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5.novembre.20155.11.2015 // Les Crises

Portugal : le président impose un gouvernement de droite, mais la gauche se rassemble, par Romaric Godin

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On notera la formidable analyse du Monde, comme d’hab :

Eh oui, 104 siège sur 230, ils ont gagné, et encore mieux, « se maintiennent au pouvoir » – ce qui va être simple comme on le voit sur le graphique…


Portugal : le président impose un gouvernement de droite, mais la gauche se rassemble, par Romaric Godin

Source : Romaric Godin, La Tribune, 23/10/2015

Pedro Passos Coelho reste premier ministre du Portugal (Crédits : HUGO CORREIA)

Le président de la république portugaise a confirmé dans son poste le premier ministre sortant Pedro Passos Coelho. Mais la gauche majoritaire va déposer une motion de censure et a fait le plein de ses voix pour la présidence de la chambre;

Le président de la République portugais, Anibal Cavaco Silva, a donc décidé de passer jeudi soir en force. Alors que les leaders des trois formations de gauche (Partis socialiste et communiste et bloc de gauche) majoritaires au parlement lui ont affirmé mardi et mercredi qu’ils étaient « en mesure de former un gouvernement stable », il a finalement décidé de confirmer le premier ministre sortant, Pedro Passos Coelho, à la tête du gouvernement.

Provoquer une scission au PS

Ce dernier se retrouve donc à la tête d’un gouvernement minoritaire soutenu uniquement par l’alliance de droite Portugal à Frente (PàF) qui a obtenu le 4 octobre dernier 38,4 % des voix et 107 des 230 sièges de l’Assemblée de la République, le parlement monocaméral portugais. La stratégie d’Anibal Cavaco Silva, lui-même ancien premier ministre conservateur de 1985 à 1995 consiste donc à passer en force pour éviter une alliance des trois forces de gauche qui, pourtant, serait sur le point d’être finalisée. Son idée est de provoquer une scission interne au Parti socialiste (PS) en invitant la droite de ce parti à ne pas voter la motion de censure qui va être inévitablement déposée contre Pedro Passos Coelho.

Utiliser l’euro comme levier

Pour les convaincre de pratiquer cette rupture, le président de la République a joué sur l’Europe. « L’observation des engagements internationaux est décisif et cruciale pour le financement de notre économie et la croissance de l’emploi. Hors de l’euro, le futur du Portugal sera catastrophique », a indiqué Anibal Cavaco Silva qui tente donc de transformer le choix de gouvernement en un choix pour ou contre l’euro. « C’est aux députés de décider en conscience et en prenant en compte les intérêts supérieurs du Portugal, si le gouvernement doit ou ne doit pas assumer pleinement les fonctions que je lui confie », a-t-il indiqué. La stratégie de la droite, appuyée par le président de la République est donc de faire de la motion de censure un vote sur l’euro et l’UE afin de convaincre la portion la plus europhile du PS de s’abstenir.

Les conditions de la censure

Pour éviter la censure, le gouvernement portugais doit éviter qu’une majorité absolue des députés vote cette motion, selon l’article 195 de la Constitution, soit 116 voix. Les trois partis de gauche détiennent ensemble 122 sièges. L’abstention de 7 députés PS sur 86 serait donc suffisante. Compte tenu de l’attitude encore incertaine du parti animaliste PAN, qui dispose d’un siège, il faudrait la défection de huit députés PS pour que le gouvernement de droite survive à cette motion. C’est ce que la dramatisation de l’enjeu vise à obtenir.

Le PS affirme sa détermination

La balle est désormais dans le camp d’Antonio Costa, le leader du PS, qui va devoir convaincre l’ensemble de ses troupes, et notamment sa droite, de voter la censure et de respecter la discipline du parti. Antonio Costa pourra avancer qu’il a déjà obtenu du Bloc de gauche (BE) et du parti communiste (PCP) l’acceptation du « cadre budgétaire européen » et qu’il fera du maintien dans l’euro la condition sine qua non de la coalition future. En tout cas, dès ce vendredi 23 octobre à deux heures du matin, le PS a répondu vigoureusement à la décision du président de la République. La Commission politique du parti a décidé de demander au groupe parlementaire socialiste de déposer une motion de censure. Parallèlement, elle a donné le feu vert officiel à Antonio Costa pour achever les discussions avec le PCP et le BE.

