Les Crises Les Crises
17.février.202317.2.2023 // Les Crises

Risque nucléaire : L’horloge de la Fin du monde annonce 90 secondes avant minuit

Merci 118
J'envoie

« Danger sans précédent » : La guerre entre la Russie et l’Ukraine rapproche les aiguilles de l’emblématique horloge de la Fin du monde de minuit, du jamais vu dans son histoire.

Source : Bulletin of the Atomic Scientists
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le Bulletin of the Atomic Scientists fait également référence aux bio-menaces, à la prolifération nucléaire, à la crise climatique, à la désinformation orchestrée par l’État et aux technologies disruptives.

WASHINGTON, 24 janvier 2023. L’horloge de la Fin du monde a été réglée à 90 secondes avant minuit, en raison principalement, mais pas exclusivement, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et du risque accru d’escalade nucléaire. La nouvelle heure de l’Horloge a également été affectée par les menaces persistantes liées à la crise climatique et l’effondrement des normes et institutions mondiales nécessaires pour atténuer les risques liés à l’avancée des technologies et aux menaces biologiques telles que la COVID-19.

Rachel Bronson, PhD [équivalent du doctorat, NdT] présidente et directrice générale du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Nous vivons à une époque de danger sans précédent, et l’heure de l’horloge de l’apocalypse reflète cette réalité. 90 secondes avant minuit, c’est là l’heure la plus proche de minuit que l’horloge ait jamais connue, et c’est une décision que nos experts ne prennent pas à la légère. Le gouvernement américain, ses alliés de l’OTAN et l’Ukraine disposent d’une multitude de canaux de dialogue ; nous exhortons les dirigeants à les explorer tous au maximum de leurs capacités afin de faire reculer les aiguilles de l’Horloge. »

L’heure de l’horloge de la Fin du monde est fixée par le Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin of the Atomic Scientists, avec le soutien du Conseil des sponsors du Bulletin, qui compte 10 lauréats du prix Nobel. Auparavant, l’horloge de l’apocalypse était restée fixée à 100 secondes avant minuit depuis 2020.

Selon la déclaration des experts de l’horloge de la Fin du monde, « la guerre de la Russie contre l’Ukraine a soulevé des questions essentielles sur la façon dont les États interagissent, érodant les normes de politique internationale qui sous-tendent des réponses efficaces à toute une variété de risques mondiaux. Et, pire que tout, les menaces à peine voilées de la Russie d’utiliser des armes nucléaires rappellent au monde que l’escalade du conflit – accidentellement, délibérément ou par erreur – est un risque terrible. La possibilité que le conflit échappe à tout contrôle reste élevée. La Russie a également déplacé sa guerre sur les sites des réacteurs nucléaires de Tchernobyl et de Zaporizhzhia, violant ainsi les protocoles internationaux et risquant de libérer massivement des matières radioactives. Les efforts déployés jusqu’à présent par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour sécuriser ces centrales ont été vains ». Cette déclaration a été traduite en ukrainien et en russe.

Mary Robinson, présidente de The Elders [Les Anciens ou Sages universels est une ONG regroupant des personnalités publiques reconnues comme personnalités d’État, activistes politiques pour la paix et avocats des droits de l’homme rassemblés par Nelson Mandela en 2007, NdT] et ancienne haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, a déclaré :

« L’horloge de la Fin du monde sonne une alerte qui doit être entendue par l’humanité tout entière. Nous sommes au bord d’un précipice. Mais nos dirigeants ne sont pas suffisamment réactifs pour garantir que la planète soit pacifique et vivable. Qu’il s’agisse de réduire les émissions de carbone, de renforcer les traités de contrôle des armements ou d’investir dans des mesures de protection face aux pandémies, nous savons ce qu’il faut faire. Les données scientifiques sont claires, mais la volonté politique fait défaut. En 2023 les choses doivent changer si nous voulons éviter une catastrophe. Nous sommes confrontés à des crises multiples et existentielles. Les dirigeants se doivent de faire preuve d’un état d’esprit qui soit à la hauteur d’une crise. »

Ban Ki-moon, vice-président des Sages universels et ancien secrétaire général des Nations unies, a déclaré :

« Il y a trois ans, j’ai participé à la cérémonie de présentation de l’horloge de l’apocalypse lorsque ses aiguilles ont été bougées pour la dernière fois. Aujourd’hui, elles sont encore plus proches de minuit, montrant à quel point notre monde devient de plus en plus périlleux suite à la pandémie de COVID-19, aux événements climatiques extrêmes et à la monstrueuse guerre de la Russie contre l’Ukraine. Les dirigeants n’ont pas tenu compte des mises en garde de l’Horloge de la fin du monde en 2020. Nous continuons tous à en payer le prix. En 2023, il est vital pour notre bien à tous qu’ils agissent. »

