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28.avril.202328.4.2023 // Les Crises

Le plan industriel du Pacte vert de l’UE est une aubaine pour les entreprises

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Pour répondre à la loi sur la réduction de l’inflation [Il s’agit d’une loi des États-Unis qui vise à freiner l’inflation et qui, entre autres mesures, représente un énorme investissement dans la production d’énergie domestique tout en promouvant l’énergie propre, NdT] l’UE a dévoilé son propre plan industriel vert. Ce plan n’a pas grand-chose à voir avec une véritable décarbonation, mais il distribue de l’argent public aux grandes entreprises, alimentant ainsi une course mondiale entre oligopoles de « technologies propres ».

Source : Jacobin Mag, Alexandra Gerasimcikova
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Rainer Hopp, contremaître du département d’inspection finale des véhicules à la Transparent Factory, lors d’une séance photo à l’occasion de la première mondiale numérique du modèle électrique de la Volkswagen ID.3 (Robert Michael / picture alliance via Getty Images)

Un « moment à la hauteur des premiers pas sur la lune ». En 2019, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est exprimée dans un langage audacieux pour annoncer son intention de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone. Pourtant, le Green Deal s’est avéré être davantage une « affaire de technocrates à Bruxelles » – et de surcroît fondamentalement bancale. Peu d’argent neuf a été mis sur la table, et le secteur privé et financier a été fortement privilégié, les fonds publics étant destinés à rendre les projets rentables pour les investisseurs. Ne prévoyant qu’un maigre budget pour compenser les impacts de la décarbonation dans les régions dépendantes des combustibles fossiles, ce programme n’allait certainement pas être en mesure d’amorcer une transition verte équitable.

Aujourd’hui, plus de trois ans après, Mme Von der Leyen donne une suite au Green Deal avec le « Plan industriel du Pacte vert » (PIPV). Ce plan est censé garantir que l’Europe aura une place de premier choix dans une nouvelle « ère industrielle à zéro émission nette » en maximisant les investissements dans la fabrication de technologies propres sur le continent. Si quiconque nourrissait encore l’espoir de voir l’Union européenne se doter d’une politique industrielle verte d’envergure, ce plan – annoncé, et c’est révélateur, lors du récent Forum économique mondial de Davos – l’a définitivement anéanti.

Le plan de l’UE vient en réaction directe à l’Inflation Reduction Act (IRA) des États-Unis, un projet de loi approuvant 370 milliards de dollars d’investissements fédéraux pour développer l’économie américaine des énergies propres. La majeure partie de cette somme prend la forme de crédits d’impôt accordés aux entreprises, mais des subventions et des prêts sont également prévus. Les États membres de l’UE, déjà très préoccupés par l’avance prise par la Chine dans des secteurs industriels essentiels à la mise en place d’une économie à faibles émissions de carbone, voient dans l’IRA une réelle menace pour la compétitivité de l’industrie européenne. Cette dernière est tout à la fois irritée par l’IRA mais aussi incitée à déménager de l’autre côté de l’Atlantique pour éviter les prix élevés de l’énergie en Europe et bénéficier des crédits d’impôt américains.

Face aux difficultés économiques croissantes de l’Europe – depuis l’interruption des chaînes d’approvisionnement depuis la pandémie jusqu’à la crise énergétique induite par la guerre en Ukraine – l’initiative américaine a poussé Bruxelles à agir. Les autorités européennes préparent actuellement ce qu’elles considèrent comme un cadre propice à une distribution à grande échelle de subventions au nom de la nécessaire augmentation des investissements dans l’industrie européenne des technologies propres, de la décarbonation de l’industrie et du renforcement de la « croissance verte ».

La nouvelle proposition de loi de la Commission européenne sur l’industrie à zéro émission nette – l’un des principaux piliers du PIPV – vise à faciliter le processus permettant aux entreprises d’obtenir des permis, un processus qui actuellement ralentit l’avancement des grands projets dans le domaine des technologies propres. Les autres piliers consistent en un accès plus rapide au financement, un renforcement des compétences (y compris une proposition de Net-Zero Industry Academies) et une libéralisation des échanges en vue de développer de nouveaux marchés d’exportation pour l’industrie verte européenne, d’une part, et pour garantir l’accès aux matières premières, d’autre part.

