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28.juin.202128.6.2021 // Les Crises

Gaza : Collusion entre l’administration Biden et Chevron dans le pillage israélien des ressources gazières

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Nafeez Ahmed se penche sur les preuves qui démontrent que le conflit actuel ne sert pas seulement les extrémistes des deux camps, mais qu’il cache également un accord visant à monopoliser des ressources naturelles.

Source : Bylinetimes
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le Premier ministre palestinien Rami Hamdallah assiste à une cérémonie de pose de la première pierre de la centrale électrique de Jénine, dans la ville de Jénine en Cisjordanie, en 2016. Photo : ZUMA Press, Inc./Alamy Stock Photo

Le contrôle des ressources naturelles palestiniennes est devenu de façon croissante une caractéristique déterminante de la relation d’Israël avec les territoires occupés. La pire vague de violences militaires à Gaza depuis 2014 ne fait pas exception.

Les nouveaux éléments examinés par Byline Times révèlent que les dernières hostilités ont éclaté à la suite d’une escalade du conflit entre Israël et le Hamas concernant le contrôle des réserves de gaz offshore de Gaza, qui a atteint un point de rupture un mois seulement avant les dernières hostilités.Un rapport de l’ONU ainsi qu’une étude de l’armée américaine publiée sous l’administration Obama suggèrent en outre que la décision de l’administration Biden d’aller de l’avant avec une vente d’armes de 735 millions de dollars à Israël est liée aux intérêts stratégiques américains de soutenir la domination d’Israël sur les ressources énergétiques de la Méditerranée orientale, y compris le gaz appartenant potentiellement aux Palestiniens.

Le gaz palestinien

Les négociations sur le gaz palestinien ont démarré et piétiné pendant plus de deux décennies depuis que la compagnie pétrolière britannique BG Group a découvert, en 2000, une quantité de gaz récupérable estimée à 45 milliards de mètres cubes en mer de Gaza. Mais elles se sont à nouveau accélérées à la fin de l’année dernière après que le géant pétrolier américain Chevron a racheté Noble Energy, société pétrolière basée à Houston, qui avait été contractée par le gouvernement israélien pour développer ses ressources pétrolières et gazières offshore.

En 2017, Noble a été accusé de participer « à un acte de pillage, en violation du droit international humanitaire et pénal » par SOMO, une organisation néerlandaise de défense des droits de l’homme financée par la Commission européenne et le ministère néerlandais des Affaires étrangères. SOMO a évoqué le rapport annuel de la société, qui confirme que cinq ans plus tôt, Noble avait commencé à produire unilatéralement du gaz du gisement israélien du champ de Noa Sud, qui jouxte le champ frontalier palestinien sous la juridiction de l’Autorité palestinienne (AP).

À l’époque, j’ai parlé à Lydia de Leeuw, chercheuse à SOMO, qui m’a dit que les cartes de BG Group confirmaient que toute extraction de gaz du champ de Noa risquait clairement d’extraire simultanément du gaz des réserves de gaz palestiniennes.« Noble n’a tenu compte ni du statut occupé de la bande de Gaza, ni de la souveraineté palestinienne ni de l’autodétermination du champ frontalier et de celui de Gaza Marine », a-t-elle déclaré. L’année suivante, Mme de Leeuw et un autre chercheur de SOMO ont été empêchés d’entrer en Israël et expulsés du pays. Des documents du ministère israélien des affaires stratégiques ont révélé par la suite que les chercheurs n’étaient plus autorisés à entrer en Israël, en partie à cause de leur travail d’enquête pour SOMO sur des entreprises dans les territoires occupés.

En partenariat avec la société énergétique israélienne Delek Group, Noble Energy a également produit du gaz provenant d’autres ressources palestiniennes, comme le champ de Mari-B, qui pourrait couvrir 6 600 kilomètres carrés de zone maritime appartenant potentiellement à la Palestine. Mari-B contenait 45 milliards de mètres cubes de gaz naturel, soit suffisamment pour approvisionner les Palestiniens pendant au moins 15 ans.