Elbegdorj Tsakhia, ancien président de la Mongolie et membre des Sages universels, a ajouté : « En tant qu’ancien président d’un pays enclavé entre deux grandes puissances, je sais combien la diplomatie internationale est importante lorsqu’il s’agit de faire face à des menaces existentielles. Aujourd’hui, notre monde est confronté à de multiples crises. Elles ont toutes un point commun : l’échec du leadership. Nous avons besoin d’une réponse collective ancrée dans l’esprit et les valeurs de la Charte des Nations unies, qui puisse nous remettre sur la voie de la coexistence pacifique et du développement durable. »

Sivan Kartha, PhD, chercheur chevronné à l’Institut environnemental de Stockholm, auteur principal du sixième rapport d’évaluation du GIEC et membre du Science and Security Board (SASB) du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Pour faire face au changement climatique, il faut avoir foi dans les institutions et la coopération multilatérales. La faille géopolitique ouverte par l’invasion de l’Ukraine a fragilisé la confiance entre les pays et ébranlé leur volonté de coopération à l’échelle mondiale. »

Suzet McKinney, DrPH, présidente et directrice des sciences de la vie, Sterling Bay, et membre du Science and Security Board (SASB), Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Des événements dévastateurs comme la pandémie de COVID-19 ne peuvent plus être considérés comme des événements rares, ne survenant qu’une fois par siècle. Cependant, les catastrophes provoquées par les maladies peuvent être évitées si les pays du monde entier coopèrent pour mettre en place des stratégies sanitaires mondiales. »

Steve Fetter, docteur en philosophie, doyen de l’école supérieure et professeur de politique publique à l’université du Maryland, fellow de l’American Physical Society, membre du comité de l’Académie nationale des sciences sur la sécurité internationale et la maîtrise des armements, et membre du Science and Security Board (SASB) du Bulletin of the Atomic Scientists, a déclaré : « Même si l’utilisation du nucléaire est évitée en Ukraine, la guerre a remis en cause l’ordre nucléaire, le système d’accords et d’ententes qui se sont construits depuis six décennies pour limiter les dangers de l’armement nucléaire. »

La déclaration de l’Horloge de l’apocalypse de 2023 détaille d’autres menaces et multiplicateurs de menaces au-delà des risques les plus immédiats liés à la guerre Russie-Ukraine :

Les armes nucléaires

Le dernier traité sur les armes nucléaires entre la Russie et les États-Unis, le New START, est en péril. À moins que les deux parties ne reprennent les négociations et ne trouvent une base pour de nouvelles réductions d’armes, le traité expirera en février 2026. Ce qui supprimerait les inspections réciproques, renforcerait la méfiance, encouragerait une course aux armements nucléaires et augmenterait l’éventualité d’une confrontation nucléaire.

Le considérable renforcement des capacités nucléaires de la Chine est particulièrement préoccupant, au vu de son refus systématique d’envisager des mesures destinées à améliorer à la fois transparence et prévisibilité. Selon le ministère américain de la défense, Pékin pourrait multiplier son arsenal par cinq d’ici 2035 et rivaliser sous peu avec les capacités nucléaires des États-Unis et de la Russie, ce qui entraînerait des conséquences impossibles à prévoir en termes de stabilité.

La Corée du Nord a considérablement intensifié ses essais de missiles à portée intermédiaire et à plus longue portée. Fin mars, elle a lancé avec succès un missile balistique intercontinental pour la première fois depuis 2017. Au cours des mois suivants, elle a également lancé de nombreux autres missiles balistiques, la plupart de courte portée. Et ce qui est sans doute le plus inquiétant, le 4 octobre, la Corée du Nord a lancé un missile balistique de portée intermédiaire au-dessus du Japon. Dans le même temps, les responsables américains soutiennent que la Corée du Nord se prépare à effectuer son septième essai d’arme nucléaire.

L’Iran continue d’accroître sa capacité d’enrichissement de l’uranium, bien que sous surveillance internationale, indépendamment des limites du plan d’action global conjoint qui le restreignait autrefois. Le pays se rapproche ainsi d’une capacité d’armement nucléaire, s’il décide de franchir ce seuil. Le retour à l’accord nucléaire réduirait les risques et permettrait de progresser, et les États-Unis, l’Europe et d’autres pays ont déployé des efforts considérables pour relancer l’accord. Mais l’instabilité en Iran et le soutien de Téhéran à la guerre de la Russie contre l’Ukraine compliqueront la réussite de négociations visant à empêcher l’Iran de se doter d’armes nucléaires.