Pour le moment, l’UE n’a mis aucun financement nouveau sur la table. La Commission compte donc sur une circulation plus facile et plus rapide des aides d’État, en provenance des différents États membres, pour financer le PIPV. Normalement, ces aides – considérées comme des fonds publics affectés aux entreprises sous forme de subventions, d’allégements fiscaux, de garanties ou de participations de l’État – sont soumises aux règles de concurrence de l’Union européenne au sein du marché intérieur.

Avec seulement un maigre budget pour compenser les impacts de la décarbonation dans les régions dépendantes des combustibles fossiles, cet accord européen ne va jamais permettre la mise en place une transition verte équitable qui réponde aux exigences sociales.

En outre, les gouvernements ont déjà la possibilité d’utiliser les canaux existants lorsqu’il s’agit d’investissement (comme InvestEU, REPowerEU et les fonds d’innovation). Le projet de création d’un fonds entièrement nouveau se heurte aux désaccords entre les États membres et à un budget de l’UE déjà très sollicité. Les dirigeants des banques et institutions européennes appellent également à la création d’une « Union des marchés des capitaux » afin de permettre aux entreprises européennes d’accéder à des financements privés plus importants par le biais d’un marché obligataire européen. Sur ce point, l’UE est clairement à la traîne par rapport aux États-Unis : les prêts bancaires sont actuellement la principale voie de financement pour les entreprises, au détriment des marchés obligataires, alors que c’est l’inverse aux États-Unis.

Le PIPV revendique le fait que « la course vers le zéro net peut être bénéfique pour la planète et aussi pour les entreprises ». En réalité, elle ne peut qu’être néfaste quand aux objectifs de décarbonation de l’Europe. Cette initiative permet via des budgets publics de soutenir les profits déjà considérables des entreprises : on aura droit à une distribution continue de carottes, mais sans le moindre bâton. Avides de profits, les grandes entreprises qui bénéficient déjà d’une aide publique record pour l’hydrogène – comme Iberdrola, Shell et Enel – réclament toujours un complément d’aide. Il en va de même pour les industries qui sont confrontées aux prix élevés de l’énergie ainsi qu’à la pression pour décarboner et passer à une économie verte à temps pour bénéficier rapidement d’un meilleur positionnement sur le marché mondial. Il s’agit notamment d’entreprises géantes telles que le producteur multinational d’acier ArcelorMittal et le fabricant allemand de produits chimiques BASF qui, avec le reste du Conseil européen de l’industrie chimique, ont demandé à l’UE de prendre exemple sur les avantages fiscaux accordés par l’Inflation Reduction Act américain et de leur accorder davantage d’aides d’État.

En bref, le PIPV est une politique d’assistanat descendante (top-down), plutôt qu’une politique fondée sur un débat collectif au sujet des besoins tant sociaux qu’écologiques qui pourrait être à même de déterminer les intérêts industriels stratégiques de l’Europe.

Les oligopoles des technologies propres

La conclusion la plus probable du PIPV sera la création d’un vaste monopole sur le marché des énergies renouvelables et l’accélération de la course vers un oligopole des technologies propres. Le plan est focalisé sur des produits tels que les batteries, l’énergie solaire, les éoliennes, les biocarburants et les technologies de captage et de stockage de l’hydrogène ou du carbone, qui sont inefficaces, coûteuses, irréalistes à grande échelle et qui ont des effets sociaux et environnementaux préjudiciables et qui par contre permettent d’accroître les profits des grandes entreprises. Et ce sont les plus grandes entreprises du secteur de l’énergie, dont les producteurs de combustibles fossiles – les cinq premières ayant réalisé des bénéfices record de 195 milliards de dollars en 2022 – qui continueront d’exiger des gouvernements qu’ils accordent des aides d’État pour développer le marché de l’hydrogène et le captage du carbone, tout en revenant sur leurs engagements déjà peu reluisants en matière d’énergies renouvelables.