Le gaz produit par Noble et Delek à partir de Noa, Mari-B et du champ frontalier palestinien a été vendu à la société publique Israel Electric Company, qui vend à son tour de l’électricité aux Palestiniens et alimente les colonies israéliennes de Cisjordanie.L’achat de Noble Energy par Chevron en octobre 2020 rend donc le géant pétrolier américain complice du vol potentiel continu de gaz palestinien, qui s’est produit sans aucune objection de l’AP.

Priver les Palestiniens de leurs propres ressources

En 2019, une importante étude des Nations unies non révélée jusqu’à présent a conclu que « l’occupation continue d’empêcher les Palestiniens de développer leurs champs énergétiques (de pétrole et de gaz, NdT) afin d’exploiter et de bénéficier de ces actifs. Ainsi, le peuple palestinien s’est vu refuser les avantages de l’utilisation de cette ressource naturelle pour financer le développement socio-économique et répondre à ses besoins en énergie. Les pertes accumulées sont estimées à des milliards de dollars. »

Le rapport intitulé Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : Le Potentiel Petrolier et Gazier Non Mis en Valeur a été publié par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et rédigé par le professeur Atif Kubursi, économiste à l’université McMaster, qui est secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (CESAO) depuis 2006. Le rapport de la CNUCED avertit que la ruée vers l’exploitation des ressources gazières de la Méditerranée orientale, alors que les droits de propriété n’ont pas été équitablement répartis, prive les Palestiniens d’une partie légitime des ressources du bassin du Levant, en violation du droit international.

L’occupation a appauvri le peuple palestinien, sapé sa capacité à accéder à ses ressources et à les utiliser, et lui a refusé le droit de se déplacer librement sur son territoire.Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement : Les coûts économiques de l’occupation israélienne pour le peuple palestinien : Le potentiel non réalisé de pétrole et de gaz naturel Représentant quelque 1,7 milliards de barils de pétrole récupérable et 3 454 milliards de m3 (122 Tcf) de gaz récupérable, le bassin comprend « des ressources communes partagées, dont l’exploitation par l’une des parties diminue la part des parties voisines », indique le rapport des Nations unies.

La valeur nette de ces ressources s’élève à 524 milliards de dollars, qui devraient être répartis de manière appropriée entre les différentes parties, y compris Israël et la Palestine : « Ces champs pourraient être unitisés, et leur développement pourrait être entrepris au nom de toutes les parties, dont les droits de propriété devraient être établis avant l’exploitation… Les Palestiniens ont un intérêt majeur non seulement dans les champs situés sous leur territoire, mais dans toutes les réserves communes. »Selon le rapport, les Palestiniens ont déjà perdu environ 2,57 milliards de dollars en raison de « l’empêchement par Israël de l’exercice de leur droit à bénéficier de l’exploitation de leurs ressources naturelles, garanti par le droit international. Plus longtemps Israël empêche les Palestiniens d’exploiter leurs réserves de pétrole et de gaz naturel, plus les coûts d’opportunité de ces réserves et les coûts de l’occupation supportés par les Palestiniens deviennent importants. »

Contrairement aux hypothèses conventionnelles, le rapport de l’ONU conclut que les efforts israéliens pour priver les Palestiniens de l’accès à leurs propres terres, ressources naturelles et eau ont été au cœur de l’évolution du conflit. Le contrôle de l’énergie fait partie d’un processus plus large par lequel, depuis 1967, « le peuple palestinien a perdu l’accès à plus de 60% des terres de Cisjordanie et aux deux tiers de ses pâturages. À Gaza, la moitié de la surface cultivable et 85% des ressources halieutiques sont inaccessibles aux producteurs. »
Israël a également extrait de l’eau au-delà du niveau convenu dans l’accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 sur la Cisjordanie et la bande de Gaza et a confisqué 82 % des eaux souterraines palestiniennes pour les utiliser à l’intérieur des frontières d’Israël ou dans ses colonies, ce qui oblige les Palestiniens à importer plus de 50 % de leur eau d’Israël.

