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11.mai.202311.5.2023 // Les Crises

Les émissions dues aux forages dans le golfe du Mexique sont deux fois plus importantes que les estimations officielles

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Une nouvelle étude indique que l’Agence de protection de l’environnement (EPA) a sous-estimé les émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre.

Source : Truthout, Shannon Kelleher, The New Lede
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Sur cette image aérienne prise par un drone, des remorqueurs tirent la plate-forme de forage semi-submersible Noble Danny Adkins dans le canal de Port Aransas vers le golfe du Mexique, le 12 décembre 2020, à Port Aransas, au Texas. Tom Pennington / Getty Images

Selon une nouvelle étude publiée lundi, les opérations pétrolières et gazières offshore dans le golfe du Mexique libèrent des quantités bien plus importantes d’un puissant gaz à effet de serre que ne l’avaient estimé les autorités de régulation. [Le méthane a un effet de serre 28 fois supérieur au CO2, cependant sa durée de vie dans l’atmosphère n’est que de 15 ans, Cf https://climat.be/changements-climatiques/causes/gaz-a-effet-de-serre, les industries pétrolières et gazières sont avec l’élevage de bovins (ruminations successives) les plus importantes génératrices de ce gaz, NdT]

L’analyse révèle que l’impact de ces activités sur le changement climatique est plus de deux fois supérieur aux estimations officielles.

L’étude, publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences, révèle que les calculs effectués en 2021 par l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) – sur la base des données du Bureau américain de gestion de l’énergie océanique (BOEM) – ont correctement estimé les émissions de dioxyde de carbone, mais ont sous-estimé les émissions de méthane.

Les données, qui reposent sur des informations techniques plutôt que sur des observations sur le terrain, n’ont pas permis de détecter les émissions de méthane, car un ancien type de plate-forme en eau peu profonde utilisé pour le forage en mer se comporte souvent comme un « super-émetteur », laissant échapper de grandes quantités de gaz à effet de serre, a déclaré Alan Gorchov Negron, candidat au doctorat à l’université du Michigan et premier auteur de l’étude. Ces plates-formes sont des centres de collecte et de traitement qui récupèrent le pétrole et le gaz par pipelines depuis des plates-formes plus petites situées à proximité.

« Elles ne représentent qu’une fraction des plateformes du golfe du Mexique, mais elles contribuent de manière disproportionnée aux émissions totales de méthane et de gaz à effet de serre », explique Negron.

« Nous ne savons pas exactement pourquoi les émissions de méthane sont plus élevées que ce que prévoit l’inventaire, a-t-il ajouté. Il s’agit soit d’émissions inconnues, soit d’émissions non déclarées. »

Les émissions de méthane sont considérées comme des facteurs importants du changement climatique.

À la veille de l’expansion

Les conclusions de l’étude arrivent « à la veille d’une série de hausses de la production [de pétrole et de gaz] » dans le golfe du Mexique, a déclaré Negron. Lors d’une vente aux enchères la semaine dernière, les sociétés d’extraction de pétrole et de gaz ont obtenu l’accès à 1,6 million d’acres d’eaux du Golfe – une goutte d’eau dans le « seau » de 73,3 millions d’acres d’eaux fédérales [environ 29,7 millons d’hectares, NdT] que le BOEM a ouvert à l’appel d’offres. Dix autres ventes de baux seront proposées entre 2023 et 2028, a déclaré Negron.

« Ces ventes de baux concernent des régions d’eaux peu profondes qu’ils proposent pour une production accrue et qu’ils sont prêts à mettre aux enchères, a déclaré Negron. Nous montrons que si l’on veut augmenter la production en eaux peu profondes, il faut tenir compte du fait que les eaux peu profondes, telles qu’elles sont exploitées actuellement dans certains endroits, ont un impact disproportionné sur le climat. »

Alors que des recherches antérieures ont mis en évidence un écart entre les émissions réelles et les émissions déclarées de méthane dans le Golfe, la nouvelle étude est la première à estimer l’impact total de ces émissions sur le climat, a déclaré Negron. L’analyse combine de nouvelles données sur les émissions, recueillies par avion, avec des données provenant de plusieurs études antérieures.

Alors que les inventaires « fonctionnent généralement assez bien avec le dioxyde de carbone », a-t-il fait remarquer, parce que le gaz est une fonction de la combustion du carburant, le méthane est plus difficile à évaluer et nécessite une approche différente.

« Nous avons vraiment besoin d’observations pour étudier les émissions de méthane, car les sources sont soit des opérations de ventilation intentionnelles pendant le traitement, soit des fuites involontaires provenant de vieux équipements » a déclaré Negron.