L’Inde continue de moderniser son arsenal nucléaire de quelque 160 ogives, et de nouveaux systèmes de lancement sont en cours de développement pour compléter ou remplacer les avions déjà dotés d’une capacité nucléaire, les lanceurs terrestres et les systèmes maritimes existants. Le Pakistan dispose d’un arsenal de taille similaire et continue de développer ses ogives, ses systèmes de lancement et sa production de matières fissiles.

Les États-Unis, la Russie et la Chine poursuivent désormais de véritables programmes de modernisation de leur armement nucléaire, ce qui ouvre la voie à un très périlleux « troisième âge nucléaire » de la concurrence. Les préoccupations de longue date concernant la course aux armements en Asie du Sud et la course aux missiles en Asie du Nord-Est complètent un tableau sombre dont nous devons nous inquiéter.

Crise climatique

Les effets de la guerre entre la Russie et l’Ukraine ne se limitent pas à une augmentation du danger nucléaire ; on constate également que la guerre entrave les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. Les pays qui dépendent du pétrole et du gaz russes ont cherché à diversifier leurs approvisionnements et leurs fournisseurs, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le gaz naturel, alors même que ces investissements auraient dû diminuer.

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone provenant des combustibles fossiles, après avoir rebondi suite au déclin économique due à la COVID pour atteindre un niveau record en 2021, ont continué à augmenter en 2022 et ont atteint un nouveau record. La baisse des émissions chinoises a été éclipsée par une hausse aux États-Unis, en Inde et ailleurs.

Non seulement les phénomènes météorologiques extrêmes ont continué à faire des ravages dans diverses régions du globe, mais ils ont été attribués de manière plus évidente au changement climatique. Les pays d’Afrique de l’Ouest ont connu des inondations parmi les plus meurtrières de leur histoire, en raison de précipitations dont la probabilité a été multipliée par 80 à cause du changement climatique. L’été dernier, des températures extrêmes en Europe centrale, en Amérique du Nord, en Chine et dans d’autres régions de l’hémisphère nord ont entraîné des pénuries d’eau et une sécheresse des sols qui ont à leur tour conduit à de mauvaises récoltes, compromettant davantage la sécurité alimentaire à un moment où le conflit en Ukraine a déjà entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires. Le Pakistan a été confronté à des inondations majeures dues à une « mousson dopée aux stéroïdes » qui a inondé un tiers du pays, affectant directement 33 millions de personnes et déclenchant des effets en cascade, notamment une importante perte de récolte, une épidémie de maladies véhiculées par l’eau et la destruction d’infrastructures, de maisons, de cheptel et de moyens de subsistance.

Bio-menaces

Des événements dévastateurs comme la pandémie de COVID-19 ne peuvent plus être considérés comme des événements rares, qui ne surviennent qu’une fois par siècle. Le nombre total et la diversité des épidémies de maladies infectieuses ont considérablement augmenté depuis 1980, plus de la moitié d’entre elles étant causées par des zoonoses (c’est-à-dire des maladies transmises aux humains depuis les animaux). En tant que telles, les zoonoses exposent la population humaine à un risque important de pandémie. Les 26 familles de virus et les nombreux phylums de bactéries et autres microbes connus pour infecter l’homme présentent une immense diversité non encore répertoriée. La communauté scientifique internationale est très mal outillée pour pouvoir prédire lesquels de ces virus et microbes sont les plus susceptibles de provoquer des maladies chez l’homme.

Les accidents de laboratoire continuent de se produire fréquemment. Les possibilités d’erreur humaine, la compréhension limitée des caractéristiques des nouvelles maladies, le manque de connaissances des autorités locales sur les types de recherches menées dans les laboratoires de leur juridiction et la confusion concernant les exigences de sécurité des laboratoires sont autant de facteurs qui remettent en question les programmes actuels de biosécurité et de sûreté biologique des laboratoires. Il est également plus facile que jamais d’obtenir et de modifier des agents pathogènes, ce qui augmente les risques de pandémies causées par des accidents de laboratoire.

Les événements récents – notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses efforts continus dans la désinformation concernant les armes biologiques – ont modifié le paysage des menaces biologiques. Le risque que la Russie s’engage dans une guerre biologique augmente à mesure que les conditions en Ukraine deviennent plus chaotiques, provoquant un affaiblissement des règles de la guerre. L’escalade de celle-ci en Ukraine fait peser sur l’humanité de nombreuses menaces potentiellement existentielles, dont l’une est biologique.