« L’occupation a appauvri le peuple palestinien, sapé sa capacité à accéder à ses ressources et à les utiliser, et lui a refusé le droit de se déplacer librement à l’intérieur de ses terres pour effectuer des transactions économiques et sociales normales entre eux et avec leurs voisins et partenaires commerciaux dans le monde entier », conclut le rapport de la CNUCED.

Byline Times a demandé à Chevron de commenter sa position sur les actions de Noble, en particulier maintenant que les opérations de Noble sont celles de Chevron, et également, sur ce qui semble être la complicité de Chevron dans le déni des revendications potentielles des Palestiniens sur d’autres champs régionaux par Israël.« Chevron est heureux de s’associer à l’État d’Israël, et nous sommes impatients de soutenir la stratégie du pays pour développer ses ressources en énergie au profit du pays et de la région », a déclaré un porte-parole de Chevron. « Chevron opère dans le respect de la législation locale et des normes internationales et estime que nous avons la responsabilité de respecter les droits de l’homme et que nous pouvons jouer un rôle positif dans les communautés où nous opérons. »

Embrouille gazière

Au début de l’année 2021, un nouveau cycle de discussions entre Israël, l’Autorité palestinienne, le Qatar et l’UE a commencé sur la manière de tirer parti de l’implication de Chevron dans les vieilles ambitions israéliennes d’exporter du gaz depuis la Méditerranée orientale vers l’Europe.Celles-ci ont prolongé une relance des discussions sous l’administration Trump. En 2019, Chypre, la Grèce, Israël, l’Italie, la Jordanie et l’AP ont lancé le Forum du gaz de la Méditerranée orientale (FGME) pour développer une plateforme régionale qui pourrait exporter du gaz vers l’Europe. L’initiative a été soutenue par le département d’État de Trump, et Mike Pompeo, alors secrétaire d’État, a fait en sorte d’assister aux premières réunions.

Le plan, apparemment soutenu par l’administration Biden et impliquant le géant pétrolier américain Chevron scellerait en fait la dépendance énergétique palestinienne vis-à-vis d’Israël.L’administration Biden a toutefois continué à stimuler la relance des discussions.

En février 2021, des responsables du Bureau du Quartet, une initiative diplomatique sur les relations israélo-palestiniennes opérant au nom des États-Unis, des Nations unies, de l’UE et de la Russie, ont confirmé un nouveau plan du FGME pour exporter du gaz depuis le gisement Leviathan situé dans les eaux profondes d’Israël, exploité par Chevron via un gazoduc existant vers Israël, et de là vers Gaza via une nouvelle extension proposée de ce gazoduc. Le Qatar financerait le côté israélien du gazoduc proposé, tandis que l’UE financerait la section allant à Gaza. Ce projet a abouti à la conclusion d’un accord le 21 février entre Israël et l’Égypte pour relier le champ israélien exploité par Chevron à des installations situées dans le nord de l’Égypte qui exportent du gaz vers l’Europe. Ces discussions incluaient la perspective de développer le gaz palestinien dans le champ de Gaza Marine. Le même jour, l’AP et l’entreprise publique Egyptian Natural Gas Holding Company (EGAS) ont signé un protocole d’accord à Ramallah pour développer ce champ.

Le Fonds d’investissement palestinien de l’AP a déclaré que cet accord offrirait « une solution radicale à la crise énergétique qui frappe la bande de Gaza ». Une source officielle palestinienne a révélé que l’AP « avait reçu des signaux positifs de la part de la partie israélienne concernant la possibilité de développer le champ gazier de Gaza Marine, au large des côtes de la bande de Gaza, en Méditerranée ».