La politique industrielle du Pacte vert est une approche descendante qui se fonde sur l’aide aux entreprises, et non sur un débat collectif quant aux besoins sociaux et écologiques.

Le PIPV ne propose pas de plan pour ce dont l’Europe a réellement besoin afin de s’engager dans une transition juste – une planification de la politique industrielle verte qui définit les secteurs industriels essentiels à la décarbonation. Ce qu’il propose, c’est de financer le même type de système énergétique centralisé, non durable et tributaire du marché qui sert les intérêts de quelques entreprises plutôt que ceux de la majeure partie de la société. Les quantités d’énergie et d’eau nécessaires au transport et à la production d’hydrogène vert (et ce n’est là qu’un des nombreux problèmes) en font clairement une solution sans avenir.

En outre, on estime que l’hydrogène est plus coûteux que les combustibles fossiles, même à long terme, ce qui signifie qu’un afflux constant de fonds publics sera nécessaire pour maintenir sa compétitivité. Les finances publiques ne devraient pas servir à alimenter l’expansion et la modernisation du réseau gazier pour aller largement au-delà d’un petit nombre de « secteurs difficiles à maîtriser », simplement pour préserver les investissements de ces géants de l’industrie.

D’autres plans européens, tels que la stratégie hydrogène 2030 ou REPowerEU, laissent présager que les investissements en dehors de l’UE pourraient pallier ces inconvénients et compenser la capacité limitée de production d’hydrogène au niveau national. Le PIPV synthétise cette approche en élargissant le marché des consommateurs de technologies propres européennes en échange d’un hydrogène bon marché dans le futur – indépendamment des impacts socio-économiques négatifs que cela pourrait avoir localement. Outre le potentiel de l’Afrique en matière d’hydrogène, le nouveau Partenariat stratégique de l’UE avec l’Ukraine sur le biométhane, l’hydrogène et d’autres gaz de synthèse, annoncé au début du mois de février 2023, constitue un autre cas d’espèce. En dépit de la guerre destructrice qui se déroule depuis l’invasion russe il y a un an et la nécessité évidente de répondre aux besoins énergétiques locaux (et renouvelables) pendant la reconstruction de l’Ukraine, l’Europe y voit une excellente opportunité de garantir l’importation d’hydrogène dans l’UE.

Des VE pour qui ?

Les véhicules électriques (VE) – ainsi que les batteries et les stations de recharge – jouent également un rôle central dans le PIPV. Il n’est pas surprenant de constater que les programmes socialement justes qui peuvent bénéficier à la majeure partie de la population – tels que des transports publics écologiques et une mobilité partagée financée par les pouvoirs publics – n’ont pas leur place dans le plan, alors même que les effets positifs qu’il y a à passer de la propriété privée à la propriété partagée sont évidents.

En effet, le passage aux véhicules électriques est sans aucun doute en train de devenir également une question sociale. Au sein de l’Union européenne tout comme aux États-Unis, la demande de véhicules automobiles est en baisse. Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles, en 2023, les ventes n’atteindront probablement pas les niveaux d’avant la pandémie. Aujourd’hui, les principaux constructeurs automobiles s’engagent à orienter leur production vers les seuls véhicules électriques (Fiat à partir de 2027, Mercedes à partir de 2030 et Volkswagen à partir de 2033) en ciblant les ménages à hauts revenus. Les foyers à faibles revenus, qui eux dépendent du marché des voitures d’occasion, moins chères, sont laissés pour compte.

Les programmes socialement justes qui se font au bénéfice de la majorité de la population – comme les transports publics écologiques et la mobilité partagée financée par les pouvoirs publics – sont dénués de tout intérêt pour le Plan industriel du Pacte vert.