Désinformation et menaces technologiques

Sur le front de la désinformation, il y a eu quelques bonnes nouvelles : pour l’essentiel, l’électorat américain a rejeté les négationnistes des élections de 2022, et en France, le président Emmanuel Macron a surmonté un défi historique lancé par la candidate d’extrême droite de son pays, Marine Le Pen. Pendant ce temps, l’administration Biden a poursuivi ses efforts pour accroître le rôle des scientifiques en matière de prise de décision dans les politiques publiques.

Par contre, la désinformation cybernétique se poursuit sans relâche. Aux États-Unis, l’opposition politique à un « Conseil de gouvernance en matière de désinformation » proposé par le ministère de la Sécurité intérieure reposait sur des déclarations délibérément faussées et sur une volonté de destruction personnelle. En dépit du caractère inconsistant et trompeur de ses messages, l’opposition a réussi à amener le ministère à retirer sa proposition. Ces types d’attaques ne sont guère nouveaux, mais ils sont emblématiques de la corruption dans le domaine de l’information.

En Russie, parallèlement, le contrôle gouvernemental de la sphère de l’information a fait obstacle à une diffusion à grande échelle d’informations véridiques sur la guerre en Ukraine. L’utilisation par la Chine des technologies de surveillance s’est poursuivie à un rythme soutenu au Xinjiang. Comme nous l’avons déclaré l’année dernière, l’utilisation intensive des technologies de surveillance a des implications inquiétantes en matière de droits humains et constitue une menace manifeste à l’encontre de la société civile.

Le président russe Vladimir Poutine a également transgressé les normes de comportement dans l’espace, menaçant publiquement d’utiliser une arme antisatellite contre le réseau américain Starlink, arguant qu’il ne s’agit pas seulement d’un système commercial, mais aussi d’un système militaire. L’Ukraine a utilisé Starlink dans le cadre de son conflit avec la Russie.

Le Bulletin of the Atomic Scientists a été fondé en 1945 par Albert Einstein, J. Robert Oppenheimer, Eugene Rabinowitch et des scientifiques de l’université de Chicago qui ont participé au développement des premières armes atomiques dans le cadre du projet Manhattan. Les scientifiques ont estimé qu’ils « ne pouvaient pas rester indifférents quant aux conséquences de leur travaux » et ils se sont efforcés d’informer le public et les responsables politiques des menaces que l’homme fait peser sur l’existence humaine.

L’Horloge de la fin du monde a été créée en 1947 par le Bulletin of the Atomic Scientists pour montrer à quel point l’humanité est proche de l’autodestruction. Conçue par le peintre Martyl Langsdorf, l’horloge est devenue un symbole international de la vulnérabilité du monde aux catastrophes dues aux armes nucléaires, au changement climatique et aux technologies disruptives.

Source : Bulletin of the Atomic Scientists – 24-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises


Une période de danger sans précédent : il reste 90 secondes avant minuit.

Fondé en 1945 par Albert Einstein et des scientifiques de l’université de Chicago qui ont participé à la mise au point des premières armes atomiques dans le cadre du projet Manhattan, le Bulletin of the Atomic Scientists a créé l’horloge de l’apocalypse deux ans plus tard, en utilisant l’imagerie de l’apocalypse (minuit) et l’idiome contemporain de l’explosion nucléaire (compte à rebours vers zéro) pour illustrer les menaces qui pèsent sur l’humanité et la planète. L’horloge de l’apocalypse est fixée chaque année par le Conseil pour la science et la sécurité du Bulletin, en consultation avec son comité de sponsors, qui compte dix lauréats du prix Nobel. L’horloge est devenue un indicateur universellement reconnu de la vulnérabilité du monde à une catastrophe mondiale causée par des technologies d’origine humaine.

Source : Bulletin of the Atomic Scientists – 24-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Cette année, le Science and Security Board du Bulletin of the Atomic Scientists avance les aiguilles de l’horloge de l’apocalypse, en grande partie (mais pas exclusivement) en raison des dangers croissants de la guerre en Ukraine. L’horloge se trouve maintenant à 90 secondes avant minuit – le moment le plus proche de la catastrophe mondiale qu’elle ait jamais connu.

La guerre en Ukraine pourrait entrer dans une deuxième année effroyable, les deux camps étant convaincus de pouvoir gagner. La souveraineté de l’Ukraine et les accords de sécurité européens au sens large qui ont largement perduré depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale sont en jeu. En outre, la guerre de la Russie contre l’Ukraine a soulevé de graves questions sur la manière dont les États interagissent, érodant les normes de politique internationale qui sous-tendent des réponses efficaces à toute une variété de risques mondiaux.

