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Israël terrorise les Palestiniens avec son vaste réseau de caméras biométriques liberticides

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Le système de surveillance par reconnaissance faciale viole les droits fondamentaux des Palestiniens à la liberté de mouvement et au respect de la vie privée.

Source : Truthout, Marjorie Cohn
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Des Palestiniens utilisent une carte biométrique pour franchir un portail automatisé équipé d’un système de reconnaissance faciale, au point de contrôle de Qalandiya, au sud de Ramallah, en Cisjordanie, le 17 mai 2019.
David Vaaknin pour le Washington Post via GETTY IMAGES

Israël renforce son système d’apartheid dans les territoires palestiniens occupés en utilisant une technologie biométrique de reconnaissance faciale alimentée par l’intelligence artificielle pour suivre et restreindre les déplacements des Palestiniens. La technologie de reconnaissance faciale permet d’identifier les personnes et de les cataloguer en fonction de leurs caractéristiques physiques, notamment leur race, leur appartenance ethnique, leur sexe, leur âge et leur statut de personne en situation de handicap.

La technologie de reconnaissance faciale a été utilisée pour la première fois dans le cadre de l’apartheid israélien en 1999.

Mais un nouveau rapport d’Amnesty International analyse l’utilisation d’un nouveau système de reconnaissance faciale appelé Red Wolf, qui a été déployé aux points de contrôle militaires dans la ville d’Hébron, en Cisjordanie occupée, depuis 2022. Ce système scanne les visages des Palestiniens, leur refuse souvent l’entrée et les ajoute à d’énormes bases de données du gouvernement israélien sans leur consentement.

La technologie de reconnaissance faciale est de plus en plus utilisée pour traquer les Palestiniens, en les observant presque en permanence. La surveillance est assurée par un réseau omniprésent de caméras de télévision en circuit fermé (CCTV) installées sur des lampadaires, des façades d’immeubles, des tours de surveillance et des toits.

Les soldats israéliens sont incités à surveiller en permanence les Palestiniens. Dans le cadre d’un concours ignoble, les soldats reçoivent des prix quand leur bataillon compte le plus grand nombre de Palestiniens enregistrés dans la base de données.

La Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est annexée en toute illégalité, et la bande de Gaza restent sous occupation militaire israélienne illégale. Israël contrôle l’entrée et la sortie des Palestiniens, qui doivent obtenir un permis des autorités israéliennes pour passer entre Gaza, Jérusalem-Est et la Cisjordanie.

Les Palestiniens font l’objet d’une surveillance constante

« Les autorités israéliennes utilisent des outils de surveillance sophistiqués pour accentuer la ségrégation et instaurer un régime d’apartheid à l’encontre des Palestiniens […] en utilisant des données biométriques obtenues en dehors de toute légalité et ce, afin de surveiller et contrôler les déplacements des Palestiniens », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. « En plus de la menace constante d’une utilisation excessive de la force physique et d’arrestations arbitraires, les Palestiniens doivent désormais faire face au risque d’être pistés par un algorithme ou de se voir interdire l’accès à leur propre quartier sur la base d’informations stockées dans des bases de données de surveillance à caractère discriminatoire. »

Dans un nouveau rapport de 82 pages intitulé « Apartheid automatisé : Comment la reconnaissance facilale fragmente, ségrégue et contrôle la population palestinienne dans les territoires palestiniens occupés (TPO) », Amnesty International décrit l’usage intensif que font les autorités israéliennes de la technologie de la reconnaissance faciale « pour maintenir leur domination et leur oppression continues contre les Palestiniens » dans les territoires palestiniens occupés.

Cet article développe le rapport d’Amnesty International de 2022 intitulé « Le régime d’apartheid d’Israel à l’encontre des Palestiniens : Système cruel de domination et crime contre l’humanité », qui conclut qu’Israël maintient un système d’oppression et de domination contre les Palestiniens dans les territoires palestiniens occupés et dans la diaspora. Cette ségrégation est menée de manière systématique et hautement institutionnalisée par le biais de lois, de politiques et de pratiques visant à empêcher les Palestiniens de jouir des mêmes droits que les Israéliens de confession juive.

Le nouveau rapport cite des résidents palestiniens d’Hébron et de Jérusalem-Est occupée qui décrivent la manière dont les caméras de surveillance envahissent leur vie privée, découragent l’activisme, érodent leur vie sociale et leur donnent le sentiment d’être constamment observés, même chez eux. Ils doivent couvrir leurs fenêtres avec des stores noirs pour éviter d’être sous le regard des yeux électroniques.

« Lorsque les caméras ont été installées, si nous nous tenions près de la fenêtre, nous pouvions être repérés comme si les caméras se trouvaient dans notre propre maison », explique Sara, qui vit dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est. « Avec ces caméras qui surveillent nos moindres faits et gestes, nous nous sommes retrouvés dans une situation épouvantable. Nous ne pouvions pas nous sentir chez nous dans notre propre maison et nous devions être complètement vêtus, à toute heure ».