Un document officiel du Quartet que j’avais obtenu en 2015 suggère toutefois que le développement de Gaza Marine a été envisagé pour exporter du gaz vers les marchés arabes pour le compte d’Israël. Le réseau électrique, selon le document, devrait être modernisé pour établir des « réseaux régionaux d’interconnexion » qui impliqueront que la Cisjordanie importe « de l’électricité d’Israël et de Jordanie », tandis que le gaz pour le « secteur électrique palestinien » à Gaza peut provenir d’un « accord Léviathan avec la centrale électrique de Jénine. » Entre-temps, le gaz de Gaza Marine devrait être exporté sous la forme de « ventes de gaz » plutôt que de consommation intérieure. Le gaz palestinien serait idéalement vendu aux marchés arabes, comme un pont entre Israël et le monde arabe, Gaza Marine étant considéré « non comme un concurrent des champs israéliens, mais plutôt comme une source supplémentaire potentielle de gaz ».

Ce plan, apparemment soutenu par l’administration Biden et impliquant le géant pétrolier américain Chevron, scellerait en fait la dépendance énergétique palestinienne vis-à-vis d’Israël.L’approche américaine est conforme à un cadre stratégique décrit dans un rapport de décembre 2014 publié sous l’administration Obama par l’Institut d’études stratégiques de l’US Army War College. Bien que contenant l’avertissement habituel selon lequel l’étude ne représente pas officiellement le gouvernement américain, il a reconnu viser à influencer les décideurs politiques américains.

L’étude de l’armée américaine, dont l’un des auteurs est actuellement conseiller en matière de défense auprès des Émirats arabes unis et était auparavant conseiller auprès du ministère britannique de la défense, souligne que : « L’une des conséquences les plus directes des relations tendues entre Israël et la Palestine a été l’absence d’exploitation des ressources gazières offshore découvertes au large de Gaza à la fin des années 1990, malgré les avantages économiques évidents que cette exploitation aurait offerts à l’économie palestinienne naissante.

Israël a bloqué tout développement des ressources depuis 2000 en raison de préoccupations concernant l’acheminement des revenus du gaz palestinien vers le financement présumé du terrorisme, censé financer des attaques armées contre l’État d’Israël. »

L’étude poursuit en soulignant le rôle des États-Unis dans le soutien de leurs alliés régionaux, en particulier Israël, en cas de conflit armé pour le contrôle des réserves énergétiques régionales. Notant qu’en Israël-Palestine, « la présence de ressources naturelles inestimables dans les territoires contestés pourrait davantage alimenter le conflit », le rapport affirme que « le soutien diplomatique et militaire des États-Unis a un rôle central à jouer dans le paysage géopolitique complexe de la Méditerranée orientale, et son importance ne fera que croître à mesure que la valeur des ressources naturelles en jeu augmentera ».

Il a ajouté :« Le soutien sécuritaire et militaire des États-Unis à leurs principaux alliés en cas d’éruption d’un conflit lié aux ressources naturelles en Méditerranée orientale peut s’avérer essentiel pour gérer d’éventuels conflits futurs… Le soutien des États-Unis – diplomatique et, le cas échéant, militaire – peut constituer un élément potentiellement puissant dans la sauvegarde de ces avantages économiques à long terme, à un coût faible en termes relatifs. » Mettant en garde contre le risque que certains points de tension impliquant Israël, la Palestine, la Syrie, le Liban, Chypre et l’Égypte ne conduisent à une escalade régionale, le rapport indique que « les États-Unis détiennent également une position militaire importante qui pourrait avoir un impact sur la sécurisation de la Méditerranée orientale », y compris « une formation militaire et un soutien en équipement » pour défendre Chypre et Israël contre des attaques visant « leurs infrastructures énergétiques et leurs développements gaziers ».