Et pire encore, les menaces à peine voilées de la Russie d’avoir recours à des armes nucléaires rappellent au monde que l’escalade du conflit – accidentellement, délibérément ou par erreur – est un risque terrible. La possibilité que le conflit échappe à tout contrôle reste élevée.

Les récentes actions de la Russie contreviennent à des décennies d’engagements pris par Moscou. En 1994, la Russie s’est jointe aux États-Unis et au Royaume-Uni à Budapest, en Hongrie, pour déclarer solennellement qu’elle « respecterait l’indépendance et la souveraineté ainsi que les frontières existantes de l’Ukraine » et « s’abstiendrait de menacer ou d’utiliser la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine… ». Ces garanties ont été explicitement données à la condition que l’Ukraine renonce aux armes nucléaires sur son sol et signe le Traité de non-prolifération nucléaire, ce qu’elle a fait.

La Russie a également déplacé sa guerre sur les sites des réacteurs nucléaires de Tchernobyl et de Zaporizhzhia, violant ainsi les protocoles internationaux et risquant de libérer massivement des matières radioactives. Les efforts déployés jusqu’à présent par l’Agence internationale de l’énergie atomique pour sécuriser ces centrales sont restés vains.

Alors que la guerre de la Russie contre l’Ukraine se poursuit, le dernier traité existant concernant les armes nucléaires entre la Russie et les États-Unis, le New START, est en péril. À moins que les deux parties ne reprennent les négociations et ne trouvent une base pour de nouvelles réductions d’armes, le traité expirera en février 2026. Ce qui supprimerait les inspections réciproques, renforcerait la méfiance, encouragerait une course aux armements nucléaires et augmenterait l’éventualité d’une confrontation nucléaire.

Comme le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, l’a signalé en août, le monde est entré dans « une période de danger nucléaire sans précédent depuis l’apogée de la guerre froide ».

Les effets de la guerre ne se limitent pas à une augmentation du danger nucléaire ; ils sapent également les efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. Les pays qui dépendent du pétrole et du gaz russes ont cherché à diversifier leurs approvisionnements et leurs fournisseurs, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le gaz naturel, alors même que ces investissements auraient dû diminuer.

Dans le contexte d’une guerre chaude [Une guerre chaude implique une déclaration de guerre, des combats physiques entre des soldats sur le terrain, etc. Dans une guerre chaude, il y a des armes, des batailles, des morts. Il y a la volonté de prendre des territoires à son ennemi, Ndt] et sur fond de menaces nucléaires, les fausses accusations de la Russie selon lesquelles l’Ukraine prévoirait d’utiliser des dispositifs de dispersion radiologique, des armes chimiques et des armes biologiques prennent également une nouvelle dimension. Le flux permanent de désinformation quant à des laboratoires d’armes biologiques en Ukraine fait craindre que la Russie elle-même n’envisage de déployer de telles armes, dont de nombreux experts pensent qu’elle continue de les développer.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a accru le risque d’utilisation d’armes nucléaires, fait planer le spectre de l’utilisation d’armes biologiques et chimiques, paralysé la réponse du monde au changement climatique et entravé les efforts internationaux visant à résoudre d’autres problèmes mondiaux. L’invasion et l’annexion du territoire ukrainien sont des violations flagrantes des normes internationales et sont telles que d’autres pays pourraient s’en trouver encouragés à prendre des mesures qui remettent en question les accords antérieurs et menacent la stabilité.

Il n’existe pas de chemin tout tracé pour instaurer une paix juste qui découragerait toute agression future sous couvert d’armes nucléaires. Mais à tout le moins, les États-Unis doivent laisser la porte ouverte à un engagement de principe avec Moscou afin de réduire la dangereuse aggravation du risque nucléaire engendrée par la guerre. L’un des éléments de la réduction des risques pourrait consister en des contacts militaires américains de haut niveau avec la Russie afin de réduire tout risque d’une erreur de calcul. Le gouvernement américain, ses alliés de l’OTAN et l’Ukraine disposent d’une multitude de canaux de dialogue ; ils doivent tous être explorés. Trouver la voie de négociations de paix sérieuses pourrait contribuer grandement à réduire le risque d’escalade. En cette période de danger mondial sans précédent, une action concertée est nécessaire, et chaque seconde compte.