Rien ne dit que les élus PS suivront tous la discipline de parti, mais vendredi, la gauche a envoyé une réponse claire en élisant un député PS à l’Assemblée de la République, Ferro Rodrigues. Ce dernier a obtenu 122 sièges et a donc fait le plein des voix de gauche. De bon augure pour la motion de censure qui sera déposée par Antonio Costa. Et un désaveu pour Anibal Cavaco Silva.

Dans ces deux partis, on se dit déterminés à faire tomber Pedro Passos Coelho, mais cela ne dépend guère d’eux, mais plutôt des députés PS. Leur rôle sera plutôt désormais de donner des gages de leur bonne volonté et de leur refus de sortir de l’euro, de l’UE et de l’OTAN dans le cadre du prochain gouvernement à la droite du PS. D’une certaine façon, la décision d’Anibal Cavaco Silva pourrait aider Antonio Costa à contenir les exigences de ses deux partenaires de gauche pour arracher l’accord de tout le groupe parlementaire PS.

Tenir neuf mois

Le calcul du président de la République peut paraître à courte vue, car sans majorité, le gouvernement aura une marge de manœuvre réduite. Même si, en effet, il n’y a pas de majorité absolue pour renverser le gouvernement, ce dernier risque de ne pas disposer d’une majorité relative pour faire adopter ses voix, sauf si les défections atteignent plus de 15 députés. Mais Anibal Cavaco Silva vise à gagner du temps pour permettre une dissolution dès qu’elle sera possible, autrement dit six mois après l’élection présidentielle prévue en janvier. L’article 172 de la Constitution interdit toute dissolution six mois et après une élection présidentielle.

Instrumentalisation de l’euro

D’un point de vue européen, la situation portugaise ne manque pas d’intérêt. La droite portugaise tente en effet de contourner le vote du 4 octobre en instrumentalisant l’euro et l’UE. En faisant de la motion de censure un vote pour ou contre l’euro, l’hôte du palais de Belém tente de donner à la droite la majorité que les urnes ne lui ont pas accordé. Il s’agit, en réalité, de briser toute possibilité de constitution d’une politique alternative à celle menée depuis quatre ans par Pedro Passos Coelho, en créant une identité entre politique différente et appartenance à l’euro. C’est un jeu qui, à moyen terme, semble très périlleux.

Source : Romaric Godin, La Tribune, 23/10/2015


Source : Romaric Godin, La Tribune, 04/11/2015

Portugal : l’accord à gauche est difficile à trouver

Les trois partis de gauche portugais n’ont toujours pas trouvé d’accord, notamment en raison de la résistance des Communistes. Si aucun accord n’est signé avant le début de la semaine prochaine, la droite gardera le pouvoir.

La droite portugaise peut encore espérer rester au pouvoir. Lundi, le gouvernement dirigé par le premier ministre Pedro Passos Coelho, nommé premier ministre la semaine passée par le président de la République Anibal Cavaco Silva, se présentera devant l’Assemblée de la république, le parlement unicaméral du pays. Ce gouvernement n’est soutenu que par les deux partis de droite, le Parti social-démocrate (PSD) et le Centre Démocrate-social-parti populaire (CDS-PP) qui s’étaient regroupés dans la coalition « Portugal d’abord » (Portugal à Frente, PàF) pour les élections du 4 octobre. Or, cette coalition n’a obtenu que 38,36 % des voix et 107 des 230 députés. Elle est donc minoritaire.

Vote de confiance mardi ou mercredi

La constitution portugaise prévoit cependant qu’un gouvernement minoritaire puisse gouverner le pays s’il n’existe pas de coalition alternative. Mardi ou mercredi, un vote de confiance sera organisé au parlement et, pour renverser le gouvernement, il faudra absolument réunir au moins 116 députés. En théorie, la gauche dispose de 122 sièges, soit largement de quoi faire tomber le 20ème gouvernement du pays depuis le retour de la démocratie. Sauf qu’il faut, pour cela, s’entendre. Et c’est ici que le bât blesse encore.