L’approbation par l’administration de 735 millions de dollars de ventes d’armes à Israël semble donc indissociable des préoccupations de sécurité énergétique régionale. Le Département d’État américain s’est refusé à tout commentaire.

Le problème du Hamas

Sans surprise, le Hamas – qui contrôle Gaza – a rejeté la légitimité des négociations gazières entre Israël et l’Autorité palestinienne. « Gaza doit être présent dans tout accord concernant les gisements de gaz sur ses côtes », a déclaré Moussa Abu Marzook, vice-président du bureau politique du Hamas, en réponse au protocole d’accord. « Si Gaza est obligée d’importer du gaz naturel de l’occupant [Israël] pour la seule centrale électrique de la bande, alors nous ne devons pas rester les bras croisés pendant que nos ressources naturelles sont exportées vers des terres lointaines. Nous devons connaître les détails de l’accord qui a été signé avec le Fonds d’investissement.»

En mars, en signe du soutien de l’administration Biden aux nouveaux plans de développement du gaz, les États-Unis ont été officiellement approuvés en tant qu’observateur officiel du FGME.

Mais le même mois, le Hamas a réitéré son rejet de l’accord sur Gaza Marine. « L’Autorité palestinienne à Ramallah ne peut en aucun cas signer des accords internationaux au nom du peuple palestinien et de ses institutions légitimes », a déclaré le chef du Hamas Ahmed Bahar, vice-président du Conseil législatif palestinien.

Ces deux responsables du Hamas ont exprimé des sentiments antisémites alarmants. En 2012, Bahar avait notoirement prononcé un sermon télévisé où il priait : « Oh Allah, détruis les Juifs et leurs partisans. Oh Allah, détruis les Américains et leurs partisans. Oh Allah, compte-les un par un et tue-les tous, sans en laisser un seul. » La même année, l’autre dirigeant du Hamas qui avait critiqué la nouvelle ruée vers le gaz, Marzook, a déclaré au magazine juif Forward que le Hamas n’honorerait pas nécessairement tout accord entre Israël et l’AP, même s’il était ratifié par un référendum de tous les Palestiniens. « Nous ne reconnaîtrons pas Israël en tant qu’État », a-t-il déclaré. « Ce sera comme la relation entre le Liban et Israël ou la Syrie et Israël », autrement dit, une « trêve armée ».

La réponse du Hamas à la ruée vers le gaz donne donc un aperçu de la manière dont le soutien tacite des États-Unis à ce que les Nations unies décrivent comme le « transfert de ressources » de l’économie palestinienne vers Israël est totalement contre-productif. Elle a enhardi et renforcé les islamistes purs et durs de Gaza, alors que l’establishment de la défense israélienne considère depuis longtemps que le pouvoir du Hamas à Gaza est un obstacle fondamental à l’exploitation par les Palestiniens de leurs propres ressources gazières dans la bande.

En 2014, pendant l’opération Bordure protectrice, j’ai écrit dans le Guardian comment Moshe Ya’alon, alors chef de la défense israélienne, avait, un an avant l’opération Plomb durci, établi un lien direct entre l’action militaire israélienne à Gaza pour renverser le Hamas et l’accès au gaz palestinien. Dans un document de politique générale, il a rejeté l’idée selon laquelle « le gaz de Gaza peut être un moteur essentiel d’un État palestinien économiquement plus viable », la qualifiant de « malavisée » :

« Une transaction sur le gaz avec l’Autorité palestinienne [AP] impliquera, par définition, le Hamas. Soit le Hamas bénéficiera des redevances, soit il sabotera le projet et lancera des attaques contre le Fatah, les installations gazières, Israël – ou les trois… Il est clair que, sans une opération militaire globale visant à déraciner le contrôle de Gaza par le Hamas, aucun forage ne peut avoir lieu sans le consentement du mouvement islamique radical. »La réflexion de Ya’alon ne concernait pas seulement le Hamas, mais tout contrôle palestinien sur ses propres ressources : « La menace ne se limite pas au Hamas… Il est impossible d’empêcher qu’une partie au moins des revenus du gaz parvienne aux groupes terroristes palestiniens. »Cette vision extrême a en soi fait le jeu du Hamas, contribuant à la perception qu’Israël ne tolérera jamais un quelconque accès palestinien à ses propres réserves énergétiques.Le lendemain de la publication de cet article sur le site du Guardian, mon contrat avec le journal a été résilié dans un acte de censure.