Neda, une résidente palestinienne, a déclaré : « Je suis observée en permanence […] Je me sens de ce fait très mal à l’aise quand je suis dans la rue. À chaque fois que je vois une caméra, ça m’angoisse. C’est comme si vous étiez traité en permanence comme une cible. »

Les cibles de surveillance biométrique des Israéliens sont souvent des sites ayant une importance culturelle et politique, tels que la porte de Damas, à l’entrée de la vieille ville, où les Palestiniens se réunissent fréquemment et organisent des manifestations pour soutenir les prisonniers en grève de la faim et contre les offensives israéliennes répétées dans la bande de Gaza occupée.

Le nombre de caméras de vidéosurveillance a augmenté dans les quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan, à Jérusalem-Est, après les manifestations de 2021 contre les expulsions forcées de familles palestiniennes pour faire place à des colons juifs. À Silwan, cette surveillance a augmenté en même temps que le nombre de colons.

« Ces caméras de surveillance ne sont pas là pour rendre l’endroit plus sûr », a déclaré Jawad Siyam, directeur du centre d’information Wadi Hilweh, qui fournit une aide juridique aux enfants de Silwan arrêtés par les forces israéliennes pour avoir participé à des manifestations. « Elles sont là pour terroriser les Palestiniens et protéger les colons ».

« Tout est surveillé. Toute ma vie est surveillée. Je n’ai aucune intimité, a déclaré Issa Amro, militant palestinien à Hébron. J’ai l’impression qu’ils me suivent partout où je vais ». Amro a indiqué que les Palestiniens sont en colère parce que la surveillance par reconnaissance faciale n’est pas utilisée pour identifier les colons israéliens qui ont commis des crimes contre les Palestiniens.

En effet, le gouvernement israélien n’utilise pas la technologie de reconnaissance faciale pour protéger les Palestiniens, mais plutôt pour défendre les Israéliens des colonies illégales construites sur des terres palestiniennes. Hébron et Jérusalem-Est sont les deux seules villes des territoires palestiniens occupés à abriter des colonies israéliennes illégales. Hébron compte environ 33 000 Palestiniens et 850 colons.

La surveillance fait « partie d’un cadre environnemental coercitif visant à forcer les Palestiniens à quitter les zones d’intérêt stratégique pour les autorités israéliennes, en rendant leur vie de tous les jours intenable », indique le rapport.

Le régime de surveillance israélien viole le droit international

Le rapport démontre comment ce réseau élaboré de surveillance par l’IA viole les droits humains et le droit humanitaire international.

En vertu de la Quatrième convention de Genève, il est interdit à Israël (la puissance occupante) d’installer des civils dans les territoires occupés, de transférer de force la population, d’annexer des territoires et de procéder à des punitions collectives (punir la population pour des crimes qu’elle n’a pas commis).

Selon le statut de Rome de la Cour pénale internationale, « les actes inhumains commis dans le contexte d’un régime institutionnel d’oppression et de domination systématiques d’un groupe racial sur un autre groupe racial, dans l’intention de maintenir ce régime » sont constitutifs d’un régime d’apartheid.

Selon la Convention sur l’apartheid, l’apartheid se définit par « des actes inhumains commis dans le but d’établir et de maintenir la domination d’un groupe racial de personnes sur tout autre groupe racial de personnes et d’opprimer systématiquement ces dernières ».

Tant le statut de Rome que la convention sur l’apartheid considèrent qu’un régime d’apartheid est un crime contre l’humanité.

Le système de surveillance biométrique renforcé par la technologie de reconnaissance faciale viole le droit de circuler librement, le droit à la vie privée, le droit à l’égalité et à la non-discrimination. Il a un effet dissuasif sur le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique en décourageant les Palestiniens de manifester et en intensifiant le climat de peur et d’intimidation.

La présence des colons dans les territoires occupés étant illégale au regard de la Convention de Genève, la justification sécuritaire de la surveillance est également illégitime, note le rapport.

« Le déploiement d’outils de surveillance biométrique à distance qui restreignent la liberté de mouvement dans le contexte d’une occupation militaire prolongée, d’une colonisation illégale et d’une annexion renforce la ségrégation et la fragmentation du peuple palestinien et, en fin de compte, contribue à maintenir et à perfectionner le cruel système d’apartheid d’Israël dans les [territoires palestiniens occupés] », peut-on lire dans le rapport. « Ces outils contribuent à la commission d’actes interdits qui sont autant de crime contre l’humanité et de crimes de guerre ».

Amnesty International exhorte les pays à suspendre leur aide militaire à Israël

En conclusion, Amnesty International demande à tous les pays de suspendre immédiatement la fourniture directe et indirecte à Israël de « toutes les armes, munitions et autres équipements militaires et de sécurité, ainsi que la fourniture de formation ou toute autre forme d’assistance militaire et de sécurité ».