Les subventions comme les crédits d’impôt à la consommation qu’on trouve dans l’IRA américaine et qui concernent l’achat de VE tentent de remédier à ce problème. Mais un système de subventions allemand analogue a fait l’objet de vives critiques parce qu’il laissait de côté les ménages les plus pauvres, au profit des seuls hauts revenus. En effet, un régime de subventions publiques ne garantit pas une solution pérenne – il est susceptible de créer un système instable de propriété privée qui dépendrait entièrement du financement public. C’est ce que montre bien la chute de 13,2 % des ventes de VE en Allemagne après que le gouvernement a réduit de moitié les subventions, ce qui a également entraîné une augmentation de 3,5 % des ventes de nouveaux véhicules à essence. L’engouement pour les VE semble surtout profiter aux plus aisés et satisfaire la soif de profits de l’industrie automobile au moyen de subventions publiques permanentes.

Cette offensive en faveur des VE est motivée par le désir de l’industrie automobile de « verdir » petit à petit le statu quo de son modèle d’entreprise sur le dos de l’argent public. Alors que les constructeurs automobiles sont déjà en mesure de fabriquer des voitures plus propres grâce aux technologies existantes, ils préfèrent faire pression au détriment des normes d’émissions – qui, selon eux, entraîneraient une réduction de leurs investissements dans les VE – et exiger davantage de fonds publics. Par exemple, les bénéfices de Volkswagen ont atteint 22,5 milliards d’euros en 2022, soit une hausse de 13 % par rapport à l’année précédente. Pourtant, le constructeur automobile allemand a réclamé des aides d’État auprès des gouvernements d’Europe de l’Est afin de financer la construction de super-usines de batteries. L’ensemble du projet est désormais en suspens, Volkswagen attendant d’évaluer les avantages offerts par les mesures prises par l’Union Européenne en réponse à l’IRA américaine. En République tchèque, un projet de super-usine a très rapidement soulevé de vives protestations en raison de son impact négatif sur l’environnement, les emplois locaux et l’économie.

Remplacer les voitures à essence par des véhicules électriques tout en les laissant aux mains des mêmes géants de l’industrie – ceux qui dépendent des pays d’Europe de l’Est pour réduire leurs coûts de production – sans changer la structure fondamentale de la mobilité individuelle ne contribuera pas beaucoup à une transition écologique juste. L’argent public serait mieux utilisé si les États investissaient directement dans les transports publics. Dans de nombreux pays, sur certains itinéraires, le prix d’un billet de train dépasse aujourd’hui le coût d’un trajet en voiture pour deux personnes. L’été dernier, une expérience de trois mois en Allemagne, au cours de laquelle les billets mensuels pour tous les transports publics locaux et régionaux ne coûtaient que 9 euros, a démontré l’attrait d’une infrastructure publique abordable, en particulier pour les populations à faible revenu. Mais la surpopulation qui en a résulté dans les trains a également mis en évidence le manque d’investissements publics pour étendre les itinéraires, augmenter la fréquence et la capacité.

Les répercussions de la stratégie industrielle extractive que présuppose la transition verte de l’Europe ne sont absolument pas prises en compte dans le PIPV. La demande mondiale de lithium – un composant essentiel pour les batteries des véhicules électriques – devrait être multipliée par quarante d’ici à 2040. La course aux minéraux de base comme le lithium risque d’entraîner de graves dégâts environnementaux, l’accaparement des terres, l’épuisement des ressources en eau, l’aggravation des inégalités et l’augmentation des émissions. La loi sur les matières premières essentielles (Critical Raw Materials Act), qui fait partie du PIPV, fixe des objectifs pour augmenter les projets miniers nationaux. Mais compte tenu de l’opposition du public (ironiquement reconnue dans la proposition législative), cette loi repose sur la sécuristion de l’approvisionnement en minéraux de base provenant de pays hors UE, en externalisant les coûts écologiques et sociaux de la « croissance verte » de l’Europe vers les pays du Sud.