Les réflexions de Ya’alon ont permis de comprendre le raisonnement qui sous-tend l’imposition par Israël d’un nouvel arrangement territorial à Gaza en réponse à l’arrivée au pouvoir du Hamas en 2006. Cet arrangement a été consolidé à la suite de l’opération Plomb durci, qui, comme le note l’étude de la CNUCED, a impliqué « la militarisation de l’ensemble du littoral de Gaza et la confiscation des gisements de gaz naturel palestiniens, sous souveraineté israélienne sur les zones maritimes de Gaza ». Ce blocus complet « a empêché les Palestiniens de développer leurs resssources énergétiques », faisant en sorte que « tout accès aux champs de gaz, et aux milliards de dollars qu’ils représentent, est devenu encore plus difficile. » Depuis lors, selon le rapport de la CNUCED :

« Les champs de gaz naturel de Gaza ont été, en violation du droit international, intégrés de facto aux installations offshore d’Israël, qui sont contiguës à celles de la bande de Gaza… Ces diverses installations offshore sont également liées au couloir de transport de l’énergie d’Israël, qui s’étend du port d’Eilat sur la mer Rouge, qui est un terminal pétrolier, au terminal pétrolier du port maritime d’Ashkelon et vers le nord jusqu’à Haïfa. » Avec l’implication de Chevron dans la supervision des plus grands champs israéliens, Israël a toutefois semblé reconsidérer la perspective de mettre en production les ressources gazières de Gaza Marine par connivence avec l’AP dominée par le Fatah – qui avait déjà demontré un silence complaisant face à la récupération en catimini du gaz palestinien par Israël.

La crainte d’une dissidence populaire palestinienne

Cette décision pourrait être liée aux futures élections palestiniennes, initialement prévues en mai. Un sondage réalisé en mars par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes (PCPSR) a révélé que, de tous les acteurs politiques palestiniens, c’est la popularité du Hamas qui s’était de loin le plus dégradée, la plus grande partie de Palestiniens estimant que le Hamas aurait un impact négatif sur l’amélioration des conditions économiques et la levée du blocus de Gaza.Cependant, malgré la montée du soutien au Fatah, le sondage suggère que le président de l’AP, Mahmoud Abbas, pourrait perdre les élections – mettant en péril les accords lucratifs sur le gaz qui viennent d’être signés avec Israël et l’Égypte. « La plupart des personnes interrogées souhaitent que Marwan Barghouti soit président de l’AP et en cas d’élection trilatérale entre Marwan Barghouti, Mahmoud Abbas et Ismail Haniyyeh, le premier obtient 48% des voix, le second 29% et le troisième 19%», note le PCPSR.

Le Hamas a déclaré qu’il ciblait certaines de ses attaques à la roquette sur une « plateforme gazière sioniste » au large de Gaza. Depuis lors, le groupe a tiré des dizaines de roquettes sur la plate-forme Tamar exploitée par Chevron.Les élections, qui auraient vraisemblablement considérablement affaibli tant le Fatah que le Hamas, menaçaient de faire passer le contrôle de l’AP dans de nouvelles mains, mettant ainsi à mal la série d’accords asymétriques sur le gaz palestinien négociés avec Israël. « Si ce scénario devait se produire, toute une classe de millionnaires qui ont fait de la lutte palestinienne une industrie lucrative, généreusement financée par les « pays donateurs », risquait de tout perdre au profit de territoires politiques inexplorés, contrôlés par un prisonnier, Barghouti, depuis sa cellule de prison israélienne », a observé le commentateur palestinien Ramzy Baroud.

