étourdi et avait eu mal à la gorge. Le mercredi, il a pu passer la journée en utilisant un masque N95.

« Je pense que la réponse de la ville a manqué d’efficacité, a-t-il déclaré à Grist en espagnol. La fumée nous touche depuis mardi, donc depuis mardi il aurait dû y avoir un plan mis en œuvre pour inciter plus de New-Yorkais à se masquer. »

Invité à répondre aux critiques concernant la réponse de la ville à la crise, le bureau du maire a renvoyé Grist à la vidéo d’une conférence de presse tenue jeudi matin, au cours de laquelle M. Adams a décrit l’évolution de la situation et a exhorté les habitants, une fois de plus, à porter des masques de protection.

« Nous comprenons clairement que les crises auxquelles nous sommes confrontés en matière de santé sont des problèmes auxquels nous allons devoir faire face, a-t-il déclaré. Le changement climatique est réel et nous devons nous y préparer. »

Les experts en santé publique interrogés par Grist ont décrit les mesures que New York et d’autres villes pourraient prendre à l’avenir pour protéger les habitants vulnérables des risques de santé liés à la fumée. Ils ont mentionné une distribution des masques mieux coordonnée, des messages d’alerte en cas d’aggravation des conditions et une communication sur les risques avec les gérants d’entreprises afin qu’ils puissent protéger leur personnel. Les autorités pourraient également mettre en œuvre des programmes visant à fournir aux sans-abri des abris d’urgence et aux citadins à faible revenu et à risque des purificateurs d’air et d’autres équipements susceptibles d’améliorer la qualité de l’air intérieure, car certaines personnes vivent dans de vieux bâtiments pleins de courants d’air qui ne sont pas équipés de filtres à air.

« Ce n’est pas parce que l’on est à l’intérieur que l’on est forcément à l’abri des impacts, car la qualité de l’air intérieur est parfois vraiment mauvaise », a déclaré Mary Prunicki, directrice du Centre Sean N. Parker Center pour les Allergies et de Recherche sur l’Asthme à l’université de Stanford. Dans les cas les plus graves, « les personnes qui en ont les moyens peuvent déjà avoir quitté la région, mais ce n’est tout simplement pas une option pour beaucoup d’autres. »

Des événements comme celui de cette semaine seront probablement plus fréquents dans les villes qui ne sont pas habituées à la fumée des feux de forêt, car le changement climatique induit par l’homme augmente la puissance et la fréquence des incendies dans le monde entier. Le Canada connaît actuellement ce qui pourrait être la pire saison de feux de forêt de son histoire, avec des centaines de forêts qui brûlent dans tout le pays. Les experts affirment qu’un plan d’intervention d’urgence efficace est essentiel pour assurer la sécurité des personnes.

« Vous voulez entendre les représentants du gouvernement local, de l’université locale et de l’hôpital local diffuser des informations », a déclaré Scott Sklar à Grist, professeur à l’école d’ingénierie et de sciences appliquées de l’université George Washington. Une ville de la taille de New York a la capacité de se préparer à un impact climatique comme celui-ci. Néanmoins, a-t-il ajouté : « Nous n’étions pas tout à fait prêts pour celui-ci. »

Zoya Teirstein et Jake Bittle ont contribué à la rédaction de cet article.

Cet article a été publié à l’origine dans Grist.

Grist est une organisation médiatique indépendante à but non lucratif qui se consacre à la diffusion d’informations sur les solutions climatiques et sur un avenir juste. Pour en savoir plus, consultez le site Grist.org

LYLLA YOUNES

Lylla Younes est développeuse d’applications pour le Local Reporting Network de ProPublica. Elle était auparavant journaliste de données à la radio publique de New York (WNYC) et à Gothamist.

Source : Truthout, Lylla Younes , GRIST, 10-06-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

ouvrierpcf // 05.07.2023 à 15h47

Le capitalisme dans sa splendeur Des capitaux pour faire fructifier les capitaux Des satellites capables de repérer un chef de tribu dans l’est Irakien de le pulvériser avec un missile Le tout pour le même budget pour mettre en confinement 1 million de newyorkais en cas de tempête de neige ou de fumée de feux de forêts prévus quantifiés mesurés analysés une semaine en amont Mais non le général caporal Zèlensky lui est prioritaire pour recevoir 8 milliards de dollars de missiles de bombes d obus Les newyorkais pourront mettre les bannières jaunes et bleues une fois lavées sur leur balcon En parallèle la mortalité infantile des enfants américains monte monte monte le monde libre avance On ne sait où pourquoi mais il avance

6 réactions et commentaires

  • Tzevtkoff // 05.07.2023 à 13h31

    Tout un symbole je trouve. La ville du capitalisme par excellence a un avant gout de son futur. Ceux qui se sont pris pour le soleil qui doit illuminer les gueux finiront par brûler par le soleil, le vrai. L’histoire est parfois coquine et si ça c’est pas la preuve ultime de leur mégalomanie stupide.

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  • Dmitry // 05.07.2023 à 13h55

    Nous avons eu les mêmes murs de fumée à Moscou en 2010. Je croyais que c’était la fin du monde, l’apocalypse en temps réel. On se sauvait en buvant beaucoup d’eau et en utilisant des ventilateurs éléctriques. Heureusement, après 2010, il n’y avait plus d’expositions à la fumée comme ça.

      +4

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  • ouvrierpcf // 05.07.2023 à 15h47

    Le capitalisme dans sa splendeur Des capitaux pour faire fructifier les capitaux Des satellites capables de repérer un chef de tribu dans l’est Irakien de le pulvériser avec un missile Le tout pour le même budget pour mettre en confinement 1 million de newyorkais en cas de tempête de neige ou de fumée de feux de forêts prévus quantifiés mesurés analysés une semaine en amont Mais non le général caporal Zèlensky lui est prioritaire pour recevoir 8 milliards de dollars de missiles de bombes d obus Les newyorkais pourront mettre les bannières jaunes et bleues une fois lavées sur leur balcon En parallèle la mortalité infantile des enfants américains monte monte monte le monde libre avance On ne sait où pourquoi mais il avance

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  • Bouddha Vert // 05.07.2023 à 22h27

    « fournir aux sans-abri des abris d’urgence et aux citadins à faible revenu et à risque des purificateurs d’air et d’autres équipements susceptibles d’améliorer la qualité de l’air intérieure, car certaines personnes vivent dans de vieux bâtiments pleins de courants d’air qui ne sont pas équipés de filtres à air. »

    Pour lutter contre les conséquences du consumérisme, consommons…

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  • Dominique65 // 06.07.2023 à 09h43

    Rien ne change à New York.
    Déjà en 2001, suite aux attentats, les autorités s’étaient dépêchées de déclarer l’air sein afin d’ouvrir la bourse, alors quil contenait des tonnes d’amiante, entre autres joyeusetés.

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