Réduction inconditionnelle des risques

Le PIPV ne propose pas une refonte démocratique de la politique industrielle qui serait à même de répondre aux besoins sociétaux comme par exemple des emplois de qualité, des transports et des services publics, et l’accès à des énergies renouvelables abordables. Au cœur de cette politique se trouve la réduction des risques inhérents aux investissements des grandes entreprises privées et l’utilisation du financement privé pour mettre en œuvre la décarbonation.

Le virage vers les véhicules électriques se révèle particulièrement judicieux pour les nantis et pour satisfaire la soif de profits de l’industrie automobile grâce à un flot continu d’aides d’État.

En 2015, la Cour des comptes européenne avait déjà émis des doutes quant à la capacité de la Commission à mobiliser des milliards d’euros alors qu’il s’agissait du plan Juncker de 315 milliards d’euros. Elle soulignait alors que les ambitions de l’UE en termes d’effet de levier, qui s’appuieraient sur des garanties publiques, pourraient bien se limiter à n’être que « des espoirs et des attentes ». Aujourd’hui, son successeur, InvestEU, qui est censé aider à financer le Green Deal et le PIPV, montre déjà des signes d’une adoption contestable. L’économiste Daniela Gabor a émis des doutes quant à la compatibilité de la réduction des risques avec la décarbonation en temps voulu et à une échelle suffisante.

L’approche qui consiste à supprimer les risques signifie en fait que ce qui est financé n’est pas décidé suite à un débat collectif sur le type d’économie et d’industrie dont on a vraiment besoin pour assurer une transition véritablement juste, mais en fonction de ce qui produit le retour sur investissement le plus élevé et le plus rapide.

Il n’est pas surprenant que les actionnaires qui craignent une baisse des bénéfices à court terme – en soi préjudiciable à des industries saines – veuillent que l’État les aide gratuitement à développer des technologies propres. Mais le financement public devrait aider les projets en faveur d’énergies renouvelables durables, efficaces et socialement justes qui requièrent des capitaux patients et ont réellement besoin d’un financement à des conditions favorables. Pourtant, le PIPV reste muet sur les conditions qui permettraient d’éliminer les profiteurs et d’éviter que les aides publiques « vertes » ne soient accordées à des entreprises polluantes qui peuvent déjà s’autofinancer ou accéder facilement à des financements privés.

Prenons l’exemple du PDG d’Iberdrola, José Galán, qui a reçu 13,2 millions d’euros en 2021 (l’année même où la Haute Cour espagnole a ouvert une enquête sur son implication dans des affaires présumées de corruption, de violation de la vie privée et de fraude). Le salaire de Galán était 171 fois supérieur à la moyenne des salaires des employés d’Iberdrola, qui a baissé de 1,3 %. En 2023, Iberdrola s’attend à ce que son bénéfice net augmente de 8 à 10 % et prévoit de continuer à verser des dividendes élevés. Pourtant, cette année, la Banque européenne d’investissement a approuvé un prêt à des conditions préférentielles de 150 millions d’euros en faveur d’Iberdrola pour des centrales d’énergie renouvelable en Italie [Le prêt à conditions préférentielles, autrement appelé « concessionnel », est un prêt dont le taux d’intérêt est inférieur aux taux du marché, NdT], ce qui vient après pas moins de 650 millions d’euros en 2021 et 550 millions d’euros supplémentaires en 2022. Les entreprises comme Iberdrola, qui demandent davantage d’aides d’État et versent des dividendes massifs à leurs actionnaires, seront les véritables bénéficiaires de la PIPV.

Les gouvernements européens cherchent désespérément des moyens pour doper la compétitivité industrielle mondiale de l’Union à l’ère de l’industrie à zéro émission nette. Mais jusqu’à présent, la vision proposée pour le nouvel oligopole européen des technologies propres – focalisée sur de fausses solutions comme l’hydrogène vert à grande échelle, qui fonctionne bien pour augmenter les profits des grandes entreprises – est bien loin de prendre en compte à qui et surtout ce à quoi sert la course aux technologies propres « net-zéro ».