À la fin du mois d’avril, Abbas a choisi de reporter les élections. Ni Israël, ni les États-Unis, ni les dirigeants arabes de Jordanie et d’Égypte impliqués dans le FGME ne se sont opposés à l’annulation par Abbas des élections tant attendues. Plutôt que de permettre à la démocratie palestinienne de choisir une nouvelle direction qui pourrait renverser des décennies de pensée stérile – et de négociations régionales corrompues sur le gaz – ces gouvernements ont préféré rester alliés avec les démons qu’ils connaissaient.

Puis, le 12 mai, le Hamas a déclaré qu’il ciblait certaines de ses attaques à la roquette sur une « plateforme gazière sioniste » au large de Gaza. Depuis lors, le groupe a tiré des dizaines de roquettes sur la plateforme gazière de Tamar, exploitée par Chevron.Du côté palestinien, à la date de cette publication, au moins 230 personnes ont été tuées, dont 65 enfants et 38 femmes, et au moins 1 235 ont été blessées ; tandis qu’en Israël, 12 civils ont été tués, dont deux enfants. Des deux côtés, la violence a ravivé les chances politiques déclinantes des extrémistes. Tout en permettant à Netanyahu de continuer à travailler avec l’AP corrompue mais impopulaire, dominée par le Fatah, pour faire passer ses tentatives de monopolisation du gaz et d’autres ressources palestiniennes, le conflit a simultanément donné un nouveau souffle au Hamas, de plus en plus impopulaire.

Source : Bylinetimes – Nafeez Ahmed – 20-05-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Commentaire recommandé

RGT // 28.06.2021 à 10h43

Croyez-vous que ce soit différent dans TOUS les cas d’exploitation de ressources naturelles – pétrole, gaz, uranium (AREVA au Sahel entre autres) ou de divers minerais par des entreprises étrangères dont les populations locales (expropriées par leur propre gouvernement) ne peuvent bénéficier que les « bienfaits » des ravages environnementaux et de la pollution ?

Quand il s’agit de ressources naturelles « gratuites » les pires parasites prédateurs s’en emparent et considèrent qu’ils sont « dans leur bon droit » en allant piller le bien d’autrui.

Rien de neuf sur cette terre, ce sont toujours les mêmes qui se goinfrent et les autres doivent subir le désastre avec une double (voir triple) peine : Ils sont dépouillés de leurs biens, se retrouvent ensuite à gérer les désastres causés par le pillage mais aussi doivent payer très cher pour pouvoir profiter de ce qui est censé leur appartenir.

8 réactions et commentaires

  • Hamourabi // 28.06.2021 à 10h01

    Bonjour,

    …………et pendant ce temps-là Israël se dit outragé par le pillage des turcs dans ses zones de ƒorage.

      +4

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  • RGT // 28.06.2021 à 10h43

    Croyez-vous que ce soit différent dans TOUS les cas d’exploitation de ressources naturelles – pétrole, gaz, uranium (AREVA au Sahel entre autres) ou de divers minerais par des entreprises étrangères dont les populations locales (expropriées par leur propre gouvernement) ne peuvent bénéficier que les « bienfaits » des ravages environnementaux et de la pollution ?

    Quand il s’agit de ressources naturelles « gratuites » les pires parasites prédateurs s’en emparent et considèrent qu’ils sont « dans leur bon droit » en allant piller le bien d’autrui.

    Rien de neuf sur cette terre, ce sont toujours les mêmes qui se goinfrent et les autres doivent subir le désastre avec une double (voir triple) peine : Ils sont dépouillés de leurs biens, se retrouvent ensuite à gérer les désastres causés par le pillage mais aussi doivent payer très cher pour pouvoir profiter de ce qui est censé leur appartenir.