Le leader du Parti socialiste (PS), Antonio Costa, tente de trouver depuis un mois un accord avec les deux formations de gauche radicale, le Bloc de Gauche (BE) et l’alliance CDU centrée sur le parti communiste (PCP). Le PS dispose de 86 sièges, le BE de 19 sièges et la CDU de 17 députés. L’accord est très difficile à trouver, car les positions de la gauche radicale et celles du PS sont assez éloignées. Mais la décision d’Anibal Cavaco Silva de nommer Pedro Passos Coelho sans attendre l’issue des discussions à gauche et sa volonté de présenter un gouvernement de gauche comme un danger pour la participation du pays à la zone euro, a renforcé la détermination des trois partis.

L’accord entre le PS et le Bloc de gauche

Selon le Diario Económico, le quotidien des affaires lusitanien, le PS et le Bloc de Gauche, parti assez proche de Syriza dans sa version pré-mémorandum, se sont mis d’accord sur un programme de gouvernement mardi 3 novembre. Ce programme prévoit de revaloriser les salaires de la fonction publique, une baisse de la TVA dans la restauration, le dégel des pensions, l’augmentation des pensions les plus faibles et le relèvement progressif du salaire minimum jusqu’à 600 euros sur trois ans. Pour financer ces dépenses nouvelles, l’accord prévoit de ne plus baisser l’impôt sur les sociétés et de durcir les conditions pour les baisses de charges des entreprises. Le BE a renoncé, par ailleurs, à demander une baisse de la TVA sur l’électricité.

Le PCP doit faire un choix rapidement

Mais, désormais, le PS doit convaincre le PCP et rien n’est moins simple. Les Communistes portugais sont traditionnellement très eurosceptiques et ils hésitent clairement à participer à un gouvernement qui, c’est une condition posée par le PS, acceptera et respectera le « cadre budgétaire européen. » Le blocage vient clairement de là pour le moment. Le chef des députés socialistes, Carlos César, a clairement mis la pression sur les Communistes ce mercredi 4 novembre en insistant sur le fait qu’il fallait un accord « signé et écrit » pour les quatre prochaines années avant le vote de confiance pour espérer avoir un gouvernement de gauche au Portugal. L’enjeu est donc bien pour le PS d’obtenir un appui du PCP pour les quatre prochaines années : Antonio Costa ne veut pas se retrouver dépendant d’un soutien « lâche » des Communistes dans son prochain gouvernement.

La balle est donc désormais dans le camp du PCP. Car si aucun accord n’est possible à gauche, le PS a déjà prévenu qu’il ne renversera pas le gouvernement. Avec 102 députés, une alliance PS-BE ne pourra pas disposer d’une majorité, même relative. Et le PS préfère rester dans l’opposition que dépendre du PCP au jour le jour. Sans accord, le PS ne votera pas la censure de Pedro Passos Coelho qui pourra donc continuer à gouverner.

Le PCP doit donc désormais faire un choix. Depuis le 4 octobre, il a très rapidement fait savoir qu’il était favorable à une solution à gauche pour renverser le gouvernement de droite. Il s’est toujours dit disponible pour une telle option. Acceptera-t-il le prix de cette coalition de gauche, autrement dit de renoncer à plusieurs de ses revendications et à sa liberté d’action ? La réponse est encore incertaine et c’est un des éléments qui devrait déterminer la constitution ou non d’un gouvernement de gauche.

Le PS divisé

Ce qui est certain, c’est que la marge de manœuvre d’Antonio Costa est assez limitée. Il ne peut guère faire davantage de concessions aux Communistes, notamment sur le cadre européen, au risque de devoir faire face à sa propre opposition interne à la droite du PS. Il existe en effet dans ce parti un courant défavorable à l’accord à gauche, le courant « alternatif. » Antonio Costa a convoqué samedi un Comité national du PS, le jour même d’une réunion prévue par ce courant. S’il ne s’y rend pas avec un accord acceptable, sa position risque d’être affaiblie. Autrement dit, le temps presse pour le PCP de choisir entre le maintien d’un gouvernement de droite en restant libre dans l’opposition ou la mise en place d’un gouvernement de gauche avec une liberté limitée, mais avec un programme d’infléchissement de la politique d’austérité. Si aucun accord n’est trouvé ce week-end, le président Anibal Cavaco Silva aura réussi son pari : maintenir au nom de l’euro la droite minoritaire au pouvoir.