Le PIPV n’aborde pas les problèmes plus importants auxquels l’industrie européenne est confrontée. Les plus criants sont les exigences en matière de réinvestissement et les limites imposées aux rachats d’entreprises et aux versements de dividendes – les bâtons tant abhorés par les entreprises qui implorent les carottes financées par l’État. Mais le problème le plus fondamental est l’absence d’une refonte industrielle globale, qui serait capable d’identifier les activités économiques non essentielles et polluantes, et qui serait fondée sur une stratégie d’investissement public décidée collectivement et recentrée sur une transition juste.

Les tentatives technocratiques visant à concilier les intérêts contradictoires du « bon pour la planète » et du « bon pour les affaires » échouent. Pour que la transition verte dépasse le jeu à somme nulle auquel se livrent actuellement les entreprises, il est indispensable de mettre en place une participation démocratique et une coopération multilatérale loyale.

Ce travail a été rendu possible grâce au soutien de la fondation Puffin.

Contributrice

Alexandra Gerasimcikova travaille dans le domaine des finances publiques européennes et de la justice sociale au sein de l’organisation à but non lucratif Counter Balance, dont le siège est à Bruxelles.

Source : Jacobin Mag, Alexandra Gerasimcikova, 24-03-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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12 réactions et commentaires

  • Gribouille // 28.04.2023 à 08h44

    Une telle déformation du signal prix pour inciter les entreprises à investir dans des domaines peu efficaces ne peut que se justifier que si on est face à une raréfaction des ressources fossiles. Dans un contexte, où le simple fait de discuter le bien fondé du réchauffement climatique, l’efficacité des vaccins etc….. vous ostracise, et nous empêche de discuter de tout sujet contradictoirement sur la place publique (ce qui est la force du société vraiment démocratique). On peut penser qu’on fait un pari risqué qui peut très mal se terminer si notre grille de lecture de l’avenir se révèle infondée. L’Europe se retrouvera plombée par une accumulation de mauvais investissements, d’entreprises non compétitives, actant de fait la fin de la puissance industrielle européenne, et une baisse sans précédent du niveau de vie de sa population. Cela me fait penser au grand bond en avant Chinois, ou comment ici, une idéologie du climat pourrait détruire un pays tout entier.

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  • Jean // 28.04.2023 à 11h27

    @Patrick,

    Et oui l’upper class fait sa révolution pour priver ceux qui ne sont rien de tous leurs droits afin de s’octroyer tous les privilèges en plus de n’assumer aucune de leurs responsabilités. Sachant que plus le diable en a, plus le diable en veut (proverbe africain) et que sans le garde-fous protecteur de l’Etat c’est la liberté du prédateur qui s’impose à tous, c’était le dénouement inéluctable du néolibéralisme. Actuellement nous avançons dans les ténèbres en direction d’une impasse et plus nous tarderons à nous en apercevoir, plus le chemin sera long avant de retrouver la lumière. Car fort heureusement d’autres modèles de développement démontrent leur supériorité et la seule force des armes ne suffira pas cette fois à faire disparaitre ces alternatives.

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    • Patrick // 28.04.2023 à 11h58

      « le garde-fous protecteur de l’Etat  »
      Sauf que là , les états et la super couche étatique nommée UE ne jouent pas du tout le rôle de garde-fous.
      Les états doivent être sous le vrai contrôle des citoyens et avec des limitations claires de leurs pouvoirs sinon il y a toujours des dérives .. voir actuellement avec Manu . Et il y aura toujours des groupes d’individus pour profiter de ce pouvoir; c’est comme ça depuis quelques millénaires.