Source : Bulletin of the Atomic Scientists – 24-01-2023
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

22 réactions et commentaires

  • yann // 17.02.2023 à 07h31

    Après la création du monde en 7 jours, la fin du monde en 90 secondes.
    Bonjour la science…

      +15

    Alerter
  • calal // 17.02.2023 à 09h06

    « Les événements récents – notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses efforts continus dans la désinformation concernant les armes biologiques – ont modifié le paysage des menaces biologiques. Le risque que la Russie s’engage dans une guerre biologique augmente à mesure que les conditions en Ukraine deviennent plus chaotiques, »
    wouah!
    marrant les pro russes disent que c’est celui qui le dit qui l’est: ils pretendent qu’il y aurait des laboratoires de recherche en guerre biologiques us sur le sol ukrainien et il semble que des videos montrent des soldats ukrainiens armer des drones avec des munitions etant soit chimique soit biologique.

    bref, comme d’hab on est dans une situation ou tout le monde doit assumer soit le role du bourreau (russes et pro russes),soit celui de la victime(ukraine) soit celui du sauveur (tout ceux qui sont contre les russes). Aucune position ou reflexion plus nuancee ne sera toleree.
    Etre neutre c’est deja basculer du cote des « bourreaux » si vous ecoutez les « sauveurs »…
    la question principale restant « est ce que la victime est vraiment la victime, le bourreau vraiment un bourreau ou sont ils tous deux juste des gens en desaccord qui voient chacun midi a leur porte? « 

      +22

    Alerter
    • Linder // 17.02.2023 à 11h01

      Ce ne sont pas les pro russes qui disent que les ukrainiens ont des labos mais Victoria Nuland, sous serment.

        +21

      Alerter
  • Benoid Machin In // 17.02.2023 à 09h54

    Les accords afin de réduire les arsenaux nucléaires russe et américain furent unilatéralement reniés par les usa quand ils crurent la Russie faible, les mêmes qui arment maintenant de « mini bombes » nucléaires les aviations des pays européens dans l’ OTAN. Le nucléaire sans la dissuasion est la nouveauté , de la techno très disruptive. Pas un mot sur l’arsenal nucléaire israélien ( c’est mal poli ) mais toujours cette crainte de voir l’Iran fabriquer ses propres bombes, autant les attaquer avant ! La démocratie préventive par bombardements . Ces associations « internationales » américaines ne dénoncent jamais les violations du droit international depuis au moins les guerres contre l’Irak, la Syrie, la Lybie, la Serbie ( grâce à Mrs Clinton et Juppé par exemple ) etc. Au fait les accords de Minsk c’était pour rire ? Seule l’Amérique a déjà largué deux bombes nucléaires mais ce sont ces soutiens qui font ici la leçon … Ceux qui ont bafoué et donc décrédibilisé l’ ONU à jamais pleurnichent ici mais il ne fallait pas casser le jouet. Ha ! si tous les gars du monde … se soumettaient une fois pour toutes aux américains pour la paix encadrée dans la bonne mondialisation sécurisée…Dommage que nous n’ayons pas la traduction de propagande venant d’Inde,de pays d’amérique du sud , de la Chine et d’ailleurs de notre occident libéral représentant moins de 20% de la population mondiale. juste pour vérifier qu’ils pensent mal et ne veulent que la misère et la guerre

      +27

    Alerter
  • Daniel // 17.02.2023 à 09h58

    pour faire reculer la pendule de la guerre,
    ce serait bien d’être au courant des actions des partisans de la Paix : Les Crises pourrait très bien avoir une page « remettre les pendules à l’heure de la Paix » avec toutes les actions / déclarations allant dans le sens de la Paix en France et au delà .
    j’ai vu celle là par exemple https://www.mvtpaix.org/wordpress/agenda/mobilisation-mondiale-pour-la-paix-les-24-et-25-fevrier-2023/

    NB : malheureusement, pour l’instant on a vite fait le tour :
    le Pape fin 2022 , Arno Klarsfeld début 2023 et …. pas grand monde de plus à ma connaissance ….
    Si des lecteurs des Crises étaient au courant d’initiative, ce serait bien de les partager 🙂

      +11

    Alerter
    • Lev // 17.02.2023 à 12h45

      Il y a aussi le mouvement anglais Stop thé war, l’appel aux USA à manifester contre la guerre de Andrée en association avec des syndicalistes, des manifestations sont prévues en Italie, Belgique. Un appel à signer circule en Deance…

        +4

      Alerter
    • Grd-mère Michelle // 19.02.2023 à 16h57

      Manifestation nationale contre la guerre en Ukraine
      Dimanche prochain, le 26/2 à 13h, rassemblement à la Gare du Nord à Bruxelles

      http://www.cnapd.be/edito-meilleurs-voeux-et-bon-anniversaire-au-tian/

      Cliquer sur STOP WAR IN UKRAINE!