Les résultats de l’étude mettent en évidence les gains faciles pour réduire des émissions. L’industrie pourrait réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre dans le Golfe en évitant d’accroître la production dans les installations en eaux peu profondes qui posent problème ou en s’efforçant d’atténuer les émissions dans ces endroits ciblés en remplaçant la ventilation par une torchère efficace [solution au demeurant médiocre puisqu’elle transforme du méthane ch4 en co2 (ch4 + o2 => co2 + h2o), NdT], en réparant les équipements vétustes ou en abandonnant certaines installations, d’après l’étude .

Comprendre où se produisent les fuites de méthane et quelles en sont les causes exactes peut soutenir les efforts de réduction des émissions provenant de la production de combustibles fossiles dans le monde entier, a déclaré Mason Inman, directeur des données pour le Global Energy Monitor.

« Davantage de mesures de ce type peuvent nous aider à mieux comprendre le problème, à documenter les campagnes en faveur du changement et à éclairer les processus réglementaires » a déclaré Mason Inman. Même si de meilleures technologies de surveillance deviennent disponibles à l’avenir, il estime que des évaluations minutieuses seront toujours nécessaires.

« À l’avenir, les satellites devraient être en mesure d’assurer une surveillance beaucoup plus étendue s’agissant des émissions de méthane issues de la production de pétrole et de gaz (…) mais ils ne peuvent pas être partout à la fois. »

Cet article a été reproduit par Truthout avec autorisation ou licence. Il ne peut être reproduit sous quelque forme que ce soit sans l’autorisation ou la licence de la source.

Source : Truthout, Shannon Kelleher, The New Lede, 04-04-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Auguste Vannier // 11.05.2023 à 09h22

Comprendre pourquoi et comment ce type de forage pétrolier émet beaucoup plus de gaz à effet de serre que prévu devrait en principe permettre de le limiter. Mais comme cela s’inscrit dans la perspective d’une multiplication de ces forages pour extraire toujours plus de pétrole, le résultat risque bien d’être à somme nulle.
Bref, il ne s’agit toujours que de « diminuer l’accélération » vers la catastrophe…

9 réactions et commentaires

  • Auguste Vannier // 11.05.2023 à 09h22

    Comprendre pourquoi et comment ce type de forage pétrolier émet beaucoup plus de gaz à effet de serre que prévu devrait en principe permettre de le limiter. Mais comme cela s’inscrit dans la perspective d’une multiplication de ces forages pour extraire toujours plus de pétrole, le résultat risque bien d’être à somme nulle.
    Bref, il ne s’agit toujours que de « diminuer l’accélération » vers la catastrophe…

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  • Savonarole // 11.05.2023 à 10h03

    Une torchère ça crache un peu plus de merdes que du CO² et du H²O. Déjà c’est une combustion partielle : dites bonjours aux suies dégueu et aux hydrocarbures polycycliques , ensuite ça crame tous les composés volatiles en sortie de puis : souffre , arsenic , mercure et autres… et c’est d’ailleurs pour ça que ça été interdit ; suite aux pollutions aux metaux lourds dans le delta du Niger.
    Stocker les gaz et les traiter c’est possible , c’est juste plus cher. Donc on va encore avoir droit à une dérèglementation merdique qui prend pas en compte l’ensemble des externalités de la production juste pour préserver les marges indécentes de quelques sociétés déjà trop riches.

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  • Gaspard des montagnes // 11.05.2023 à 10h13

    L’arbitrage économique se fait entre le cout des réparations pour limiter les fuites et le prix de vente du méthane.
    Donc 2 solutions :
    – le prix du méthane augmente fortement et devient compétitif par rapport au cout des réparations des fuites et les compagnies interviennent
    – une amende ou une taxe écologique est mise sur les fuites constatées par les états, et la aussi les compagnies interviennent.
    Mais ces 2 solutions auront un cout pour le consommateur final, car elles finiront par être intégrées au prix de vente du méthane…
    Enfin il reste la sobriété énergétique qui permettrait de ralentir la consommation et limiter les forages… mais avec une population mondiale qui s’accroit de 80 millions par an (une Allemagne supplémentaire chaque année !) et donc des besoins croissant en alimentation, transport, logement, etc.. même stopper la croissance de la consommation énergétique est loin d’être gagné… sauf à buter sur les pics pétroliers (vers 2025) et gaziers (vers 2035).
    Alors réapparaîtra cet affreux Malthus qui nous prévenait que croissance démographique et croissance des ressources ne suivent pas la même pente ascendante… et qu’historiquement le gap ne se résolvait pas harmonieusement mais par des troubles sociaux, des maladies, des famines et des guerres !

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    • Plampougnis // 11.05.2023 à 12h22

      @Gaspard des montagnes

      Certains diront que les énergies renouvelables vont nous sauver… elles resteront cependant anecdotiques au niveau mondial pendant longtemps, le plus probable est un recours encore plus massif au charbon qui redeviendrait alors l’énergie numéro 1 comme il y a un siècle… en plus du CO2 nous aurons droit aux poussières, suies, soufre et autres gaz toxiques dans notre atmosphère !