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      • Jean // 28.04.2023 à 14h57

        @Patrick,

        Un État fort édicte des lois en fonction de l’intérêt général et les fait respecter par les corruptibles et les corrupteurs. Il protège l’ensemble de la société en établissant des règles qui nuisent au pouvoir du plus fort pour permettre la liberté du plus faible. Le néolibéralisme, au nom de la liberté du plus fort, détruit ces règles qui assurent la concorde et la prospérité de tous, car là où le plus riche a le droit de prendre ce qui lui plait, il ne reste aux plus pauvres que la liberté de mourir de faim. Le capitalisme dopé au néolibéralisme est nécessairement fatal car il permet une accumulation de richesses et de pouvoirs avec lesquelles la démocratie ne peut pas coexister. Les Révolutionnaires, dès 1789, l’avaient compris et nous allons devoir l’apprendre aussi.
        Car en réalité c’est le néolibéralisme qui aura détruit le modèle sociale français qui nous avait pourtant si bien réussi, industriellement et technologiquement. Désormais, pour le seul profit de quelques uns, il faudra reconstruire sur des ruines. Mais je vous accorde que la démocratie participative aurait pu nous permettre d’éradiquer la peste néolibérale, car les citoyens se seraient opposés à cette privatisation rampante de l’Etat. On peut en déduire que cette calamité économique ne peut s’abattre que sur des démocraties déjà dysfonctionnelles.

          +6

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        • utopiste pragmatique // 29.04.2023 à 11h57

          Un État fort ? Une dictature est un état fort. Une oligarchie aussi. Chine et États-unis sont des états forts. Avoir un « État fort » ne dit rien de la politique suivie par l’état en question. Ne confondez pas le contenu avec le contenant.
          Une démocratie, une vraie, est ce qu’il nous faut. On en est très loin. Quand les citoyens seront convenablement informés et voteront eux-même les lois ont s’en rapprochera.

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          • Jean // 29.04.2023 à 18h04

            @utopiste pragmatique,

            Un État fort n’est pas nécessairement un État qui abuse de sa force alors qu’il faut qu’il le soit pour pouvoir imposer la justice aux puissants.

            « La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique.
            La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste. » Blaise Pascal

            Un État fort fait respecter la loi même par ceux qui sont chargés de la voter ou de la faire appliquer. Il ne peut pas y avoir de démocratie lorsque l’État n’est fort qu’avec les faibles et c’est bien de cela dont nous souffrons aujourd’hui car l’Etat n’est plus en mesure de contrecarrer la volonté des puissants intérêts financiers qui pillent notre pays. Sans la force il ne peut y avoir de justice et ceux qui veulent affaiblir l’Etat nous condamnent à subir l’injustice, non des lois, mais de ceux qui les transgresses en toute impunité.

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  • RGT // 28.04.2023 à 11h57

    Greenwashing, quand tu nous tiens…

    J’avais lu une étude SÉRIEUSE concernant les voitures électriques et « l’énergie verte » qui prouvait qu’il était largement moins nocif pour l’environnement d’utiliser des voitures « polluantes » mais DURABLES plutôt que de se précipiter sur des véhicules « propres » à l’obsolescence programmée…

    La voiture électrique, les éoliennes, les panneaux solaires et tout le reste sont bien loin d’être « propres » car leur fabrication nécessite d’aller bien plus détruire l’environnement que les « vielles technologies obsolètes » qui ont servi à fabriquer des biens DURABLES et FACILEMENT RÉPARABLES dont l’impact sur l’écosystème, une fois fabriqués, ne concerne que leur simple utilisation.

    Si une voiture électrique est rechargée uniquement avec de l’électricité « 100% verte » il faut 5 à 6 ans pour que son bilan CO2 soit équivalent à celui d’une voiture « polluante ».
    Si l’électricité est produite avec du gaz ou surtout du charbon, il faut AU MOIS 15 ans pour arriver à l’équilibre, donc JAMAIS car le « bijou technologique » sera mort avant cette échéance…

    Et je ne vous parle même pas des batteries qui sont infiniment plus polluantes, qui ont une durée de vie plus que limitée et qui ne sont même pas recyclées (trop cher), entraînant d’ailleurs un RISQUE DE PÉNURIE MONDIAL en lithium, et demain…

    Bref, les voitures électriques ne sont qu’un moyen de DÉLOCALISER la pollution des quartiers bobos en polluant sans vergogne les pays de « gueux » qui crèveront pour que ledits bobos puissent se targuer de pas polluer…

    En attendant, les industriels voient leurs profits exploser avec des flots d’argent PUBLIC (payé par les gueux qui ne peuvent pas se payer de « machins propres ») et les bobos profitent de l’aubaine, comme d’habitude.