 

Source : Romaric Godin, La Tribune, 04/11/2015


Et la dernière sortie de Farage au parlement pour finir :

Nous vous proposons cet article afin d'élargir votre champ de réflexion. Cela ne signifie pas forcément que nous approuvions la vision développée ici. Dans tous les cas, notre responsabilité s'arrête aux propos que nous reportons ici. [Lire plus]Nous ne sommes nullement engagés par les propos que l'auteur aurait pu tenir par ailleurs - et encore moins par ceux qu'il pourrait tenir dans le futur. Merci cependant de nous signaler par le formulaire de contact toute information concernant l'auteur qui pourrait nuire à sa réputation. 

Commentaire recommandé

Maria // 05.11.2015 à 07h53

Si c’est la même gauche qu’en Grèce, ça ne change pas grand chose 🙂

9 réactions et commentaires

  • pucciarelli // 05.11.2015 à 06h27

    -Le Président portugais sait très bien que le programme de la gauche posera assez rapidement le problème du maintien dans l’Euro. On peut donc considérer sa défiance fondée. Il reste qu’il fait un coup d’état en refusant à la gauche majoritaire d’accéder au pouvoir. Une fois encore, l’Europe actuelle ne peut se survivre avec un système démocratique.
    -Avec la Grèce et le Portugal, les Français sont prévenus: nul « mauvais » vote ne sera accepté par les partisans de l’Euro. On devrait le savoir depuis 2005. Avec la faiblesse grandissante du président Hollande, on doit craindre un coup de Trafalgar dans le cas où les anti euro gagneraient. Si Mme Le Pen devait l’emporter (ce qui ne relève plus d’un fantasme), on verrait au moins clairement comment elle se situe réellement par rapport à l’Euro.
    -Conclusion (hâtive): l’Europe et l’Euro, c’est la fin de l’état de droit et le chaos pratiquement assurés à court ou moyen terme. Chez nous, nul besoin d’une « révolution orange » importée: les troupes atlantistes sont à demeure. La lutte des classes gagnée par les nantis nous lègue une France brisée, potentiellement explosive. Les « grands médias » vont avoir fort à faire pour endormir le fauve.

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  • Maria // 05.11.2015 à 07h53

    Si c’est la même gauche qu’en Grèce, ça ne change pas grand chose 🙂

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  • Eric83 // 05.11.2015 à 09h41

    Rappelons-nous LA phrase de JC Juncker, président de la commission européenne qui exprime haut et fort que l’UE n’est pas une démocratie :

    « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

    Après la Grèce, le président portugais, fidèle aux diktats de l’UE, recevra ses bons points et les gratifications de la caste de l’UE.

    Tout ceci nous prouve, si il en était encore besoin, que LA solution pour sortir des diktats destructeurs pour les peuples de l’UE, c’est de sortir de l’Euro, de l’UE et de l’OTAN.

      +24

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  • Grégory // 05.11.2015 à 10h08

    C’est dingue. Les gars doivent « garantir qu’ils vont maintenir l’Euro » pour pouvoir être élu.

      +10

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  • Vladimir K // 05.11.2015 à 14h15

    Notre cher Nigel Farage sur ce sujet

    Toujours en pleine forme !

    https://www.youtube.com/watch?v=VlSUMIwfHig&feature=youtu.be

      +3

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  • Manuel Baptista // 05.11.2015 à 14h41

    vudesirius: le PSD (le parti du premier-ministre portugais) est si bien casé à droite (malgré son nom) qu’il n’a jamais été accepté dans l’internationale socialiste, et au parlement européen ses eurodéputés ont intégré (sans problème) le groupe conservateur…

      +3

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    • Jaime Horta // 05.11.2015 à 22h23

      Le PSD est de centre droit et non pas de gauche même s’il se dit « social » il n’est pas fondamentalement socialiste.

        +2

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  • Alain // 05.11.2015 à 19h15

    Tempête dans un verre d’eau, le PS pose comme condition le respect du cadre budgétaire européen; donc un tigre de papier de plus qui ne fera rien d’autre que la coalition de droite. Pas de quoi en faire un fromage

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    • Jaime Horta // 05.11.2015 à 22h29

      Tout à fait d’accord, au Portugal tout n’est qu’une vaste tartuferie en terme d’argument politique et économique, le but du jeu est essentiellement de conquérir le pouvoir et de s’y maintenir. La coalition de gauche est une autre tartuferie vu que le Bloc de gauche et les communistes détestent les socialistes.

        +6

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