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    • vert-de-taire // 12.05.2023 à 08h17

      *** L’arbitrage économique se fait entre le cout des réparations pour limiter les fuites et le prix de vente du méthane. ***

      Disons le en langage plus juste :
      Le choix des rentiers se fait ….

      chut c’est complotiste.
      et la preuve ça risque de donner à penser (un ministre effrayé).

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    • Grd-mère Michelle // 18.05.2023 à 13h13

      Et voilà que réapparaît cet affreux « problème » de démographie!
      Alors que si les ressources en alimentation et en eau douce, les deux mamelles de la terre qui permettent l’existence de l’humanité et du Vivant tout entier, étaient considérées comme biens communs, primordiales, et faisaient l’objet de recherches sérieuses et coordonnées au niveau international, il est probable que l’ingéniosité humaine (aidée désormais par l’IA) serait capable de planifier leur maintien pour que chacun-e, correctement instruit-e, (et aidé-e désormais par de nombreux moyens contraceptifs) puisse décider de se reproduire ou pas…
      Le véritable problème étant l’exploitation commerciale du moindre ruisseau, de la moindre parcelle de terre, source de profit des plus fort-e-s(plus riches, plus armé-e-s).
      Par exemple, voir le déséquilibre occasionné par l’alimentation exagérément carnée, où l’on constate l’appropriation des terres cultivables pour nourrir les animaux d’élevage.
      Et, comme à Sainte-Soline (ou à Vittel), les manques d’eau …
      On consacre des sommes folles à la recherche pour aller dans l’espace (sur la Lune et sur Mars!) mais on néglige celles qui assureraient une existence digne et satisfaisante, paisible, au plus grand nombre de tout ce qui vit sur la terre.

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  • vert-de-taire // 12.05.2023 à 08h09

    *** Alors réapparaîtra cet affreux Malthus […] mais par des troubles sociaux, des maladies, des famines et des guerres ! ***

    Et cet Affreux Malthus un fou en plus :
    Proposer que le peuple résolve ses problèmes de bonne vie c’est fou !
    Alors quoi ? les pauvres pourraient bien vivre ?

    La haine de Malthus par notre machine à décerveler : ce texte :
    https://www.economie.gouv.fr/facileco/robert-thomas-malthus

    C’est binaire pour primaires :
    1) Un problème, 2) La solution.

    Suit alors un 1er § délicieux :

    Par extension, le « malthusianisme » définit une politique ou une attitude craintive qui considère que les capacités de développement sont limitées. Concrètement, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande être « malthusien » revient à vouloir réduire la demande et être « anti-malthusien » suppose de chercher à remonter l’offre.

    Et un second § tout en subtilités :
    Malthus [et non plus le malthusianisme] est un ardent défenseur du protectionnisme absolu, à savoir la mise en place de tous les dispositifs visant à préserver une économie nationale de la concurrence étrangère.

    La pensée binaire du TINA vous explose à la raison avec le fracas d’un bombardement de B52.
    C’est pourtant simple à comprendre.
    Cela s’appelle facileco ! C’est facile, c’est l’économie, c’est la voix de la raison du TÉLÉCRAN.

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  • Gaspard des montagnes // 13.05.2023 à 06h16

    S vous voulez une bonne illustration de la théorie malthusienne, je vous conseille l’histoire de la grande famine irlandaise (vers 1850), les ingrédients sont les suivants :
    – une ile déjà très peuplée
    – une fécondité forte : doublement de la population en 30 ans. Les causes : isolement culturel, analphabétisme, religion…
    – une quasi monoculture de la pomme de terre (nutritive mais appauvrissant les sols) qui s’étend jusqu’au plus mauvaises terres,
    – une nouvelle maladie de la pomme de terre importée : le mildiou,
    – un occupant : les anglais qui feront rien ou si peu et surtout trop tard,

    Résultat : après être passée de 3 à 6 millions en 40 ans, la population va redescendre à 4 millions en 10 ans :
    – 1 million de morts de faim,
    – 1 million d’émigrés (dont les Kennedy et les Biden)

    Conclusion pour notre petite planète : contrairement aux irlandais qui avaient l’Amérique, nous n’avons pas de planète ou migrer.. c’est ballot !!

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    • Grd-mère Michelle // 18.05.2023 à 14h15

      Votre conclusion ne tient pas:
      Alors que vous placez, en dernière place sur la liste des ingrédients de la famine, « l’occupant » (anglais, en l’occurrence) (qui, comme nous le savons, signifie domination, exploitation, oppression, corruption, manipulation), on peut imaginer que l’histoire de l’ile eût été bien différente, à tous points de vue… si ses habitant-e-s avaient géré leurs terres et leurs eaux à leur gré…
      La guerre et la colonisation, les ambitions « impériales », ont toujours rajouté du malheur aux difficultés inhérentes à la vie sur terre… même si elles ont contribué au « progrès » (oh combien relatif!) de l’humanité.

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