Amnesty International demande également à Israël de mettre fin au système d’apartheid et de cesser le déploiement des technologies de reconnaissance faciale, la surveillance de masse et la surveillance ciblée discriminatoire. En outre, elle demande à Israël de mettre fin au régime de bouclage et aux autres restrictions à la liberté de circulation qui constituent une punition collective. Enfin, le rapport indique qu’Israël doit immédiatement cesser toute activité de colonisation illégale, à titre de première mesure en vue de démantèler toutes ces colonies israéliennes : « Cesser immédiatement toute activité de colonisation à titre de première mesure, en vue de démanteler toutes les colonies israéliennes et les infrastructures liées en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est occupée, et réinstaller les civil·e·s israéliens vivant dans ces colonies en dehors des territoires palestiniens occupés ».

Copyright © Truthout. Ne peut être reproduit sans autorisation.

Marjorie Cohn

Marjorie Cohn est professeure émérite à la Thomas Jefferson School of Law, ancienne présidente de la National Lawyers Guild et membre des conseils consultatifs nationaux d’Assange Defense et de Veterans For Peace, ainsi que du bureau de l’Association internationale des juristes démocrates. Parmi ses ouvrages, notons Drones and Targeted Killing : Legal, Moral and Geopolitical Issues [Drones et assassinats ciblés : Questions juridiques, morales et géopolitiques]. Elle est co-animatrice du programme radio « Law and Disorder ».

Source : Truthout, Marjorie Cohn, 05-05-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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Commentaire recommandé

Le Belge // 09.06.2023 à 09h00

Je dis ça mais je ne dis rien : cela va donner des idées pour les JO de 2024 à Paris (et plus si affinités), ainsi que pour d’autres états européens si l’expérience est concluante. 1984, encore et toujours !

5 réactions et commentaires

  • Fabrice // 09.06.2023 à 08h29

    Oui c’est malheureusement une étape d’abord chez ceux qu’on opprime quasi officiellement dans une forme d’appartheid qui est « justifié » par le passif entre les peuples (Israël, Chine,…) puis cela s’étend chez sa population ou directement sur sa population car les « élites « dirigeantes » considère le reste de la population comme une menace à leurs dogmes économiques, politiques qui assurent leur mainmise sur les pays.

    On voit avec les lois de surveillance pour les Jo qui perdureront après ou d’autres (voir les conditions de la mise en place du SNU).

    Décidément cette phrase n’a jamais été autant d’actualité « un peuple qui sacrifie un peu de liberté pour avoir un peu de sécurité, finit par perdre l’un et l’autre » français comme israéliens pour des motifs différents se croyant plus malins s’appercevront qu’ils ont été dupé mais je crains trop tard.😔

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  • Le Belge // 09.06.2023 à 09h00

    Je dis ça mais je ne dis rien : cela va donner des idées pour les JO de 2024 à Paris (et plus si affinités), ainsi que pour d’autres états européens si l’expérience est concluante. 1984, encore et toujours !

      +12

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  • Foxy // 09.06.2023 à 09h26

    Et après, de plus, il ne faudrait pas utiliser le mot apartheid pour évoquer Israël ?
    Les Israéliens sont à la pointe de toutes ces technologies. cf. Pegasus

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  • Lt Briggs // 09.06.2023 à 14h18

    Tout ce charmant attirail technologique vient de l’époque de la colonisation maîtrisée, presque « douce », où il fallait sauver les apparences en limitant les aspects les plus visibles de l’apartheid aux moyens d’une maximisation de la surveillance. Les fascistes autoproclamés actuellement au pouvoir en Israël rêvent ouvertement d’un nettoyage ethnique. S’ils y parviennent, cela rendra l’utilisation de la reconnaissance faciale anecdotique pour ne pas dire inutile. En attendant, les témoignages traduisent bien l’ « efficacité » de ce pouvoir colonial omniscient :

    « Tout est surveillé. Toute ma vie est surveillée. Je n’ai aucune intimité, a déclaré Issa Amro, militant palestinien à Hébron. J’ai l’impression qu’ils me suivent partout où je vais »

    Les Palestiniens vont encore un peu plus intérioriser leurs sentiments d’injustice et de désespoir, ce qui accroîtra encore la distance entre les deux peuples. La fuite en avant, plus que jamais.

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  • Savonarole // 09.06.2023 à 17h49

    Les drones de nos polices utilisent les mêmes technos en manifs pour ficher des gens exerçant leurs libertés constitutionelles ici bas. Nous sommes tous des Palestiniens en puissance, même si chez nous on ira sans doute plus vers un système de credit social que sur de la répression armée … enfin ça dépendra de comment on se rebelle ou pas.

      +12

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