        +0

      Alerter
  • Danton // 17.02.2023 à 10h03

    Encore un machin anglo-saxon, un petit club, qui nous dit : « c’est la faute aux autres ».
    La seule chose qu’ils auraient a dire c’est que le monde sera beaucoup moins dangereux quand USA et GB arrêteront d’y foutre la m…
    Raz le bol de ce genre de bidule.
    Toutes les présentations des problèmes sont biaisés politiquement.
    Et ce genre de Tartufe se prennent pour des scientifiques et des sages.
    Décidément, les « intellectuels » occidentaux et anglo saxons en particulier sont de plus en plus dégénérés.

      +20

    Alerter
  • Danton // 17.02.2023 à 10h07

    Et ce n’est pas la Russie qui a avancé ses frontières trois fois vers l’OTAN, qui a fomenté des révolutions de couleur hostiles aux USA un peu partout dans l’OTAN et à sa periphérie et ce n’est pas l’armée russe qui a installé des dizaines de labos militaires au Canada, au Mexique, au Groenland ou à Saint Pierre et Miquelon.

      +35

    Alerter
  • JEAN DUCHENE // 17.02.2023 à 12h54

    Et puis l’essentiel est que le texte ne remet pas un seul instant en cause le mode de production capitaliste, véritable responsable du dérèglement climatique et des menaces d’apocalypse nucléaire. La menace est bien réelle mais l’exposition des responsabilités n’est pas sérieuse. Et ce manque de sérieux nous rapproche encore davantage de la fin du monde.

      +13

    Alerter
  • Lt Briggs // 17.02.2023 à 14h05

    Il ne faudrait tout de même pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Cet article ne fera certes pas sortir les dirigeants occidentaux de leur zone de confort, mais il repose sur des faits. Les catastrophes s’accumulent bel et bien : guerre à grande échelle en cours dans laquelle des puissances nucléaires sont directement ou indirectement impliquées, traités de limitation des armements arrivant à leur terme, réchauffement climatique, sans même parler de « détails » (continent de plastique à la dérive, etc.). A la lecture de la plupart des commentaires, on dirait que chacun prend un plaisir coupable (ou pas) à trouver des biais dans le texte pour mieux ne pas voir des problèmes pourtant structurels. Une fois que vous avez dit que les Etats-Unis ont une part de responsabilité dans cette guerre et qu’ils ne respectent pas plus le droit international que la Russie, les problèmes listés restent. De ce point de vue, c’est un texte important.

      +2

    Alerter
    • Pierrot // 19.02.2023 à 10h59

      Le problème avec ce texte, c’est qu’il expose des points de vue partiaux, basés sur le déni de faits importants, et qui justifient aux yeux de certains cette « Pax Americana » imposée au moyen de la guerre et du saccage de la planète.

      C’est tout au contraire en tentant d’accorder du crédit à ce texte de propagande qu’on risque de passer à côté de nombre des principaux problèmes (notamment structurels) qui sont responsables de la situation, parce qu’il les tait ou en fait des présentations biaisées ou carrément fausses.

        +1

      Alerter
      • Lt Briggs // 19.02.2023 à 12h59

        La guerre en cours avec des puissances nucléaires qui se défient est grosse de dangers et empêche de traiter d’autres questions telles que le climat. Ce point est peu évoqué par les grands médias. Libre à vous de ne pas traiter le sujet sous couvert de passages qui ne vous plaisent pas. La part de responsabilité de chacun dans la guerre en cours est une vaste question. Que proposez-vous ? Un symposium avant de seulement évoquer cette question ? C’est tout simplement impossible. Le droit international est lui-même tendancieux, il n’y a qu’à voir le bilan de la cour pénale internationale. Une phrase telle que « L’horloge de la Fin du monde a été réglée à 90 secondes avant minuit, en raison principalement, mais pas exclusivement, de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et du risque accru d’escalade nucléaire » ne me choque pas. Ou alors c’est peut-être un vent violent qui a fait franchir la frontière ukrainienne à 150 000 soldats russes.

        Après, comme je disais dans mon premier commentaire, certains points du texte sont en effet très orientés. Mais de grâce, ne dégainons pas trop facilement d’excellents prétextes pour passer à autre chose. Marre d’entendre des « C’est aux entreprises à bouger, pas aux simples citoyens », « Nous on veut bien mais les gens ne veulent pas », « C’est une question de riches », Si l’occident fait ça seul, c’est perdu d’avance », etc etc.

          +2

        Alerter
  • Savonarole // 17.02.2023 à 14h42

    L’hiver nucléaire ça a l’air dangeureux comme ça , mais si on voit ça comme une solution au réchaufement climatique , tout de suite c’est moins anxiogène 🙂
    Ne nous laissons pas gouverner par la peur des problèmes , cherchons y des solutions !