    Par contre, il n’y a bien sûr AUCUNE réflexion permettant de limiter les transports (surtout de marchandises sur des milliers de km) car ce serait un obstacle à la « libre circulation »…

    On vient nous contraindre à ne plus circuler en ville pendant que des défilés interminables de camions polluants circulent sur les rocades sans être inquiétés…
    Sans doute parce que, comme pour le nuage de Tchernobyl, la pollution n’ayant pas de visa elle ne se propage pas dans les villes…

      +9

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    • jp // 28.04.2023 à 14h58

      d’accord avec vous, et il y a mon avis d’autres inconvénients à la VE
      en tant que piéton, je ne les entends pas quand elle passent près de moi… ça va faire des accidents
      « défilés interminables de camions polluants circulent sur les rocades sans être inquiétés…! »
      pas que sur les rocades, la rue de chez moi, c’est toute la nuit des gros camions, ils s’arrêtent aussi faire de longues pauses, moteur allumé pour les frigos, vers 4 ou 5h du matin. Près du centre ville.

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    • ironiepressquetotale // 28.04.2023 à 18h53

      Limiter les transports sur de longues distances..on va commencer par supprimer le café et le thé…tous les fruits hors saison, le poisson dans la majorité des cas, sans parler des patates… pour l’ordi et le reste ca va être une fois par semaine sur une machine collective avec réservations…

      Les camions frigo évitent les empoissonements des chaînes alimentaires et c’est le transport qui a mis fin aux disettes locales en France au 19 ième siècle, vers le milieu..la dernière famine en France c’est sous Louis XV…

      Il ne va y avoir aucun gagnant sauf les ultrariches et les villes ne sont pas mieux préparées

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    • Brigitte // 28.04.2023 à 20h16

      Entièrement d’accord avec vous. C’est effrayant de voir comment les gens sont manipulables!
      Surtout les gens aisés, qui veulent se démarquer, prouver qu’ils ont les moyens de s’offrir un truc nouveau avant les autres, être dans le sens du progrès. Boris Vian pourrait revoir sa complainte…et rajouter le frigo américain, la baignoire-spa, le thermomix, le robot tondeuse, et maintenant la VE.. avec l’absolution des « verts ». Pour être « propre » sur soi…et sentir la lessive « greenwashing »…Ce terme « propre » est ridicule, risible. Il a une connotation sociale. Les « propres » et les « sales »…

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  • Savonarole // 28.04.2023 à 15h22

    Ça me rappelle Hidalgo qui ne veut plus voir les scooters des banlieusards et qui se demande pourquoi elle arrive plus à équilibrer son budget. Ben c’est pas dur [modéré] : quand les choix possibles sont douiller, collectionner les contredanses inconstitutionnelles , ou bouger… devine ce qu’on fait les gens ? « Entre le Sanguinaire, le Terrible et le Juste , les pégus ont choisis » comme le disait Arthur.

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  • Myrkur34 // 29.04.2023 à 07h13

    Eh oui, construire des voitures thermiques de 400/500 kgs avec des moteurs optimisés à 100 km/h au maximum. C’était trop compliqué ainsi que d’imposer comme vitesse maximale le 100 à l’heure. Vous n’y pensez pas, ma sacro-sainte liberté de faire ce que je veux sur la route..
    Pour rappel, une 106 sans les liquides, c’est 840 kgs.. et la 2 cv, 500 kgs. Rien d’impossible donc. Mais aujourd’hui vous avez des Dacia Sandero d’une tonne.

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