      +16

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  • Peek-a-boo // 28.06.2021 à 14h28

    Dans le titre: « pillage », dans le texte  » y compris le gaz appartenant potentiellement aux Palestiniens ». Ensuite j’ai arrêté de lire… Pourquoi donner plus de resources à l’autorité palestine quand leur priorité est d’acheter des armes? La Palestine ne pourra pas être traitée comme un état tant qu’elle sera gouvernée par des hypocrites corrompus.

      +1

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    • anarkopsykotik // 29.06.2021 à 15h33

      Ca se sent que vous ne lisez que les titres d’articles.
      Pourquoi le fait qu’un pays occupé en situation de guerre coloniale et de génocide de basse intensité quasi permanent achète des armes vous choque ? Que les israéliens achètent (et voient offrir) encore beaucoup plus d’armes bien plus puissantes n’a pas l’air de vous embêter en revanche.
      Renvoyer dos à dos un envahisseur surarmé et ségrégationniste menant une politique d’humiliation, colonisation et d’agression à outrance et les locaux tentant de se défendre en dit long sur votre manière d’analyser la situation. Ils peuvent bien faire ce qu’ils veulent de leurs ressources, ce sont les leurs.
      La palestine sera traité en véritable état le jour où il seront suffisamment puissant pour se défendre, les gouvernants n’ont rien à voir là dedans.

        +8

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    • kasper // 03.07.2021 à 08h37

      Quand il s’agit de « protéger les frontières » d ‘Israel ou de refuser aux palestiniens la citoyenneté Israélienne, la Palestine est un état.

      Par contre quand il s’agit de discuter, ca n’en est plus un.

      C’est drôlement pratique…

        +3

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  • Christian Gedeon // 28.06.2021 à 15h08

    Dis donc qu’il est brillant le sieur Nafeez! N’importe quel marchand ambulant de légumes vous l’aurait dit depuis longtemps au Liban. D’ailleurs au Liban c’est le Hezbollah qui empêche tout début d’exploitation. On se demande pourquoi?😂

      +0

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  • scc // 28.06.2021 à 17h04

    Toujours la même défense, permettant d’occulter pourquoi ce conflit existe.
    Comme si les palestiniens vivaient dans l’harmonie, capables d’assurer leur subsistance et leurs besoins élémentaires. Et que malgré cela ils ne pensaient qu’à faire la guerre (LOL).
    Lamentable

      +4

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  • Koui // 28.06.2021 à 20h07

    Les palestiniens ont droit à un état et a l’organisation d’élections libres. S’ils élisent des dirigeants corrompus, ce n’est pas à quelqu’un d’autre de choisir a leur place. Bien sûr, Israël est en droit de fermer ses frontières pour se protéger des terroristes, mais qu’elles frontières ? Pour l’instant, Israël occupe tout le pays, même si le camp de réfugiés de Gaza s’autogere sous blocus ( la majorité des gazaouis sont des réfugiés). Le pillage du gaz palestinien n’est qu’une conséquence de la non reconnaissance des frontières par Israël et de l’acceptation de l’annexion des territoires occupés en 1967 par l’Occident. Mais cette annexion se fait sans accorder la nationalité de l’état juif aux palestiniens. La création de bantoustans palestiniens pour parquer les autochtones est une monstruosité vis a vis du droit international. Israël refuse de choisir entre la solution a deux états et la solution a un seul état pour tous. C’est le plus sur moyen de faire perdurer le conflit et l’injustice. Dans ces conditions, les palestiniens ne peuvent que devenir haineux, violents et cinglés. Les attentats barbares du Hamas sont la conséquence de cette folie. L’extremisation de la politique israélienne en est le feedback. Il faut s’attendre a des actes de plus en plus déraisonnables de part et d’autres, jusqu’à la solution finale qui risque d’être un crime majeur. C’est vraiment une terre maudite par les dieux.

      +4

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