      +7

    Alerter
    • JPP // 20.02.2023 à 14h38

      Au dela de la plaisanterie, car il faut sans doute disparaitre plutôt en rillant qu’en pleurant (ce qu’a mis en pratique l’authentique espion Ian Fleming auteur des OO7, ses derniers mots ayant été « tout cela n’aura été qu’une énorme plaisanterie » ) au maximum des tensions interétatiques et des très nombreux essais atomiques militaires dans l’atmosphère à coup de bombes A et H de dizaines de mégatonnes, la radioactivité atmosphérique et la diffusion massive de particules radioactives devenant préoccupantes de nombreux scientifiques mondiaux ont alors lancé un avertissement mondial qui a été finalement entendu et ces folies atmosphériques ont cessé.

        +0

      Alerter
  • Lev // 17.02.2023 à 15h37

    Il me semble qu’il avait été déjà 90 secondes avant minuit en 1962 lorsque le président américain démocrate Kennedy avait menacé Cuba d’une attaque nucléaire

      +1

    Alerter
    • alain maronani // 17.02.2023 à 18h28

      Kennedy n’a jamais dit ceci. Il a résisté aux militaires américains qui voulaient envahir Cuba.

        +1

      Alerter
      • JPP // 17.02.2023 à 19h49

        C’est une réflexion assez drôle car Kennedy a autorisé au tout début de son mandat,la tentative lamentable de débarquement à Cuba au niveau de la baie des cochons, opération préparée pa la CIA sous Eisenhower.

          +3

        Alerter
        • alain maronani // 17.02.2023 à 20h34

          Pas une réflexion drôle, un fait historique parfaitement documenté dans les archives présidentielles de l’ère Kennedy.

          Il y avait à l’époque 55.000 militaires russes stationnés a Cuba. On peut encore admirer les immeubles et casernements construits pour eux sur cette île, occupés maintenant par des cubains.

          Kennedy n’écoutera pas les militaires et décidera pour un blocus naval du pays et finalement Kroutchev se résoudra a évacuer le pays.

            +1

          Alerter
          • JPP // 20.02.2023 à 14h21

            Et on peut aussi rajouter que les fusées à tête atomique mises en place par les USA en Turquie, au flanc sud de l’URSS pour menacer directement Moscou ont parait il été retirées, ce qui pouvait être le point de départ réel de l’Affaire de Cuba.
            A noter que l’ukrainien Kroutchev a finalement payé le prix de cette dangereuse partie de Poker menteur à l’échelle planètaire mais qu’il est tout de même mort naturellement dans son lit.
            Sous Reagan il y a eu une nouvelle tension majeure avec risque nucléaire suite à des manoeuvres de l’OTAN interprétées comme attaque atomique surprise sur l’URSS, crise désamorcée grâce à un agent double. En effet les Russes s’attendent par principe depuis 1946 à une attaque atomique préventive massive des USA, raison pour laquelle leur pays est littéralement truffé d’abris anti atomiques du style de ce qu’on a pu voir à Marioupole, ce qui leur donne, avec l’immensité continentale du pays un avantage certain en cas d’échange atomique même en cas d’attaque inopinée US.

              +1

            Alerter
        • Myrkur34 // 18.02.2023 à 05h19

          En fait, Kennedy savait très bien que le soutien populaire à la révolution castriste était conséquent et entier et donc qu’il allait faire une grosse bêtise. Mais que voulez-vous, l’alliance objective entre les pontes de la Cia (pas de cocos à 300 kms de la Floride) et les principaux chefs de la Mafia américaine (qui voulaient récupérer la propriété sur leurs juteux casinos) et le fameux donnant-donnant de cette même Mafia américaine pour le gros coup de pouce lors des élections primaires du jeune Kennedy ont entrainé cette décision funeste et le report immédiat aux calendes grecques après son fiasco, de toute invasion américaine de l’île.
          Comme vous le savez, la mafia l’a très mal pris et a soldé définitivement le compte débiteur de sa section cubaine par le crédit (mortuaire) de la section famille Kennedy.

            +6

          Alerter
          • JPP // 20.02.2023 à 14h02

            Les frères Kennedy s’étaient fait tellement d’ennemis qu’il sera toujours très difficile de savoir quels groupements d’intérêts étaient les vrais responsables de leurs assassinats. Les morts étranges de plusieurs témoins anonymes placés pour leur plus grand malheur sur le dernier parcours de John Kennedy laissent à penser que ces donneurs d’ordres étaient très proches du sommet de l’état US.

              +1

            Alerter
  • Afficher tous les commentaires

Les commentaires sont fermés.

Et recevez nos publications